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et débat d'idées

Chez soi, où?

Dans le sillage de l’exposition au MUCEM, un collectif de chercheurs, d’artistes et d’écrivains interrogent la notion, à la fois intime et politique, de « retour ».

« Je ne reviens pas. Je viens. Personne ne peut revenir au lieu imaginé ou à l’homme qu’il a été. Birwa n’existe plus. Et le droit au retour n’est pas vraiment promis. Je viens mais je ne reviens pas. Je viens mais je n’arrive pas. Et ce n’est pas seulement de la poésie. C’est la réalité. J’ai rendu visite à une partie de ma patrie. À Gaza je me suis senti très étranger. Car le pays est beau s’il est entier. C’est la géographie tout entière qui fait la beauté de notre pays. J’y suis allé sans illusion. J’étais prêt à la déception et je l’ai trouvée. Mais revenir à l’homme qui fut et au lieu qui fut, cela est impossible. » Les mots de Mahmoud Darwich dans La Palestine comme métaphore (Actes Sud, 1997) donnent le la à cet ouvrage qui questionne avec finesse ce mot qui recouvre désir, regret, choix personnel, injonction gouvernementale et rappelle que la Méditerranée, malgré le repli terrible de l’Europe, a toujours été et ne cessera d’être un espace de circulation.

« Chez moi chez toi »

Clef d’une maison palestinienne quittée lors de la Nakba

L’expo au MUCEM, à Marseille, qui a lieu jusqu’en mars 2025, procède d’une enquête entamée en 2019 sur les histoires de départ et de retour, qui a collecté des témoignages et les souvenirs des familles et des artistes. À travers les photos, les passeports, les documents familiaux, les installations, les cartes, abondamment reproduites dans ce livre, ce sont les liens avec les pays quittés qui sont questionnés. On y découvre « un nuancier » des parcours qui éclairent d’Algérie, d’Arménie, de Grèce, de Palestine, du Liban, de Macédoine du Nord, de Syrie… Il y a celles et ceux pour qui le retour équivaut aux vacances estivales, d’autres pour qui c’est la réinstallation après une vie en exil. Et celles et ceux pour qui le retour est rendu impossible par la guerre, la fermeture des frontières.

Derrière le mot de retour, les onze auteurices insistent sur la complexité des expériences : le déracinement répond à l’enracinement ; il y a les mémoires et il y a les rêves ; il y a les aspirations de chacun.e et les contraintes politiques… Possible ? Impossible ? Rien n’est linéaire. « Le revenir n’est pas à entendre comme la clôture d’un cycle : un re-tour au point de départ censé effacer l’absence et refermer une trajectoire sur elle-même que seuls les rapatriements mortuaires garantissent », insiste l’anthropologue Giulia Fabbiano, spécialiste des mobilités, qui souligne les rythmes, les ruptures, les réinventions qui aboutissent à construire « un entre-deux translocal » évoluant au gré de la vie. Le sac Tati, la clef de la maison en Palestine quittée lors de la Nakba, la réflexion sur ce qui n’a pas été transmis – Ainsi l’artiste et chercheuse Ariella Aïsha Azoulay évoque le savoir des bijoutier.es juif.ves de l’oumma, et à travers lui, « la mémoire musculaire », dépassant l’injonction coloniale au clivage et à la transmission unidirectionnelle. L’écrivain Sabyl Ghoussoub évoque l’ambivalence du désir de retour au Liban, pays de ses parents. L’historienne Dunia Al Dahan et la politiste Adélie Chevée s’intéressent à la création contemporaine syrienne en exil. Un ouvrage sensible qui invite à penser les appartenances à la lumière des aspirations libres, au-delà des injonctions haineuses trop répandues.

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Revenir, expériencse du retour en Méditerranée
ss. dir. De Giulia Fabbiano et Camille Faucourt
Mucem/Anamosa, 144 p.,  360 DH

29 novembre 2024

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