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Document 52006AE0241

Avis du Comité économique et social européen sur la Création d'une assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés dans l'UE

JO C 88 du 11.4.2006, p. 48–53 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

11.4.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 88/48


Avis du Comité économique et social européen sur la «Création d'une assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés dans l'UE»

(2006/C 88/12)

Le 13 mai 2005, M. László KOVÁCS, membre de la Commission européenne, a, en vertu de l'article 262 du traité instituant la communauté européenne, saisi le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la «Création d'une assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés dans l'UE».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 janvier 2006 (Rapporteur: M. Lars NYBERG).

Lors de sa 424ème session plénière des 14 et 15 février 2006 (séance du 14 février), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 94 voix pour, 6 voix contre et 4 abstentions.

Conclusions et recommandations

Dès 1992, le rapport Ruding a constaté la nécessité de disposer de règles communes pour définir l'assiette. L'on voulait en outre élargir la proposition à la question des taux d'imposition minima et maxima.

Maintenant qu'un groupe de travail créé pour travailler sous la direction de la Commission va élaborer une proposition d'assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés, le CESE y voit une mesure allant enfin dans la bonne direction. Le fait que les travaux doivent prendre trois ans paraît nécessaire, compte tenu de la complexité de la question. Ce groupe mène aussi ses travaux dans une grande transparence. Tous les documents sont directement mis en ligne sur Internet, de telle sorte que toute personne qui le souhaite est en mesure de suivre les discussions. Ce que l'on devrait dorénavant éviter est une situation où la réticence à modifier des systèmes nationaux établis de longue date pourrait retarder la mise en place de l'assiette commune. Les États membres doivent montrer que le fait d'appartenir à l'union européenne présente un intérêt, étant donné que c'est seulement par le moyen de l'union européenne que l'on peut mettre en place une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. De même, il faut pour l'instant mettre en sommeil la question des taux d'imposition, de manière à atténuer les difficultés auxquelles se heurte la prise de décision concernant l'assiette.

Essentiellement, les systèmes d'imposition doivent se déterminer par des voies politiques. Il est nécessaire d'établir des règles communes pour l'impôt sur les sociétés par la voie de l'intervention du Conseil des ministres et du Parlement européen, afin d'éviter que faute de cela, la réglementation dans ce secteur ne naisse progressivement des décisions juridictionnelles de la Cour européenne de justice. De même, il importe de mener les discussions en coopération avec les partenaires sociaux et, au demeurant, avec la société civile.

La question que soulève une assiette commune de l'impôt sur les sociétés est du type «rien n'est clair jusqu'à ce que tout soit clair». Quand il existe un important risque de retards, l'on devrait néanmoins examiner en tout temps s'il n'est pas possible de mettre en œuvre progressivement par le moyen de directives ponctuelles les décisions partielles sur lesquelles l'accord s'est réalisé.

Les questions à envisager sont en partie juridiques, en partie du domaine technique de la fiscalité et en partie économiques. Nous voudrions inviter la Commission et les États membres, malgré le grand nombre de questions techniques de détail et malgré les différences considérables qui existent entre les pays, à néanmoins considérer avant tout les avantages économiques que comporte une assiette consolidée commune en matière d'impôt sur les sociétés.

L'on peut trouver la synthèse du débat que nous avons eu dans les propositions relatives aux principes d'une assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés, que nous présentons en conclusion du présent avis. En ce qui concerne les travaux relatifs aux aspects techniques, nous voudrions en même temps inviter la Commission à toujours se laisser guider par les principes que nous indiquons. Nous avons choisi de privilégier les raisonnements de principe, car nous croyons que l'acceptation de ces principes rend plus faciles les choix à effectuer entre différentes solutions techniques.

1.   Contexte

1.1

Le 13 mai 2005, le commissaire Laszlo Kovacs a demandé au CESE de rendre un avis exploratoire sur une assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés. Le commissaire a fait observer que cette assiette devrait permettre d'éliminer un grand nombre des problèmes rencontrés par les sociétés qui ont des activités dans plusieurs pays de l'UE. La proposition bénéficie d'un soutien considérable de la part des entreprises et de beaucoup de gouvernements.

1.2

Depuis 2001, la Commission a publié plusieurs communications et rapports concernant l'impôt sur les sociétés, et notamment un important rapport sur la fiscalité des entreprises en octobre 2001.

1.2.1

Après un «non-papier» en juillet 2004 relatif à une assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés et après un débat au Conseil des ministres, a été constitué un groupe spécial composé d'experts des États membres. Jusqu'en 2007, ce groupe effectuera un examen de détail de tous les aspects concernant la structure pratique d'une assiette commune. Ces débats, ainsi que le présent avis, portent uniquement sur l'assiette pour le calcul de l'impôt sur les sociétés et non sur le taux de cet impôt sur les sociétés. La question de ce que l'on appelle «l'imposition selon les règles de l'État de résidence» («home-state taxation») n'est pas abordée, elle non plus. Il s'agit là d'un éventuel projet pilote à caractère conjoncturel, alors que l'assiette commune est un projet global.

1.3

Les débats portent non seulement sur la mise en place d'un système commun pour la détermination de l'assiette, mais aussi sur le fait que cette assiette doit être consolidée. Cela concerne très précisément les sociétés qui ont des activités dans plusieurs États membres. Pour qu'un système d'assiette commune puisse fonctionner de façon optimale, il faut que ces sociétés puissent passer à une assiette uniforme et calculer leurs bénéfices pour le groupe de sociétés dans son ensemble. Les calculs se trouvent ainsi consolidés. Ainsi, le besoin se fait sentir de systèmes permettant de déterminer la part de bénéfices réalisés par chacune des sociétés membres du groupe.

1.4

Les débats concernent seulement l'impôt sur les sociétés et non pas tous les aspects de la fiscalité des entreprises. Il existe de nombreuses formes de sociétés, telles que, par exemple, les organisations sans but lucratif et les fondations, qui sont différentes d'un État membre à l'autre. Si l'on met en place une assiette commune pour les sociétés anonymes, l'on modifie les rapports entre ces sociétés et les autres types de sociétés et d'entreprises au plan de l'imposition des bénéfices. Des corrections peuvent donc devenir nécessaires au niveau national en ce qui concerne l'imposition des bénéfices d'autres types de sociétés et d'entreprises. Cet aspect n'est pas envisagé par le groupe d'experts de la Commission et des États membres qui est évoqué plus haut; et il n'est pas non plus envisagé dans le présent avis.

2.   Avis antérieurs du CESE concernant l'assiette de l'impôt sur les sociétés

2.1

Le CESE a examiné dans plusieurs avis les problèmes suscités par les différences existant en matière d'assiette de l'impôt sur les sociétés dans les différents pays de l'UE. Le CESE considère que l'objectif poursuivi est de créer des conditions équitables de libre concurrence qui soient bénéfiques à l'activité transfrontalière des entreprises sans déstabiliser les systèmes nationaux d'imposition des société (1). La démarche préconisée par le CESE est d'essayer en premier lieu de trouver des solutions en matière d'assiette commune de l'impôt sur les sociétés et ensuite seulement d'examiner la question des taux d'imposition (2).

2.2

Une assiette commune de l'impôt sur les sociétés devrait pouvoir réduire, voire éliminer, la majorité des obstacles que rencontre l'activité transfrontalière des sociétés au sein de l'Union européenne. Comme exemples de ces problèmes, l'on peut citer:

la double imposition,

la tarification interne pour les transactions transfrontalières,

la manière de concevoir les provisions de différents types lors de la fusion de sociétés de différents pays,

la répartition de la localisation des bénéfices ou des pertes en capital lors de la restructuration de groupes de sociétés situées dans plusieurs pays,

la compensation des pertes subies par une société qui a des activités dans plusieurs pays et

les différences entre les règles relatives au traitement fiscal des investissements.

2.2.1

Même si l'impôt sur les sociétés est un facteur important pour ce qui est de créer une situation bénéfique, il ne faut pour autant pas perdre de vue que de nombreux autres facteurs peuvent également revêtir une importance cruciale à la fois pour le commerce transfrontalier et pour la localisation des entreprises (3).

2.3

Le CESE a également précisé que ce ne sont pas seulement les différences en matière d'assiette proprement dite qui font problème. Il existe aussi beaucoup de différences concrètes entre les réglementations applicables, par exemple, à la façon dont les impôts sont collectés, aux documents à publier et au règlement des conflits. Il devrait être possible d'atténuer aussi toute une série de problèmes de cette nature au moyen des règles concrètes qui doivent accompagner la mise en place d'une assiette commune (4).

2.3.1

N'avoir qu'un seul corps de réglementations à connaître et à appliquer est peut-être le plus grand avantage pratique que voient les sociétés dans un système d'assiette commune. Au lieu d'une comptabilité distincte dans les différentes entités d'un groupe de sociétés, il leur sera possible d'utiliser une comptabilité uniforme. Outre qu'elle peut permettre de créer des conditions de concurrence plus équitables, une assiette commune de l'impôt peut déboucher sur des gains d'efficacité non seulement pour les sociétés, mais aussi pour l'administration fiscale (5).

2.4

Le CESE a également recommandé que le débat sur une assiette commune soit élargi pour englober non seulement le problème central, mais aussi les problèmes transfrontaliers. La mise en place d'une assiette commune doit faciliter non seulement le fonctionnement des sociétés ayant une activité transfrontalière, mais aussi le fonctionnement de celles qui n'ont d'activité qu'au niveau national. La poursuite de l'objectif principal, qui est d'assurer des conditions de concurrence équitables pour les sociétés qui ont des activités dans plusieurs pays ne doit pas aboutir à créer de nouvelles différences entre ces sociétés et les sociétés qui n'ont d'activité qu'au niveau national.

2.4.1

Il y a également en ce domaine le désir de faciliter le fonctionnement des petites entreprises dont l'activité se situe presque entièrement au niveau national. Les efforts visant à créer des règles simples et claires en matière d'imposition sont aussi très importants à cet égard (6).

2.5

Le CESE a précédemment fait observer qu'il n'est pas possible de mettre en place une assiette commune sur base volontaire — autrement dit, sur une base permettant de choisir entre un système d'imposition national qui continuerait d'exister et un système particulier pour les sociétés ayant une activité transfrontalière. C'est pourquoi le CESE estime que la mise en place d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés doit avoir un caractère obligatoire (7).

2.6

Le CESE a toujours défendu l'idée selon laquelle il fallait dans toute la mesure du possible établir un lien entre les règles d'assiette commune d'imposition et les règles internationales de comptabilité. Le Comité a conscience que les normes IFRS de comptabilité internationale ne peuvent servir que de point de départ aux règles d'assiette commune d'imposition.

2.7

Un effet indésirable de l'incapacité qui a été jusqu'ici celle du Conseil des ministres et du Parlement européen à prendre des décisions sur une assiette commune de l'impôt sur les sociétés est que les choix qu'il faut de toute façon effectuer se trouvent portés devant la Cour européenne de justice. Aussi longtemps qu'il existera des différences, des décisions de justice seront nécessaires pour arbitrer entre les différents systèmes d'imposition. De cette façon, les systèmes d'imposition des États membres prennent progressivement la marque des décisions de la Cour en matière de marché intérieur sans qu'aucune décision politique ne soit prise. (8)  (9) L'on trouve un exemple patent de cette situation dans l'affaire «Marks and Spencer», qui a récemment fait l'objet d'une décision de la Cour européenne de justice.

2.8

Le désir du CESE d'envisager l'imposition des sociétés dans une plus large perspective politique signifie que la neutralité fiscale doit être considérée non seulement dans le contexte de l'impôt sur les sociétés, mais aussi par rapport aux deux facteurs de production que sont le travail et le capital. Cette position de principe est toutefois liée en premier lieu à la question de savoir quel est le taux d'imposition choisi (10).

2.9

L'intégration et une concurrence accrue sont des phénomènes qui vont de pair. Cela peut augmenter l'efficacité et la croissance. Mais cela suppose dans le même temps que ceux qui ne peuvent pas affronter une concurrence accrue ne puissent pas compenser leur insuffisance de productivité par une réduction de la fiscalité des sociétés. Afin de réaliser les effets positifs de l'intégration, il faut donc éliminer les éléments de la fiscalité des sociétés qui sont susceptibles de fausser la concurrence (11).

2.10

Avec une assiette qui est commune et, il faut l'espérer, obligatoire, l'on dispose de possibilités plus importantes de contrôler le paiement de l'impôt, en raison du fait qu'il suffit aux autorités de connaître un seul système et que ces autorités sont dès lors plus facilement en mesure de communiquer les unes avec les autres. Il deviendrait donc plus facile de détecter bon nombre de cas d'évasion fiscale. Un système commun d'assiette qui serait non contraignant, c'est-à-dire où l'on pourrait choisir entre ce système commun et le système national restant en place pour déterminer l'assiette de l'impôt sur les sociétés qui n'ont d'activité qu'au niveau national, créerait en outre une situation dans laquelle au lieu des sociétés, ce serait les États qui devraient gérer plusieurs systèmes d'imposition.

3.   Certains faits concernant l'impôt sur les sociétés

3.1

Les recettes de l'impôt sur les sociétés varient selon le pays où l'impôt est prélevé. Ce phénomène s'explique en premier lieu par les différences de taux d'imposition (entre 12,5 et 40 %), mais en fait, précisément parce que l'assiette varie, l'on ne voit pas clairement la mesure dans laquelle cela dépend des différences de taux d'imposition (12).

3.2

La Commission a fourni des informations sur ce que l'on appelle «le taux d'imposition implicite», c'est-à-dire un taux qui indique quelle est la proportion des bénéfices d'une société qui est effectivement payée au titre de l'impôt. Le plus souvent, l'on voit au contraire de simples comparaisons des taux d'imposition. Ceci peuvent être trompeurs, comme par exemple dans le cas où un taux d'imposition élevé correspond à des recettes fiscale modestes parce que les possibilités de déductions sont importantes. Les recettes fiscales peuvent également varier en fonction de l'efficacité du recouvrement et de la nature des contrôles qui existent. La mise en place d'une nouvelle solution efficace en termes d'organisation administrative de la fiscalité a également de l'importance au regard des ressources qu'une société doit mobiliser pour gérer le paiement de l'impôt sur les sociétés (13).

3.3

L'OCDE a constaté en 1990 que 60 pour cent du commerce mondial s'effectuent à l'intérieur de groupes de sociétés. Les différences entre les systèmes d'imposition nationale deviennent ainsi un problème pour les sociétés dans la mesure où elles se répercutent à l'intérieur de ces sociétés.

3.4

Il est difficile de quantifier les effets économiques d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés. Dans une étude qui est d'actualité, l'on estime que l'effet sur le PIB se situe entre 0,2 % et 0,3 % du PIB. Les estimations portent uniquement sur les règles de détermination de l'assiette et ne tiennent compte ni de la consolidation, ni des économies administratives. Il convient aussi d'envisager cela en liaison avec le fait que l'impôt sur les sociétés représente dans son ensemble environ 3 % du PIB (14).

3.5

Les grandes sociétés représentent à l'heure actuelle la majorité des activités transfrontalières. C'est pourquoi les différences entre systèmes d'imposition des sociétés leur posent un problème. Celles dont l'activité se situe dans plusieurs pays ont néanmoins acquis l'expertise nécessaire et sont parvenues à financer les coûts supplémentaires. Mais les sociétés les plus durement touchées par les différences de systèmes d'imposition sont probablement les petites et moyennes entreprises qui ont envisagé d'avoir des activités en dehors de leur pays d'origine, mais ont renoncé à le faire. Des règles communes atténueraient sensiblement les obstacles qui empêchent les entreprises de commencer à étendre leurs activités à plus d'un pays. Il y a là beaucoup de place pour une intégration accrue et un renforcement de la concurrence, ce qui pourrait être l'un des grands bénéfices d'un système commun de calcul de l'assiette pour l'impôt sur les sociétés.

4.   Décisions communes adoptées jusqu'à présent en matière d'impôt sur les sociétés

4.1

Seules trois directives ont jusqu'à présent été adoptées dans le domaine de l'impôt sur les sociétés. La directive sur les sociétés mères et les filiales (90/435) prévoit que le dividende d'une filiale dans un pays donné n'est pas imposable dans l'État membre de la société mère. La non-imposabilité peut néanmoins être remplacée par une règle en vertu de laquelle l'impôt qui a été payé dans le pays de la filiale est déductible de l'impôt à payer dans le pays de la société mère.

4.2

La directive concernant les fusions (90/434) régit l'imposition en cas de restructuration de sociétés. Toutefois, étant donné que les dispositions de droit civil font défaut pour les fusions et les scissions transfrontalières, cette matière n'entre pas encore dans le champ d'application de la directive. Aussi la directive régit-elle essentiellement l'aliénation de certaines activités.

4.3

Une troisième directive a récemment été adoptée pour traiter de l'imposition des intérêts et des redevances entre les sociétés étroitement liées (2003/49). La directive supprime l'imposition à la source pour ce type de transferts transfrontaliers.

4.4

Depuis 1997, il existe un code de conduite de l'imposition des sociétés, code en vertu duquel les États membres ne doivent pas attirer les investissements au moyen de mesures qui sont dommageables d'un point de vue fiscal. Aux termes du code, les pays s'engagent à ne pas instaurer de nouveaux impôts dommageables et à passer en revue par la suite leurs dispositions existantes. Ce code a été complété par une liste de 66 mesures fiscales qui sont considérées comme dommageables. Ces mesures sont maintenant en cours d'abrogation.

5.   Le débat sur les aspects techniques

5.1

Les règles régissant les types de déductions autorisées pour la détermination de l'assiette avant le calcul de l'impôt relèvent du domaine où les différences entre les pays sont les plus grandes en matière de calcul de l'assiette et constituent dès lors un sujet important dans les discussions entre les États membres. À cet égard, nous voudrions attirer tout particulièrement l'attention sur l'importance qu'il y a à s'efforcer d'asseoir sur des bases larges l'impôt sur les sociétés. Il faut toutefois se rappeler que l'élargissement de l'assiette risque d'obliger à revoir le taux d'imposition.

Malheureusement, le débat doit commencer à la base. L'on peut déjà aujourd'hui traiter les dépenses différemment selon qu'elles sont considérées comme des dépenses ordinaires, et donc prises en compte dans le calcul de l'assiette proprement dite, ou comme des dépenses qui doivent être déduites des bénéfices après la détermination de l'assiette. Il reste encore aux experts en fiscalité beaucoup de travail à effectuer avant de parvenir à des propositions communes.

5.2

Il faut que le système de l'assiette soit compétitif, de manière à créer des conditions favorables aux investissements à l'intérieur de l'UE. Le système d'imposition ne doit cependant pas en général influer sur le type d'investissements réalisés, ni sur le choix de l'État membre où ils se réalisent. C'est la rentabilité qui est la considération déterminante, et non la question de savoir comment financer un investissement. Il doit évidemment y avoir aussi des possibilités d'encourager, par exemple, des investissements favorables à l'environnement ou de les orienter vers des régions défavorisées, mais cela peut se faire commodément par d'autres moyens qu'en utilisant l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

5.2.1

De même, il importe de maintenir une ligne de partage bien claire par rapport à l'imposition des revenus. La question de savoir comment traiter les dividendes payés aux actionnaires relève du domaine de l'impôt sur le revenu. Il ne faut pas faire intervenir cette question dans les discussions sur les modes d'imposition des bénéfices des entreprises proprement dits. Au demeurant, la question de l'impôt sur le revenu n'entre pas en jeu dans les décisions des sociétés en matière de choix d'implantation de leurs installations.

5.3

Même s'il est possible de parvenir à un système d'assiette commune, celui-ci doit prévoir des règles différenciées pour certains secteurs. Il peut, par exemple, y avoir lieu de fixer dans certains secteurs des règles particulières en matière de provisions. Peut être concerné, à cet égard, le secteur bancaire et financier, et tout spécialement l'assurance-vie, où les provisions ont souvent une importance particulière précisément pour ce secteur. Un autre exemple est la sylviculture, où dans les cas extrêmes, les recettes peuvent rentrer à des intervalles de l'ordre de cent ans.

5.4

Un autre aspect à envisager est la question de savoir si une société est principalement financée par des prêts ou par des fonds propres. Si les coûts résultant des intérêts des prêts sont déductibles de l'impôt, seule une petite partie des recettes de la société sont imposées au titre de bénéfices sur le faible nombre d'actions. S'il n'existe aucun prêt et que le financement est intégralement assuré par le capital social, tout est imposé comme bénéfices. Il faut dans toute la mesure du possible éviter d'orienter le choix du financement au moyen de l'impôt sur les sociétés.

5.5

Une fois que l'on a établi quelles déductions il y a lieu d'effectuer, il reste encore à décider quand et comment effectuer ces déductions. La plus grande différence entre les États membres concerne la question de savoir si chaque type d'investissement est amorti individuellement ou si l'on utilise un système en vertu duquel tous les investissements sont agrégés et traités globalement. Le système de traitement global est facile à gérer pour les sociétés. Il n'y a besoin d'aucun calcul pour des machines ou des équipement distincts.

5.6

Afin de pouvoir mettre en place un système d'assiette consolidée où les bénéfices sont calculés pour l'ensemble d'un groupe de sociétés, l'on est obligé de définir ce qu'est un groupe de sociétés. Les possibilités de définition sont les suivantes: un pourcentage de la propriété de chaque société membre du groupe, ou bien le lien entre chaque société membre et l'activité de la société mère. Il semble nécessaire d'opter pour un mélange de ces critères, puisqu'il n'y a aucune raison de mettre en place une assiette consolidée pour des sociétés dont les propriétaires sont les mêmes, si elles opèrent dans des secteurs distincts.

5.7

Une fois que l'on s'est entendu sur la manière d'établir l'assiette pour calculer l'impôt sur les sociétés, reste la difficulté que suscite la question de la consolidation: comment répartir entre les différents pays la localisation des bénéfices des sociétés qui opèrent dans plusieurs pays? Afin d'éviter l'utilisation des systèmes d'imposition pour délocaliser les bénéfices, une assiette commune ne suffit pas; il faut également disposer d'un système simple et logique pour décider comment répartir entre les États membres (et donc entre des pays ayant des taux d'imposition différents) la localisation des bénéfices de la société. Agréger de la sorte les bénéfices réalisés dans différents pays par des entités qui font partie d'une entreprise conduit aussi, nécessairement, à élargir la coopération entre les administrations fiscales.

5.7.1

À la lumière de ces contraintes, il peut être intéressant d'étudier le système utilisé au Canada (la localisation des bénéfices est répartie pour moitié en fonction de la proportion de main-d'œuvre et pour moitié en fonction du chiffre d'affaires).

5.8

Pour que la répartition de la localisation des bénéfices puisse fonctionner simplement dans la pratique, il faut uniformiser d'autres règles que le seul calcul de l'assiette. Les calculs devraient par exemple se faire sur la base d'une année entière et le paiement de l'impôt devrait avoir lieu en même temps dans tous les pays. Il devrait être aussi obligatoire d'effectuer des transferts normalisés sous forme électronique.

5.9

L'un des effets les plus importants de la mise en place d'une assiette commune est de rendre le système transparent. Actuellement, la seule donnée visible pour un profane est le taux d'imposition. Pour montrer à quel point cela peut être trompeur, il suffit de comparer le taux d'imposition des sociétés avec la part de PIB que représentent les recettes provenant de cet impôt. Les chiffres de 2003 indiquent que c'est en Allemagne, où le taux d'imposition est de 39,5 %, que cette part est la plus faible, c'est-à-dire 0,8 %. Il faut probablement mettre cela en rapport, dans une certaine mesure, avec l'existence de problèmes de définition en matière d'assiette. Les «nouveaux» États membres perçoivent en moyenne 2,7 % du PIB, avec des taux d'imposition qui oscillent entre 35 et 15 %. La plupart des «anciens» États membres perçoivent environ 3 % du PIB avec des taux d'imposition qui varient entre 38 et 12,5 % (15). Il importe de rendre apparentes des différences qui présentent une telle diversité et qui sont aussi inattendues, et ce non seulement dans l'intérêt des entreprises, mais aussi dans une perspective démocratique, dans l'intérêt des électeurs.

6.   Principes d'une assiette consolidée commune pour l'impôt sur les sociétés (16)

6.1   Larges bases d'imposition

Le but des impôts est de financer le bien-être des citoyens. Il convient donc que la base d'imposition soit aussi large que possible. Les bases d'imposition larges contribuent également à réduire autant que possible les effets de distorsion qui s'exercent sur le fonctionnement de l'économie, étant donné que cela permet de maintenir à un niveau faible le taux d'imposition proprement dit.

6.2   Neutralité

Une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés doit être neutre envers les différentes possibilités d'investissement et ne pas fausser la concurrence entre les secteurs. Ce sont des considérations financières réalistes qui doivent déterminer à quel endroit les sociétés localisent leurs activités et à quel endroit se situe l'assiette d'un point de vue technique. Une assiette neutre contribue à assurer des conditions équitables de libre concurrence entre les sociétés.

6.3   Simplicité

Les règles communes doivent dans le même temps se caractériser par la simplicité, la clarté et la transparence. L'exigence de simplicité suppose, lorsque cela peut se faire au plan fiscal, un lien avec les règles internationales de comptabilité, qui sont déjà appliquées par beaucoup de sociétés. Des règles identiques en matière de date et de modalités de paiement aboutissent aussi à des systèmes plus simples.

6.4   Efficacité

L'imposition doit être efficace aussi dans le sens où la vérification doit être facile, de sorte que l'on puisse prévenir les erreurs d'imposition et lutter contre la fraude fiscale.

6.5   Stabilité

Il importe que des systèmes d'imposition soient stables. Les investissements des sociétés doivent se justifier sur le long terme, et comme les systèmes d'imposition sont un élément qui entre en ligne de compte dans les décisions d'investissement, ces systèmes ne doivent pas être susceptibles d'un nombre excessif de changements.

6.6   Légitimité

Le système doit être accepté par ceux qu'il affecte directement, les partenaires sociaux, et par la population dans son ensemble, puisqu'il s'agit du financement d'activités nécessaires à la collectivité.

6.7   Équité

La répartition entre les États membres de la localisation des bénéfices calculés au moyen d'une assiette commune de l'impôt sur les sociétés est le fondement d'un système équitable. Une répartition équitable contribue à laisser aux États membres la liberté de déterminer eux-mêmes le niveau du taux d'imposition.

6.8   Concurrence internationale

Lors de la définition du système d'assiette, l'on devrait également prendre en considération la question de savoir comment ce système se rapporte aux systèmes d'imposition des sociétés qui existent dans les pays tiers.

6.9   Caractère obligatoire

Afin d'éviter de créer de nouvelles différences en matière d'imposition à l'intérieur des États membres, les règles de détermination de l'assiette doivent, dans un système optimal, être obligatoires à la fois pour les sociétés ayant des activités transfrontalières et pour les sociétés ayant des activités dans un pays seulement. Si un système commun se conforme aux autres principes applicables et se révèle suffisamment simple et compétitif pour les entreprises, l'opposition entre un système obligatoire et un système facultatif a tôt fait de devenir hypothétique. Ainsi, la question de savoir si un système obligatoire sera ou non remis en question dépend de la manière dont ce système sera perçu.

6.10   Règles intérimaires /transitoires

Néanmoins, laisser un libre choix aux sociétés peut être acceptable en tant que système intérimaire. Un grand changement tel que la mise en place d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés peut également rendre nécessaire d'adoption de règles transitoires. Un système intérimaire est une autre solution possible, à côté de l'adoption de règles transitoires, et assure davantage de flexibilité dans la mise en œuvre d'un système commun.

6.11   Règles souples en matière de prise de décision

Malgré la nécessité de disposer d'un système d'imposition stable à long terme pour les sociétés, il est nécessaire de pouvoir disposer de possibilités de modification, en raison des changements qui se produisent dans le monde environnant ou afin de remédier aux failles du système. Il peut par exemple se trouver que le système produise des effets qui ne sont pas les effets attendus. La décision relative à un système commun devrait donc comporter des règles permettant d'assurer avec souplesse la mise en œuvre des adaptations nécessaires.

Bruxelles, le 14 février 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  «Politique fiscale de l'Union européenne — Priorités pour les prochaines années», avis du CESE – JO C 48/18 du 21.02.2002, p. 73.

(2)  «La fiscalité dans l'Union européenne: principes communs, convergence des règles fiscales et possibilité de vote à la majorité qualifiée», avis du CESE – JO C 80/33 du 30.03.2004, p. 139.

(3)  «La concurrence fiscale et ses effets sur la compétitivité des entreprises», avis du CESE – JO C 149/16 du 21.06.2002, p. 73.

(4)  «La fiscalité directe des entreprises», avis du CESE – JO C 241/14 du 7.10.2002, p. 75.

(5)  «La fiscalité directe des entreprises», avis du CESE – JO C 241/14 du 7.10.2002, p. 75.

(6)  «La fiscalité directe des entreprises», avis du CESE – JO C 241/14 du 7.10.2002, p. 75.

(7)  «La fiscalité directe des entreprises», avis du CESE – JO C 241/14 du 7.10.2002, p. 75.

(8)  «Un marché intérieur sans obstacles liés à la fiscalité des entreprises: réalisations, initiatives en cours et défis restants», JO C 117/10 du 30.4.2004, p. 41.

(9)  Dans le courant des années 2003 et 2004, la Cour de justice des CE a rendu 25 décisions en matière de fiscalité directe.

(10)  «La fiscalité directe des entreprises», avis du CESE – JO C 241/14 du 7.10.2002, p. 75.

(11)  «La fiscalité dans l'Union européenne: principes communs, convergence des règles fiscales et possibilité de vote à la majorité qualifiée», avis du CESE – JO C 80/33 du 30.03.2004, p. 139.

(12)  «La fiscalité directe des entreprises», avis du CESE – JO C 241/14 du 7.10.2002, p. 75.

(13)  «La fiscalité dans l'Union européenne: principes communs, convergence des règles fiscales et possibilité de vote à la majorité qualifiée», avis du CESE – JO C 80/33 du 30.03.2004, p. 139.

(14)  Economic effects of tax cooperation in an enlarged European Union (effets économiques de la coopération fiscale dans une Union européenne élargie), Copenhagen Economics 2004 (Copenhagen Economics (2005), p. 36).

(15)  Structures of the taxation systems in the European Union (structures des systèmes fiscaux dans l'Union européenne), édition 2005 de Copenhagen Economics.

(16)  Aucune hiérarchisation des principes n'est à déduire de l'ordre dans lequel ceux-ci sont présentés.


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