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Document 52012IE1918

Avis du Comité économique et social européen sur «La contribution de la société civile à une stratégie de prévention et de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires» (avis d'initiative)

JO C 161 du 6.6.2013, p. 46–51 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

6.6.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 161/46


Avis du Comité économique et social européen sur «La contribution de la société civile à une stratégie de prévention et de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires» (avis d'initiative)

2013/C 161/08

Rapporteur: M. SOMVILLE

Le 12 juillet 2012, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème

"La contribution de la société civile à une stratégie de prévention et de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires".

La section spécialisée "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 29 janvier 2013.

Lors de sa 488e session plénière des 20 et 21 mars 2013 (séance du 20 mars 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 159 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Dans un monde où nombre de personnes ne mangent pas à leur faim et où les ressources sont limitées, le CESE considère fondamental que le thème de la prévention et de la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires soit mis en bonne place dans l’agenda politique. Aussi, le CESE se réjouit de l’implication du Parlement Européen et des récentes initiatives prises par la Commission dans ce domaine.

1.2

Pour la cohérence des politiques à mener, le CESE insiste sur la nécessité de disposer d’une définition et d’une méthodologie commune au niveau de l’UE pour quantifier les pertes et le gaspillage alimentaires. Toutefois, il estime qu’au vu de la situation et des objectifs fixés, des actions concrètes doivent être entamées sans attendre les résultats des programmes en cours.

1.3

Le CESE encourage le développement et la poursuite de plateformes d’échanges d’expériences sur le thème de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les différentes régions et États membres de l’Union et ce, afin d’optimiser les moyens consacrés à ces programmes et de promouvoir les initiatives qui s’avèrent efficaces.

1.4

Dans un contexte regrettable de diminution de leurs ressources, et à un moment où la crise économique provoque une forte augmentation de leurs besoins, le Comité insiste tout particulièrement pour que les banques alimentaires puissent bénéficier d’un maximum de transferts de produits encore comestibles de la part de la distribution et des traiteurs-restaurateurs. Il convient notamment de diffuser les initiatives existantes dans certains États membres en matière fiscale, de décharge de responsabilité dans le chef des donateurs ou encore d’adaptations de certaines contraintes administratives pour faciliter les dons tout en garantissant leur sûreté alimentaire.

1.5

La formation a un rôle important à jouer en matière de réduction du gaspillage. L’inclusion de cette thématique dans le cursus scolaire des futurs professionnels de la restauration collective et privée, ainsi que dans leurs cours de formation continuée, serait souhaitable. Il pourrait en être de même dans les écoles de designers d’emballages en termes de conservation des aliments et d’une utilisation maximale de leur contenu.

1.6

Pour le CESE, la communication vis-à-vis des consommateurs est évidemment essentielle et sa pertinence découlera d’une bonne analyse des causes du gaspillage. À côté d’une sensibilisation générale sur les impacts du phénomène, un accent particulier sera entre autres mis sur la bonne manière d’interpréter les dates de validité des produits, de planifier les achats, de stocker les aliments et de valoriser les restes d’aliments. On veillera à diffuser des messages adaptés en fonction de la typologie des ménages.

1.7

La recherche dans son ensemble devrait porter une attention particulière à cette thématique, tous les maillons de la chaîne alimentaire étant concernés. Ainsi, la recherche agricole appliquée garde toute sa raison d’être en vue de poursuivre l’amélioration des techniques de production. En aval, les progrès en matière d’emballage devraient aussi contribuer à prévenir et à réduire le gaspillage (conservation, étiquetage intelligent …).

1.8

Au niveau de la production primaire, on veillera à rendre efficace les outils interprofessionnels prônés par la PAC, et à les faire évoluer dans le sens de la durabilité. Une attention particulière sera donnée aux initiatives de développement des circuits courts qui peuvent jouer un rôle dans la réduction des pertes et du gaspillage.

2.   Introduction

2.1

Depuis la crise alimentaire de 2008-2009, le thème de la sécurité alimentaire figure toujours à la une des préoccupations de la plupart des cercles de décideurs et organisations internationales. La flambée des cours des céréales et autres cultures en 2012 renforce cet intérêt.

2.2

Une production agricole efficace restera fondamentale dans la réalisation de l’approvisionnement de la population mondiale en nourriture.

2.3

Mais la nécessité d’augmenter la production agricole de 60 %, suite à une population mondiale qui devrait avoisiner les 9 milliards d’individus d’ici 2050, dans un contexte de raréfaction des ressources et de modifications climatiques, devrait se faire en parallèle d’une lutte efficace contre les pertes et le gaspillage alimentaires.

2.4

Les pertes et le gaspillage, qui touchent tous les maillons de la chaîne alimentaire, même si c’est à des degrés divers, sont globalement estimés à 1/3 du volume de nourriture à destination de la consommation humaine (Pertes et gaspillages alimentaires dans le monde, FAO).

2.5

Dans l’UE en 2011, suite à la crise économique et financière, 24,2 % de la population, soit 119,6 millions de personnes, étaient au seuil de l’exclusion sociale. Quand au nombre de bénéficiaires du Plan européen d’aide aux plus démunis est passé de 13 millions de personnes en 2008 à 18 millions en 2010 (1). Les banques alimentaires font donc montre de besoins de plus en plus importants.

2.6

Cet avis s’insère dans la réflexion stratégique "Europe 2020". À ce titre, la Commission européenne, dans sa communication relative à une utilisation efficace des ressources (2), a consacré un paragraphe sur le problème des denrées alimentaires et sur la nécessité d’en réduire le gaspillage.

3.   La problématique dans sa globalité

3.1   Définitions

3.1.1

Les notions de perte et de gaspillage alimentaire doivent être analysées dans une perspective globale, du stade de la production jusqu’à celui de la consommation, en intégrant les maillons intermédiaires que sont la transformation et la distribution, sans oublier la restauration hors foyer.

3.1.2

Dans l’UE, le stade de la production pèse relativement peu dans les pertes alimentaires. D’autant plus que les produits qui ne respectent pas les normes de production fixées par la réglementation ou le marché et qui ne peuvent être utilisés directement pour la consommation humaine sont en tout ou en partie utilisés pour la transformation. Inutilisables, ils devraient soit être dirigés vers l’alimentation animale, soit destinés à des fins de bioénergie ou encore incorporés dans les sols afin d’en augmenter la teneur en matière organique.

3.1.3

On pourrait définir les pertes et le gaspillage alimentaires comme toute denrée initialement destinée à la consommation humaine, à l’exclusion des produits à usage non alimentaire, qui est jetée ou détruite, à tous niveaux de la chaîne alimentaire, de la ferme au consommateur. Selon la définition de la FAO, les pertes alimentaires s’observent au début de la chaîne alimentaire (production primaire, stades postrécolte et de la transformation) tandis que le gaspillage alimentaire est plutôt enregistré à la fin de la chaîne (stades de la distribution et du consommateur final).

3.1.4

Ainsi, les résidus de récoltes et les sous produits de la transformation, non comestibles, ne relèvent pas du concept de pertes ou de gaspillage alimentaire. Toutefois, ce qui n’est pas comestible et ne peut être transformé en sous-produits aujourd’hui, pourrait l’être demain en fonction des progrès de la connaissance et de la technique. Aussi ces définitions doivent être considérées comme évolutives.

3.1.5

Concernant le stade de la production toujours, les réformes successives de la PAC enregistrées ces dernières années ont permis une adaptation des outils en vue de prévenir et mieux gérer les situations de surplus sur les marchés. Cependant, des améliorations au niveau du fonctionnement de la chaîne, comme par exemple un réel renforcement du pouvoir de négociation des producteurs agricoles, doivent encore se concrétiser.

3.2   Ampleurs du phénomène au sein de la chaîne alimentaire

3.2.1

Les pertes et le gaspillage alimentaires sont observés dans toutes les régions du monde. Mais selon la FAO, on constate que dans les pays en développement, plus de 40 % de ces pertes se produisent aux stades "après récolte" et de la transformation, tandis que dans les pays industrialisés ce phénomène s’observe principalement aux niveaux distribution et consommation.

3.2.2

Selon une enquête de la Commission européenne publiée en 2010, le volume des déchets alimentaires serait de 179 kg/hab/an. La répartition entre les divers maillons de la chaîne indique 42 % à charge des ménages, 39 % pour les industries alimentaires, 5 % pour la distribution et 14 % pour la restauration hors foyer. À politique inchangée, d’ici 2020, on pourrait tabler sur une augmentation de 40 % de cette quantité. Précisons que les pertes et le gaspillage alimentaires aux stades de l’agriculture et de la pêche n’ont pas été pris en compte dans cette étude.

3.2.3

Une étude menée à Bruxelles sur le contenu des poubelles ménagères montre que le gaspillage alimentaire atteint 11,7 % des ordures ménagères brutes. Il se décompose en produits entamés, périmés et de restes cuisinés à concurrence respectivement de 47,7 %, 26,7 et 25,5 % du gaspillage total.

3.3   Les causes des pertes et du gaspillage alimentaire

3.3.1

Dans les pays en développement et à faible revenus, la majorité des pertes s’observe au stade production et post récolte, suite à un manque de ressources financières pour répondre au déficit d’infrastructure au sens large.

3.3.2

Dans les pays industrialisés par contre, on est davantage face à un problème de comportement. Dans l’Union, ces dernières décennies, l’augmentation de la productivité agricole a permis de garantir l’approvisionnement de la population à un prix raisonnable. Cette évolution, associée à une croissance des revenus disponibles, a fait en sorte que la part du budget consacrée à l’alimentation s’est réduite fortement. Cette tendance peut expliquer en partie l’augmentation du gaspillage dans le chef des consommateurs.

3.3.3

Des raisons sociologiques comme les modifications dans la structure familiale ou les rythmes de vie, contribuent également au phénomène du gaspillage alimentaire.

3.3.4

Certains standards de qualité visuelle appliqués aux produits frais par les chaînes de distribution peuvent être source de gaspillage, car entraînant des refus de produits comestibles au stade production pour des raisons toutes autres que sanitaires.

3.3.5

Chez certains transformateurs, l’adaptation de certaines techniques pourrait contribuer à réduire le gaspillage. En effet, certains emballages sont difficiles à vider complètement; le conditionnement de certains produits ne correspond pas à l’évolution sociologique des ménages ou encore certains emballages se referment mal une fois ouverts, etc.

3.3.6

Même si les pratiques commerciales visent avant tout à encourager les achats, certaines d’entre elles peuvent également être un facteur accentuant une certaine forme de gaspillage (par exemple: communication uniquement sur le prix; trois produits pour le prix de deux …). Mais ici aussi, des enquêtes font état de différence de comportement significatif selon les profils familiaux.

3.3.7

La confusion est très grande chez les consommateurs entre la «date limite de consommation» et la «date limite d’utilisation optimale», ce qui concourt au gaspillage alimentaire. Au Royaume-Uni, les recherches menées sur l’étiquetage indiquent que 45 à 49 % des consommateurs interpréteraient erronément les dates de validité des produits, entraînant 20 % du gaspillage alimentaire total évitable (WRAPWaste and Resources Action Programme).

3.4   Les impacts des pertes et du gaspillage alimentaires

3.4.1

Les impacts des pertes et du gaspillage alimentaire sont de trois ordres: économique, social et environnemental.

3.4.2

L’impact environnemental est le plus tangible car il se traduit directement par une augmentation de la fraction fermentescible des ordures ménagères. À côté des déchets générés, tout gaspillage alimentaire signifie une perte de ressources nécessaires à la production, à la transformation et à la distribution du produit. Plus le gaspillage aura eu lieu loin dans la chaîne alimentaire au plus le gaspillage de ressources sera élevé.

3.4.3

La production de gaz à effet de serre (GES) contribue négativement aux modifications climatiques. Le stade "ménage" présenterait l’impact le plus important sur ce plan, avec 45 % des émissions estimées liées au gaspillage alimentaire; le secteur de la transformation comptant pour environ 35 % des émissions annuelles (Preparatory study on food waste across EU 27, résumé, octobre 2010). Mais selon cette même étude, les estimations de production de GES sont à considérer avec prudence, car dépendantes de la fiabilité des chiffres quantifiant le gaspillage alimentaire.

3.4.4

Pour le consommateur ainsi que pour les autres maillons de la filière tout gaspillage se traduit par une perte financière. Les politiques qui se renforceront à l’avenir en matière de déchets, seront source de coûts supplémentaires (coût de mise en décharge, taxes …) pour les différents acteurs de la chaîne. Cette orientation ne peut qu’inciter à investir dans la prévention.

3.4.5

Aux plans social et éthique il est inconcevable de ne pas réagir politiquement en vue de réduire l’ampleur des pertes et du gaspillage alimentaires, particulièrement à un moment où la crise économique met en situation de plus en plus précaire un nombre croissant de personnes dans l’espace européen. Les besoins des banques alimentaires, qui sont en augmentation constantes, illustrent cette tendance préoccupante.

4.   Quelques initiatives en cours

4.1

De nombreuses initiatives sont développées aux plans global, européen, national et local. Elles vont des études de comportement et de quantification aux projets concrets de terrain.

4.2

Parmi les projets internationaux, notons l'initiative mondiale de la FAO sur les pertes alimentaires et la réduction des déchets (Save Food), qui établit des partenariats public-privé et une élaboration des politiques qui soit fondée sur des données probantes, ainsi qu'un soutien aux investissements fondé sur la mobilisation des ressources, des évaluations cohérentes et coordonnées et une analyse des données relatives aux pertes et au gaspillage alimentaires; sur la sensibilisation; sur la création de réseaux et le renforcement des capacités parmi les acteurs du système alimentaire et agricole.

4.3

Le 19 janvier 2012, le Parlement européen a approuvé une résolution sur la stratégie visant une meilleure efficacité de la chaîne alimentaire. Il a demandé à la Commission européenne de prendre des mesures pratiques pour réduire de 50 % le gaspillage alimentaire d’ici 2025. Le PE souhaite qu’une stratégie coordonnée associant des mesures européennes et nationales soit mise en place de manière à diminuer les pertes à chaque étape de la chaîne alimentaire.

4.4

Dans sa communication sur l’utilisation efficace des ressources (3), la Commission y réserve un chapitre sur les denrées alimentaires et invite les États Membres à régler le problème du gaspillage alimentaire dans le cadre de leurs plans nationaux de prévention des déchets. On y précise que le gaspillage alimentaire devra être réduit de moitié d’ici 2020.

4.5

La Commission a publié en août 2011 des "lignes directrices sur la préparation des programmes de prévention des pertes alimentaires", qui visent à aider les États membres à élaborer des programmes nationaux de prévention des déchets dans le domaine des pertes alimentaires. En outre, la Commission a créé un site web consacré à ce thème, qui contient des informations sur la prévention des pertes alimentaires (par exemple, dix conseils pour limiter les déchets alimentaires, une feuille de clarification sur la différence entre les indications "à consommer de préférence avant le" et "à consommer jusqu'au", une compilation de bonnes pratiques, etc.).

4.6

Enfin, la Commission travaille actuellement à la rédaction d’une "Communication sur l’alimentation durable", dans laquelle le gaspillage alimentaire sera un chapitre important, et dont la publication est attendue pour fin 2013. Au sein du groupe consultatif de la chaîne alimentaire et de la santé animale et végétale, un groupe de travail sur les pertes et le gaspillage alimentaires a été constitué afin de permettre un échange sur ce thème entre la Commission et tous les stakeholders importants de la chaîne alimentaire.

4.7

On peut aussi mentionner l’initiative "Greencook", cofinancée par le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural), dont l’objectif est de réduire le gaspillage alimentaire. Grâce au partenariat multisectoriel, les diverses initiatives implémentées sur le terrain, font l’objet d’échanges en vue de passer du stade de l’expérimentation à celui de la stratégie généralisée. Les rapports intermédiaires sont encourageants et les enseignements finaux sont attendus pour 2014.

4.8

Le Conseil se préoccupe lui aussi de la question d'une production alimentaire durable. L'idée d'un nouveau modèle alimentaire, avancée dernièrement par l'Autriche et soutenue par 16 États membres, traite entre autres d'aspects relatifs à la valorisation des aliments et entend ainsi contribuer à la prévention de leur gaspillage (voir 16821/12).

4.9

Au Royaume Uni, le WRAP est actif depuis plusieurs années sur la quantification et la mise en place de campagne de prévention en matière de pertes et gaspillage alimentaires. Cette association est à la base d’un accord passé (Courtauld Commitment) entre les principaux détaillants britanniques et un grand nombre des plus importants producteurs de produits alimentaires et de boissons pour favoriser et implémenter toute action pouvant réduire le gaspillage. Depuis son lancement en 2006/2007, on observe une amélioration de la situation au sein de la chaîne alimentaire.

4.10

Le stade de la restauration est également un point critique dans les pertes alimentaires. Un rapport publié en Grande-Bretagne par la Sustainable Restaurant Association (Restaurant Food Waste Survey Report, 2010) permet de mieux appréhender ce qui se passe à ce niveau. L’idée de départ était de quantifier plus précisément les déchets alimentaires de dix restaurants membres de la SRA selon trois niveaux: le retour consommateur, le gaspillage lors de la préparation et les produits abîmés ou inutilisables pour diverses raisons. Enfin, l’analyse devait déboucher sur des recommandations pratiques de réduction des pertes observées.

4.11

Avec les crises économique et financière, les banques alimentaires se plaignent que leurs ressources diminuent alors que leurs besoins augmentent selon les États membres. Des accords existent entre diverses associations caritatives et les acteurs de la distribution et de la transformation afin de permettre l’utilisation de produits alimentaires retirés de la vente. Bien entendu, ces aliments continuent d’offrir toutes les garanties de sécurité sanitaire.

5.   Observations générales

5.1

Face aux défis que sont l’évolution démographique, le changement climatique et la nécessité d’utiliser efficacement les ressources, la lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaires doit être considérée comme une partie de la solution au problème de la sécurité alimentaire.

5.2

D’emblée une distinction doit être faite entre l’approche "pays en développement"" et "pays industrialisés".

5.3

Dans les pays en développement, les pertes se concentrant sur les premiers maillons de la chaîne, les solutions à préconiser sont d’un autre ordre, et ont déjà fait l’objet de recommandations dans divers documents du CESE. Dans les pays industrialisés, dont l’UE, la lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaire devrait cibler en priorité les maillons de la transformation, de la distribution, des consommateurs et de la restauration.

5.4

Dans les pays industrialisés, on est davantage face à un problème de comportement, suite à la diminution du poste "alimentation" dans le panier de la ménagère ces quarante dernières années qui concourt probablement à inciter le consommateur final à être moins attentif vis-à-vis de la nourriture. Certaines enquêtes indiquent que les attitudes face à la nourriture tant dans les achats que dans la consommation, varient selon le profil familial (niveau de revenus, grandeur et âge des ménages …). C’est un élément dont il faudra tenir compte pour optimaliser les actions d'éducation de sensibilisation et d’information qui devront être menées.

5.5

En examinant les nombreuses études et initiatives menées dans le cadre de la lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaires, on constate qu’il est indispensable, de disposer de chiffres fiables et comparables. Il s’avère aussi prioritaire au niveau de l’Union de disposer d’une définition et d’une méthodologie commune pour quantifier les pertes et le gaspillage. Cela sera effectué dans le cadre du projet "Fusions" du programme-cadre de recherche et de développement technologique (7e PC) lancé en août 2012. Ce projet s’intéresse également au partage et au développement de bonnes pratiques, à l’organisation d’évènements entre divers partenaires, à l’amélioration de la sensibilisation et à la mise en avant de recommandations politiques. Toutefois, l’urgence et les objectifs fixés commandent que l’on entame les actions concrètes en parallèle de recherches visant à améliorer les données.

5.6

Afin de valoriser les résultats des diverses expériences existantes aux plans communautaire, national et local, il est nécessaire de créer un cadre favorable au partage d’information et d’initiatives positives.

5.7

D’une manière générale:

Les efforts pour réduire les pertes et le gaspillage alimentaires doivent être hiérarchisés: premièrement la prévention, ensuite l’utilisation pour la consommation humaine (dons aux banques alimentaires par ex.), puis l’usage en alimentation animale, et enfin, la production d’énergie et le compostage.

Des actions doivent être menées à chaque niveau de la chaîne alimentaire. On privilégiera au maximum les approches incitatives.

Toute action en vue de réduire les pertes et le gaspillage ne doit pas transiger avec les exigences de sûreté alimentaire.

5.8

Même si la grande distribution ne représente pas le maillon de la chaîne où le gaspillage alimentaire est le plus important, elle peut jouer un rôle déterminant dans sa réduction, en adaptant certaines pratiques commerciales et en encadrant davantage les consommateurs au plan de l’information et de la sensibilisation.

5.9

Toutefois, en analysant les enquêtes étudiant les pratiques commerciales de vente, il n’est pas toujours aisé d’identifier celles qui influencent clairement dans un sens ou un autre le gaspillage alimentaire. Ces pratiques influenceront positivement ou non le gaspillage selon divers critères comme la taille des ménages, sa typologie ou encore le type de denrées concernées.

5.10

Les conclusions d'une enquête du CRIOC (Centre belge de recherche et d’information des organisations de consommateurs) en matière de pratiques commerciales sur le territoire belge suggèrent certaines initiatives qui pourraient être développées avec la distribution pour inciter les consommateurs à faire des choix responsables. Parmi les pistes évoquées, citons: initier un dialogue avec le consommateur qui pourrait viser l’origine, le mode de production, la qualité nutritionnelle plutôt que le simple facteur prix ou encore favoriser une interprétation correcte des dates de consommation figurant sur l’étiquette.

5.11

A un moment où les banques alimentaires font face à une diminution de leurs ressources en parallèle d’une augmentation des sollicitations, tout doit être mis en œuvre de la part des autorités pour faciliter le transfert des aliments en leur faveur. Tout en maintenant la sûreté alimentaire comme prioritaire, il est indispensable que les autorités adaptent certaines exigences administratives afin de faciliter le travail des distributeurs qui souhaitent approvisionner les banques alimentaires plutôt que se débarrasser de produits alimentaires encore consommables Une remarque similaire peut être faite à l’égard des traiteurs-restaurateurs. La promotion d’expériences menées dans certains États membres tant en termes de décharge de responsabilité des donateurs, sous réserve de certaines dispositions, qu’en termes d’incitants fiscaux devrait être encouragée.

5.12

Dans la réflexion menée pour favoriser les produits locaux en restauration collective, on constate que les producteurs et coopératives locaux peuvent être découragés au vu de la lourdeur des procédures. Permettre un accès plus aisé de ces acteurs aux marchés publics pourrait être une partie de la solution. Sur ce plan, les autorités locales ont aussi un rôle à jouer tant sur l’introduction de critères spécifiques pour les cantines sous leur responsabilité, que sur la formation du personnel à une alimentation plus durable.

5.13

Toujours dans le domaine de la restauration, les diverses initiatives démontrent la nécessité de communiquer tant vis-à-vis du personnel que du consommateur en vue de modifier les comportements.

5.14

Le cursus scolaire des futurs cuisiniers devrait être adapté. On pourrait y inclure une sensibilisation aux diverses facettes du gaspillage alimentaire telles que la gestion des stocks, le tri sélectif, les gains financiers possibles ou encore l’approche consommateur.

5.15

Toute politique de prévention doit prendre appui sur une action conjointe et coordonnée de l’ensemble des acteurs concernés. Les mesures à mettre en œuvre devant être différenciées selon les acteurs, le type d’aliments et le mode de consommation visés en vue de déboucher le plus rapidement possible sur des résultats concrets.

5.16

On peut citer comme exemple, la nécessité d’initier un dialogue avec l’industrie de transformation pour qu’elle mette en marché des produits contribuant à une diminution du gaspillage alimentaire des ménages (design des emballages, quantités et formats adaptés pour certains produits alimentaires …). Cette problématique devrait aussi être insérée dans la formation des designers d’emballages.

5.17

Au stade de la production primaire, différentes pistes pourraient être encouragées et développées:

poursuivre, voire intensifier la recherche appliquée, tant au plan animal que végétal, en vue de réduire les pertes résultant de maladies, d’un déficit de technicité ou de caprices climatiques; le Partenariat européen d’innovation "Productivité et développement durable de l’agriculture" pourrait s’intégrer dans cette démarche;

encourager la mise en place d’accords interprofessionnels, d’ailleurs prônés par la PAC actuelle et future, en veillant à leur efficacité et à les faire évoluer dans le sens de la durabilité;

l’agriculture continuera à jouer un rôle déterminant en tant que fournisseur de l’industrie agro alimentaire, mais la promotion et le développement des circuits courts peuvent contribuer à réduire les pertes et le gaspillage, en supprimant des intermédiaires entre les maillons de la production et de la consommation.

5.18

Actuellement, l’amplitude des pertes alimentaires et du gaspillage ainsi que leurs causes sont en principe bien connue. Mais il conviendrait de mieux préciser les pertes par cause. Il est clair que les diverses études de quantification des pertes et du gaspillage à divers stades sont fondamentales pour mieux comprendre le phénomène et entamer des actions de prévention, sur base d’arguments sérieux et vérifiables. Ces démarches sont d’autant plus importantes que les coûts liés au gaspillage, via le volume de déchets produits, ne feront qu’augmenter à l’avenir.

5.19

En fait, le gaspillage alimentaire au stade du consommateur a une origine multifactorielle qui se décline différemment selon l’État membre, sa culture, son climat, le régime alimentaire et la typologie des ménages. Cette observation complique davantage le choix d’une communication adaptée à l'échelon européen.

Bruxelles, le 20 mars 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur "La distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de l'Union" (JO C 43 du 15.2.2012 p. 94-98).

(2)  COM(2011)571 final "Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources" p. 21.

(3)  COM(2011)571 final "Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources".


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