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Document 52001IE0528

Avis du Comité économique et social sur "L'élargissement de l'UE: le défi de la réalisation des critères économiques pour l'adhésion que doivent relever les pays candidats"

JO C 193 du 10.7.2001, p. 60–69 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52001IE0528

Avis du Comité économique et social sur "L'élargissement de l'UE: le défi de la réalisation des critères économiques pour l'adhésion que doivent relever les pays candidats"

Journal officiel n° C 193 du 10/07/2001 p. 0060 - 0069


Avis du Comité économique et social sur "L'élargissement de l'UE: le défi de la réalisation des critères économiques pour l'adhésion que doivent relever les pays candidats"

(2001/C 193/14)

Le 13 juillet 2000, le Comité économique et social a décidé, conformément à l'article 23 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème "L'élargissement de l'UE: le défi de la réalisation des critères économiques pour l'adhésion que doivent relever les pays candidats".

La section "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 13 mars 2001 (rapporteur: M. Vever).

Lors de sa 381e session plénière des 25 et 26 avril 2001 (séance du 25 avril 2001), le Comité économique et social a adopté à l'unanimité l'avis suivant.

1. Résumé

1.1. Au cours de la présente décennie, l'Union européenne va s'élargir sur une grande échelle, réalisant l'ambition politique inédite d'unifier, d'ouest en est, la majeure partie du continent européen. Les lignes directrices de la stratégie pour l'élargissement, actualisées par la Commission en novembre 2000 et agréées depuis par le Conseil, considèrent que les préalables du côté de l'UE sont désormais levés, sur le plan financier par l'accord de Berlin programmant l'Agenda 2000, et sur le plan institutionnel par l'accord de Nice réformant le traité. Les nouveaux élargissements dépendent essentiellement des "feuilles de route" de chacun des pays candidats, c'est-à-dire des progrès de reprise de l'acquis, jugés en bonne voie pour la grande majorité des candidats, et de la conclusion des négociations d'adhésion, jugée possible dès 2002 pour les mieux placés d'entre eux. Tout en souscrivant aux grandes lignes de cette évaluation, le Comité souligne aussi que les responsabilités demeurent nécessairement partagées entre les 15 et les pays candidats pour relever le défi économique de l'élargissement, cible mouvante dont les enjeux sont triples: la reprise effective de l'acquis, une efficacité accrue des méthodes d'appui, la préparation d'une nouvelle cohésion dans l'Union élargie.

1.2. La reprise effective de l'acquis communautaire devient très exigeante en raison du haut niveau d'intégration que l'Union a déjà atteint et qu'elle va continuer de construire. L'enjeu est inévitablement compliqué par le nombre élevé, les écarts de développement et la diversité des besoins d'adaptation des pays candidats. Le rapport de la Commission de novembre 2000 fait état de progrès très encourageants dans les pays candidats, illustrés par l'intensification des échanges économiques avec l'Union européenne. Ces progrès ouvrent la perspective d'adhésion prochaine d'une grande majorité des pays candidats. Les priorités restantes varient selon les pays, et doivent être ciblées en conséquence. Mais au-delà de la diversité des chantiers qui restent à achever, le Comité souligne qu'un point commun est la nécessité d'associer pleinement la société civile pour les mener à bien.

1.3. La réussite du processus d'intégration nécessite une efficacité accrue des méthodes d'appui. Les aides communautaires programmées par l'Agenda 2000 à Berlin ne suffiront pas à elles seules pour financer le rattrapage: le Comité souligne qu'elles doivent surtout appuyer les conditions cadres d'attraction de l'investissement privé, qui peut seul mobiliser toutes les ressources nécessaires. Ceci suppose aussi d'intensifier les actions de formation en liaison étroite avec les acteurs socioprofessionnels, avec des appuis communautaires. Les rapports d'évaluation de la Commission doivent être complétés en engageant une surveillance conjointe du Conseil Économie-Finances et en impliquant directement les représentants socioprofessionnels de la société civile, bien placés pour évaluer la réalité des progrès sur le terrain. Le Comité y contribuera à travers ses conférences annuelles et les comités consultatifs mixtes. Il conviendrait aussi d'associer dès à présent les pays candidats à certaines politiques communes (marché intérieur, propriété intellectuelle, douanes, environnement, politique commerciale).

1.4. Il importe enfin de préparer dès à présent les conditions d'une nouvelle cohésion économique et sociale dans l'Union élargie, enjeu complexe qui implique des actions innovatrices conjointes. Le Comité souligne la nécessité d'engager des réformes d'organisation dans les domaines législatif, administratif, économique et social. Sur le plan législatif, une première priorité est de simplifier la réglementation communautaire en améliorant sa qualité et son efficacité tout en renforçant ses disciplines d'application. Sur le plan administratif, il convient d'associer les États au renforcement des contrôles sur le marché unique, dans des conditions responsabilisant toutes les administrations nationales. Sur le plan économique et social, il convient de poursuivre l'approfondissement de l'UEM en préparant les pays candidats qui devraient participer dès l'adhésion au mécanisme de change du SME2. Il faut aussi les associer dès à présent au mandat de Lisbonne qui a convié tous les États membres à engager des adaptations structurelles pour renforcer la compétitivité européenne.

1.5. Pour atteindre ces trois objectifs, le Comité lance un appel pour qu'un programme global et pluriannuel de préparation à l'élargissement soit engagé dès 2001, visant à renforcer l'efficacité des méthodes d'appui aux pays candidats tout en créant déjà parmi les 15 les conditions qui préserveront la cohésion de l'Europe élargie. Ce programme devra être mené à bien avant la fin des mandats actuels du Parlement et de la Commission. Il devra aider les pays candidats à relever le défi économique de l'adhésion en créant une véritable synergie constructive entre eux et les 15. Un tel processus interactif, conduit en liaison étroite avec la société civile, permettra non seulement d'élargir l'Union européenne sans compromettre sa cohésion économique et sociale, mais de renforcer sa compétitivité en optimisant, à travers son unification, son assise et ses atouts.

2. Observations préliminaires

2.1. L'élargissement à grande échelle de l'Union européenne est le défi majeur de cette décennie, qui va la marquer profondément. Plus qu'un simple élargissement, il s'agit d'unifier l'Europe, et de faire de cette unification son atout au 21e siècle, après que sa division ait été son handicap au 20e. C'est un défi global et complexe, qui intéresse la finalité politique de l'Union européenne, son adaptation institutionnelle, ses méthodes d'organisation interne, sa dimension géographique et régionale, sa capacité concurrentielle sur le plan mondial. C'est un défi interactif, car ces différents facteurs vont agir les uns sur les autres, dans un processus dynamique qu'il conviendra d'ordonner et de maîtriser. Le défi économique et social est évidemment au centre de cette problématique, tant en ce qui concerne les opportunités ouvertes que les exigences pour réussir un tel processus(1).

2.2. Les opportunités économiques de l'élargissement sont inédites: l'enjeu est de créer un grand marché intérieur rassemblant plus d'un demi-milliard d'Européens, qui assurera l'irréversibilité de la mutation économique intervenue dans les pays candidats et stabilisera le continent européen autour des principes et des disciplines d'économie de marché. Ce grand marché permettra de conforter le développement économique et le progrès social de l'espace européen, de renforcer sa compétitivité globale, d'intensifier les investissements et les échanges, en valorisant les complémentarités des États membres. Il renforcera le poids spécifique de l'Union européenne dans les échanges mondiaux, sur le plan bilatéral et multilatéral, au moment où de nouvelles règles vont devoir être négociées pour encadrer la globalisation économique.

2.3. Les lignes directrices de la stratégie pour l'élargissement, actualisées par la Commission en novembre 2000 et agréées depuis par le Conseil, considèrent que les préalables du côté de l'UE sont désormais levés, sur le plan financier par l'accord de Berlin de mars 1999 programmant l'Agenda 2000, et sur le plan institutionnel par l'accord de Nice de décembre 2000 réformant le traité. Les nouveaux élargissements ne dépendent donc plus que de l'avancement des "feuilles de route" de chacun des pays candidats, c'est-à-dire la poursuite des progrès de reprise de l'acquis, jugée en bonne voie pour la grande majorité des candidats, et l'achèvement des négociations d'adhésion, jugée possible dès 2002 pour les mieux placés d'entre eux.

2.4. Tout en souscrivant aux grandes lignes de cette évaluation, et en appuyant la perspective de voir les premiers élargissements se réaliser prochainement, le Comité souligne que le défi économique et social demeure aujourd'hui encore au coeur du processus. Les questions posées sont à la hauteur des opportunités. Le nombre des pays candidats et les écarts actuels de développement vont créer une diversité accrue qui va poser dans de nouveaux termes la question de la cohésion de l'Union.

2.5. Surtout, l'objectif assigné aux pays candidats d'intégrer l'économie européenne est une cible mouvante. En effet, l'Union européenne est encore loin d'avoir atteint sa pleine maturité politique et économique ni d'avoir achevé ses adaptations sociales. L'union économique et monétaire, mise en place en 1999 entre 11 États membres et aujourd'hui élargie à 12, ne fait que commencer et va considérablement amplifier le processus d'intégration des économies nationales. Par ailleurs, les 15 ont convenu au Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 d'accélérer leurs réformes structurelles pour adapter leurs économies aux nouveaux enjeux de la compétitivité, confirmant cet engagement au Conseil européen de Stockholm de mars 2001.

2.6. Le Comité a centré sa réflexion sur trois questions essentielles directement liées à ces observations préliminaires:

- le défi de la reprise effective de l'acquis;

- le défi d'une efficacité accrue des méthodes d'appui;

- le défi de la préparation d'une nouvelle cohésion dans l'Union élargie.

2.7. Une audition de représentants socioprofessionnels des différents pays candidats(2) a permis d'approfondir l'analyse et les recommandations du Comité, qui intègre ainsi les appréciations exprimées par ces représentants. Un large consensus s'est dégagé lors de cette audition sur les lignes directrices de cet avis.

3. Le défi de la reprise effective de l'acquis

3.1. Le Conseil européen de Copenhague en 1993 avait déjà édicté comme condition de l'adhésion la capacité des pays candidats à se doter d'une économie de marché efficace et à faire face à la concurrence sur le marché unique. L'objectif des négociations avec chacun des pays candidats est d'assurer une reprise intégrale effective de l'acquis communautaire, limitant strictement le champ et la durée de transitions éventuelles après l'adhésion. Le défi de cette reprise et de sa mise en oeuvre effective par les pays candidats se situe à un haut niveau d'exigence. Le marché unique européen a en effet déjà atteint une forte intégration, basée sur une importante réglementation commune (évaluée à quelque 80000 pages), souvent récente. La coordination européenne est devenue beaucoup plus exigeante avec la mise en place depuis 1999 de l'union économique et monétaire. Il a été convenu que les nouveaux États membres devront rejoindre l'UEM, sans possibilité "opting out" politique, dès qu'ils satisferont à ses critères économiques.

3.2. Mesurer l'exigence des enjeux

3.2.1. La reprise de l'acquis va être compliquée par le nombre des pays candidats, leur diversité géographique, leurs écarts de développement, les exigences sociales.

3.2.1.1. Le nombre des pays candidats est élevé: l'Union européenne est aujourd'hui en négociation simultanée avec douze pays candidats à l'adhésion, et un statut de pays candidat a été reconnu au Conseil européen d'Helsinki en décembre 1999 à un treizième, la Turquie (même si l'ouverture de négociations d'adhésion avec ce pays demeure soumis à des préalables liés aux critères politiques définis à Copenhague).

3.2.1.2. La diversité géographique des pays candidats est forte: les écarts de taille sont très marqués (de 400000 habitants pour Malte à 38,7 millions pour la Pologne et 64,3 pour la Turquie) et la diversité régionale aussi: dix pays candidats appartiennent à l'Europe centrale et orientale (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Estonie, Lituanie, Lettonie, Slovénie, Roumanie, Bulgarie) et trois au bassin méditerranéen (Chypre, Malte, Turquie).

3.2.1.3. Les écarts de développement sont très accusés, avec un niveau de vie se situant en moyenne dans les pays candidats à seulement 40 % de la moyenne communautaire: si la population des 13 candidats (170 millions d'habitants) représente 45 % de celle de l'Union des 15, leur PIB n'est, en termes statistiques, que de 6,7 % du PIB de l'UE, avec des écarts comparatifs également très marqués (différentiel entre les pays candidats supérieur à 1:3).

3.2.1.4. Les implications de l'adhésion sont aussi sociétales: l'intégration économique des candidats dans l'UE va entraîner dans ces pays des transformations radicales concernant les fondamentaux économiques et la régulation conjoncturelle, les acteurs économiques (entreprises, salariés, consommateurs), les institutions administratives et juridictionnelles. Or, si les négociations actuelles permettent de se mettre d'accord sur les règles et les modalités de leur application, elles ont un impact moindre sur les évolutions économiques et sociales et sur les changements administratifs, judiciaires et sociétaux ("institution building") qui sont nécessaires pour bien réussir la reprise de l'acquis communautaire. Toutes les composantes de la société civile doivent être impliquées dans les réformes.

3.2.2. D'autres facteurs devraient par contre contribuer à faciliter la reprise de l'acquis communautaire.

3.2.2.1. Il s'agit pour la plupart des pays candidats de marchés de dimension limitée, ce qui peut faciliter leur mutation.

3.2.2.2. Les investissements communautaires qui se sont considérablement développés dans ces pays contribuent aussi à exporter un référentiel commun de l'UE et à le diffuser assez largement (sous-traitants, etc.).

3.2.2.3. Le contrôle juridique de la reprise de l'acquis communautaire peut enfin s'appuyer sur des critères communautaires clairs et mesurables, facilitant l'appréciation des situations.

3.3. S'appuyer sur les progrès en cours

3.3.1. Un long processus d'adaptation des économies des pays candidats s'est déjà développé depuis le démarrage du processus de préadhésion convenu en 1994 à Essen, avec les accords européens, les partenariats pour l'adhésion et les instruments de préadhésion (programmes Phare - capacité institutionnelle et aide à l'investissement, ISPA - infrastructures d'environnement et de transports - et Sapard - développement agricole et rural -) et avec la participation des pays candidats à de nombreux programmes communautaires. L'objectif était d'accélérer le développement dans ces pays d'une économie de marché apte à supporter la concurrence au sein du marché unique et dans les échanges extérieurs d'une Union européenne ouverte sur le monde. Dans un premier temps, la conversion des pays d'Europe centrale et orientale à l'économie de marché s'est faite dans des conditions qui ont révélé les retards de compétitivité accumulés dans une économie d'État (comme ceci avait déjà été le cas avec l'intégration de l'économie est-allemande), créant dans la plupart d'entre eux de fortes pressions inflationnistes, une chute de la productivité, une augmentation du chômage.

3.3.1.1. Mais ces débuts difficiles ont été suivis, notamment dans les pays qui ont accéléré le processus de réforme et de réorientation des flux commerciaux, d'un net redressement économique dès que les restructurations et les investissements privés ont pu déployer leurs effets positifs. Un point sensible dans la plupart des pays candidats demeure le chômage, dont l'accroissement a été inévitablement lié aux restructurations économiques en cours: une priorité est d'améliorer la réactivité du marché du travail aux développements de la croissance, pour contribuer à réduire le chômage de façon significative, comme ceci est déjà le cas dans les pays candidats les plus avancés dans les réformes tels la Hongrie ou la Slovénie.

3.3.2. Le rapport de la Commission diffusé le 8 novembre 2000 fait état de nombreux progrès concernant l'amélioration des équilibres économiques, de la productivité et de l'emploi dans le secteur privé. Selon ce rapport, Chypre, Malte, l'Estonie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie sont aujourd'hui des économies de marché qui sont prêtes à adhérer à l'Union européenne dans un avenir proche, sous réserve de commentaires diversifiés mais globalement positifs faits sur la situation de chacun de ces pays. La Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie sont également considérées comme des économies de marchés viables, et devraient être prêtes à adhérer dans un avenir à moyen terme, sous réserve d'amplifier les réformes en cours. Par contre, la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie doivent encore développer voire engager les réformes pour répondre aux critères économiques de l'adhésion, dans un avenir qui n'a pas pu être qualifié à ce stade (des critères politiques préalables subsistant pour la Turquie, qui conditionnent l'ouverture de négociations). Au total, on constate que les progrès enregistrés par la Commission ouvrent à sept et peut-être dix pays candidats des perspectives d'adhésion proche, sans doute à dater de 2004 pour les mieux placés.

3.3.3. Outre la croissance économique, évaluée l'an passé sur un plan global à environ 4 % annuels, les progrès ont été particulièrement nets en ce qui concerne l'intensification des échanges commerciaux avec l'UE, qui ont progressé à un rythme annuel de 20 % depuis 1993 et ont été multipliés par trois, représentant actuellement en moyenne 60 % du commerce extérieur de ces pays (un pourcentage équivalent à celui des 15 de l'UE dans leurs échanges intracommunautaires): les pays candidats sont devenus le second partenaire de l'UE, derrière les États-Unis. Ces échanges demeurent aujourd'hui marqués par un fort excédent commercial de l'UE, dépassant 25 milliards d'euros en 1999 soit près du quart du total des exportations communautaires vers ces pays.

3.3.4. Les évaluations et recommandations suivantes du Comité, principalement basées sur ses auditions de représentants socioprofessionnels des pays candidats, sont présentées de façon globale et correspondent à des constats dominants. Elles doivent évidemment être nuancées en fonction de la diversité des situations nationales des pays candidats.

3.3.5. Le Comité constate que les progrès dans les échanges se sont appuyés sur plusieurs évolutions positives dans la plupart des pays candidats, notamment:

- l'acceptation du processus du changement et de l'adaptation au marché unique;

- un renforcement des organisations professionnelles, syndicales, de consommateurs;

- en parallèle aux progrès de productivité, une nouvelle culture d'entreprise et de gestion;

- une forte augmentation des investissements internationaux;

- une modernisation des infrastructures et de l'appareil de production;

- le développement du secteur des services (banques, assurances, commerce, audiovisuel);

- une coopération accrue dans le domaine de la normalisation technique.

3.4. S'attacher à résoudre les principaux problèmes

3.4.1. Les questionnaires et les auditions du Comité ont permis de relever plusieurs cas de problèmes et de retards dans les pays candidats, qui sont mentionnés ci-après. L'addition de ces différents cas ne signifie nullement qu'elle serait révélatrice des problèmes rencontrés dans chacun d'entre eux: avec les progrès réalisés ou en cours dans les États candidats, seuls les pays les plus en retard sur la voie de l'adhésion cumulent encore chez eux la plupart des problèmes constatés. Compte tenu de ce correctif dans l'interprétation des données, les auditions du Comité indiquent que les principaux problèmes concernent, outre les difficultés et les coûts généraux de la mise à niveau:

3.4.1.1. des retards de modernisation des structures (appareil de production, formation et qualification de la main-d'oeuvre, système financier, réseaux de distribution, structures administratives et juridictionnelles, infrastructures de transports et de communications);

3.4.1.2. des retards d'adaptation de la réglementation (restrictions aux mouvements de capitaux, compatibilité des normes techniques et comptables, lacunes de propriété intellectuelle et industrielle, protection de l'environnement, problèmes liés au développement de l'économie souterraine).

3.4.2. Les problèmes les plus cités par les acteurs économiques et socioprofessionnels des pays candidats concernent:

3.4.2.1. d'une façon générale, les retards de compétitivité face à une concurrence accrue, la complexité de l'application des réglementations communautaires, la limitation des aides communautaires, les difficultés des entreprises à se développer, notamment les PME (manque de capital et d'accès au crédit);

3.4.2.2. dans le domaine commercial, les déficits dans les échanges avec l'UE, et également les restrictions d'accès des produits agricoles dans l'UE qui demeurent au-delà des ouvertures;

3.4.2.3. dans le domaine social, les adaptations nécessaires de main-d'oeuvre, souvent excédentaire dans l'agriculture mais insuffisante dans d'autres secteurs, la préoccupation de ne pas voir partir la main-d'oeuvre qualifiée, et aussi les problèmes de mise en place, d'adaptation, de bon fonctionnement des systèmes de protection sociale.

3.4.3. Les problèmes les plus cités par les acteurs économiques et socioprofessionnels de l'Union européenne s'avèrent plus marqués en ce qui concernent les exportateurs que les investisseurs sur le terrain. Ils concernent:

3.4.3.1. d'une façon générale, des problèmes d'insécurité juridique et de capacité institutionnelle des administrations des pays candidats (cas de procédures bureaucratiques et d'absence de recours, compétence et indépendance des autorités de contrôle, cas de protectionnisme douanier récurrent, manque d'efficacité de certaines instances de réglementation, de normalisation et de certification, difficultés des reconnaissances mutuelles, fraudes, problèmes de corruption);

3.4.3.2. dans le domaine économique, la complexité et le niveau de la fiscalité, la persistance d'obstacles non tarifaires et d'entraves techniques et administratives aux échanges, un manque de transparence des programmes de privatisations, un manque de prévisibilité du cadre juridique et fiscal, certains maintiens de réglementations de prix, toutefois limités;

3.4.3.3. dans le domaine de la politique de concurrence, certaines limitations à la liberté d'établissement, des restrictions d'implantation (licences d'implantation, succursales), les restrictions à l'acquisition foncière (même si elles peuvent être contournées en créant une filiale), le niveau des aides d'État dans certains secteurs confrontés à des problèmes d'adaptation et de compétitivité, des défauts d'ouverture des marchés publics, des pratiques anormales (dumping de prix qui demeurent toutefois, au vu des procédures ouvertes, en nombre relativement limité, non-respect d'exigences environnementales, travail illégal).

3.5. Cibler les priorités d'adaptation restantes

3.5.1. Les auditions du Comité indiquent que les chantiers prioritaires pour les pays candidats concernent:

3.5.1.1. d'une façon générale, la consolidation des progrès déjà notés (gestion économique, productivité, qualité des biens et des services, culture d'entreprise, éducation du consommateur), avec une implication directe de la société civile;

3.5.1.2. dans le domaine de la politique économique, le renforcement de la stabilisation macroéconomique, la suppression des entraves aux échanges de produits et de services, la poursuite et l'accélération des privatisations, le développement de la libération des prix, les réformes fiscales appuyant l'économie de marché, le respect des disciplines monétaires, un régime fiable de protection de la propriété intellectuelle et industrielle, l'appui des PME, le développement de la transposition des normes européennes, certifications et reconnaissances mutuelles, la protection de l'environnement;

3.5.1.3. dans le domaine des structures publiques, le renforcement de la réforme de l'État, des administrations, de l'appareil juridictionnel, de la politique de concurrence, l'acceptation des disciplines de l'OCDE et du Conseil de l'Europe pour lutter contre la corruption (conventions civile et pénale);

3.5.1.4. dans le domaine des structures économiques, le renforcement d'organisations professionnelles autonomes et représentatives, la modernisation des structures industrielles, commerciales, financières, également agricoles (avec de nouvelles concessions réciproques dans les échanges), et d'adaptation des infrastructures de transports, d'énergie, de télécommunications, notamment transfrontalières entre pays candidats et avec l'UE;

3.5.1.5. dans le domaine social, la transposition de l'acquis social communautaire, le développement du dialogue social, la lutte contre l'économie souterraine.

4. Le défi d'une efficacité accrue des méthodes d'appui

4.1. L'appui à la mise à niveau économique des pays candidats va imposer un effort d'adaptation des méthodes, autour de quatre volets: le recentrage des aides communautaires, l'intensification des actions de formation, l'amélioration des rapports d'évaluation, l'association anticipée à certaines politiques communautaires.

4.2. Optimiser l'aide communautaire

4.2.1. Les aides communautaires, programmées pour la période 2000-2006 dans l'"Agenda 2000" adopté en mars 1999 à Berlin, sont demeurées dans le cadre du plafond budgétaire communautaire fixé à 1,27 % du PNB. Elles prévoient de façon anticipative sur cette période une vingtaine de milliards d'euros pour les instruments de préadhésion et une cinquantaine de milliards, à dater de 2002, pour de nouveaux pays membres. Tout en étant significative, une telle aide ne suffira évidemment pas pour financer à elle seule les besoins de développement et de rattrapage des pays concernés.

4.2.2. L'Union européenne ne devrait pas considérer qu'elle s'est acquittée de ses responsabilités d'appuis financiers aux pays candidats du seul fait de l'adoption de l'Agenda 2000: pour le Comité, l'essentiel est à présent de cibler ces interventions communautaires sur l'appui à une économie de marché efficace en assurant un effet d'amorçage et de promotion de l'investissement privé qui seul peut mobiliser les ressources nécessaires. Pour atteindre cet objectif, le Comité souligne plusieurs nécessités:

4.2.2.1. il est en premier lieu indispensable de développer le partenariat avec les acteurs socioprofessionnels concernant les programmes nationaux d'adaptation à l'acquis communautaire et l'utilisation des aides communautaires, en assurant cette concertation aux niveaux de la conception, de la mise en oeuvre, du suivi et de l'évaluation;

4.2.2.2. le contrôle de l'impact des aides sur le développement économique doit être renforcé, en s'appuyant notamment sur ce partenariat avec les acteurs socioprofessionnels;

4.2.2.3. le cadre d'activités des entreprises, y compris en accélérant la réforme de l'administration publique et en assurant la mise en place de juridictions qualifiées, efficaces et autonomes (justifiant de développer les opérations déjà amorcées de jumelages entre administrations nationales des États membres et des États candidats);

4.2.2.4. les programmes d'appui devraient privilégier davantage une dimension transnationale, renforçant la coopération régionale des pays candidats entre eux;

4.2.2.5. le développement de partenariats public/privé apparaît indispensable, notamment pour les projets de réseaux transeuropéens d'infrastructures (cf.: transports, énergie, télécommunications, environnement);

4.2.2.6. outre la conformité des aides communautaires avec les règles de concurrence, il importe aussi de veiller à une conditionnalité des aides tenant compte des disciplines communes, de la sécurité juridique concernant les personnes, les biens, les transactions et les investissements, du renforcement des dispositifs de lutte contre les irrégularités, les fraudes, la corruption, l'économie souterraine;

4.2.2.7. enfin, il est particulièrement nécessaire d'assurer le développement d'un système financier et bancaire fort et bien contrôlé.

4.2.3. Il serait par ailleurs utile de faciliter des jumelages entre des aides communautaires et des aides nationales des États membres pour renforcer l'impact de financement de certains projets, ce qui serait un moyen de pallier la limitation des aides communautaires et de concentrer davantage les aides européennes, qu'elles soient européennes ou nationales, sur certains projets prioritaires.

4.2.4. Le Comité souligne enfin la nécessité d'aménager à terme plutôt une dégressivité qu'une croissance des aides non remboursables, ce qui irait dans le sens d'une limitation globale des aides publiques dans le fonctionnement de l'économie européenne: il conviendrait donc d'accompagner ces aides publiques par des prêts à taux réduit, des bonifications d'intérêt, des garanties sur prêt ou des participations au capital, avec une meilleure coordination entre les aides des fonds et les prêts de la Banque européenne d'investissement, des banques et du secteur financier.

4.3. Intensifier les actions de formation

4.3.1. La mise à niveau des pays candidats va également requérir un effort de formation de grande ampleur, où les acteurs socioprofessionnels des pays membres vont jouer un rôle clé, en développant avec leurs homologues des pays candidats des accords de coopération et d'assistance mutuelle, en les informant de leurs droits et obligations vis-à-vis de l'acquis communautaire, et en appuyant leur adaptation en fonction de leurs besoins spécifiques.

4.3.2. Ces actions de formation par les acteurs socioprofessionnels et les partenaires sociaux, qui ont déjà commencé avec des appuis communautaires notamment du programme Phare, devraient se développer davantage encore à travers des missions d'experts, des stages et des échanges mutuels. Elles devraient contribuer à intégrer tous les facteurs d'adaptation et notamment:

- appuyer un cadre législatif et judiciaire favorable à l'initiative privée;

- diffuser le même référentiel de gestion;

- apprendre le bon usage des outils juridiques européens tels que le brevet européen, la marque communautaire, la certification CE, etc.;

- développer les accords de reconnaissance mutuelle;

- promouvoir le dialogue social.

4.4. Améliorer les rapports d'évaluation

4.4.1. L'état des lieux de la reprise de l'acquis communautaire fait l'objet de rapports annuels réalisés par la Commission européenne en liaison directe avec les administrations des pays candidats, le dernier ayant été présenté le 8 novembre 2000.

4.4.2. Le Conseil Économie-Finances a convenu en novembre 2000 de débattre également de certains aspects particulièrement significatifs de la politique économique des pays candidats, notamment leurs programmes économiques et leur politique financière, pour les rapprocher de plus en plus de la pratique dans l'Union européenne (prévisions économiques, notification des agrégats, stabilité des finances publiques, etc.). Le Comité approuve cette initiative, qui permettra aussi de mieux associer les pays candidats au processus de Cardiff sur le renforcement de la fluidité économique du marché unique et de l'adaptation des marchés de services et de capitaux.

4.4.3. Par ailleurs, le Comité souligne que ses rencontres avec les représentants socioprofessionnels des pays candidats font fréquemment ressortir des appréciations directes venant du terrain assez différentes des rapports officiels, notamment sur les points suivants: état des réformes et des progrès, application des nouvelles législations, retards de reprise de l'acquis, problèmes de concurrence, entraves éventuelles au marché unique. Le débat sur l'adhésion à l'Union européenne, sur ses progrès, sur ses modalités et sur ses conditions doit être porté au coeur de la société civile, à travers un dialogue permanent avec ses représentants organisés. Le Comité recommande donc d'assurer désormais une implication directe des acteurs socioprofessionnels dans ces rapports pour mieux évaluer les évolutions réelles, concernant l'état des réformes et des progrès, l'application réelle des nouvelles législations, les entraves sur le terrain, etc.

4.4.3.1. Dans le même esprit, la Commission européenne devrait veiller à intégrer dans ses rapports d'évaluation les analyses et les recommandations issues tant des Conférences annuelles organisées par le Comité économique et social avec les représentants socioprofessionnels des pays candidats que des Comités consultatifs mixtes (CCM) bilatéraux qui ont été créés avec plusieurs d'entre eux. Par ailleurs, les pouvoirs publics des pays candidats qui n'ont pas encore proposé de créer un CCM devraient le faire incessamment.

4.5. Associer déjà les États candidats à certaines politiques communes

4.5.1. Il serait utile d'activer la préparation opérationnelle des pays candidats en les associant, dès la période de préadhésion, à la mise en oeuvre de politiques communes, en cherchant à faire fonctionner déjà des espaces d'adhésion limités mais réels. Ceci faciliterait l'accélération des négociations et la définition d'échéanciers cibles pour chacune des adhésions.

4.5.2. Un bon exemple de cette approche est la signature récente par la Commission européenne d'accords de reconnaissance mutuelle des produits industriels (PECA) avec la Hongrie, la République tchèque et la Lettonie. Ces accords devraient s'étendre à d'autres pays candidats.

4.5.3. On peut aussi citer l'association à part entière des pays candidats qui a été convenue pour l'espace européen de recherche et notamment le 6e Programme cadre.

4.5.4. Le Comité appuie par ailleurs la proposition de la Commission européenne, qu'il avait lui même formulée dans un précédent avis concernant l'impact de l'élargissement sur le marché unique, d'étendre vers les pays candidats les centres de coordination et les points de contact "marché unique" déjà établis dans chacun des 15 États membres pour contribuer à régler sur une base bilatérale les obstacles qui peuvent encore se présenter dans les échanges mutuels.

4.5.5. Une telle approche coopérative pourrait aussi s'appliquer à la politique communautaire des douanes, alors que la plupart des nouveaux candidats auront lors de leur entrée dans l'Union européenne une frontière avec un pays tiers.

4.5.6. Le Comité appui aussi les propositions faites en janvier 2001 par la Commission européenne, visant à faire adhérer dès 2001 les pays candidats à l'Agence européenne pour l'environnement.

4.5.7. Le Comité attire également l'attention sur la nécessité de prévoir la possibilité pour les pays candidats de se rallier au brevet communautaire dès qu'il sera adopté par l'Union européenne, avant même leur adhésion (sans que cette association ne complique d'aucune façon l'adoption par les 15 du brevet communautaire dès 2001). En effet, un déblocage du brevet communautaire, au bénéfice duquel les États candidats se trouveraient exclus, empêcherait de prendre en considération ces pays dans les nouveaux brevets qui seraient délivrés. Ce faisant, il s'avérerait impossible de les inclure ultérieurement dans les brevets communautaires délivrés avant leur adhésion, en raison des règles limitatives du droit de propriété intellectuelle et industrielle qui interdisent d'ajouter ultérieurement d'autres pays à ceux pour lesquels le brevet a été délivré à l'origine. Une telle situation créerait pour de très nombreux brevets communautaires un clivage au sein du marché unique, lorsqu'il s'élargira, contredisant les avantages escomptés légitimement de ce brevet.

4.5.8. Le Comité appuie enfin l'association des pays candidats aux objectifs poursuivis par l'Union européenne dans les négociations commerciales internationales, qui justifient une concertation étroite de la Commission avec eux, afin de renforcer le poids de l'Union européenne sur la scène internationale.

5. Le défi de la préparation d'une nouvelle cohésion dans l'Union élargie

5.1. L'élargissement de l'Union européenne va modifier très sensiblement les données de sa cohésion interne, au moment même où l'Union est engagée dans la poursuite de son approfondissement, loin d'être achevé. La recherche d'une cohésion optimale va se trouver compliquée par les retards et les écarts de développement des pays candidats qui sont, pour la plupart d'entre eux, tels qu'ils ne pourront se résorber que très partiellement d'ici leur adhésion effective. Ils subsisteront encore largement durant les premières années, sinon les premières décennies qui suivront l'adhésion. L'Union élargie devra donc apprendre à vivre avec une dispersion fortement accrue des niveaux économiques de ses États membres et de ses régions et trouver les moyens à la fois de s'y adapter et d'y remédier progressivement. Ni l'Agenda 2000 adopté à Berlin en 1999 ni la réforme du traité issue de l'accord de Nice en décembre 2000 ne suffiront à concilier élargissement et approfondissement s'ils ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une réorganisation plus globale. Il convient donc d'engager des actions nouvelles, associant pleinement les pays candidats, pour simplifier la réglementation communautaire, coordonner les administrations nationales sur des missions communes, consolider l'UEM et renforcer ensemble la compétitivité du site Europe.

5.2. Simplifier la réglementation communautaire

5.2.1. La reprise de l'acquis communautaire par les pays candidats est compliquée par la grande complexité de la réglementation communautaire. Alors que l'Union européenne devrait permettre de simplifier la réglementation en Europe, elle continue aujourd'hui d'édicter des dispositions trop complexes pour les utilisateurs, trop dispersées sinon contradictoires pour former un ensemble vraiment cohérent, trop plaquées sur les réglementations nationales existantes pour les harmoniser vraiment.

5.2.2. De leur côté, les États membres ne font pas assez preuve de discipline face à la réglementation commune, continuant à additionner les retards de transposition et les contentieux juridiques avec la Commission et la Cour de Justice européenne. Les 15 donnent ainsi aujourd'hui le mauvais exemple aux pays candidats.

5.2.3. Il faut donc resserrer l'efficacité de l'intervention communautaire en améliorant la pertinence et la qualité de la réglementation, et en renforçant les contrôles et les disciplines d'application. L'enjeu est de consolider le fonctionnement durable du marché unique, en facilitant la reprise de l'acquis par les pays candidats et en désencombrant les contentieux.

5.2.4. Le Comité s'est donc prononcé dans un avis d'octobre 2000(3) sur la nécessité d'engager un programme pluriannuel de simplification de la réglementation, comportant des codes de conduite des institutions et des États membres eux-mêmes - le Comité ayant montré l'exemple en adoptant le sien -, un renforcement du dialogue avec les représentants des utilisateurs de la réglementation, l'indépendance de l'analyse d'impact préalable aux projets de la Commission, l'examen systématique d'alternatives possibles à une réglementation, à travers des engagements volontaires, des accords contractuels, des autorégulations ou des corégulations des partenaires professionnels concernés, des méthodes efficaces de suivi (tableaux d'affichage, rapports annuels) en promouvant un étalonnage comparatif des meilleures pratiques.

5.2.5. Le Comité souhaite que les États candidats soient associés à ce programme de simplification de la réglementation, en adoptant eux aussi des codes de bonne de conduite et en promouvant la dialogue contractuel des partenaires économiques et sociaux.

5.3. Coordonner les administrations nationales

5.3.1. Le Comité souligne que cette simplification de la réglementation devra s'accompagner d'un renforcement des contrôles et des transpositions, dans des conditions responsabilisant davantage les États membres. La Commission européenne ne pourra pas assurer seule la bonne gestion du marché unique élargi, au moment même où il faudra renforcer les exigences de sécurité et les contrôles.

5.3.2. Le Comité est donc favorable à une implication directe des administrations des États membres dans le renforcement des différents contrôles sur le terrain, en adoptant des méthodes communes qui devraient être certifiées par la Commission. Les États candidats devront être invités à s'y associer, ce qui constituera pour eux le meilleur apprentissage de leur future adhésion. Il s'agira ainsi de développer, à l'image des centres de coordination marché unique récemment créés dans chacun des 15 États membres, des synergies entre administrations nationales agissant en fonction des intérêts du marché unique. Cette approche devra notamment s'affirmer pour la politique de concurrence, la protection de l'environnement, la sécurité des produits et des aliments, la santé et sécurité au travail, la lutte contre les fraudes fiscales et commerciales.

5.3.3. La Commission serait appelée à se recentrer sur la surveillance vigilante du bon fonctionnement de ces contrôles décentralisés. Elle devrait être habilitée à intervenir directement pour pallier d'éventuelles défaillances d'administrations nationales. Avec la perspective d'une Union de trente membres dotée d'administrations nationales très hétérogènes, les interventions de la Commission pourront justifier la création d'inspections communautaires, tout particulièrement en ce qui concerne le contrôle et la répression des fraudes de portée européenne.

5.3.4. Concernant les douanes, le Comité attire l'attention sur l'objectif d'assurer des procédures identiques aux frontières extérieures de l'Union, suite à la suppression des contrôles intracommunautaires. Cet objectif pourrait justifier de dépasser le stade d'une coopération renforcée des administrations nationales et de viser une véritable unification des douanes européennes dès l'élargissement dans le cadre d'une seule administration communautaire.

5.4. Consolider l'UEM

5.4.1. L'union économique et monétaire, intégrant pleinement l'économie des États membres participant à l'euro, arrive à point pour relever le défi du renforcement de la cohésion économique et sociale dans l'Europe élargie. Elle devra consolider l'approfondissement de l'intégration économique par-delà les élargissements, et tirer progressivement vers elle, de façon inéluctable, les nouveaux pays adhérents.

5.4.2. Le Comité souligne le besoin de renforcer la coordination économique au Conseil Économie-Finances. L'Eurogroupe va être appelé à jouer un rôle moteur et devra se structurer et agir en conséquence. Au-delà des ministres de l'Économie et des Finances, d'autres formations du Conseil, notamment le Conseil Affaires sociales, devront elles aussi intégrer pleinement dans leurs débats et dans leurs décisions toutes les conséquences inédites de l'existence de l'euro.

5.4.3. Le Conseil Économie-Finances devra encourager les pays candidats à créer les bases juridiques et économiques de leur future participation à l'UEM, notamment en engageant les réformes structurelles qui vont dans ce sens (telle l'indépendance des banques centrales, qui a déjà beaucoup progressé). Le Comité souhaite que les pays candidats s'engagent à participer dès l'adhésion au Mécanisme de change européen (MCE2), qui a pris la succession du SME, ce qui assurera des bases solides à la stabilité des changes au sein du marché unique élargi et constituera un premier pas, au demeurant obligatoire, pour leur participation ultérieure à l'UEM.

5.5. Renforcer ensemble la compétitivité de l'Europe

5.5.1. Un mandat a été convenu au Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 pour renforcer la compétitivité de l'Europe en assurant dans les différents États membres des adaptations structurelles majeures. Ce mandat devra être conduit avec toute la détermination nécessaire, afin de renforcer la capacité concurrentielle des entreprises, de développer l'innovation, de maîtriser les coûts collectifs et les dépenses publiques, d'améliorer le fonctionnement du marché du travail et le niveau d'emploi, de garantir la durabilité des régimes de protection sociale.

5.5.2. Le Comité recommande que les États candidats soient associés aux objectifs fixés à Lisbonne et aux rapports annuels d'évaluation lors des Conseils européens de printemps, pour:

- renforcer la capacité concurrentielle des entreprises, développer l'innovation, maîtriser les coûts collectifs et les dépenses publiques, améliorer le fonctionnement du marché du travail et le niveau d'emploi, garantir la modernisation des régimes de protection sociale;

- promouvoir l'étalonnage comparatif des meilleures pratiques.

Le Comité se félicite que le Conseil européen de Stockholm de mars 2001 ait explicitement exprimé son intérêt à une telle association.

5.5.3. Une telle association encouragera ces États à accélérer les réformes et les situera dans une situation de synergie mutuelle, non seulement entre eux, mais aussi vis-à-vis des 15 États membres. Chaque État candidat aura d'ailleurs toutes ses chances, surtout dans les domaines où il a engagé des réformes nouvelles avec des moyens neufs et la ferme volonté d'aboutir, tels l'ouverture économique et l'innovation, de faire jeu égal avec les 15 dans l'adaptation compétitive, voire même rejoindre les meilleurs d'entre eux.

6. Conclusions

6.1. En s'appuyant sur les débats qu'il a développés avec les représentants socioprofessionnels des pays candidats, le Comité souligne la nécessité de renforcer, en prévision de l'élargissement, les efforts de reprise effective de l'acquis dans ces pays, des méthodes d'appui plus efficaces de l'Union européenne, la préparation d'une nouvelle cohésion économique dans l'Union élargie.

6.2. Le Comité constate que les États membres et les États candidats sont désormais engagés dans un avenir commun, qui justifie un appui permanent et efficace de l'Union européenne et de ses acteurs socioprofessionnels aux efforts de toute nature que les États candidats vont devoir poursuivre et intensifier pour mériter leur adhésion, forcément exigeante au niveau d'intégration désormais atteint, bien que non encore achevé, par l'Union.

6.3. Le Comité constate aussi qu'il serait tout à fait erroné de juger, après les décisions préalables de l'Union européenne concernant l'Agenda 2000 puis la réforme du traité, que cette adaptation relève des seuls pays candidats, alors que la préparation de l'Union élargie va au contraire nécessiter une adaptation en profondeur de l'Union européenne bien au-delà des réformes budgétaires et institutionnelles convenues, pour s'adapter aux conséquences inédites d'un tel élargissement.

6.4. Le Comité considère que ce double défi, pour les États candidats comme pour les États membres, doit être perçu comme une opportunité unique d'engager une rénovation en profondeur de l'Union européenne où tous seront gagnants, dans la mesure où elle assurera la compétitivité économique et le progrès social d'une Europe à la fois élargie et renforcée.

6.5. C'est pourquoi le Comité lance un appel pour que l'Union européenne engage dès 2001 un programme pluriannuel ambitieux et cohérent de préparation à l'élargissement pour renforcer l'efficacité des méthodes d'appui aux pays candidats tout en créant déjà parmi les 15 les conditions qui préserveront la cohésion de l'Europe élargie. Un tel programme devra associer les États membres et les États candidats, et impliquer en première ligne les acteurs économiques et sociaux de la société civile. L'objectif devra être de le mener à bien avant la fin des mandats actuels du Parlement et de la Commission.

Bruxelles, le 25 avril 2001.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) Voir aussi les avis du Comité économique et social:

"L'emploi et la situation sociale dans les PECO".

"La dimension septentrionale de l'UE", JO C 139 du 11.5.2001.

"L'impact de l'élargissement sur le marché unique", JO C 329 du 17.11.1999.

(2) Conférence "Vers un partenariat pour la croissance économique et les droits sociaux", organisée au siège du Comité économique et social du 14 au 17 novembre 2000.

(3) "La simplification de la réglementation au sein du marché unique", JO C 14 du 16.1.2001, p. 1.

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