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Document 52010IE0465

Avis du Comité économique et social européen sur «La mise en œuvre du traité de Lisbonne: démocratie participative et initiative citoyenne (art. 11)» (avis d'initiative)

JO C 354 du 28.12.2010, p. 59–65 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

28.12.2010   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 354/59


Avis du Comité économique et social européen sur «La mise en œuvre du traité de Lisbonne: démocratie participative et initiative citoyenne (art. 11)» (avis d'initiative)

2010/C 354/10

Rapporteure: Anne-Marie SIGMUND

Le 16 juillet 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, du Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur

«La mise en œuvre du traité de Lisbonne: démocratie participative et initiative citoyenne (art. 11 TUE)».

Le sous-comité chargé de préparer les travaux du Comité en la matière a adopté son avis le 11 février 2010.

Lors de sa 461e session plénière des 17 et 18 mars 2010 (séance du 17 mars 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 163 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les dispositions du traité sur l'Union européenne (TUE) relatives aux principes démocratiques de l'Union, notamment l'article 11, constituent de l'avis du Comité une étape historique dans la réalisation d'une Europe des citoyens tangible, qui fonctionne dans la pratique et qu'il est possible d'aménager. Cependant, il convient de définir de manière plus contraignante les différents processus démocratiques et de les doter des structures nécessaires.

1.2   S'agissant du dialogue civil horizontal (article 11. 1 TUE) et du dialogue civil vertical (article 11.2 TUE), le Comité réclame une définition claire de cet instrument et l'adoption de règles relatives à ses modalités d'application et aux parties prenantes. Il suggère à la Commission, par analogie avec la procédure suivie concernant l'article 11.4 TUE, d'engager un processus de consultation en présentant un livre vert sur le dialogue civil et de prendre les dispositions nécessaires sur la base des résultats obtenus.

1.3   Le Comité souligne sa volonté, déjà exprimée en plusieurs occasions, de contribuer de manière effective, en sa qualité de partenaire et d'intermédiaire dans le cadre du dialogue civil, au développement de ce dialogue et de jouer un rôle plus important en tant que lieu de rencontre. Afin d'accompagner de manière constructive le dialogue civil avec la société civile organisée, il met à la disposition de toutes les institutions de l'UE ses réseaux et son infrastructure.

1.4   L'article 11.3 TUE place les pratiques de consultation de la Commission, déjà largement développées jusqu'ici, dans le contexte du pilier participatif - désormais renforcé - du modèle démocratique européen. Le Comité appelle de ses vœux, pour cet instrument également, des règles de procédure plus claires, respectueuses des principes de transparence, d'ouverture et de représentativité.

1.5   Avec l'initiative citoyenne européenne introduite par l'article 11.4 TUE, le traité met concrètement en œuvre, pour la première fois dans l'histoire, une procédure de démocratie directe au niveau transfrontalier, transnational. Le Comité salue expressément cette nouvelle possibilité et entend contribuer concrètement à cette première historique. Il précise sa position concernant les dispositions d'application concrètes qui devront être adoptées en 2010. Il convient à cet égard de veiller:

à ce que les citoyens ne rencontrent pas d'obstacles inutiles dans l'exercice de leurs droits de participation, puisqu'il ne s'agit que d'une initiative invitant à mettre une question à l'ordre du jour;

à faciliter, par des règles du jeu et des dispositions claires, l'organisation de l'initiative dans 27 États membres par les promoteurs de celle-ci, sans qu'ils risquent de se heurter à des obstacles imprévus au niveau national;

à octroyer le cas échéant aux organisateurs une aide financière dès lors qu'un certain seuil est atteint.

1.6   Le Comité est appelé à jouer un rôle clé au sein d'une infrastructure démocratique transnationale en Europe et assumera ses fonctions dans le cadre de l'article 11 TUE avec efficacité et de manière ciblée. Il se propose également de faire office de service d'information, de soutenir le cas échéant les initiatives citoyennes par l'adoption d'un avis en la matière, d'organiser des auditions sur une initiative ayant abouti et d'appuyer éventuellement l'évaluation réalisée par la Commission en élaborant un avis.

2.   Contexte

2.1   En décembre 2001, les chefs d'État et de gouvernement européens ont adopté à Laeken un nouveau mode d'élaboration des traités européens et ont décidé de convoquer une «Convention sur l'avenir de l'Europe» qui, grâce à sa composition (1), a insufflé une forte dynamique démocratique et a en fin de compte accouché, en juin 2003, d'un texte contenant des propositions innovantes assurant une transparence et une participation accrues.

2.2   Après que les résultats négatifs des référendums organisés en France et aux Pays-Bas eurent mis en échec le «traité établissant une Constitution pour l'Europe» élaboré par la Convention, un traité sur l'Union révisé a été signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne. Il est entré en vigueur le 1er décembre 2009.

3.   Introduction

3.1   L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne rationalise de nombreuses procédures et les rend plus transparentes, clarifie les compétences, étend les prérogatives du Parlement européen et renforce la visibilité de l'Union européenne tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.

3.2   À côté des formes de démocratie parlementaire (indirecte) (2), le modèle démocratique européen est étendu et renforcé, mais en aucun cas remplacé, par l'ancrage de la démocratie participative (directe) dans le TUE.

3.3   Les dispositions concrètes régissant la démocratie participative concernent:

le dialogue civique horizontal,

le dialogue civique vertical,

les procédures de consultation de la Commission déjà en vigueur et

la nouvelle initiative citoyenne européenne.

3.4   Conformément à la nature du traité sur l'Union, les dispositions de l'article 11 TUE ne sont que des clauses générales qu'il convient à présent de définir, d'organiser et de mettre en œuvre par des dispositions législatives appropriées et auxquelles les acteurs concernés doivent donner vie.

3.5   Concernant l'initiative citoyenne européenne, la Commission a déjà pris une initiative opportune et publié un livre vert (3). Elle présentera à l'issue de la procédure de consultation une proposition de règlement sur la mise en œuvre de l'article 11.4 TUE. Ce faisant, elle a envoyé un signal clair démontrant l'importance qu'elle attache au dialogue dans les préparatifs de la mise en œuvre de ce nouvel instrument et notamment à la prise en compte des acteurs de la société civile organisée et des citoyens intéressés de toute l'Union, qui seront ultérieurement appelés à porter ces initiatives.

4.   Traité de Lisbonne – Article 11 TUE

4.1   Dialogue civil horizontal

Article 11.1 TUE: «Les institutions donnent, par les voies appropriées, aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d'échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d'action de l'Union.»

4.1.1

Cette disposition confère au «dialogue civil» horizontal sa base juridique, sans le définir plus précisément. Dans le cadre de ses avis (4)  (5)  (6), le Comité s'est déjà exprimé à plusieurs reprises sur le dialogue civil, qu'il considère comme un élément essentiel de la participation dans le cadre du modèle démocratique européen. Il a également déjà souligné maintes fois sa volonté de faire office de plate-forme et de multiplicateur de ce dialogue et de contribuer à l'émergence d'une opinion publique européenne. Il n'a cessé d'insister dans ce contexte sur le fait qu'en sa qualité de partenaire et d'intermédiaire dans le cadre du dialogue civil, il entend contribuer et contribuera de manière effective au développement de ce dialogue. Il est disposé dans ce contexte à jouer un rôle accru en tant que lieu de rencontre et à apporter un soutien pratique, par exemple en mettant à disposition son infrastructure. Pour le Comité, il est très important de faire en sorte que le dialogue civil trouve l'écho nécessaire auprès de l'opinion publique (européenne) et devienne un véritable débat interactif.

4.1.2

Le Comité insiste une fois encore sur la nécessité de définir clairement cet instrument de la démocratie participative et d'arrêter les modalités concrètes de son fonctionnement. Ainsi, il convient de clarifier quels critères de représentativité doivent remplir les associations mentionnées dans ce chapitre pour pouvoir participer au dialogue. En ce qui concerne la représentativité des acteurs de la société civile organisée, le Comité a déjà fait valoir (7) combien il est important de distinguer entre représentativité quantitative (représentation légitime de la majorité des personnes concernées) et qualitative (preuve de l'expertise requise). Le Comité estime que les associations qui doivent prendre part au dialogue doivent être représentatives selon des critères à la fois quantitatifs et qualitatifs.

4.1.3

Il faudra également que le législateur indique plus précisément quelles mesures concrètes il juge nécessaire de prendre pour se conformer à l'obligation d'utiliser «les voies appropriées» (cf. article 11.1 TUE).

4.1.4

Le Comité juge important dans ce contexte d'insister sur la différence entre le dialogue civil européen et le dialogue social européen et met en garde contre toute confusion entre ces deux concepts. Le dialogue social européen constitue bien entendu aussi une composante essentielle d'une participation qualifiée, mais il obéit à des règles spécifiques en matière de contenu, de participation, de procédures et d'impact. Son ancrage juridique dans le traité témoigne de son importance.

4.2   Dialogue civil vertical

Article 11.2 TUE: «Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile.»

4.2.1

Cette disposition se réfère au dialogue civil vertical et enjoint aux institutions de l'Union de l'entretenir de manière régulière. Le Comité s'est également déjà exprimé à propos de cette forme de dialogue civil (8) et il demande à la Commission d'en définir plus précisément les modalités, sur le plan tant du contenu que des procédures juridiques.

4.2.2

Il y a quelque temps déjà, le Parlement européen – anticipant sur cette disposition du traité – a créé l'«Agora», instrument du dialogue civil vertical.

4.2.3

Étant donné que l'article 11.2 TUE invite toutes les institutions à entretenir un dialogue avec la société civile, le Comité demande à toutes les autres institutions, mais plus particulièrement au Conseil, d'indiquer au plus vite comment elles entendent mettre en œuvre cet article du traité.

4.2.4

Le Comité met ses réseaux et son infrastructure à la disposition de toutes les institutions de l'Union afin de lancer et d'accompagner de manière constructive ce dialogue vertical avec la société civile organisée.

4.3   Consultations par la Commission européenne

Article 11.3 TUE: «En vue d'assurer la cohérence et la transparence des actions de l'Union, la Commission européenne procède à de larges consultations des parties concernées.»

4.3.1

Cette disposition place les pratiques de consultation de la Commission, déjà largement développées jusqu'ici, dans le contexte du pilier participatif - désormais renforcé – du modèle démocratique européen. Le Comité rappelle (9)  (10) que cette pratique de consultation représente en substance un élément essentiel du principe de la «gouvernance européenne» (11) instauré en 2001 par la Commission et qu'en tant que démarche descendante, elle ne permet qu'indirectement, dans un premier temps, une action de la société civile. Il fait toutefois observer qu'il y a lieu d'établir une distinction entre la «consultation», qui est une initiative des autorités, et la «participation», qui constitue un droit du citoyen. Le principe d'une participation active - de sa propre initiative - de la société civile organisée à un processus (démarche ascendante) n'est pas remis en cause par cette disposition.

4.3.2

Le Comité est disposé dans le cadre de son mandat à soutenir la Commission européenne lorsqu'elle souhaite réaliser des consultations dépassant le cadre habituel de l'enquête en ligne, par exemple en organisant des consultations communes sur des questions spécifiques ou des consultations ouvertes dans le cadre de forums des parties prenantes, conformément à la méthode de l'espace ouvert.

4.3.3

Mais la consultation ne constitue pas à elle seule un véritable dialogue avec la société civile organisée. C'est pourquoi le Comité invite la Commission à revoir et à structurer la méthode actuelle de consultation. Il importe, d'une part, que le délai prévu pour les consultations soit suffisant pour que la société civile organisée et les citoyens aient vraiment le temps d'élaborer leurs réponses et que la consultation ne soit pas que de pure forme. Il faut, d'autre part, que l'évaluation des résultats soit plus transparente. La Commission devrait répondre aux contributions et exposer son point de vue, en expliquant pourquoi telle ou telle proposition a été retenue ou rejetée, afin d'instaurer un véritable dialogue. La Commission devrait, en ce qui la concerne, débattre activement avec la société civile organisée de telle ou telle amélioration.

4.4   L'initiative citoyenne européenne

Article 11.4 TUE: «Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application des traités.»

4.4.1

Le Comité partage le point de vue selon lequel cette nouvelle initiative citoyenne européenne revêt pour l'intégration européenne une importance dépassant largement le cadre de sa dimension juridique et doit être considérée comme un premier élément de démocratie directe à l'échelon transnational, dont l'application est toutefois limitée aux citoyens de l'Union, conformément au libellé de cette disposition. Il se féliciterait qu'à l'occasion d'une révision du traité, elle soit étendue aux ressortissants de pays tiers qui résident en permanence sur le territoire de l'Union.

4.4.2

Il y a lieu de souligner que le nouveau droit d'initiative citoyenne européenne n'est pas assimilable à une «initiative populaire» telle qu'il en existe dans de nombreux États membres, laquelle débouche sur un référendum obligatoire, mais qu'il s'agit d'une initiative invitant à examiner une question et demandant à la Commission de légiférer. Il s'agit d'un instrument à la disposition des minorités, qui donne seulement la possibilité d'influer sur l'agenda politique. La Commission conserve le droit d'initiative législative et le processus législatif qui s'ensuit éventuellement se déroule conformément aux procédures prévues.

4.4.3

Certaines règles et normes sont bien sûr nécessaires à la mise en œuvre de cet instrument. Mais comme les instruments de la démocratie directe au niveau européen restent encore à créer, il conviendrait de doter l'initiative citoyenne européenne d'un cadre à l'intérieur duquel elle pourrait peu à peu se développer. Le règlement d'application de l'article 11.4 TUE devrait établir des normes minimales et des conditions d'admissibilité aussi peu élevées que possible et, dans les domaines où les expériences font défaut au niveau de l'Union, laisser un espace disponible pour une marge d'appréciation et d'interprétation, puisque l'effet d'une initiative citoyenne européenne se limite à faire en sorte qu'une question déterminée soit incluse dans le programme d'action de la Commission.

4.4.4

Toutefois, le Comité n'est absolument pas d'accord avec le Parlement européen (12) lorsqu'il affirme «qu'il incombe au Parlement de contrôler le processus de l'initiative citoyenne». Il se déclare défavorable au contrôle d'un processus par le législateur au stade prélégislatif. Un tel «contrôle» violerait le principe du partage des pouvoirs. C'est pourquoi le Comité appelle de ses vœux la création d'une «instance consultative» indépendante ou d'un «service d'assistance» destiné à aider les initiateurs lors de la préparation et du lancement d'une initiative citoyenne européenne, de manière à éviter de manière générale, à défaut d'exclure, des conflits trop évidents avec les dispositions en matière d'admissibilité et de mise en œuvre.

4.4.5

Le Parlement attire à juste titre l'attention, dans ce même rapport, sur la nécessité de distinguer entre les pétitions, qu'il y a lieu d'adresser au Parlement, et les initiatives citoyennes, qui doivent être adressées à la Commission pour l'inviter à agir. Aussi convient-il de concevoir de manière totalement différente les procédures et les exigences relatives à ces deux instruments de participation citoyenne.

4.4.6

L'initiative citoyenne européenne en tant qu'instrument de la démocratie directe est aussi un moyen efficace de mettre en œuvre des processus délibératifs transnationaux. Les citoyens, qui aujourd'hui ont plutôt pris leurs distances vis-à-vis de «l'Europe politique», ont à présent la possibilité de participer au moyen d'initiatives et de projets concrets. Plus ils seront invités et encouragés à prendre part à l'initiative sans rencontrer d'obstacles administratifs inutiles et excessifs, plus ils se détacheront de l'image qu'ils ont d'eux-mêmes de spectateurs de décisions difficilement compréhensibles, pour passer du statut d'objet à celui de sujet de la collectivité européenne. Un tel processus, mis en œuvre pas à pas, qui oblige à se pencher sur les problèmes d'intérêt européen, ne pourra que favoriser l'émergence d'une conscience européenne, d'une opinion publique européenne.

4.4.7

Sur le fond, il est à souligner qu'une initiative citoyenne européenne ne peut bien entendu contrevenir au traité ou à la Charte européenne des droits fondamentaux. Mais comme dans le processus indirect/parlementaire, il peut également arriver dans le processus direct/citoyen de formation de l'opinion que des groupes extrémistes mettent à profit les canaux disponibles à cette fin et les détournent pour servir de manière éventuellement abusive leurs propres intérêts. Cela représente pour toute démocratie un grand défi fondamental, mais aussi son principal atout par rapport aux systèmes non démocratiques. Une démocratie représentative moderne reposant sur des piliers aussi bien indirects que directs doit être prête à parler de manière ouverte et transparente d'aspirations discutables, voire extrémistes.

4.5   Livre vert de la Commission européenne sur une initiative citoyenne européenne

4.5.1

Bien que le Comité n'ait pas été un destinataire direct de la procédure de consultation qui s'est achevée, il souhaite, préalablement à l'examen imminent de la proposition de règlement au Parlement et au Conseil, apporter une contribution qualifiée au processus de formation de l'opinion et donne ci-après son avis sur les questions soulevées dans le livre vert.

4.6   Nombre minimum d'États membres dont les citoyens doivent provenir

4.6.1

Le Comité partage le point de vue de la Commission selon lequel le seuil doit être déterminé sur la base de critères objectifs. Il n'est pas d'accord avec elle lorsqu'elle affirme qu'il faut au minimum un tiers des États membres, c'est-à-dire neuf États, pour représenter un intérêt commun à l'échelle de l'Union, mais n'approuve pas non plus la position de certaines organisations, pour lesquelles un seuil significatif est déjà atteint avec quatre États membres.

4.6.2

Le Comité se range plutôt à l'avis du Parlement européen, qui estime qu'un quart des États membres, soit actuellement sept États, constitue un seuil approprié. Cette valeur se réfère à l'article 76 TFUE, qui prévoit l'adoption, sur initiative d'un quart des États membres, d'actes juridiques visant à assurer la coopération administrative dans le cadre de la coopération judiciaire et policière ou en matière pénale. Le Comité y voit un ordre de grandeur approprié pour une réelle dimension européenne de l'initiative citoyenne.

4.7   Nombre minimum de signatures par État membre

4.7.1

Étant donné que le traité de Lisbonne ne parle que d'«un nombre significatif d'États membres», l'on pourrait également envisager de ne pas fixer de nombre minimum de participants par État. Mais, compte tenu de l'exigence d'une double majorité affirmée à plusieurs reprises dans le traité, le Comité partage le point de vue de la Commission selon lequel le fait de renoncer à un nombre minimum de participants par État membre serait contraire à l'esprit du traité.

4.7.2

Plutôt que la fixation d'un pourcentage invariable de 0,2 % par État membre, le Comité suggère un système flexible qui pourrait permettre une péréquation appropriée entre les États. Une valeur plancher absolue de 0,08 % (13) pourrait ainsi être exigée pour que les signatures provenant d'un État membre soient prises en compte. Une initiative citoyenne requiert bien entendu un million de signatures au total. La combinaison de ces deux critères assurerait une péréquation automatique tout en satisfaisant aux exigences du traité concernant la représentativité et l'existence d'un réel intérêt européen commun.

4.7.3

Un tel dispositif flexible, qui permettrait une plus grande facilité d'application, se justifie également aux yeux du Comité par le fait que l'initiative citoyenne européenne ne débouche pas en fin de compte sur une décision contraignante, mais ne constitue qu'une simple invitation adressée à la Commission.

4.8   Admissibilité d'un soutien à une initiative citoyenne

4.8.1

Le Comité partage le point de vue de la Commission selon lequel, afin d'éviter des charges administratives inutiles, la condition générale requise pour soutenir une initiative citoyenne devrait être que le citoyen concerné soit autorisé à participer aux élections européennes dans son État membre de résidence. Quelle que soit la sympathie que l'on éprouve pour une participation des jeunes (par exemple à travers un abaissement à 16 ans de l'âge minimal), une telle dérogation aux conditions régissant le droit de vote aux élections européennes compliquerait de manière disproportionnée le contrôle des signatures, en obligeant la quasi-totalité des États membres à établir de doubles registres électoraux.

4.9   Forme et libellé d'une initiative citoyenne

4.9.1

Le Comité juge là aussi inopportun d'imposer des prescriptions trop rigoureuses concernant la forme. Les exigences formelles requises pour les requêtes introduites auprès des administrations devraient s'appliquer et certaines exigences minimales devraient être définies (voir également paragraphe 4.13). Le contenu de l'initiative et de la décision demandée devrait être présenté de manière concise et claire. Il faut toujours que le signataire d'une initiative citoyenne européenne ait clairement conscience de ce à quoi il souscrit.

4.10   Exigences concernant la collecte, la vérification et l'authentification des signatures

4.10.1

Rien ne s'oppose à l'établissement au niveau communautaire, pour la collecte, la vérification et l'authentification des signatures, de règles de procédures et de normes communes qui s'écartent du droit national considéré, étant donné que l'initiative citoyenne européenne constitue un (nouvel) instrument transnational de participation.

4.10.2

Toutes les formes de collecte des signatures qui permettent une vérification de l'identité devraient être autorisées. La collecte des signatures devrait pouvoir s'effectuer aussi bien par l'intermédiaire d'un portail en ligne que directement auprès du public. Il semble excessif aux yeux du Comité d'exiger une authentification des signatures par les autorités nationales ou un notaire. Il convient en tout état de cause de veiller, parallèlement au contrôle d'identité, à ce que les personnes soutenant l'initiative aient apposé leur signature en toute indépendance et de leur plein gré. Des dispositions spécifiques doivent être prises à cette fin, en particulier en ce qui concerne la collecte électronique de signatures.

4.10.3

L'indication du nom, de l'adresse, de la date de naissance, ainsi qu'un courriel de vérification en cas de collecte en ligne, semblent constituer des dispositifs de sécurité et d'authentification suffisants. L'objectif doit être de faire en sorte que toute initiative fondée sur les règles minimales établies par le règlement pour la collecte des signatures ne se heurte dans aucun pays de l'Union à des obstacles supplémentaires. S'agissant des Européens vivant à l'étranger, le lieu de résidence du participant devrait être déterminant pour l'attribution du vote.

4.10.4

La vérification des signatures collectées devrait être réalisée par les États membres, par exemple selon la méthode des contrôles par échantillonnage qui a fait ses preuves dans certains États membres de l'Union.

4.11   Délai pour la collecte des signatures

4.11.1

Les expériences d'initiatives citoyennes réalisées avant l'adoption du traité de Lisbonne ont montré que le lancement d'une initiative peut prendre beaucoup de temps. C'est pourquoi le Comité estime que le délai d'un an proposé par la Commission est trop court et préconise un délai de 18 mois. Par référence à l'observation émise précédemment concernant le fait que l'initiative enclenche un processus qui va beaucoup plus loin que son objectif concret et donne naissance à une véritable opinion publique européenne, il serait regrettable, selon le Comité, que la fixation d'un délai relativement court d'un an remette en question l'issue positive d'un tel processus et de tous ses effets juridiques et sociétaux concomitants.

4.12   Enregistrement des initiatives proposées

4.12.1

Le Comité considère comme la Commission qu'il revient aux organisateurs de l'initiative d'en examiner eux-mêmes au préalable la légalité et la recevabilité. L'enregistrement devrait pouvoir s'effectuer sur un site Internet mis à disposition par la Commission et contenant également des informations de fond, afin que tous les citoyens puissent s'informer sur les initiatives en cours.

4.12.2

Le Comité suggère dans ce contexte que la Commission mette à disposition sur le futur site Internet consacré à l'initiative citoyenne européenne un instrument en ligne pour la collecte de signatures. Ce site Internet pourrait en outre servir de forum de discussion sur les différentes initiatives existantes et ainsi contribuer dans une certaine mesure à l'émergence d'un espace public européen.

4.12.3

Cela étant, le Comité est d'avis qu'il faudrait également mettre à la disposition des organisateurs d'une initiative citoyenne un guichet qui puisse les conseiller non seulement sur des questions de procédure, mais aussi sur le fond. Le Comité est disposé à cet égard à faire office de service d'assistance («helpdesk»).

4.12.4

Un système de cartons jaunes/rouges pourrait peut-être être envisagé, qui permettrait de signaler à un stade assez précoce aux promoteurs d'une initiative citoyenne que leur initiative n'est éventuellement pas recevable, par exemple en raison de critères formels tels que l'absence de compétence de la Commission dans ce domaine ou une violation manifeste des droits fondamentaux.

4.13   Exigences appliquées aux organisateurs – Transparence et financement

4.13.1

De l'avis du Comité, les organisateurs d'une initiative doivent fournir les informations suivantes:

le comité qui est à la base de l'initiative et son représentant vis-à-vis de l'extérieur;

les personnes qui soutiennent éventuellement l'initiative;

le plan de financement;

un aperçu des ressources humaines et des structures.

4.13.2

Le Comité ne peut en aucun cas accepter que la Commission annonce qu'aucune forme de soutien et de financement publics des initiatives citoyennes n'est prévue, et surtout qu'elle affirme que c'est la seule façon de garantir l'indépendance de ces initiatives. La Commission européenne soutient financièrement les structures et les activités de nombreuses organisations non gouvernementales efficaces; l'on ne saurait pour autant en déduire que ces acteurs de la société civile cofinancés par la Commission sont de ce fait dépendants de celle-ci. De plus, si l'on s'en tient à la logique de la Commission, seules les grandes organisations bénéficiant de soutiens financiers puissants auraient la possibilité d'envisager le lancement d'une initiative citoyenne européenne.

4.13.3

Le Comité invite donc à examiner la possibilité que l'UE apporte une aide financière dès qu'une première étape aura été franchie, par exemple 50 000 signatures émanant de trois États membres, afin d'exclure les campagnes vouées à l'échec ou insuffisamment sérieuses. Le système proposé de cartons jaunes/rouges pourrait également jouer un rôle dans ce contexte.

4.14   Examen par la Commission des initiatives citoyennes ayant abouti

4.14.1

Le délai de six mois proposé par la Commission est jugé par le Comité comme une limite absolue et il soutient l'approche en deux temps proposée par le Parlement européen dans sa résolution (deux mois pour l'examen des critères formels et trois mois pour la décision sur le fond (14). La Commission devrait organiser ce processus interne de décision de manière aussi transparente que possible.

4.14.2

Une fois qu'une initiative citoyenne a abouti, il convient d'en établir définitivement la recevabilité.

4.14.3

Pendant la phase d'évaluation politique par la Commission, le Comité organise, avec la participation éventuelle du Parlement et de la présidence du Conseil, des auditions au cours desquelles les organisateurs présentent leur initiative à la Commission. Le CESE pourrait le cas échéant compléter ce processus par l'élaboration d'un avis exploratoire ou d'initiative en la matière.

4.14.4

L'acceptation, l'acceptation partielle ou le rejet d'une initiative par la Commission doit être justifiée publiquement et de manière détaillée auprès des initiateurs. En cas de rejet, la Commission doit publier une notification formelle pouvant faire l'objet d'un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne.

4.15   Initiatives sur le même thème

4.15.1

Le Comité estime qu'il est de la responsabilité des organisateurs de lancer une initiative sur un thème similaire. Il faut rappeler une fois de plus que le nouveau droit d'initiative citoyenne européenne concerne une initiative invitant à examiner une question. En conséquence, le Comité ne voit aucune raison de prévoir dans ce contexte des interdictions ou des mesures dissuasives.

4.16   Observations complémentaires

4.16.1

Le Comité est d'avis que la Commission devrait se charger, pour les organisateurs d'une initiative citoyenne ayant déjà obtenu le soutien de 50 000 personnes provenant de trois États membres, de la traduction du texte dans toutes les langues officielles.

5.   Conclusions

5.1   Les dispositions du TUE relatives aux principes démocratiques de l'Union, notamment l'article 11 TUE, constituent de l'avis du Comité une étape historique dans la réalisation d'une Europe des citoyens tangible, qui fonctionne dans la pratique et qu'il est possible d'aménager. Cependant, il convient de définir de manière plus contraignante les différents processus démocratiques et de les doter des structures nécessaires.

5.2   Le Comité invite en conséquence la Commission à présenter, après le livre vert sur l'initiative citoyenne européenne, un livre vert sur le dialogue civil portant sur la mise en œuvre concrète des articles 11.1 et 11.2, afin de réfléchir aux pratiques existantes, de définir plus précisément les procédures et les principes appliqués, de les évaluer et d'apporter des améliorations avec l'aide de la société civile organisée, notamment en établissant des structures claires. Le Comité se déclare là aussi disposé à apporter son concours dans le cadre de ses compétences.

5.3   Il invite en outre les autres organes à faire savoir comment elles entendent mettre en pratique les nouvelles dispositions du traité.

5.4   L'article 11.4 TUE représente une innovation démocratique sans précédent, même au niveau international. Pour la première fois dans l'histoire de la démocratie, des ressortissants de plusieurs États se trouvent conjointement investis d'un droit transnational de participation.

5.5   Ce nouveau droit civique démocratique recèle d'énormes potentialités. Il a pour objet de renforcer la démocratie représentative en Europe. Il consolide directement la composante participative du modèle démocratique européen. Mais indirectement, il peut contribuer à l'intégration de l'UE, à son renforcement, à l'émergence d'une opinion publique européenne et à une plus forte identification des citoyens à l'UE. Compte tenu précisément de la taille et de la diversité de l'Europe, il faut veiller à ce que tous les citoyens, même ceux qui ne disposent pas de beaucoup de moyens ou n'appartiennent pas à de grandes organisations établies, puissent se servir de tous les outils démocratiques. L'utilisation des instruments démocratiques ne doit pas être liée à la présence d'importantes ressources financières.

5.6   Le Comité, qui se voit confirmé par le traité de Lisbonne dans son rôle d'organe consultatif ayant pour mission d'assister le Parlement européen, le Conseil et la Commission, continuera de s'acquitter de ses tâches essentielles et d'émettre des avis conformément aux fonctions qui lui sont assignées par le traité. De par sa fonction de trait d'union, il entend plus que jamais jouer un rôle pivot dans une infrastructure démocratique globale au niveau européen.

5.7   Soucieux de soutenir au mieux par ses activités les institutions précitées de l'Union et d'optimiser son fonctionnement, le Comité propose également, s'agissant de l'initiative citoyenne européenne:

d'élaborer pendant le délai d'évaluation un avis sur une initiative citoyenne formellement acceptée par la Commission;

d'élaborer le cas échéant un avis à l'appui d'une initiative citoyenne en cours;

d'organiser des auditions sur des initiatives fructueuses (organisateurs, Commission, Parlement, Conseil);

de mettre en place un service d'information (conçu comme un guichet mis à la disposition des citoyens pour répondre à des questions de procédure et autres);

de fournir des informations complémentaires (publication d'un guide sur la démocratie participative, organisation de conférences sur la mise en œuvre pratique, etc.).

Bruxelles, le 17 mars 2010.

Le Président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Placée sous la présidence de Valéry GISCARD D'ESTAING et de deux vice-présidents, Giuliano AMATO et Jean-Luc DEHAENE, la Convention était composée comme suit:

15 représentants des chefs d'État et de gouvernement des États membres,

13 représentants des chefs d'État et de gouvernement des pays candidats à l'adhésion,

30 représentants des parlements nationaux des États membres,

26 représentants des parlements nationaux des pays candidats à l'adhésion,

16 représentants issus des rangs des parlementaires européens,

2 représentants de la Commission européenne.

À cela s'ajoutaient 13 observateurs issus du CESE, du CdR et des partenaires sociaux, ainsi que le médiateur européen. Les observateurs du CESE étaient Göke FRERICHS, Roger BRIESCH et Anne-Marie SIGMUND.

(2)  L'article 10 TUE dispose que le «fonctionnement de l'Union» est fondé sur la «démocratie représentative».

(3)  COM(2009) 622 final du 11.11.2009.

(4)  Avis sur «La société civile organisée et la gouvernance européenne — Contribution du Comité à l'élaboration du Livre blanc» du 25.4.2001 – JO C 193 du 10.7.2001.

(5)  Avis sur «La représentativité des organisations européennes dans la société civile dans le cadre du dialogue civil» du 14.2.2006 – JO C 88 du 11.4.2006.

(6)  Avis exploratoire sur le thème «Pour un nouveau programme européen d'action sociale» du 09.7.2008 – JO C 27 du 03.2.2009 (paragraphes 7.6 et 7.7).

(7)  Voir note 5.

(8)  Avis sur «La Commission et les organisations non gouvernementales: le renforcement du partenariat» du 13.7.2000 – JO C 268 du 19.9.2000, ainsi que l'avis sur «Le rôle et la contribution de la société civile organisée dans la construction européenne» du 24.9.1999 – JO C 329 du 17.11.1999.

(9)  Avis sur «La société civile organisée et la gouvernance européenne — Contribution du Comité à l'élaboration du Livre blanc» du 25.4.2001 – JO C 193 du 10.7.2001.

(10)  Avis sur le thème «Gouvernance européenne — un Livre blanc» du 20.4.2002 – JO C 125 du 27.5.2002.

(11)  COM(2001) 428 final du 25.7.2001.

(12)  Résolution du Parlement européen du 07.5.2009, rapporteure Sylvia-Yvonne KAUFMANN (T6-0389/2009).

(13)  Ce pourcentage s'inspire du pourcentage minimal de 0,08 % requis pour la présentation d'une initiative citoyenne en Italie.

(14)  Ce point devrait être réglé sur le modèle de la procédure des initiatives du Parlement européen au titre de l'art. 225 TFUE; voir la résolution du Parlement européen du 9 février 2010 sur un accord-cadre révisé entre le Parlement européen et la Commission pour la prochaine législature, du 9 février 2010 (P7_TA(2010)0009).


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