Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52012AE2314

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation dans l'Union» — COM(2012) 576 final — 2012/0278 (COD)

JO C 161 du 6.6.2013, p. 73–76 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

6.6.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 161/73


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation dans l'Union»

COM(2012) 576 final — 2012/0278 (COD)

2013/C 161/14

Rapporteur unique: M. Lutz RIBBE

Le 19 novembre 2012 et le 5 novembre 2012, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation dans l'Union"

COM(2012) 576 final — 2012/0278 (COD).

La section spécialisée "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 mars 2013.

Lors de sa 488e session plénière des 20 et 21 mars 2013 (séance du 20 mars 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 82 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille favorablement le projet de texte de règlement qui a été présenté. Il considère, au premier chef, que la mise en œuvre effective du protocole dit "de Nagoya", qui a pour but de réaliser certains objectifs de la convention sur la diversité biologique (CDB), ouvre de vastes perspectives pour développer au sein de l'UE une économie fondée sur le vivant. Celle-ci étant souvent tributaire de ressources génétiques importées, une amélioration de leur accessibilité va manifestement dans le sens des intérêts européens.

1.2

Le protocole de Nagoya n'a cependant pas été conclu aux seules fins d'encourager la recherche à base biologique mais vise également à organiser un partage équitable des avantages qui découlent de l'exploitation et de la commercialisation de ressources génétiques. Grâce à lui, les pays ou, le cas échéant, les peuples autochtones qui fournissent lesdites ressources génétiques, ainsi que le savoir traditionnel afférent, devraient pouvoir profiter de leur mise sur le marché, tandis que la structure économique qui y procède serait exempte de tout reproche de biopiraterie.

1.3

S'agissant précisément de ce partage des avantages qui constitue le motif premier de la conclusion du protocole de Nagoya, le CESE décèle un certain nombre de faiblesses dans le projet de règlement à l'examen. Il convient d'y remédier d'urgence, ainsi que d'éliminer certaines zones de flou, pouvant donner lieu à des interprétations divergentes.

1.4

Cette observation concerne plus précisément les points suivants:

les règles concernant le partage des avantages (paragraphes 3.1 à 3.6),

l'élaboration d'un dispositif de contrôle, de surveillance et de sanctions (paragraphes 3.7 à 3.10),

la date d'entrée en vigueur du partage des avantages (paragraphe 4.1),

la prise en compte de la biotechnologie et des dérivés (paragraphes 4.2.1 et 4.2.2), y compris pour ce qui est de partager les avantages des "connaissances traditionnelles" (paragraphes 4.2.3 et 4.2.4),

la date-butoir pour la notification obligatoire des utilisations (paragraphes 4.3.1 à 4.3.5),

la question de savoir si l'obligation de notification couvre la recherche financée sur fonds privés et les produits qui en dérivent (paragraphe 4.3.5),

la répression des actes de biopiraterie dénoncés par des tiers (paragraphe 4.3.6),

l'efficacité du dispositif de sanctions (paragraphe 4.3.7).

2.   Introduction

2.1

C'est dans le cadre de la conférence tenue en 1992 à Rio sur l'environnement et le développement qu'a été conclue la convention sur la diversité biologique (CDB), à laquelle 193 États membres des Nations unies ont adhéré à ce jour (Les seuls États membres de l'ONU qui ne sont pas encore signataires de la convention sont Andorre, le Vatican, le Sud-Soudan et les États-Unis).

2.2

La convention sur la diversité biologique poursuit trois objectifs:

1)

la préservation de ladite diversité biologique,

2)

son utilisation durable,

3)

"le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques".

2.3

L'article 15, paragraphe 1, de la convention sur la diversité biologique reconnaît que "les États ont des droits de souveraineté sur leurs ressources naturelles". Il leur est reconnu le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources génétiques.

2.4

Dans son article 15, paragraphe 7, la convention sur la diversité biologique prescrit aux États qui en sont parties contractantes de prendre "les mesures législatives, administratives ou de politique générale" requises pour "assurer le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur, ainsi que des avantages découlant de l'utilisation commerciale et autre des ressources génétiques avec la partie contractante qui fournit ces ressources".

2.5

L'article 8, lettre j, invite chacun des États signataires, "sous réserve des dispositions de sa législation nationale", à respecter les connaissances traditionnelles des communautés autochtones et locales "présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique" et à encourager "le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques".

2.6

Considérant que cette obligation de droit international adoptée en 1992 concernant le "partage des bénéfices" n'avait jusqu'alors pas été exécutée, les chefs d'État et de gouvernement réunis en 2002 à Johannesbourg lors du sommet mondial sur le développement durable (SMDD) ont décidé de négocier, dans le cadre de la convention sur la diversité biologique, un "régime international pour promouvoir et garantir un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques" (Plan de mise en œuvre, paragraphe 42.(o)).

2.7

Lors de la septième réunion de leur conférence, qui s'est déroulée en 2004 à Kuala Lumpur, les parties à la convention sur la diversité biologique sont convenues de mettre réellement en œuvre tous les points de la convention concernée en concluant un accord sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA).

2.8

En octobre 2010, c'est-à-dire au terme de plus de six années de négociations, les résultats de ces travaux ont été présentés et adoptés lors de la dixième conférence des parties à la convention sur la diversité biologique, qui s'est tenue dans la ville japonaise de Nagoya: il s'agit du "protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la convention sur la biodiversité" (n abrégé: protocole de Nagoya).

2.9

Toutes les parties à la convention sur la diversité biologique peuvent ratifier le protocole de Nagoya; en février 2013, douze États avaient déjà procédé à cette ratification, tandis que 92 l'avaient signé après son adoption, dont la Commission européenne et 24 des 27 États membres de l'UE, les trois pays non signataires étant la Lettonie, Malte et la Slovaquie.

2.10

Si les pays en voie de développement avaient plaidé dès 2002, lors du sommet mondial sur le développement durable, pour un protocole contraignant au regard du droit international, c'est seulement peu avant le début du dernier cycle de négociations du groupe de travail sur l'accès et le partage des avantages que l'UE s'est prononcée pour l'élaboration d'un protocole "qui comporterait à la fois des dispositions contraignantes et facultatives" (Conclusions du Conseil des ministres de l'environnement du 15 mars 2010).

2.11

Le projet de règlement soumis par la Commission doit servir à transposer les objectifs du protocole de Nagoya.

2.12

En rapport avec le texte proposé par la Commission, il y a lieu de faire état non seulement de la convention sur la diversité biologique mais aussi de l'adoption de la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, laquelle sanctionne, dans son article 31, paragraphe 1, le droit des peuples autochtones "de préserver, de contrôler et protéger et de développer" leurs ressources génétiques et leurs connaissances traditionnelles, y compris la propriété intellectuelle afférente, tandis que le paragraphe 2 du même article invite les États à prendre "des mesures efficaces pour reconnaître ces droits et en protéger l'exercice". La mise en œuvre du protocole de Nagoya est conçue comme l'une desdites "mesures efficaces" destinées à appliquer cette déclaration des Nations unies.

3.   Observations générales

3.1

Dans l'exposé des motifs du projet de règlement à l'examen, la Commission fait valoir que "la mise en œuvre et la ratification du protocole par l'Union offriront de nouvelles perspectives pour la recherche axée sur la nature et contribueront au développement d'une bioéconomie" (1). Elle avance par ailleurs que "l'Union européenne et ses États membres se sont politiquement engagés à devenir parties au protocole afin d'assurer aux chercheurs et aux entreprises de l'UE l'accès à des échantillons de ressources génétiques de qualité, sur la base de décisions d'accès fiables et moyennant des coûts de transaction peu élevés" (2).

3.2

Le CESE considère lui aussi que l'application du protocole de Nagoya ouvre de vastes perspectives pour développer une économie fondée sur le vivant au sein de l'UE. Il fait toutefois observer que ledit protocole a pour but essentiel de mettre en œuvre le troisième objectif de la convention sur la diversité biologique, à savoir "le partage des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques", étant entendu que l'accès satisfaisant aux ressources génétiques, le transfert approprié des techniques pertinentes, dans le respect de tous les droits sur lesdites ressources et technologies, ainsi qu'un financement adéquat constituent les composantes cruciales de ce partage.

3.3

Le protocole de Nagoya repose donc sur les trois piliers suivants:

des mesures qui, en matière d'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles afférentes, garantissent des procédures transparentes et dépourvues d'arbitraire,

des mesures offrant la garantie du partage des avantages qui sont tirés de l'utilisation et de la commercialisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles afférentes,

des mesures qui permettent l'élaboration d'un système national efficace de surveillance, au premier chef pour ce qui concerne le partage des avantages.

3.4

Au contraire, lorsque la proposition de règlement de la Commission européenne pose que "le protocole repose sur deux piliers essentiels: des mesures en matière d'accès et des mesures sur le respect des règles par les utilisateurs" (3), elle néglige de souligner explicitement que le but premier du protocole de Nagoya est bien le partage des avantages, en ce que ce dernier constitue tout à la fois une mission définie par le sommet mondial sur le développement durable et une obligation de droit international au titre de la convention sur la diversité biologique.

3.5

De ce fait, le projet de règlement suscite l'impression que la raison d'être du protocole de Nagoya est d'assurer aux États membres de l'UE un accès sans entrave aux matières premières des pays en développement.

3.6

En ne tenant pratiquement pas compte du but fondamental que poursuit le protocole de Nagoya, la Commission ne fait pas qu'affecter son projet d'une grave lacune mais propose aussi une solution inefficace et insatisfaisante qui peut également être lourde de conséquences pour les entreprises européennes, car en l'absence de règles claires pour procéder au partage des avantages et le contrôler, il leur sera fort difficile de réfuter les accusations de biopiraterie qui leur seront adressés.

3.7

Le projet de règlement de la Commission est fondé sur le principe du devoir de diligence (article 4), en vertu duquel c'est à l'utilisateur des ressources génétiques et des savoirs traditionnels connexes qu'il incombe au premier chef de s'assurer du respect des lois nationales et étrangères applicables à l'accès et au partage des avantages.

3.8

Le CESE se félicite de cette approche fondée sur une prise de responsabilités par les chercheurs et les entreprises mêmes. Il attire néanmoins l'attention sur l'obligation de droit international, résultant de la ratification du protocole de Nagoya, qui impose de prendre "les mesures législatives, administratives ou de politique générale" requises pour assurer que les avantages que l'utilisateur retire de l'usage et de la commercialisation de ressources génétiques et des connaissances traditionnelles afférentes soient également bel et bien partagés avec leur pays d'origine ou les communautés autochtones et locales qui sont concernées.

3.9

Dans la mesure où le projet de règlement escamote en bonne partie cet important volet des obligations inhérentes au protocole de Nagoya, le CESE recommande au Conseil et au Parlement d'édicter, dans la suite de la procédure, les règles nécessaires pour contrôler que cette prise de responsabilité par les utilisateurs eux-mêmes est dûment respectée. Cet impératif signifie aussi que les gouvernements nationaux ne peuvent être exonérés des responsabilités qui sont les leurs en matière de contrôle de la réglementation.

3.10

Pour les raisons exposées, la proposition de règlement n'est pas apte à créer, entre les États membres de l'UE, leurs chercheurs et leurs entreprises, d'une part, et les pays d'origine des ressources génétiques, d'autre part, le socle de confiance qui est nécessaire pour promouvoir la conclusion de traités bilatéraux en matière d'accès et de partage des avantages et assurer une poursuite constructive des négociations en la matière. Le CESE craint que le système qui est proposé sur cette question ne tienne davantage de l'entrave que du stimulant pour le monde de la recherche et de l'économie en Europe.

4.   Observations particulières: éléments spécifiques de la proposition de règlement

4.1   Concernant le champ d'application au sens large (article 2)

4.1.1

L'article 2 du projet de règlement dispose que les prescriptions relatives au partage des avantages ne s'appliqueraient qu'aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles qui auront été acquises après l'entrée en vigueur du protocole de Nagoya dans l'UE. La Commission renonce à proposer des règles de partage des avantages pour l'utilisation et la commercialisation des ressources génétiques et connaissances traditionnelles afférentes qui sont déjà parvenues dans l'UE depuis 1993, sans être soumises à des traités d'accès et de partage desdits avantages.

4.1.2

Le projet de règlement se situe ainsi en retrait par rapport au texte du protocole de Nagoya et à la convention sur la diversité biologique (IUCN 2012, pp. 84-85), en ce qu'il ignore l'obligation de droit international que cette dernière impose à partir de 1993 pour le partage des avantages. L'article 3 du protocole de Nagoya affirme expressément que ses règles valent pour toutes les ressources génétiques qui entrent dans le champ d'application de la convention sur la diversité biologique. C'est à combler ce déficit de mise en œuvre et élaborer des mesures efficaces concernant le partage des avantages acquis depuis 1993 que doit servir la mise en œuvre de ce protocole.

4.1.3

Dans sa disposition concernant les rapports avec d'autres traités internationaux, le projet de règlement n'a pas su intégrer le passage déterminant du protocole de Nagoya, contenu dans son article 4, paragraphe 4, en vertu duquel il y a lieu d'établir que des ressources génétiques ne peuvent être soumises aux règles d'un autre instrument que s'il "est conforme aux objectifs de la convention et du présent protocole et ne va pas à l'encontre de ceux-ci". Il convient d'incorporer dans le texte à l'examen cette précision, qui en est actuellement absente, afin de garantir une mise en œuvre correcte du protocole de Nagoya. Il revient aux organisations internationales et aux institutions de l'UE qui ont compétence en ces matières de décider si les règles d'accès et de partage des avantages qui sont prévues dans un autre instrument s'appliquent à tel ou tel type de ressources génétiques.

4.1.4

De l'avis du CESE, ce constat a pour implication que l'article 2 du projet de règlement ne transpose pas clairement des éléments capitaux du protocole de Nagoya et qu'il s'impose par conséquent de le remanier ou de le compléter.

4.2   Définitions (article 3)

4.2.1

Le projet de règlement soumis par la Commission s'écarte nettement de l'article 2 du texte du protocole de Nagoya. Elle n'a pas réussi à reprendre dans sa proposition le principe important, consigné dans l'article 2, lettre c, dudit protocole, voulant que la notion d'utilisation des ressources génétiques couvre "l'application de la biotechnologie, conformément à la définition fournie à l'article 2". Cette définition revêt une importance énorme en ce qui concerne le partage des avantages, car dans presque tous les cas où des produits ont pu être élaborés avec succès à partir de ressources génétiques, par exemple dans le domaine de la médecine ou des cosmétiques, ce ne sont plus ces ressources proprement dites qui ont fait l'objet d'une commercialisation avantageuse mais bien des extraits ou composants ("dérivés") qui en ont été tirés grâce à l'emploi de biotechnologies. Vu dans ce contexte, il convient que dans ses dispositions, le projet de règlement reprenne également ce concept de "dérivé", tel que défini par l'article 2, lettre e, du protocole de Nagoya.

4.2.2

Avoir ainsi tronqué les définitions de ces notions aura des conséquences notables sur les obligations concernant le partage des avantages, étant donné qu'il ne serait alors plus obligatoire de partager ceux qui découlent de l'utilisation de dérivés. À cet égard, on fera remarquer que c'est précisément de ces dérivés, par exemple sous la forme de substances biochimiques isolées comme les principes médicalement actifs ou encore les ingrédients de cosmétiques, que découlent les profits liés à la commercialisation de produits développés par l'utilisation des ressources génétiques.

4.2.3

Le projet de règlement, et il y a lieu de s'en féliciter, réserve à bien des égards un traitement équivalent aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles y associées. S'il donne bien une définition de ces dernières (article 3, paragraphe 8), il la limite au seul contexte de l'intérêt qu'elles présentent pour aider à explorer et développer des ressources génétiques et estime que les détails en la matière n'auront à être précisés que dans une étape ultérieure, dans les contrats qui devront être passés entre les utilisateurs et les peuples autochtones et communautés locales.

4.2.4

Le CESE ne voit pas comment il serait possible, en se fondant sur de telles dispositions, de régler la question du partage des avantages de manière assurée et satisfaisante au regard des articles du protocole de Nagoya qui s'y rapportent. Aussi demande-t-il que la Commission, le Conseil et le Parlement clarifient cette problématique dans la suite de la procédure.

4.3   Surveillance du respect de l'obligation de diligence (articles 7, 9 et 11)

4.3.1

Aux termes de l'article 7, paragraphe 2, du projet de règlement, l'existence d'une obligation de diligence concernant l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances afférentes n'est prévue qu'à partir du moment où le produit concerné fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une commercialisation. En conséquence, l'utilisateur ne sera tenu d'informer les autorités, au plus tôt, qu'une fois passé le stade de l'utilisation, celle-ci devant s'entendre, dans l'acception du protocole de Nagoya, comme s'appliquant non pas à la mise sur le marché mais à la recherche et au développement, étapes qui, en toute logique, précèdent l'arrivée sur le marché.

4.3.2

Il est bien connu que seule une partie des utilisations faites dans le domaine de la recherche et du développement débouchent sur des produits susceptibles d'être commercialisés. Tout naturellement, celles qui obéissent à des objectifs purement scientifiques ne visent pas un objectif de développement de produits. Si l'obligation de notification ne devait pas s'appliquer dès le début de l'utilisation, y compris, donc, aux étapes de la recherche et du développement, il résulterait donc de tout ce mécanisme que les autorités compétentes ne seraient jamais mises au courant de la majeure partie des utilisations.

4.3.3

La disposition en cause contredit jusqu'à l'objectif politique du projet de règlement. En effet, selon le huitième considérant, "il y a lieu également de prévenir l'utilisation de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles associées à ces ressources acquises illégalement dans l'Union" (4). Dès lors que le moment où s'applique l'obligation de notification est placé en aval de l'achèvement de la phase de recherche et de développement, il n'est pas possible de prévenir une utilisation de ressources génétiques qui serait illicite ou contraire aux traités: tout au plus pourra-t-on alors la sanctionner a posteriori.

4.3.4

Il ne peut être de l'intérêt ni de la recherche, ni de l'industrie, d'exercer leurs activités dans un cadre juridique qui n'assume pas son devoir fondamental d'empêcher la biopiraterie.

4.3.5

Le CESE relève par ailleurs que l'article 7, paragraphe 2, du projet de règlement laisse le champ libre à des divergences de lecture qui demandent à être éclaircies d'urgence par la Commission, le Conseil et le Parlement. Une des interprétations possibles du texte est que les utilisateurs qui recourent à des financements privés seraient exemptés de l'obligation de notification. Si la disposition devait bien se lire ainsi, elle aurait pour effet, par sa combinaison avec la date tardive du délai de notification prévue par ledit article 7, paragraphe 2, que la majeure partie de toutes les utilisations, ainsi que la commercialisation des ressources génétiques et des connaissances y afférentes, pourraient s'effectuer sans que les autorités compétentes en eussent reçu communication d'une quelconque manière. Dans le cas de la recherche et du développement financés sur fonds privés et des mises sur le marché qui en résulteraient, il serait alors impossible que les pouvoirs publics s'assurent du bon respect de l'obligation de partage des avantages.

4.3.6

Suivant l'article 9, paragraphe 3, du projet de règlement, les autorités compétentes ont la faculté de décider de procéder à des contrôles sur des utilisateurs lorsqu'elles disposent à leur encontre d'indices fondés émanant de tiers, par exemple sous la forme de rapports sur la biopiraterie communiqués par des ONG ou des peuples autochtones. Pareille disposition entre également en contradiction avec la visée politique du règlement et il convient de lui substituer une formulation à caractère contraignant.

4.3.7

Le non-respect du devoir de diligence peut donner lieu à des sanctions (article 11), qui peuvent comprendre "la confiscation des ressources génétiques acquises de manière illégale". Ces propositions sont censées garantir "que seules des ressources génétiques acquises légalement sont utilisées". De telles mesures ne valent qu'au stade de l'"utilisation", au sens de "recherche et développement", mais non lors de la phase de commercialisation. Néanmoins, dans la mesure où le système de contrôle proposé dans le cadre de l'article 7, paragraphe 2, ne peut être déployé, et encore, en partie seulement, qu'à cette étape de la commercialisation, on est forcé de considérer que la menace d'une sanction est très largement dépourvue d'effet. Le CESE redoute que dans l'UE, le projet de règlement n'ouvre la porte à une situation où l'on pourra, sans être inquiété, commercialiser des produits qui auront été obtenus par une utilisation illégale ou contraire aux traités.

Bruxelles, le 20 mars 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2012) 576 final, p. 4.

(2)  COM(2012) 576 final, p. 5.

(3)  COM(2012) 576 final, p. 3.

(4)  COM(2012) 576 final, p. 11.


Top
  翻译: