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Document 52013IE6193

Avis du Comité économique et social européen sur «L’impact de l’investissement social sur l’emploi et les budgets publics» (avis d’initiative)

JO C 226 du 16.7.2014, p. 21–27 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

16.7.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 226/21


Avis du Comité économique et social européen sur «L’impact de l’investissement social sur l’emploi et les budgets publics» (avis d’initiative)

2014/C 226/04

Rapporteur: Wolfgang GREIF

Le 19 septembre 2013, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:

«L'impact de l'investissement social sur l'emploi et les budgets publics»

(avis d'initiative).

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mars 2014.

Lors de sa 497e session plénière des 25 et 26 mars 2014 (séance du 26 mars 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 205 voix pour, 6 voix contre et 3 abstentions.

1.   Synthèse

1.1

Le CESE se félicite du paquet «Investissement social» présenté par la Commission, et en particulier du changement annoncé de paradigme en vertu duquel les investissements sociaux ne doivent plus être exclusivement considérés comme un facteur de coût mais comme des investissements pour l'avenir.

1.2

Sur cette base, le CESE met en lumière les multiples effets positifs qu'exerce l'investissement social, en particulier sur le marché du travail et les finances publiques, dans les domaines suivants:

les services sociaux et l'accueil des enfants;

l'éducation et la lutte contre le chômage des jeunes;

la promotion de l'emploi;

la promotion de la santé et le vieillissement actif;

le logement social et la mise en place d'une société sans entraves;

l'entrepreneuriat social.

1.3

Il dégage ce faisant des effets en chaîne positifs et démontre:

que l'expansion des services sociaux a un puissant impact sur l'emploi à l'échelle européenne;

que l'investissement social bien planifié, efficace et efficient soulage durablement les budgets publics sans être incompatible avec l'assainissement budgétaire;

que la «non-action» dans le domaine social a aussi un prix, et que l'absence d'investissement social induit généralement des coûts maintes fois supérieurs;

que les investissements dans l'État-providence ne sont pas seulement source de progrès social, mais s'avèrent également rentables sur le plan économique et budgétaire.

1.4

Le bénéfice social, économique, budgétaire et sociétal, ou «dividende multiple», de l'investissement social sera d'autant plus important que ce dernier sera solidement ancré dans un contexte macroéconomique et institutionnel crédible.

1.5

Le CESE estime que la mise en œuvre cohérente et fructueuse d'un paquet «Investissement social» de grande envergure est indissociable des exigences fondamentales suivantes:

Un changement de cap crédible vers l'investissement social (préventif) suppose d'abandonner la politique d'austérité exclusive et stricte. Le CESE réitère l'appel en faveur d'un programme européen de relance et d'investissement à hauteur de 2 % du PIB.

Sans garantie financière ni cadre approprié, il n'est pas possible d'exploiter pleinement le potentiel de l'investissement social. Dans le cadre des assainissements budgétaires à venir, il convient, tout en renforçant l'efficacité et l'efficience des dépenses publiques, d'exploiter également de nouvelles sources de recettes.

Les investissements sociaux doivent bénéficier d'un ancrage permanent dans la stratégie Europe 2020 et dans le semestre européen. Il convient d'en tenir compte expressément dans les examens annuels de la croissance et dans les recommandations par pays.

Le CESE soutient les discussions menées au sein de la Commission sur l'opportunité de retirer aussi, conformément à la «règle d'or» en matière de financement, les investissements sociaux du calcul du déficit public net dans le cadre de la réglementation régissant le volet budgétaire de l'UEM.

Il convient de s'efforcer de progresser sur le plan méthodologique et d'élaborer des instruments adéquats pour mesurer les effets (positifs) du renforcement de l'investissement social, ainsi que d'affiner les indicateurs sociaux dans le cadre institutionnel de l'UEM.

Le CESE demande à la Commission de présenter une feuille de route stratégique pour la mise en œuvre du paquet «Investissement social» qui témoigne d'une plus grande détermination et s'inscrive dans une perspective à plus long terme, au moins à l'horizon 2020.

2.   Introduction

2.1

Le CESE est d'avis que dans le contexte particulier de la crise, il existe d'immenses besoins d'investissements sociaux pour lutter contre le risque croissant de pauvreté, recelant également un important potentiel d'emploi à l'échelle européenne, qu'il convient de mobiliser à l'aide d'investissements privés et publics (1).

2.2

Le CESE s'est dès lors félicité du paquet «Investissement social» présenté par la Commission (2), au moyen duquel celle-ci invite les États membres à accorder une plus grande place aux investissements sociaux, et en particulier du changement annoncé de paradigme en vertu duquel les investissements sociaux ne doivent plus être exclusivement considérés comme un facteur de coût mais comme des investissements pour l'avenir (3).

2.3

Le document indique également que des investissements sociaux axés sur les effets et les résultats et mis en œuvre de façon cohérente dans la pratique améliorent durablement l'employabilité des personnes et apportent une contribution importante à la réalisation des objectifs d'emploi de la stratégie Europe 2020.

2.4

Par conséquent, le CESE a notamment invité la Commission à présenter un plan de mise en œuvre concrète du paquet «Investissement social».

2.5

Le point faible de l'initiative de la Commission réside dans les questions qu'elle laisse en suspens quant au financement. Il a d'ailleurs été signalé que sans modification de la politique de réduction exclusive des dépenses qui prévaut, il semble irréaliste que les propositions de renforcement de l'investissement social puissent être mises en œuvre avec succès.

2.6

Fort de ces considérations, le présent avis se penche sur les multiples incidences positives de l'investissement social, en particulier sur le marché du travail et les finances publiques, et formule des demandes et recommandations concrètes pour mettre en œuvre le paquet «Investissement social».

3.   Observations générales relatives au «dividende multiple», c'est-à-dire au bénéfice social, économique, budgétaire et sociétal de l'investissement social

3.1

Le Commission assigne aux politiques sociales trois fonctions essentielles (4): soutenir les personnes dans différentes situations de risque, stabiliser l'économie et investir dans le domaine social. Cette distinction ne doit pas donner à penser que ces domaines se limitent mutuellement, elle ouvre au contraire des pistes pour une élaboration active des politiques. À cet égard, il convient de veiller à la complémentarité des domaines d'action politique et des conditions-cadres (institutionnelles), dont naîtra en définitive la cohésion sociale.

3.2

L'idée que les investissements dans l'État-providence ne sont pas seulement source de progrès social, mais s'avèrent également rentables sur le plan économique et budgétaire (5) n'a pas seulement fait son chemin au CESE. Elle s'impose aussi progressivement dans la recherche (6) et les politiques européennes. Dans le même temps, on manque de normes comparables pour appréhender et évaluer tous les effets externes positifs de l'investissement social.

3.3

Il ne fait néanmoins aucun doute que l'investissement social bien planifié, efficace et efficient exerce, en fonction de la forme et de l'ampleur données aux mesures prises, qui sont propres à chaque pays, des effets positifs multiples: les besoins sociaux existants sont comblés et des possibilités d'emploi créées, l'égalité des chances — et des sexes — est favorisée, tandis que la progression de l'emploi et le recul du chômage compensent dans une large mesure les coûts engendrés. L'investissement social présente les caractéristiques d'un investissement en ce qu'il ne faut généralement pas en attendre des «gains» directs, ses effets positifs se révélant au fil du temps (c'est le cas notamment des investissements dans l'éducation, l'accueil des enfants, la promotion de la santé, l'adaptation des conditions de travail aux différentes étapes de la vie).

3.4

Le «dividende multiple» de l'investissement social sera d'autant plus important que ce dernier sera solidement ancré dans un contexte institutionnel et politique global complémentaire. Il est nécessaire d'assurer une planification stratégique et un suivi structuré, conformément aux objectifs de la stratégie Europe 2020.

3.5

Compte tenu du taux de chômage alarmant qui prévaut aujourd'hui et n'est guère appelé à baisser dans un proche avenir, dynamiser l'investissement social peut contribuer de manière essentielle au renforcement de la croissance et de l'emploi. La pleine exploitation des potentiels d'emploi disponibles nécessite le recours déterminé à une politique offrant des possibilités de participation à l'activité économique et à la société. Les investissements sociaux d'avenir axés sur les effets et les résultats, en particulier le développement des services sociaux, dont les effets sur l'emploi sont en général nettement plus importants que toute autre forme d'intervention financière publique, revêtent à cet égard une importance essentielle.

3.6

Outre ses effets positifs sur le marché du travail, l'investissement social peut soulager les budgets publics d'une manière qui n'est pas incompatible avec l'assainissement budgétaire. Le CESE a déjà fait observer que les efforts déployés, lors du ralentissement de l'économie, pour assainir les budgets publics au moyen d'une politique exclusivement axée sur la réduction des dépenses sont globalement considérés comme un échec (7). L'on parviendra mieux à un équilibre à moyen et à long termes entre les recettes et les dépenses en réglant les problèmes structurels à l'aide d'investissements, ce qui permettra aux pouvoirs publics de regagner une plus grande marge de manœuvre à long terme. Des analyses récentes indiquent que la promotion d'une croissance inclusive et l'augmentation du taux d'emploi conformément aux objectifs de la stratégie Europe 2020 permettraient de dégager une marge de manœuvre supplémentaire pour les budgets publics, qui représenterait jusqu'à 1  000 milliards d'euros à l'échelle de l'UE (8).

3.7

Force est de constater que la «non-action», notamment dans le domaine social, a elle aussi un prix, et que l'absence d'investissement social induit généralement des coûts maintes fois supérieurs. Cette idée que le remède est plus onéreux que la prévention se retrouve aussi dans plusieurs communications de la Commission (9). Si les investissements sociaux sont évidemment liés à des dépenses à court terme, ils sont toutefois associés à des gains de bien-être pour la société et à un accroissement des recettes au profit des budgets publics à moyen et à long terme, qui permettent en outre de réduire sensiblement les coûts futurs (10).

3.8

Toutes les dépenses sociales ne sont pas en soi des investissements sociaux. Certaines prestations sociales ont en principe un impact sur la consommation (par exemple les retraites ou les allocations de chômage). Le CESE n'a pourtant pas cessé d'insister sur le rôle essentiel de soutien à la consommation et à l'activité économique que jouent les investissements dans des systèmes de sécurité sociale solides (surtout en période de crise), en ce qu'ils font office de stabilisateurs automatiques, soutenant les revenus et la demande et aidant ainsi l'Europe à surmonter les crises (11).

4.   Exemples de l'impact de l'investissement social

4.1

Investissements dans les services sociaux: des investissements renforcés dans la mise à disposition et la promotion des infrastructures sociales (soins, prise en charge des personnes âgées, santé, services aux personnes handicapées, logement avec assistance de vie, services de conseil, etc.) créent de l'emploi tout en concourant de manière non négligeable à relever le taux d'activité (12), et contribuent, à moyen et à long termes, à soulager les budgets publics (13) et à dynamiser l'économie régionale. Selon les calculs de la Commission, un taux de croissance de l'emploi dans le secteur de la santé de 0,5 % par an peut laisser espérer une progression sectorielle de l'emploi équivalant au moins à 1 million d'emplois d'ici 2020 (14). Le CESE a souligné à maintes reprises qu'il doit s'agir, tant dans le secteur public que privé, d'emplois de qualité assortis d'une rémunération équitable (15).

4.2

Investissements dans l'accueil des enfants: de nombreuses études démontrent, en se servant de l'exemple de l'accueil des enfants, que des investissements ciblés permettent d'associer progrès social et renforcement de la compétitivité (16). Des calculs récents montrent que les investissements publics visant à réaliser les objectifs de Barcelone en matière d'accueil des enfants permettent aux pouvoirs publics d'engranger des recettes supplémentaires considérables, en plus d'exercer des effets non négligeables sur l'emploi. Ainsi, une étude (17) concernant l'Autriche indique que même lorsque les perspectives économiques sont moroses, au bout de quatre ans, les gains réalisés surpassent les coûts d'investissement. Dans ce processus, les budgets publics bénéficient d'effets complémentaires, à savoir d'impulsions conjoncturelles et imprimées à la politique régionale, d'une hausse de l'emploi direct, d'une baisse des coûts liés aux prestations de chômage, etc. Le CESE apprécierait vivement un renforcement des activités de recherche et de l'échange de meilleures pratiques dans ce domaine également.

4.3

Investissements dans l'enfance: la Commission préconise des mesures préventives sous la forme d'investissements précoces afin d'améliorer les possibilités de développement et de participation des enfants (pas seulement de ceux issus d'un milieu socio-économique défavorisé) (18). Dans sa recommandation intitulée «Investir dans l'enfance», la Commission montre que les investissements préventifs pour lutter contre la pauvreté infantile peuvent passer par tout un éventail de mesures. Elle met ainsi en évidence les incidences positives du développement de structures d'accueil de qualité: encouragement des aptitudes, diminution du risque de décrochage scolaire précoce, amélioration des possibilités d'emploi, notamment des femmes, essor de la croissance au niveau régional (19).

4.4

Investissements dans l'éducation et la lutte contre le chômage des jeunes: Pour mettre en place une Europe durable, il faut obligatoirement relever le niveau d'éducation et résorber les lacunes en matière d'enseignement général et professionnel. Les investissements en faveur de l'éducation qui répondent aux besoins des personnes et de l'économie entraînent une hausse de la productivité et une augmentation des recettes fiscales et des cotisations de sécurité sociale. Les calculs de l'OCDE relatifs à la rentabilité des dépenses publiques d'éducation font état d'un rendement moyen de 7,8 % (20). La promotion de l'emploi des jeunes doit être l'un des piliers des stratégies nationales d'investissement social. Les États membres sont encouragés à juste titre à prendre des mesures énergiques en faveur des jeunes, en particulier de ceux qui ne travaillent pas et ne suivent ni études ni formation («NEET»). Selon les estimations d'Eurofound, les pertes économiques imputables à l'éloignement des jeunes du marché du travail ou du système éducatif s'élèvent à plus de 150 milliards d'euros par an, ce qui équivaut à 1,2 % du PIB de l'UE (21).

4.5

Investissements dans la promotion de l'emploi: Le taux élevé de chômage — en particulier des jeunes et de longue durée — ne pèse pas seulement de tout son poids sur les personnes concernées et leurs proches. Lorsqu'il s'installe durablement, le chômage représente également un défi de taille pour les budgets publics, qu'il convient de relever par des programmes de développement des compétences et une politique de promotion de l'emploi (22). Plus le chômage dure, plus il sera difficile de mettre en adéquation l'offre et la demande en matière d'emploi. Le manque de qualifications et de pratique professionnelle est un obstacle majeur à la réussite durable sur le marché du travail, surtout dans une économie de la connaissance et de la technologie.

4.6

Investissements dans la gestion des mutations démographiques et l'amélioration des possibilités d'emploi des personnes âgées: le CESE a signalé à maintes reprises que c'est au sein du marché du travail que réside la clé de la gestion du changement démographique. En tirant un meilleur parti du potentiel d'emploi disponible, il est possible, malgré l'augmentation du nombre des personnes âgées, de maintenir dans une large mesure la stabilité du rapport entre les cotisants et les bénéficiaires des prestations (23). En dépit du glissement prévisible de la pyramide des âges, les investissements visant à adapter le monde du travail au vieillissement (création de conditions de travail adaptées aux différents étapes de la vie) et à améliorer le taux d'activité des seniors restent à ce jour insuffisants dans de nombreux pays de l'UE.

4.7

Investissements dans la prévention sanitaire et la réadaptation: on relève également des effets positifs concernant la promotion de la santé au sein de l'entreprise et au niveau sectoriel, dans la mesure où l'employabilité et le risque de chômage dépendent étroitement de l'état de santé physique et mentale. Si les situations de fragilité ne sont pas détectées à temps, et que des dispositions ne sont pas prises pour intervenir, des coûts sociaux élevés viennent s'ajouter aux souffrances individuelles. Pour assurer la viabilité à long terme des finances publiques, il convient d'investir davantage dans la prévention.

4.8

Investissements dans le logement social: À l'instar du Parlement européen et du Comité des régions, le CESE considère le logement social comme l'une des clés de la cohésion sociale et plaide pour qu'un cadre européen soit élaboré en la matière (24). Il convient ce faisant de respecter le principe de subsidiarité, en continuant de laisser aux États membres le soin de définir eux-mêmes les critères du logement social. Les dépenses dans ce domaine permettent de répondre à des besoins sociaux urgents (notamment en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté et l'inclusion sociale), tout en créant des emplois dans les régions, ce qui a pour effet de stabiliser l'économie. Elles apportent aussi, notamment lorsqu'elles prennent la forme d'investissements dans la rénovation thermique, une contribution à la lutte contre le changement climatique et la pauvreté énergétique (25).

4.9

Investissements dans une société sans entraves: Le CESE a maintes fois insisté sur la nécessité de promouvoir une société sans entraves (26). En ce sens, l'investissement social devrait notamment mettre l'accent sur la création d'espaces publics et de logements adaptés aux personnes âgées et handicapées, d'infrastructures propres à promouvoir la mobilité et de services sociaux de qualité, abordables et aisément accessibles pour les groupes sociaux défavorisés.

4.10

Investissements dans l'entrepreneuriat social: Le CESE se félicite que la Commission reconnaisse le rôle important de l'économie sociale dans la mise en œuvre du paquet «Investissement social». Les entreprises sociales sont souvent directement associées au processus de mise en œuvre. Pour faciliter l'accomplissement de ces missions, l'accès aux fonds publics et aux capitaux privés doit être simplifié, d'une manière qui soit compatible avec le modèle économique des entreprises sociales. Les États membres doivent davantage recourir à des formules de financement innovantes, comme la participation du secteur privé, qui devraient également permettre de réaliser des économies budgétaires (27). Cependant, le CESE souligne une nouvelle fois que cette démarche ne doit en aucun cas entraîner une commercialisation ou une approche fragmentée de la politique sociale. L'État ne doit pas se soustraire à ses responsabilités en la matière (28).

5.   Recommandations politiques

5.1   Mettre le cap sur l'investissement social préventif suppose d'abandonner la politique d'austérité exclusive et stricte.

5.1.1

Le CESE estime que s'agissant de la création d'emploi, l'expansion des services sociaux a un impact plus grand que toute autre forme de dépenses publiques. Il invite dès lors instamment à perfectionner l'État-providence en Europe de façon progressive et durable, afin qu'il puisse donner la pleine mesure de son potentiel en tant que force productive supplémentaire de l'économie européenne.

5.1.2

La concrétisation et la mise en œuvre fructueuse d'un paquet «Investissement social» de grande envergure exigent un ancrage macroéconomique et institutionnel crédible. Sans modification de la politique de réduction exclusive des dépenses, il semble difficile de parvenir à intégrer efficacement les pans les plus larges possibles de la société au marché du travail et à leur garantir une participation économique et sociale équitable.

5.1.3

À la lumière du paquet «Investissement social» et des défis qu'il pose, le CESE réitère dès lors l'appel en faveur d'un programme européen de relance et d'investissement à hauteur de 2 % du PIB (29).

5.2   Sans garantie financière, il n'est pas possible d'exploiter pleinement le potentiel social et économique de l'investissement social.

5.2.1

Un changement de paradigme crédible vers des stratégies axées sur l'investissement et la prévention dans les principaux domaines d'action (l'éducation, les affaires sociales, le marché de l'emploi et la santé, pour ne citer que ceux-là) n'est possible que lorsque le financement est assuré, tant au titre du budget de l'UE que des budgets nationaux.

5.2.2

Le CESE se dit à nouveau convaincu qu'il ne faut pas, dans le cadre des assainissements budgétaires à venir, se focaliser exclusivement sur le volet des dépenses, mais chercher, tout en renforçant l'efficacité et l'efficience des dépenses publiques, à exploiter de nouvelles sources de recettes (30). Dans ce contexte, le CESE est d'avis que les États membres doivent élargir leur base fiscale, notamment en prélevant des taxes sur les transactions financières, en supprimant les paradis fiscaux, en mettant fin à la concurrence fiscale et en prenant des mesures contre la dissimulation fiscale. Il faut en outre repenser le système fiscal de manière générale, en prenant dûment en compte la question des contributions des différents types de revenus et d'avoirs (31).

5.2.3

Si le CESE partage le point de vue de la Commission quant à la nécessité de faire du Fonds social européen (FSE) le principal instrument de financement des investissements sociaux et de réserver, dans chacun des États membres, 20 % des ressources du FSE à l'intégration sociale et à la lutte contre la pauvreté, il considère néanmoins que d'autres fonds de l'UE devraient entrer en jeu. Des moyens substantiels du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du Fonds européen de développement régional (FEDER) devraient ainsi être déployés en faveur de services sociaux comme l'accueil des enfants, les soins ou la mobilité en milieu rural et ce financement devrait s'inscrire dans les dispositions nationales prises en la matière.

5.2.4

Le CESE désapprouve au plus haut point les conditionnalités envisagées dans le cadre de la gouvernance économique, qui prévoient des réductions des crédits alloués à la politique de cohésion pour sanctionner le non-respect des prescriptions de l'UE dans le domaine macroéconomique. Cette approche a non seulement un effet procyclique et restrictif sur le développement économique, mais entrave également la réalisation des investissements supplémentaires nécessaires dans les pays bénéficiant d'un programme. Il conviendrait au contraire de donner un élan à la croissance et de fournir un appui en renforçant le taux de cofinancement de l'UE, surtout dans les pays particulièrement touchés par la crise économique.

5.3   Les investissements sociaux doivent bénéficier d'un ancrage permanent dans la stratégie Europe 2020 et dans le semestre européen.

5.3.1

Le CESE appelle à accorder une plus grande place à l'investissement social dans le processus de coordination du semestre européen. Il convient de tenir compte expressément de cette nouvelle priorité dans les examens annuels de la croissance et dans les recommandations par pays. Il importe de préciser ce faisant que des investissements sociaux renforcés sont compatibles avec un assainissement budgétaire propice à la croissance.

5.3.2

Pour atteindre cet objectif, le CESE soutient les discussions en cours au sein de la Commission européenne concernant l'application de la «règle d'or» en matière de financement, voulant que dans le cadre de la réglementation régissant le volet budgétaire de l'UEM, les investissements d'avenir consentis par les pouvoirs publics soient retirés du calcul du déficit public net, de façon à éviter que les investissements procurant des bénéfices nets à long terme ne passent à la trappe. Le CESE invite à discuter de l'opportunité d'appliquer également ladite règle d'or aux investissements sociaux financés par les Fonds structurels de l'UE.

5.3.3

La promotion de l'investissement social doit également être un élément central de la révision des lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi qui sera effectuée à l'occasion du réexamen à mi-parcours de la stratégie Europe 2020 en 2014.

5.3.4

Le CESE juge indispensable que tous les acteurs chargés de la mise en œuvre des investissements sociaux soient davantage consultés, informés, et associés à la prise de décision et au suivi à tous les niveaux.

5.4   Une meilleure méthodologie et des instruments plus efficaces pour mesurer les performances de la stratégie de renforcement de l'investissement social.

5.4.1

Le choix de l'orientation politique future doit reposer sur des bases plus globales et de meilleure qualité. De manière générale, il convient d'opter, en matière d'investissement social, pour une approche plus dynamique dans le temps, préventive et davantage liée au cycle de vie, qui reflète la réalité des coûts bien mieux que ne le font des analyses coûts-bénéfices figées (32).

5.4.2

Compte tenu des interactions complexes entre différents domaines politiques, il convient d'adopter une meilleure méthodologie pour mesurer les performances et de renforcer la transparence, par exemple en établissant des rapports coûts-bénéfices où figure la notion d'utilité pour l'ensemble de la société ou en élaborant des scénarios qui détaillent différentes mesures politiques dans le temps, en tenant compte des perspectives à moyen et à long termes.

5.4.3

Une première étape pourrait être de développer, sur le plan méthodologique, les projections à long terme standardisées existant actuellement dans certains domaines de dépenses, notamment ceux liés à la démographie (éducation, soins, santé, retraites, etc.). L'édition 2015 du rapport sur le vieillissement serait une bonne occasion de présenter les «retours» des investissements sociaux requis et inscrits au budget en fonction du contexte national. Cet aspect a été omis jusqu'ici, ce qui n'a cessé de donner lieu à des représentations déformées et exagérées des coûts.

5.4.4

L'importance que sont appelés à revêtir les indicateurs sociaux dans le cadre institutionnel actuel de l'UEM reste également à déterminer. Si ces indicateurs doivent jouer un rôle réel dans l'orientation de la politique, il est de toute façon souhaitable de les affiner.

5.4.5

Le CESE juge également intéressants la demande adressée par le Parlement européen (33) à la Commission, la priant de mettre au point un tableau de bord d'indicateurs communs en matière d'investissement social, assorti d'un mécanisme d'alerte pour suivre les progrès dans les États membres, ainsi que l'appel qu'il a lancé à ces derniers, les invitant à envisager la signature d'un «pacte d'investissement social» qui définirait les objectifs d'investissement et créerait un mécanisme de contrôle.

5.5   Remaniement de la feuille de route stratégique pour la mise en œuvre du paquet «Investissement social» en vue de la rendre plus concrète

5.5.1

Le CESE juge que la feuille de route stratégique pour la mise en œuvre du paquet «Investissement social» présentée par la Commission témoigne d'une trop grande passivité et invite dès lors cette dernière à en proposer une mouture plus concrète s'inscrivant dans une perspective à plus long terme (au moins à l'horizon 2020).

Bruxelles, le 26 mars 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 11 du 15.1.2013, p. 8.

(2)  COM (2013) 83 final.

(3)  JO C 271 du 19.9.2013.

(4)  COM(2013) 83 final, p. 3.

(5)  Voir note de bas de page no 4.

(6)  «Social and employment policies for a fair and competitive Europe» — document d'information, Forum de la Fondation 2013, Eurofound, Dublin, p. 16.

(7)  Voir note de bas de page no 3.

(8)  EPC Issue Paper no 72, nov. 2012.

(9)  MEMO/03/58 du 19.3.2003 et COM(2013) — IP/13/125.

(10)  Voir notamment COM(2013) 83 final, p. 2.

(11)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 44, paragraphe 4.4.2.

(12)  Drivers of Female Labour Force Participation in the OECD, document de travail de l'OCDE: questions sociales, emploi et migration no 145, publication OCDE, Thévenon Olivier (2013).

(13)  Cette étude révèle que chaque euro investi en 2010 dans les services mobiles rapporte 3,70 euros (p. 9): «Studie zum gesellschaftlichen und ökonomischen Nutzen der mobilen Pflege- und Betreuungsdienste in Wien mittels einer SROI-Analyse» [Étude du bénéfice social et économique des services de soins et de prise en charge mobiles à Vienne reposant sur une analyse du retour social sur investissement], Schober, C. et al (2012), Vienne.

(14)  SWD(2012) 95 final.

(15)  JO C 11 du 15.1.2013, paragraphe 4.7.5.

(16)  «Zur ökonomischen Notwendigkeit eines investiven Sozialstaates» [De la nécessité économique d'un État social qui investit], Institut de recherches économiques autrichien (WIFO), Famira-Mühlberger, U. (2014), Vienne.

(17)  «Investiver Sozialstaat Wachstum, Beschäftigung und finanzielle Nachhaltigkeit Volkswirtschaftliche und fiskalische Effekte des Ausbaus der Kinderbetreuung in Österreich» [Un État social qui investit. Croissance, emploi et viabilité financière. Impact du développement de l'accueil des enfants sur l'économie et le budget en Autriche], AK Europa (représentation de la Chambre fédérale autrichienne du travail à Bruxelles) (2013), Bruxelles et Eurofound (Réf.: EF1344).

(18)  Voir «The rate of return to the HighScope Perry Preschool Program», Journal of Public Economics, Heckman, J.J., et al. (2010), vol. 94 (1-2), pp. 114-128.

(19)  COM(2013) 778 final.

(20)  Voir note de bas de page no 18.

(21)  «Les jeunes et les NEET en Europe: premiers résultats», Eurofound (EF1172EN).

(22)  Why invest in employment? A study on the cost of unemployment, Idea Consult (2012), Bruxelles.

(23)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 74.

(24)  Résolution du Parlement européen du 11 juin 2013 (2012/2293(INI)), JO C 9 du 11.1.2012, p. 4.

(25)  Résolution du Parlement européen relative à la communication de la Commission sur les investissements sociaux (PE508.296v01-00).

(26)  Voir notamment le document TEN/515 sur «L'accessibilité en tant que droit de l'homme» (non encore publié) et JO C 44 du 15.2.2013, p. 28.

(27)  Voir note de bas de page no 3.

(28)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 91.

(29)  Voir JO C 133 du 9.5.2013, p. 77, paragraphe 3.2.4.

(30)  Voir JO C 143 du 22.5.2012, p. 94, paragraphe 4.3.

(31)  Voir JO C 143 du 22.5.2012, p. 23, paragraphe 6.1.3.1

(32)  Voir Commission européenne, Agenda social, mai 2013, p. 15.

(33)  Voir note de bas de page no 27.


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