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Document 52014IE0493
Opinion of the European Economic and Social Committee on the impact of business services in industry (own-initiative opinion)
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’incidence des services aux entreprises dans l’industrie» (avis d’initiative)
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’incidence des services aux entreprises dans l’industrie» (avis d’initiative)
JO C 12 du 15.1.2015, p. 23–32
(BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
15.1.2015 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 12/23 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’incidence des services aux entreprises dans l’industrie»
(avis d’initiative)
(2015/C 012/04)
Rapporteur: |
M. VAN IERSEL |
Corapporteur: |
M. LEO |
Le 22 janvier 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:
«L'incidence des services aux entreprises dans l'industrie»
La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 septembre 2014.
Lors de sa 502e session plénière des 15 et 16 octobre 2014 (séance du 16 octobre 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 100 voix pour, 0 voix contre et 2 abstentions.
1. Conclusions et recommandations
1.1 |
Eu égard à la forte interaction entre les services et l'industrie manufacturière, et à son incidence sur la croissance durable et l'emploi en Europe, le CESE invite instamment la Commission à inscrire les services aux entreprises parmi les priorités de son prochain mandat. C'est d'autant plus nécessaire en raison de l'avènement d'un nouveau modèle de production que certains appellent «la quatrième révolution industrielle». |
1.2 |
Des initiatives concrètes de l'UE s'imposent dans tous les domaines liés à la révolution numérique et à la transformation de l'économie et de la société qu'elle entraîne. La sensibilisation des pouvoirs publics et de la société est une condition préalable essentielle. |
1.3 |
Les services aux entreprises devraient faire partie de toute politique industrielle active et être pris en compte lors du réexamen, en 2015, de la stratégie Europe 2020. Le CESE observe que leur importance a jusqu'à présent été sous-évaluée par la Commission et le Conseil. |
1.4 |
La moitié des directions générales de la Commission sont concernées, d'une manière ou d'une autre, par les services, mais il n'existe aucune approche systématique, et encore moins stratégique. Il n'y a pas de politique claire, ni de porte-parole visible dans ce domaine. La décision du Conseil de réduire à 1,2 milliard le budget alloué dans le cadre financier pluriannuel (CFP) au mécanisme pour l'interconnexion en Europe, alors que la Commission avait proposé un montant de 9 milliards, est très décevante et fait preuve d'un manque de vision à long terme. |
1.5 |
C'est maintenant que l'UE doit décider si elle souhaite prendre l'initiative en contribuant à un nouveau modèle de croissance durable et à la création d'emplois, ou laisser sa place à d'autres. |
1.6 |
Par conséquent, le CESE accueille très favorablement l'initiative prise par la Commission l'année dernière, à savoir lancer une discussion de fond au sein d'un groupe de haut niveau (GHN) sur les services aux entreprises (1). Le CESE insiste pour que cette initiative soit rapidement suivie par:
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1.7 |
Les services aux entreprises, qui se développent rapidement, occupent déjà une place déterminante dans l'industrie manufacturière. Un large éventail d'entreprises, dont le nombre ne cesse de croître, à la fois dans l'industrie manufacturière et le secteur des services, participent désormais à la conception et à la fourniture d'une nouvelle génération de services aux entreprises. Eu égard aux nouvelles technologies, les services revêtent une importance encore plus grande pour les entreprises. |
1.8 |
En outre, l'internet des objets et l'internet des services sont actuellement considérés en Europe comme la quatrième révolution industrielle, l'aube d'une nouvelle ère qui succède à celle de l'automatisation. |
1.9 |
Ce prodigieux bond en avant résulte d'une coopération verticale et horizontale entre la machine et l'internet, la machine et l'humain, la machine et la machine, tout au long de la chaîne de valeur et en temps réel. Des îlots d'automatisation seront interconnectés dans une multitude de réseaux et de variations. Les logiciels et les réseaux connecteront produits intelligents, services numériques et clients aux nouveaux «produits» innovants du futur. |
1.10 |
Cette évolution fait l'objet d'un vaste débat. Une approche économique et politique pionnière à cet égard est le projet allemand Industrie 4.0, qui tient dûment compte à la fois des services aux entreprises et du contexte économique plus large, lequel subit actuellement une mutation fondamentale. Avec d'autres initiatives similaires, elle devrait constituer un pilier du programme en faveur de l'industrie et d'un large éventail d'acteurs publics et privés. Sur les marchés numériques, le précurseur a toujours bénéficié, dans le passé, d'importants avantages concurrentiels. |
1.11 |
Au niveau mondial, des initiatives stratégiques comparables sont envisagées aux États-Unis, en Chine et en Corée. Le Pentagone a lui aussi prévu un programme d'investissement. Les géants technologiques comme Google, Amazon, Apple et Yahoo disposent d'un avantage naturel sur le marché. |
1.12 |
Le facteur humain est déterminant. De nouvelles chaînes de valeur et de nouveaux modèles d'entreprises créent de nouvelles alliances et interrelations entre les entreprises, ce qui a une énorme incidence sur l'organisation du travail. Il faut en outre s'attendre à des bouleversements importants sur le marché de l'emploi. En raison du développement rapide de la technologie numérique, de nouvelles formes d'organisation du travail et modalités d'emploi apparaissent constamment dans l'industrie, et en particulier dans le secteur des services aux entreprises, et l'actualisation des compétences y est fréquente. Ces transformations doivent être suivies de près. Des politiques spécifiques reposant sur des recherches correctement financées doivent se concentrer sur la promotion de conditions favorables et l'atténuation des effets négatifs. |
1.13 |
Dans bon nombre de secteurs de service aux entreprises, la culture du dialogue social fait défaut, ce qui peut saper la qualité de l'emploi dans ces branches. Un solide cadre de dialogue social et de participation active — également au regard de dispositifs innovants d'enseignement et de formation — s'impose aux niveaux de l'entreprise, du secteur, des États membres et de l'UE, compte tenu des restructurations fréquentes d'entreprises dans le secteur des services aux entreprises, qui évolue très rapidement. |
1.14 |
La reconnaissance des qualifications et compétences au niveau européen et transfrontalier favorisera la mobilité des travailleurs et le savoir. Elle offrira également des perspectives plus vastes et plus solides aux très nombreuses petites et microentreprises dans ce domaine. |
1.15 |
Le CESE soutient très largement les recommandations de 2013 du GHN de l'UE et des cinq groupes de travail. Eu égard à l'importance cruciale des services aux entreprises pour atteindre l'objectif consistant à accroître la part du secteur manufacturier dans le PNB à 20 % en 2020 et dans la perspective de la quatrième révolution industrielle, un programme ou une feuille de route de l'UE pour les services aux entreprises est indispensable. De l'avis du CESE, ce programme ou cette feuille de route devrait couvrir les éléments suivants:
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2. Introduction
2.1 |
Dans les économies matures, les services représentent plus de 70 % de la production et des emplois. La part des services ainsi que leur sophistication ne cessent de croître partout dans le monde. |
2.2 |
Les services aux entreprises sont un facteur de croissance important. Selon la Commission, entre 1999 et 2009, leur taux de croissance moyen était de 2,38 %, tandis que la moyenne de l'ensemble des secteurs de l'économie de l'Union européenne était de 1,1 %. Au cours de la même période, le taux de croissance de l'emploi dans ce secteur était de 3,54 %, alors que ce chiffre n'était que de 0,77 % pour l'ensemble des secteurs de l'économie de l'UE. |
2.3 |
Le développement du secteur des services (ou la «tertiarisation») au sein de l'activité économique globale dans l'UE est plus important que celui de l'industrie manufacturière. À cette étape succède actuellement la «quaternisation», associée à l'accroissement des services d'information et des services fondés sur la connaissance. |
2.4 |
«Services» est un terme générique. Il désigne un éventail très large d'activités économiques et sociales, correspondant à des emplois de tous niveaux, du plus bas au plus élevé. Le nombre d'emplois hautement et faiblement qualifiés augmente, tandis que la main-d'œuvre moyennement qualifiée employée dans le secteur des services diminue, ce qui exerce une pression sur la classe moyenne. |
2.5 |
Dans l'interaction entre les services et l'industrie, l'on distingue les grandes catégories de services pertinents suivantes:
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2.6 |
Les services aux entreprises ont connu un essor considérable depuis les années soixante-dix. Ils représentent actuellement un chiffre d'affaires de 2 000 milliards d'euros et occupent 24 millions de personnes. Cela concerne des millions d'entreprises, pour la plupart des micro- et petites entreprises, sans parler des départements internes axés sur la fourniture de services dans les plus grandes sociétés. Les services aux entreprises représentent 11,7 % de l'économie de l'UE. |
2.7 |
Le tableau est extrêmement diversifié sans qu'il n'y ait un dénominateur commun. Leur incidence est énorme et concerne toutes les couches et relations sociales. Ils constituent l'un des moteurs du changement et stimulent la révision des modèles d'entreprise. Ils encouragent une réorganisation permanente des entreprises publiques et privées et des organismes publics. |
2.8 |
Au cours des dernières décennies, l'automatisation et les TIC ont été des moteurs puissants (2). L'évolution dans certains secteurs particuliers de services a aussi souvent des effets transversaux sur d'autres secteurs. |
2.9 |
Les frontières traditionnelles entre la production industrielle et les services s'estompent. Le développement de l'industrie manufacturière ne peut plus être dissocié des services comme il l'a été par le passé. Dans ce contexte, l'objectif de l'UE consistant à élever à 20 % la part de l'industrie manufacturière dans le PNB européen doit être redéfini, compte tenu de la valeur ajoutée des services aux entreprises. Il serait plus approprié de parler d'une chaîne de valeur centrée sur la fabrication (3). |
2.10 |
Sur la scène internationale, l'Europe s'en sort bien de manière générale, bien que l'industrie européenne soit en proie à quelques difficultés dans certains domaines. L'augmentation de la productivité et l'introduction dynamique de nouvelles technologies peuvent entraîner un effet positif sur la relocalisation. Par ailleurs, force est toutefois de constater une sensibilité au renouvellement dans la population ainsi qu'une résistance cachée à l'innovation. Cette tendance mérite une attention politique particulière. |
3. Le développement des services aux entreprises et les interrelations dans l'industrie
3.1 |
Les services aux entreprises se trouvent dans une phase très dynamique. En raison de la révolution entraînée par internet, l'incidence des services sur les chaînes de production ainsi que sur les performances globales des entreprises augmente. Les chaînes de production sont actuellement gérées au moyen de logiciels. Le rôle de la main-d'œuvre dans l'industrie manufacturière diminue. |
3.2 |
Cette évolution va à l'encontre de ce qu'affirme la théorie classique et indique que l'industrie manufacturière et les services aux entreprises sont en corrélation de plus en plus étroite. Par conséquent, toute distinction entre les deux est souvent artificielle. De nos jours, les entreprises utilisent des intrants et fournissent des produits et des services qui intègrent des composantes issues à la fois de l'industrie manufacturière et du secteur des services. Cette interaction est réciproque. |
3.3 |
L'on peut tirer la même conclusion des changements qui surviennent dans le paysage des entreprises. Bien que les services constituent principalement une activité d'appui, ils sont l'un des principaux facteurs de la fragmentation des chaînes de valeur. Cela entraîne notamment la scission d'entreprises de plus grande taille, et ces entités relativement statiques se transforment en un ensemble d'interactions dynamiques combinées entre des éléments plus ou moins indépendants, ou à tout le moins identifiables, au sein de la même société ou en dehors (externalisation). En tant qu'intermédiaires flexibles et adaptables, les services soutiennent ces processus. |
3.4 |
La fragmentation de la chaîne de valeur brouille considérablement la distinction entre les secteurs, étant donné que les frontières entre les secteurs s'estompent. Un tableau totalement nouveau voit ainsi le jour, par exemple Google produisant une voiture, sachant que les logiciels représentent 35 % des investissements dans une voiture, cette proportion pouvant même atteindre 50 % pour l'ingénierie et la construction de machines sophistiquées. |
3.5 |
Étant donné que chacun s'accorde à reconnaître l'incidence des services sur l'économie dans son ensemble et l'emploi, il est très surprenant que des analyses approfondies au niveau de l'UE fassent toujours défaut, ce qui peut s'expliquer comme suit:
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3.6 |
Les indicateurs statistiques traditionnels, qui établissent des distinctions claires entre la fabrication et les services, ne sont dès lors pas en mesure de restituer la structure complexe des chaînes de valeur. Les perspectives entrées/sorties devraient mettre en évidence, entre autres, les secteurs de services qui fournissent des prestations à l'industrie manufacturière et en quelle quantité, et vice versa. Cela nécessite avant tout le développement de nouveaux ensembles d'indicateurs statistiques. |
3.7 |
Des statistiques plus précises et plus détaillées constitueraient une meilleure base de discussion politique sur la situation actuelle et les instruments pouvant être utilisés pour améliorer la production. |
3.8 |
Les statistiques peuvent également permettre de recentrer le débat, entre autres, sur la suppression des obstacles à la mobilité et aux échanges transfrontaliers découlant des réglementations nationales, de la surréglementation et des droits nationaux spéciaux octroyés aux professions dans le secteur des services, par exemple en ce qui concerne les qualifications. L'harmonisation et la reconnaissance des qualifications professionnelles au niveau transfrontalier devraient faciliter la mobilité transfrontalière parmi les professions réglementées, ce qui revêt également un intérêt particulier pour les petites et microentreprises. |
3.9 |
Les chiffres globaux pour l'UE mettront en évidence des différences considérables entre les pays européens. Un secteur des services fort alimente une économie forte. L'infrastructure, en particulier le haut débit, revêt une grande importance. Elle doit être correctement protégée, non seulement pour des raisons de sécurité des données mais aussi pour assurer la continuité des services. Plusieurs États membres doivent encore déployer des efforts considérables pour combler leur retard dans ce domaine. |
3.10 |
Les chaînes de production sont plus concentrées qu'auparavant. L'interconnexion entre les marchés européens et émergents a donné lieu à des réseaux économiques et de connaissances complexes où les services jouent un rôle moteur. La délocalisation sera moins efficace, puisque l'industrie dépendra des services les plus spécialisés, à forte intensité de savoir et de haute qualité. |
3.11 |
L'Europe conserve un avantage comparatif dans la production de tels services haut de gamme, principalement grâce à sa main-d'œuvre très qualifiée et à son niveau de R&D. L'Europe ne doit toutefois pas commettre l'erreur de s'endormir sur ses lauriers. Elle doit faire preuve d'initiative pour conserver son avantage. À cette fin, elle doit notamment mener des politiques encourageant en permanence des niveaux élevés d'investissement dans la R&D et une amélioration continue des compétences des travailleurs. |
3.12 |
L'interaction entre les fournisseurs de services et les clients est primordiale. Les services aux entreprises encouragent la production — produits et/ou outils auxiliaires — du client. Les succès enregistrés résultent d'une coopération efficace entre l'offre et la demande et de la recherche de nouvelles «architectures». Des visions et des «langages» différents sont combinés pour développer ces nouvelles solutions. Dans ces processus, les solutions créatives et sur mesure proviennent d'un éventail de disciplines. L'absence de sociétés de taille moyenne ne passe pas inaperçue. À l'exception de grands fournisseurs de services comme SAP, l'Europe est moins bien représentée que les États-Unis dans l'important secteur de la prestation de services. L'Europe, comparée aux États-Unis, est pratiquement absente de certains secteurs de haute technologie. Les exemples de Google, Apple, Amazon et Microsoft, en tant que maîtres du jeu dans lequel le «gagnant rafle tout», démontrent à quel point il est déplorable que l'Europe n'ait aucun acteur dans ce domaine. |
3.13 |
Concernant les éventuels problèmes découlant de la directive sur les services, l'achèvement du marché unique pour les services aux entreprises doit s'accompagner d'un engagement à saisir les occasions de croissance et de création d'emplois tout en maîtrisant les éventuelles conséquences négatives de la libéralisation des services, telles que le dumping social et salarial. |
3.14 |
En 2011, la Commission a attiré plus particulièrement l'attention sur la nécessité d'évaluer le rôle des services aux entreprises à forte densité de connaissance (SFIC). La conclusion globale est que les services, et en particulier les SFIC, jouent un rôle de plus en plus important comme intrants dans les processus de fabrication. Ces deux éléments sont indissociables, tandis que la production manufacturière dépend de plus en plus de la qualité de tels services. |
3.15 |
La science et les universités apportent également une contribution majeure aux services innovants et opèrent en interaction avec l'industrie. Des jeunes entreprises prometteuses dans le secteur des services aux entreprises sont créées au sein d'un certain nombre d'universités, ce qui contribue au regroupement de la science, des solutions innovantes et de l'industrie. Cela entraîne en outre d'autres effets positifs puisque de meilleurs services participent à l'augmentation de la chaîne de valeur dans les secteurs où un pays donné dispose déjà de capacités technologiques et d'un avantage comparatif (4). L'importance du secteur manufacturier dans le commerce international s'en trouve considérablement renforcée. |
3.16 |
En raison de l'importance croissante des services, on parle de «servicisation de l'industrie». La symbiose entre l'industrie manufacturière et les services modifie souvent l'orientation, voire le domaine d'activité des entreprises. Les nouveaux services permettent de modifier les modèles de commercialisation, puisqu'ils ne sont plus axés sur la vente de produits mais sur les besoins (individuels) des clients. Un autre exemple est que les entreprises manufacturières dépendent désormais de plus en plus de la conception et de la mise en œuvre de services aux entreprises, qui représentent la partie la plus rentable de leurs activités. |
3.17 |
Dans ce contexte, porter à 20 % de la part de l'industrie manufacturière dans le PNB européen d'ici 2020 est un objectif trop peu précis. Il faudrait plutôt chercher à créer des conditions favorables à l'amélioration des processus industriels de manière à ce que la symbiose de l'industrie manufacturière et des services permette de fournir des produits modernes grâce à des processus de production à la pointe et garantisse la productivité. |
3.18 |
La nouvelle vague d'applications TIC est un processus autopropulsé: les services créent des services et par conséquent, leur importance pour l'économie dans son ensemble croît de manière disproportionnée. Ils favorisent la productivité et stimulent les effets transversaux dans tous les secteurs de l'économie, ce qui donne lieu à de nouvelles combinaisons. Ils donneront également une impulsion nouvelle à la mondialisation. |
3.19 |
Un autre phénomène est la commercialisation simultanée, avec les services, d'un nombre croissant de produits qui y sont joints, voire incorporés, laquelle conduit à son tour à de nouvelles alliances et combinaisons. |
4. La quatrième révolution industrielle — un tournant majeur
4.1 |
L'éventail et l'impact des services aux entreprises s'élargissent lorsqu'ils sont liés à la quatrième révolution industrielle, dont la portée est bien plus vaste que celle des services aux entreprises pris isolément (5). Cette révolution succède aux trois ères de la mécanisation, de l'électricité et de l'informatique. Il est question désormais de l'introduction de l'internet des services et de l'internet des objets. |
4.2 |
Dans le cadre de ce processus, les entreprises et le monde scientifique ont pris diverses initiatives, dont certaines ont été encouragées par les pouvoirs publics, pour adapter le traitement de la production et développer de nouveaux produits. L'une de ces initiatives pionnières, lancée par le gouvernement allemand en 2012, consiste en une feuille de route sur la quatrième révolution industrielle (6). |
4.3 |
Il existe actuellement d'autres initiatives en parallèle présentant des caractéristiques similaires, par exemple:
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4.4 |
L'usine intelligente du futur est d'une complexité très sophistiquée, ancrée dans un réseau réglé avec précision grâce à des applications logicielles et des systèmes très poussés. Cette évolution se traduira par une individualisation progressive — pour les clients comme les salariés — de la fourniture et de l'exploitation de produits et de composants intelligents et sur mesure. |
4.5 |
Elle présente un énorme potentiel pour l'industrie et l'économie. Elle vise à garantir la réalisation instantanée des souhaits du client, la flexibilité, une optimisation du processus décisionnel, une utilisation efficace des matières premières, et une valeur ajoutée potentielle grâce aux nouveaux services. Ces développements pourraient également s'inscrire dans le cadre de l'évolution démographique en Europe et peuvent avoir des effets bénéfiques sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, tout en accroissant la compétitivité dans un environnement caractérisé par des revenus élevés. |
4.6 |
Dans tous les secteurs industriels, l'intégration horizontale et verticale, ainsi qu'une intégration numérique de bout en bout de l'ingénierie dans l'ensemble de la chaîne de valeur, seront envisagées. Le libre accès et l'innovation favoriseront une mise en réseau intense. |
4.7 |
Afin d'éviter de perdre du terrain par rapport aux concurrents de pays n'appartenant pas à l'UE, des plateformes européennes communes sur la normalisation des produits et services, incluant toutes les composantes pertinentes de la chaîne de valeur, doivent être mises en place. |
4.8 |
Les grandes comme les petites entreprises sont concernées. Les perspectives pour les PME sont favorables. Elles seront en mesure d'utiliser les services et les systèmes logiciels beaucoup plus facilement que par le passé. De nouvelles possibilités s'offriront aux PME disposant d'un ancrage régional, qui pourront aussi être intégrées plus aisément dans des processus d'internationalisation. Les PME bénéficieront de toute façon du transfert interdisciplinaire de connaissance et de technologie. |
4.9 |
Comme décrit ci-dessus, la relation entre les clients et les fournisseurs sera beaucoup plus étroite dans toutes les catégories. |
4.10 |
Les technologies informatiques existantes doivent être adaptées aux exigences spécifiques de l'industrie manufacturière et continuer à être développées. La recherche, la technologie et des actions de formation sont nécessaires afin d'élaborer des méthodologies en matière d'ingénierie de l'automatisation, de modélisation et d'optimisation des systèmes. |
4.11 |
Il convient de bâtir une infrastructure économique en développant de manière appropriée notamment le haut débit ainsi que des structures d'éducation et de formation adéquates. À cet égard, le CESE insiste une fois encore sur la nécessité d'une initiative pour la croissance en accompagnement de politiques budgétaires saines (7). Les États membres de l'UE devraient tirer parti de la reprise actuelle et en profiter pour intensifier d'urgence leurs investissements dans les infrastructures indispensables pour l'ère de l'Industrie 4.0. |
4.12 |
Industrie 4.0 offrira à l'Europe une chance unique de poursuivre divers objectifs au moyen d'un seul investissement d'infrastructure. Tout report nuirait à la compétitivité européenne. De tels investissements devraient dès lors être vus d'un œil favorable dans les recommandations par pays émises dans le cadre du semestre européen. |
4.13 |
La feuille de route allemande prend dûment en considération les aspects sociaux de ce nouveau développement. Toute la société est concernée, et pas seulement la direction et le personnel des entreprises. Il s'agit d'un tournant majeur dans le domaine de l'interaction entre l'humain et l'environnement et entre l'humain et la technologie. Les innovations technologiques doivent être placées dans leur contexte socioculturel, étant donné que les changements culturels et sociaux sont aussi eux-mêmes d'importants moteurs de l'innovation. |
4.14 |
Dans le même ordre d'idées, l'innovation se traduit également par des approches décentralisées en matière de direction et de gestion ainsi que par la responsabilité des travailleurs, chargés de prendre leurs propres décisions. Cela implique des changements en profondeur. |
4.15 |
Des plateformes, des séminaires et des groupes de travail, associant les entreprises, les partenaires sociaux, le monde scientifique et les pouvoirs publics, devraient être organisés aux niveaux national et de l'UE. De telles plateformes et groupes de travail sont essentiels pour définir la vision et les stratégies de gestion des processus de transformation, afin de saisir les occasions qui se présentent et d'éviter les pièges. Le GHN (voir ci-après) est un bon exemple de dialogue réussi entre les parties prenantes. |
4.16 |
Le nouveau monde des industries et des services numériques aura besoin d'une plateforme d'échange numérique sûre et fiable, dont les droits sur le marché sont clairement définis et protégés (8). Dans ce monde hybride moderne, une plateforme de communication et de coopération est tout aussi importante. |
5. Implications pour la société et les marchés de l'emploi (9)
5.1 |
Une société axée sur les services et la numérisation auront des conséquences considérables pour le marché de l'emploi ainsi que pour la société dans son ensemble:
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5.2 |
Il est préoccupant de constater qu'en dehors des entreprises et du monde scientifique, les analyses et les débats consacrés à ce tournant dans l'économie, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour la société et le marché du travail, restent largement insuffisants. |
5.3 |
Par conséquent, de nombreuses raisons expliquent pourquoi cette transition vers des perspectives totalement nouvelles dans l'économie doit être largement débattue au niveau politique et dans la société, à l'échelon des États membres comme de l'UE. Ce processus a une incidence sur la vie quotidienne de nombreux citoyens dans les régions et les villes, en matière d'emploi comme de chômage. Elle influencera donc aussi les choix des individus en ce qui concerne leur propre avenir. Les aspects sociaux et culturels concernés devraient être correctement mis en valeur et pris en compte. |
5.4 |
Il convient d'accorder la priorité, dans le cadre du volet d'Horizon 2020 consacré à la «Primauté industrielle», aux recherches relatives aux changements rapides sur le marché du travail, qui doivent être cartographiés avec précision afin de servir de base à l'éducation et à la formation. |
5.5 |
De nombreux emplois vulnérables sont menacés, et une mauvaise gestion de ce processus aura des retombées sociales et politiques. L'UE et les États membres doivent dès lors mettre en place des environnements politiques et réglementaires qui, tout en fournissant les nouvelles technologies indispensables, veillent également à la réalisation des objectifs visant à améliorer les conditions de vie et de travail et à éviter la polarisation entre les groupes à hauts et faibles revenus. |
5.6 |
Les progrès diffèrent d'un pays à l'autre. Les programmes traditionnels doivent être revus et les enseignements adaptés. Le processus est en cours dans les entreprises. La relation entre l'éducation et les entreprises change afin que l'enseignement reste en phase avec les mutations industrielles. Les salariés doivent être préparés à acquérir des compétences différentes et, de manière générale, plus pointues, et doivent être en mesure de s'adapter aux rapides changements en matière de demande de compétences. |
5.7 |
Cette évolution n'implique certainement pas de tout miser sur les compétences techniques. Les compétences intellectuelles et sociales restent tout aussi importantes. Elles sont indispensables pour pouvoir suivre toutes les évolutions de la société et pour répondre au besoin d'innovation sociale qui va de pair avec les changements fondamentaux dans l'économie. |
5.8 |
Dans cette perspective globale, le dialogue social au niveau de l'entreprise, du secteur, du pays et de l'UE doit être garanti afin d'examiner les progrès, les conditions générales dans l'UE et les États membres, et les façons de préparer correctement la main-d'œuvre. |
6. Le groupe de haut niveau (GHN) sur les services aux entreprises — une première étape
6.1 |
L'incidence de l'intensification des services aux entreprises a trop longtemps été négligée au niveau de l'UE et dans le cadre de l'élaboration des politiques européennes. Il est d'autant plus indispensable de remédier à cette situation, eu égard au bond en avant attendu. Par conséquent, le CESE accueille très favorablement, en tant que premier pas, le rapport de 2013 du GHN sur les services aux entreprises. |
6.2 |
Bien que la Commission soit associée à des processus liés aux effets globaux des services aux entreprises, notamment par l'intermédiaire de la stratégie numérique et de projets de recherche et d'innovation, une image d'ensemble fait défaut. |
6.3 |
Les services aux entreprises méritent une place de choix dans une politique industrielle tournée vers l'avenir. Le rapport du GHN devrait ouvrir la voie et permettre d'obtenir un tableau complet de la situation et de définir les mesures qu'il serait souhaitable de prendre au niveau de l'UE. |
6.4 |
Le GHN définit un grand nombre de services aux entreprises, allant des services professionnels aux services d'appui opérationnels, en passant par les services techniques. |
6.5 |
En particulier, il indique clairement que les services aux entreprises ont jusqu'ici été insuffisamment pris en compte lors de la préparation de nouvelles politiques par la Commission ainsi que dans les discussions politiques au sein du Conseil «Compétitivité». |
6.6 |
Parallèlement au GHN, cinq groupes de travail ont rédigé des rapports, portant respectivement sur: (i) le marché unique, (ii) l'innovation, (iii) les compétences, (iv) les normes et (iv) les échanges. Ils contiennent de nombreuses analyses et observations détaillées sur le processus en cours dans les domaines abordés ainsi que sur les approches souhaitables pour les politiques et actions de l'UE. |
6.7 |
De nombreuses observations et propositions formulées dans les rapports soulignent la nécessité d'analyses approfondies de l'UE parallèlement à une amélioration et un ciblage des orientations politiques pour les PME, ce que le CESE, à l'instar de nombreux experts, préconise depuis des années. Le rôle majeur des micro- et petites entreprises, ainsi qu'une augmentation exponentielle de leur nombre dans l'actuel cycle industriel soulignent une fois de plus l'urgence d'améliorer la réglementation et les conditions des partenariats d'innovation et de mettre un accent particulier sur l'accès au financement. |
6.8 |
Outre les obstacles traditionnels aux services en comparaison de ceux entravant l'industrie manufacturière, l'analyse montre que l'actuelle fragmentation du marché unique des marchandises a également des conséquences néfastes supplémentaires pour le développement transfrontalier et la stimulation des services aux entreprises, ce qui mérite d'être noté. L'Europe est encore loin de réussir la création d'un grand marché intérieur des services. |
6.9 |
Les nombreuses propositions visant à améliorer l'environnement des services aux entreprises soulignent l'importance capitale de ces derniers pour faire le lien entre l'industrie manufacturière et les services, et partant, dans la perspective d'un renforcement de l'industrie manufacturière en Europe. |
6.10 |
Le CESE estime dès lors que les travaux du GHN et des groupes de travail constituent un excellent point de départ pour l'élaboration d'une analyse plus détaillée et de propositions concrètes par la Commission. |
Bruxelles, le 16 octobre 2014.
Le Président du Comité économique et social européen
Henri MALOSSE
(1) Le GHN sur les services aux entreprises, lancé par les DG «Entreprises» et «Marché intérieur», a présenté ses conclusions en avril 2014. Parallèlement, cinq groupes de travail se sont concentrés sur des domaines spécifiques.
(2) Voir en particulier l'avis TEN/549 du CESE sur le thème: «Politique et gouvernance de l'internet: le rôle de l'Europe à l'avenir», juillet 2014 (JO non encore publié).
(3) Institut de l'économie allemande, Cologne, 2013.
(4) OECD Trade Policy Papers, no 148, «The role of services for competitiveness in manufacturing», 2013.
(5) Les vastes implications d'Industrie 4.0 doivent faire l'objet d'un examen distinct et plus approfondi dans de futurs avis.
(6) «Umsetzungsempfehlungen für das Zukunftsprojekt Industrie 4.0» («Recommandations pour la mise en œuvre de l'initiative INDUSTRIE 4.0»), avril 2013.
(7) Voir l'avis du CESE sur «Une industrie européenne plus forte au service de la croissance et de la relance économique — Mise à jour de la communication sur la politique industrielle», juillet 2013, notamment le paragraphe 1.2. JO C 327 du 12.11.2013, p. 82.
(8) Voir à cet égard l'avis TEN/550 du CESE sur «Les cyberattaques dans l'UE», juillet 2014 (JO non encore publié).
(9) Voir également l'avis TEN/548 du CESE sur le thème «Société numérique: accès, éducation, formation, emploi, outils pour l'égalité», juillet 2014 (JO non encore publié).