25.6.2008 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 162/24 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Politique spatiale européenne»
COM(2007) 212 final
(2008/C 162/03)
Le 26 avril 2007, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la
«Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Politique spatiale européenne»
La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 janvier 2008 (rapporteur: M. van IERSEL).
Lors de sa 442e session plénière des 13 et 14 février 2008 (séance du 13 février 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 145 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.
1. Conclusions et recommandations
1.1 |
Pour des raisons stratégiques, tant politiques qu'économiques, le CESE est expressément favorable à un accès indépendant de l'Europe à l'espace. Il souscrit dès lors aux politiques décrites dans les documents du Conseil conjoint «Espace», de la Commission et de l'ASE (1) d'avril et mai 2007. |
1.2 |
Une politique spatiale européenne doit poursuivre des objectifs pacifiques, notamment celui de préserver la sécurité collective. |
1.3 |
Le CESE estime que les activités spatiales européennes, qu'elles soient menées au niveau national, dans le cadre de l'UE ou celui de l'ASE, générerait des bénéfices tangibles dans de nombreux domaines tels que la recherche scientifique, la fourniture souhaitable d'infrastructures et de données, ainsi qu'une vaste gamme d'applications économiques résultant de l'intégration de systèmes opérant depuis l'espace et de systèmes basés sur terre. |
1.4 |
Le concept de l'ASE s'est avéré être une réussite. Ses liens avec les activités de la Commission libéreront un potentiel supplémentaire. Il convient à cet égard d'élaborer des procédures de coopération, de répartition des compétences et des estimations de coûts entre la Commission et l'ASE. |
1.5 |
Les évolutions mondiales (États-Unis, Russie, Japon, Chine, Inde, parmi les grandes nations spatiales) poussent l'Europe à intensifier son action en tant que concurrent et partenaire dans l'espace. Cela nécessite des programmes concrets dans un délai bref, et la mise en place de procédures de décisions capables de soutenir le rythme des autres acteurs mondiaux. |
1.6 |
Parallèlement, l'accélération du processus décisionnel concerté favoriserait la définition et ainsi la mise en œuvre de missions conformes aux besoins des utilisateurs. |
1.7 |
Les systèmes GALILEO et GMES sont des «porte-drapeaux» de l'Europe. Les programmes GALILEO devraient être mis en œuvre sans retard. |
1.8 |
L'inclusion de la dimension spatiale dans le 7e programme-cadre et dans les politiques communautaires doit entraîner une approche intégrale de toutes les DG concernées. Une telle extension de la base de réflexion stratégique au sein de la Commission engendrera un effet bénéfique sur les approches intégrales, qui sont souvent absentes au niveau national. Une démarche concertée est souhaitable à cet égard. |
1.9 |
Tous les États membres, y compris ceux de petite taille et les nouveaux États membres, doivent profiter de la politique spatiale européenne grâce à la création d'assez d'opportunités pour les compétences scientifiques ainsi que pour les capacités industrielles hautement qualifiées en Europe, tant dans le secteur amont qu'aval. |
1.10 |
Conformément à la politique industrielle (2) de l'ASE, fondée sur un «juste retour», chaque pays «récupère» son investissement par le biais de souscriptions et de concessions. Ainsi les relations entre les gouvernements, l'ASE, les entreprises privées et les instituts de recherche reflètent-elles une structure solidement ancrée. |
1.11 |
Jusqu'à présent, le principe du «juste retour» a été efficace pour développer les capacités spatiales européennes. Mais la maturité croissante du marché de l'espace va nécessiter davantage de flexibilité, étant donné que les types de relations figés ne sont par nature pas propices à l'innovation industrielle. Or, en raison de la demande du marché, des besoins des utilisateurs et du développement de services, les PME en particulier sont supposées réagir comme il se doit aux nouvelles exigences et possibilités découlant de la politique spatiale européenne. |
1.12 |
Cependant, des changements soudains peuvent être contre-productifs, notamment si l'on prend en considération les grandes disparités en matière de contributions à l'ASE. |
1.13 |
Aussi le CESE plaide-t-il pour une analyse ouverte et transparente et un dialogue sur les performances souhaitables de l'Europe à l'horizon de dix ans: quels objectifs et quels outils institutionnels — s'agissant de l'ASE, de la Commission et des Etats membres — sont nécessaires pour remplir une mission européenne conjointe et coordonnée. Parmi d'autres sujets, ce dialogue devrait porter sur les modalités de financement de l'ASE, la contribution dynamique des entreprises de taille moyenne et la préservation du niveau le plus élevé possible de concurrence. |
1.14 |
À ce sujet, la responsabilité de la Commission en matière d'applications et la promotion des besoins des utilisateurs sont également cruciales. Le CESE escompte que la Commission garantira un débat ouvert et l'implication du secteur privé, en particulier des PME. |
1.15 |
Le CESE épouse les vues du Conseil sur l'importance de l'espace pour la défense et la sécurité. Il y a lieu de stimuler la planification de systèmes futurs qui rapprocheront les pays européens. |
1.16 |
À mesure que s'estompent les limites entre applications civiles et militaires, il convient d'exploiter pleinement les effets de ce que l'on appelle le «double usage». |
1.17 |
Enfin, la communication est primordiale. Le CESE estime qu'il faut mieux communiquer sur les avantages que l'espace apporte dans le quotidien. |
1.18 |
Une communication ciblée sur la politique spatiale européenne devrait inciter les jeunes à avoir une image positive de ce secteur, et, plus généralement, rendre plus attrayante pour eux la perspective d'entretenir des études scientifiques et/ou techniques. |
2. Une nouvelle approche pour la politique spatiale européenne
2.1 |
Au cours des dix dernières années, les institutions européennes et des task-forces nationales n'ont cessé de traiter des nouvelles mesures relatives à l'avenir d'une politique spatiale européenne. |
2.2 |
En avril 2007, la Commission a publié, en étroite collaboration avec l'ASE (3), une communication sur la politique spatiale (4), une évaluation d'impact connexe et un vaste programme d'actions envisagées par l'ASE, la Commission et les États membres. |
2.3 |
Sur la base de la communication de la Commission, le Conseil Espace (5) a adopté le 22 mai 2007 une résolution sur la politique spatiale européenne. |
2.4 |
Cet intérêt de plus en plus marqué, dont font état les documents mentionnés ci-dessus, est stimulé par de nombreux développements qui surviennent à l'échelle mondiale et par les objectifs stratégiques européens:
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2.5 |
En 2003 et en 2004, la Commission européenne a présenté un livre vert et un livre blanc sur la politique spatiale. Ces deux documents ont permis de mettre en évidence les grandes lignes d'une future politique spatiale européenne. Ils contenaient de nombreux éléments (de portée parfois très large) qui sont repris dans la communication mentionnée ci-dessus. |
2.6 |
Dans sa résolution du 22 mai, le Conseil a confirmé que «le secteur spatial est un atout stratégique qui contribue à l'indépendance, à la sécurité et à la prospérité de l'Europe et à son rôle dans le monde». Il est indispensable de veiller à intensifier la coopération européenne afin de fournir aux citoyens des services opérant depuis l'espace. Le Conseil a associé la politique spatiale à la stratégie de Lisbonne et souligné son importance pour la politique étrangère et de sécurité commune. |
2.7 |
La résolution du Conseil souligne l'objectif de création d'un Espace européen de la recherche et réaffirme la nécessité de coopération entre l'ASE et la Commission, ce qui renforcera l'efficacité, le financement des programmes européens et la cohésion entre la technologie et les applications. La relation entre l'ASE et la Commission évoluera en s'appuyant sur les expériences. La question du cofinancement des infrastructures de base déjà existantes (Kourou, Darmstadt) reste toutefois ouverte. |
2.8 |
La coopération et la répartition des tâches entre l'ASE et la Commission est une question cruciale. L'ASE est leader en matière d'exploration et de technologies; la Commission sera responsable des applications qui sont en rapport avec ses politiques (transports, environnement, sécurité et relations avec les pays tiers) et de l'identification des besoins des utilisateurs non gouvernementaux en matière de services à développer. |
2.9 |
Le rapport coût-efficacité des programmes de secteur public contribuera à la compétitivité des entreprises industrielles et commerciales privées. Les PME et les fournisseurs sont particulièrement importants. Dans le même temps, le Conseil reconnaît que la politique industrielle de l'ASE, en particulier le principe de «juste retour» défendu par celle-ci, constitue un instrument permettant d'encourager les investissements et d'accroître la compétitivité en Europe. |
2.10 |
Indéniablement, la résolution de mai dernier permet de passer à une nouvelle étape, ce dont se félicitent ouvertement les principaux acteurs (6). |
3. Observations générales
3.1 |
Le secteur spatial évolue rapidement. Au cours des dix dernières années, le CESE a réservé un accueil favorable aux livres blanc et vert de la Commission sur la politique spatiale (7). Une fois de plus, le CESE appuie résolument les nouvelles étapes décidées par le Conseil, la Commission et l'ASE en mai dernier. Il est symbolique que les étapes décisives en matière de politique spatiale soient franchies au début du XXIe siècle. Cela marque le commencement d'une nouvelle ère. |
3.2 |
Les développements mondiaux en matière d'espace ont un impact dont la dimension stratégique et technologique ne cesse de croître. |
3.2.1 |
Il est indéniable que la politique spatiale est de plus en plus importante, voire indispensable, pour contribuer à la réalisation des objectifs terrestres. En d'autres termes, les applications spatiales revêtent une importance vitale pour atteindre les objectifs économiques et sociétaux requis aux fins de l'intégration européenne. |
3.2.2 |
Dans les domaines de la science et de la recherche, les progrès en astronomie et en recherche planétaire sont manifestes. L'ASE bénéficie des réseaux existants et leur ajoute des programmes ciblés et des examens par les pairs. Contrairement au monde scientifique, le secteur militaire répond encore à des schémas nationaux. |
3.2.3 |
Du point de vue stratégique, l'Europe doit préserver son indépendance vis-à-vis des États-Unis et de la Russie, et, de plus en plus, de la Chine et de l'Inde, ainsi que d'autres nations spatiales, qui sont à la fois concurrents et partenaires dans le domaine spatial. De manière plus générale, la position de l'Europe dans le monde devrait être le point de départ de toute politique spatiale. |
3.3 |
La résolution du Conseil Espace du 22 mai 2007 et les documents qui l'accompagnent tels que la communication de la Commission de 2007, son analyse d'impact, la déclaration du directeur général de l'ASE et les premiers éléments d'un programme commun européen associant l'ASE, la Commission et les États membres, sont un grand pas en avant, si l'on garde à l'esprit que:
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3.4 |
L'accord cadre de 2003 (8) entre l'ASE et l'Union européenne a défini les bases de la planification et des actions convergentes entre l'UE et l'ASE. Le Conseil formule aujourd'hui une approche globale visant à mieux coordonner et à renforcer l'efficacité des différents projets, qu'ils soient nationaux, intergouvernementaux ou européens. |
3.5 |
De l'avis du CESE, les points importants sont: l'essor d'un consensus et d'une vision commune entre les États membres; la confirmation de la coopération entre la Commission et l'ASE et la répartition des responsabilités entre ces deux organes, permettant un accroissement du financement communautaire; un meilleur équilibre entre la recherche-développement et les applications et, surtout, l'intention explicite de mettre en avant les besoins des utilisateurs; les partenariats public-privé; et les priorités de GALILEO et du GMES (9), qui sont autant de «porte-drapeaux» dans le cadre d'une politique spatiale européenne. |
3.6 |
Notons cependant que les étapes projetées font partie d'un long processus qui n'a certainement pas atteint sa phase finale. Il faut encore mettre au point les projets concrets et les flux de financement correspondants. |
3.7 |
Le budget total 2005 pour les activités spatiales de l'ASE, d'EUMETSAT et des États membres s'élève à 4,8 milliard d'euros (compte non tenu de la CE) (10). La Commission consacrera plus de 1,4 milliards d'euros garantis au cours de la période 2007-2013 aux applications et activités spatiales par le biais de son 7e programme-cadre. Au niveau mondial, les budgets spatiaux totalisent 50 milliards d'euros. Le budget des États-Unis est approximativement de 40 milliards d'euros, dont plus de la moitié pour les applications militaires. En outre, les dépenses américaines répondent à une approche très fortement centrée sur les États-Unis qui influe sur la coopération entre les différentes institutions et les entreprises (11). Par-dessus tout, les États-Unis constituent un marché fermé suffisamment grand pour faire vivre l'industrie spatiale américaine sans qu'elle ne doive faire face à la concurrence sur le marché commercial international. |
3.8 |
En Europe, les activités spatiales sont un mélange de programmes européens (intergouvernementaux et communautaires) et nationaux. Le rôle de l'ASE ne se cantonne pas à la coordination de projets; l'Agence s'est distinguée jusqu'ici par des succès extraordinaires. C'est une agence de recherche-développement qui conçoit avec succès de grandes infrastructures au niveau européen. Parmi les grands opérateurs spatiaux européens de l'ASE figurent Arianespace, EUMETSAT ou Eutelsat. Outre ces programmes, certains États membres ont leurs propres programmes fondés sur des traditions et objectifs politiques et technologiques nationaux et, en conséquence, sur des capacités, applications et réseaux nationaux. Le modèle européen est un système complexe de programmes communs et de programmes nationaux. |
3.9 |
Il est probable que les nouveaux États membres rejoignent l'ASE, ce qui ferait passer le nombre de ses membres de 17 à 22 (12). Il y a des bénéfices à retirer des compétences scientifiques existantes et du renforcement potentiel des grappes économiques. |
3.10 |
Le chevauchement entre les programmes nationaux et l'ASE est tout à fait possible, les projets pour la défense demeurant jusqu'à présent principalement nationaux. Cela peut également être une source d'inefficacité en raison des limites floues entre les technologies pour les objectifs militaires et celles pour les objectifs civils. La nouvelle approche globale peut aider à stimuler la convergence. |
3.11 |
Les budgets sont fonction des infrastructures et de la collecte de données. Plus les relations avec les entreprises et les forces du marché sont organisées, plus les effets multiplicateurs sont importants, par le biais des applications et services. L'opérateur de satellites météorologiques EUMETSAT en est un bon exemple, et pourrait servir de modèle à d'autres secteurs. |
3.12 |
Compte tenu des contraintes budgétaires, il est sage que l'Europe se concentre sur les priorités et s'ouvre pleinement à la coopération internationale. La coopération internationale a une forte valeur ajoutée et, parfois, des effets multiplicateurs impressionnants. Toutefois, pour être sur un pied d'égalité avec les pays tiers, les capacités de l'Europe doivent également satisfaire aux exigences de base, à côté des priorités. Il est souhaitable que ces exigences soient arrêtées conjointement et fassent ensuite l'objet d'investissements suffisants. |
3.13 |
Dans un récent avis, le CESE appuie totalement le projet européen GALILEO, système mondial de navigation par satellite (13). GALILEO garantira une plus grande précision en matière de positionnement et de données mondiales pour les applications civiles dans de nombreux domaines. C'est un système comparable au système américain existant, le GPS, avec toutefois des améliorations. |
3.13.1 |
GALILEO confirmera la place de l'Europe en tant qu'acteur indépendant dans le domaine spatial. |
3.13.2 |
Pour le secteur amont, les perspectives n'étaient pas suffisamment attrayantes. Le CESE accueille favorablement la décision du Conseil de financer Galileo ainsi que la définition des programmes Ces programmes devraient être mis en œuvre sans délai afin de créer des conditions favorables pour le secteur amont (14). |
3.13.3 |
Hormis les obstacles à un partenariat public-privé viable (matière qui reste quoi qu'il en soit généralement complexe), il est urgent de résoudre un certain nombre d'autres questions ouvertes afin de parvenir à une véritable participation des partenaires privés. |
3.14 |
En plus des services existants, le programme GMES offrira un ensemble cohérent, de plus en plus indispensable, de services basés sur l'observation terrestre. Il «améliorera les capacités de surveillance et d'évaluation de l'Europe dans le cadre de la politique de l'environnement et contribuera à répondre aux besoins en matière de sécurité» (15). Les développements mondiaux en cours montrent à quel point de nouveaux instruments sont nécessaires pour relever les nouveaux défis en matière d'environnement, de changement climatique, de santé et de sécurité individuelle et collective. |
3.14.1 |
Ces défis concernent de très nombreux domaines: catastrophes naturelles, conséquences du changement climatique (émissions de gaz et pollution atmosphérique), protection civile, contrôle des frontières. |
3.14.2 |
Les applications concernées dans ce domaine sont nées des souhaits des utilisateurs (issus de différents groupes d'acteurs comme les décideurs politiques, les services publics, les entreprises et les citoyens). Cela souligne qu'il est nécessaire de coordonner plus avant les activités de l'ASE, de la Commission et des États membres, et qu'il est souhaitable que la CE dresse une liste des besoins. |
3.14.3 |
Les services GMES peuvent également aider à l'élaboration et à la mise en œuvre de différentes politiques communautaires. Compte tenu de la valeur ajoutée attendue du système GMES, il sera nécessaire de prévoir, dans le cadre du budget de l'UE (2009), un financement des activités opérationnelles pour les services et les applications spatiales afin d'appuyer les politiques communautaires. |
3.14.4 |
Dans le cas de l'infrastructure GMES également, il incombe aux gouvernements de collecter les données de manière fiable et durable. Il convient donc de créer les conditions pour la participation des entreprises privées. |
3.15 |
GALILEO, GMES et les autres programmes démontrent tous que la politique spatiale devient opérationnelle et commence à soutenir les performances et applications technologiques existantes, permettant d'utiliser de nouvelles méthodes d'analyse, d'anticipation et de résolution des questions de société. |
3.16 |
Il est important que tous les États membres, y compris ceux de petite taille et les nouveaux États membres, bénéficient de la politique spatiale européenne. Par ailleurs, un engagement de tous les États membres sert également l'intérêt commun de l'Union elle-même. |
3.17 |
Les nouveaux États membres tireront certainement profit des applications. En outre, il faudrait leur donner la possibilité d'apporter la contribution que représentent leurs compétences scientifiques existantes et leurs capacités industrielles hautement qualifiées afin de renforcer leurs potentialités. |
4. Gouvernance
4.1 |
Le Conseil Espace s'est réuni pour la première fois en novembre 2004 afin d'aborder et de promouvoir la convergence européenne et les programmes d'envergure européenne. Le CESE espère et escompte que les lignes directrices émises par le Conseil en mai dernier créeront le contexte propice à une politique spatiale qui soit à la hauteur des ambitions européennes. |
4.2 |
Tout progrès passe par une amélioration des dispositions institutionnelles. À cet égard, le CESE salue l'implication croissante du Conseil et de la Commission dans les affaires spatiales ainsi que la définition claire de la coopération et de la répartition des responsabilités prévues entre l'ASE et la Commission. |
4.3 |
Le Conseil Espace instaure le cadre nécessaire aux discussions sur la base des approches intergouvernementale et communautaire, qui devront être associées de manière efficace. |
4.4 |
L'insertion d'une dimension spatiale dans les politiques communautaires et le 7e programme-cadre, qui comprend un chapitre entièrement consacré à la politique spatiale, doit être rendue visible par l'implication de toutes les DG concernées. Cet engagement généralisé permettra par ailleurs d'élargir la base de la réflexion stratégique. À cet égard, la compétence spécifique en matière d'espace reconnue à l'UE dans le nouveau traité sera certainement utile. |
4.5 |
L'ordre juridique, qui est bien souvent négligé, nécessite une attention particulière. Dans un contexte étatique unifié comme celui des États-Unis, l'ordre juridique en place constitue un cadre naturel pour des activités concrètes et la réglementation y afférente. À l'inverse, dans le contexte européen complexe où opèrent l'ASE, la Commission, et les États membres souverains, il n'existe pas d'ordre juridique bien structuré, ce qui est contre-productif. Eu égard à l'extension des activités liées à l'espace dans l'Union européenne, un cadre juridico-institutionnel cohérent et logique sera d'autant plus nécessaire. |
4.6 |
La responsabilité de la Commission en matière d'applications et la participation de diverses DG auront une influence positive sur les échanges et la coopération avec le secteur privé. Cela ouvrira de nouvelles voies pour le développement de projets orientés vers les utilisateurs. |
4.7 |
Il convient de mentionner particulièrement la disposition du nouveau traité qui prévoit que les fonctions de Haut-représentant du Conseil pour la politique étrangère et de Vice-président de la Commission seront assurées par une seule et même personne. |
4.8 |
La mise en place d'une politique spatiale européenne se justifie notamment par le fait que la réflexion stratégique de la Commission engendrera également un effet bénéfique sur les approches intégrales, qui sont souvent absentes au niveau national. L'implication des DG de la Commission favorisera en outre le développement de réseaux avec des utilisateurs (potentiels) dans les administrations nationales. |
4.9 |
Pour la même raison, le CESE salue vivement l'instauration d'un bureau GMES au sein de la DG Entreprise chargée de la coordination. |
4.10 |
La participation de la Commission confère à la politique spatiale une place parmi les autres politiques communautaires. Cela contribuera à améliorer l'appréciation qu'ont les citoyens des avantages de la politique spatiale. |
4.11 |
Jusqu'à présent, la dimension spatiale a été trop isolée et n'a pas fait l'objet d'une bonne communication. Il convient qu'une communication efficace de la Commission et du Conseil souligne les implications de la politique spatiale pour la société. Une communication ciblée devrait inciter les jeunes à avoir une image positive de l'espace, et, plus généralement, rendre plus attrayante pour eux la perspective d'entamer des études scientifiques et/ou techniques. |
4.12 |
Le CESE souligne l'importance centrale d'une évaluation systématique et globalement transparente, ainsi que d'une mise en œuvre correcte. La relation complexe entre les centres de recherche, les pouvoirs publics aux échelons européen et national, et les entreprises privées, ainsi que les modalités financières et organisationnelles complexes, nécessitent un suivi. Dans une interaction dynamique, un suivi efficace suscitera de la transparence, voire une simplification ainsi que de nouvelles appréciations et de nouveaux projets, et leur financement. |
5. Juste retour et secteur privé
5.1 |
Des concepts et des programmes stratégiques au niveau national, des relations nationales spécifiques avec des entreprises privées, la coopération intergouvernementale dans l'UE et au-delà, et la nature intergouvernementale de l'ASE axée sur la technologie expliquent entièrement le principe du «juste retour»: chaque pays récupère son investissement dans les activités de l'ASE sous la forme de contrats à ses entreprises par le biais d'un système complexe de souscriptions et de concessions. Dans les circonstances actuelles, la politique industrielle de l'ASE est une réussite. |
5.2 |
Ainsi les relations entre les gouvernements, les instituts de recherche, l'ASE et les entreprises privées reflètent-elles une structure solidement ancrée, ce également parce que le secteur spatial représente un marché limité et hautement spécialisé. |
5.3 |
Des évolutions décisives doivent être prises en compte:
|
5.4 |
Le Conseil se prononce pour le maintien du principe du «juste retour» dans le cas de l'ASE. À cet égard, les intérêts des États membres de l'ASE ne sont pas à tous points convergents. Il convient de noter que ce principe du «juste retour» a déjà évolué, grâce à un assouplissement de l'approche autrefois d'application, et qu'il se modernise progressivement. Du point de vue du CESE, ce principe devrait notamment apporter suffisamment de flexibilité pour permettre d'associer de manière appropriée des PME hyperspécialisées, qui opèrent encore principalement sur le plan national. |
5.5 |
En cas de participation et de financement par la Commission, les règles communautaires en matière de concurrence et de marchés publics sont actuellement d'application. Le CESE se félicite que la Commission développe les instruments et réglementations financières appropriés pour adopter des mesures communautaires dans le domaine de la conquête spatiale qui tiennent compte des spécificités du secteur spatial, et qui permettent aux États membres d'établir une structure industrielle équilibrée dans le domaine de la conquête spatiale. |
5.6 |
Le rôle des PME dans le développement de services doit faire l'objet d'une attention particulière. Il y a lieu de faire une distinction entre les grandes entreprises opérant généralement sur le marché international, et de nombreuses sociétés de taille moyenne, spécialisées et opérant généralement dans un cadre national, qui sont à la recherche d'opportunités sur le marché européen de l'espace. Les consortiums de PME actives dans le secteur de l'espace doivent être soutenus. |
5.6.1 |
Le rôle des entreprises spécialisées de taille moyenne est en tout état de cause à la hausse (16). Cette tendance se renforcera probablement dans ce secteur en raison de l'accent placé sur la demande du marché et les besoins des utilisateurs, et d'une participation dynamique des petites entreprises au développement de services. La programmation opérationnelle et les projets de coopération avec des entreprises de taille moyenne se généraliseront. |
5.6.2 |
Jusqu'à présent, la politique spatiale a été en grande partie séparée des autres pans de l'économie. Les nouvelles priorités, l'approche horizontale, et la coopération entre l'ASE et la Commission contribueront à lier technologie, investissements publics et entreprises privées. L'expérience d'EUMETSAT et son développement de services opérationnels peut revêtir une valeur pratique pour le GMES. |
5.6.3 |
Pour ce qui est des satellites, les plans d'entreprises, le marketing et la commercialisation pourraient initier des pratiques positives. Les réseaux d'entreprises de taille moyenne seront renforcés. |
5.7 |
Il convient que les systèmes opérant depuis l'espace et ceux basés sur terre soient intégrés, comme c'est prévu pour le GMES. Des réseaux de senseurs intelligents peuvent être développés davantage. |
5.8 |
L'implication de l'industrie nécessite une définition précise de la demande de l'UE. La priorité croissante accordée aux services et aux besoins des utilisateurs, en plus de la recherche, de la collecte de données et de l'infrastructure, implique un équilibrage délicat et constant entre science et applications dans l'ensemble de l'Europe (17). |
5.9 |
Cependant, comme noté ci-dessus, les applications nécessitent dans un premier temps un développement technologique. Parmi d'autres, l'ESTP (18), qui associe des acteurs scientifiques et industriels, constitue une plate-forme très prometteuse permettant d'identifier les technologies désirables. Elle fixera sans doute l'agenda stratégique de recherche à long terme. L'ESTP peut également servir de trait d'union avec d'autres secteurs et domaines industriels. |
5.10 |
Jusqu'à présent, le principe du «juste retour» a été efficace pour développer les capacités spatiales européennes. Mais la maturité croissante du marché de l'espace va nécessiter davantage de flexibilité, étant donné que les types de relations figés ne sont par nature pas propices à l'innovation industrielle. Or, en raison de la demande du marché, des besoins des utilisateurs et du développement de services, les PME en particulier sont supposées réagir comme il se doit aux nouvelles exigences et possibilités découlant de la politique spatiale européenne. |
5.10.1 |
Dans ce contexte, il convient également de prendre en considération les grandes disparités en matière de contributions nationales à l'ASE, en particulier dans le cas des nouveaux États membres et des pays de petite taille, ainsi que des pays non communautaires (membres de l'ASE). |
5.11 |
Aussi le CESE plaide-t-il pour une analyse ouverte et transparente et un dialogue sur les performances souhaitables de l'Europe à l'horizon de dix ans afin de maintenir et d'améliorer sa position dans le monde. Il convient en effet de déterminer quels objectifs et instruments institutionnels correspondants — s'agissant de l'ASE, de la Commission et des États membres — sont nécessaires pour mener à bien une mission européenne commune et concertée, et permettre notamment une contribution dynamique des entreprises de taille moyenne et la préservation du niveau le plus élevé possible de concurrence. |
5.12 |
Une analyse et un dialogue de ce type devraient également porter sur le mode de financement de l'ASE, en particulier l'impact des contributions facultatives, et examiner comment l'on pourrait prévoir des procédures et une intégration progressive de l'utilisation de services liés à la conquête spatiale dans le marché intérieur de l'UE. Pour les domaines auxquels les DG de la Commission seront associées, il conviendra de développer des réglementations financières spécifiques et les estimations de coûts correspondants. |
5.13 |
Une politique industrielle moderne, à base sectorielle, telle que développée dans différents secteurs par la Commission, peut également être utile, pour autant qu'elle prenne en considération les spécificités de la politique spatiale. Parmi celles-ci, on peut noter le besoin en technologies et en infrastructures financées par des fonds publics, le développement de prototypes, l'absence de véritable marché dans plusieurs segments, et la politique industrielle active liée à l'espace que mènent et financent les pouvoirs publics des États-Unis et d'ailleurs. |
5.14 |
Il convient de toute urgence de faire un premier pas vers l'industrie en concrétisant la vision des décideurs au sujet des ambitions industrielles de l'Europe. |
6. Défense et sécurité
6.1 |
La résolution du Conseil souligne l'importance que revêt l'espace pour la défense et la sécurité. On discute de plus en plus de l'instauration d'une stratégie commune relative aux capacités militaires européennes. |
6.2 |
Ce débat s'inscrit dans les avancées souhaitées pour la politique étrangère et de sécurité commune. Le CESE se félicite que l'on soit progressivement parvenu à la conclusion que la sécurité ne doit plus être une politique unique, mais bien un assortiment de politiques des et dans les institutions européennes (19). |
6.3 |
Il convient également de garder à l'esprit que la distinction entre applications civiles et militaires est floue. Il faudrait souligner les opportunités mutuelles possibles pour les différentes catégories d'exigences de chacun des deux secteurs. Les systèmes militaires peuvent bénéficier des missions civiles européennes en raison de l'effet «double usage» des applications civiles et militaires. |
6.4 |
Actuellement, dans le domaine de la sécurité, les responsabilités, la gouvernance et les budgets restent strictement nationaux. Des approches visant à dégager des synergies entre différents pays sont rares, bien que certaines actions du secteur de la défense soient coordonnées dans un cadre européen. Plusieurs possibilités sont envisageables pour l'avenir, d'une coopération européenne «légère» à un modèle européen commun à part entière. |
6.5 |
Le CESE est d'avis que, pour des raisons ayant trait à la sécurité et aux technologies ainsi que pour des motifs budgétaires, il convient de donner une impulsion de manière à ce que l'on prévoie pour l'avenir des dispositifs rassemblant les pays européens. |
6.6 |
La logique nationale en matière de sécurité est profondément ancrée. Toutefois, si l'on commence en élaborant une vision commune de l'avenir, y compris en ce qui concerne les évolutions impérieuses au niveau mondial, des projets concrets pourront être initiés et des éléments probants fondés sur l'expérience pourront favoriser les avancées. |
6.7 |
Afin d'éviter les doubles emplois inutiles, cette programmation pourrait prévoir une spécialisation et une division du travail (20). On pourrait mettre en place des programmes de recherche contribuant à développer les capacités techniques. |
6.8 |
À cet égard, on peut laisser la possibilité à l'AED (21), qui constitue un acteur reconnu, de développer des compétences particulières comme la définition de capacités, la proposition de programmes de développement ainsi que la coordination entre les agences nationales spatiales et de défense et l'ASE. |
6.9 |
Le nouveau traité laisse également entrevoir la perspective d'un élargissement des initiatives de la Commission et du Conseil afin de promouvoir la recherche en matière de sécurité. Dans ce contexte, il conviendrait d'éviter les chevauchements et les doubles emplois susceptibles d'en résulter. |
6.10 |
Des décisions de cette nature nécessitent des préparatifs et, partant, l'allocation de ressources par le Conseil Espace et le Conseil Affaires générales. Les améliorations institutionnelles prévues dans le nouveau traité vont dans ce sens. |
Bruxelles, le 13 février 2008.
Le Président
du Comité économique et social européen
Dimitris DIMITRIADIS
(1) Agence spatiale européenne.
(2) L'ASE conduit une politique industrielle autonome. Sa forme et ses contenus ne doivent pas être confondus avec ceux de la politique industrielle (sectorielle) de la Commission.
(3) L'ASE (Agence spatiale européenne) est un organisme entièrement indépendant. Elle compte à l'heure actuelle 17 États membres. Tous les États membres de l'Agence ne sont pas membres de l'UE, et tous les États membres de l'UE ne sont pas membres de l'Agence. L'ASE est financée en commun par ses États membres et ses activités sont réparties en un «programme obligatoire» et des «programmes optionnels».
(4) COM(2007) 212 final.
(5) Le Conseil Espace est un conseil conjoint né de la fusion entre le Conseil Compétitivité de l'UE et le Conseil Espace intergouvernemental pour la prise de décision sur les politiques de l'ASE.
(6) Voir notamment les communiqués de presse de la Commission européenne et de l'ASE au sujet des résultats du Conseil Espace du 22 mai respectivement intitulés «Le Conseil Espace se félicite du lancement de la politique spatiale européenne» et «La Politique spatiale européenne est désormais une réalité».
(7) Avis du CESE sur la communication de la Commission «L'industrie aérospatiale européenne face au défi mondial» (rapporteur: M. SEPI), JO C 95, 30.03.1998, p. 11.
Avis du CESE sur le livre vert «Politique spatiale européenne» (rapporteur: M. BUFFETAUT), JO C 220, 16.09.2003, p. 19.
Avis du CESE sur le livre blanc «Plan d'action pour la mise en œuvre d'une politique spatiale européenne» (rapporteur: M. BUFFETAUT), JO C 112, 30.04.2004, p. 9.
(8) L'accord cadre CE-ASE d'octobre 2003 instaure une méthode de travail et une relation plus étroite entre l'ASE et la Commission.
(9) Global Monitoring for Environment and Security, système de surveillance mondiale pour l'environnement et la sécurité.
(10) ASE: 2,485 milliards; EUMETSAT: 330 millions; États membres (France, Allemagne, Italie, Espagne): 1,19 milliard (civil) et 790 millions (militaire).
(11) En revanche, il ne faut pas exagérer l'efficacité d'un concept américain commun et d'une organisation centrale. Les différents États et les entreprises, qui ont tous leurs propres représentants au Congrès et leurs propres groupes de pression et réseaux, influencent les contrats et les objectifs. La NASA souffre également de la bureaucratie et de sa situation de monopole.
(12) Y compris deux pays hors UE: la Suisse et la Norvège.
(13) Avis du CESE sur le «Livre vert sur les applications de la navigation par satellite» (rapporteur: M. BUFFETAUT), CESE 989/2007 (en attente de publication au Journal officiel). L'avis traite également de certains aspects qui, d'après le CESE, auraient dû figurer dans le livre vert.
(14) On assiste dans cette perspective à une nouvelle évolution: l'industrie européenne (en aval) se fédère au sein des «services Galileo» et de l'Association européenne des consultants en télédétection (EARSC).
(15) Communication sur la Politique spatiale européenne, page 6.
(16) Voir à ce sujet l'avis du CESE sur «l'évolution des chaînes de valeur et d'approvisionnement dans un contexte européen et mondial» (Rapporteur: M. van IERSEL), CESE 599/2007.
(17) «… nous ne pouvons plus poursuivre ce double monologue où l'industrie invite les institutions à définir leurs besoins et où les institutions invitent l'industrie à proposer des services répondant à leurs besoins». Voir la lettre adressée le 20 juillet par ASD-Eurospace à M. VERHEUGEN, commissaire européen, et à M. DORDAIN, de l'ASE.
(18) European Space Technology Platform (plate-forme technologique européenne de l'espace). Il s'agit d'une plate-forme associant les principaux acteurs, notamment les États membres participants, l'ASE, l'industrie spatiale européenne (plus de 100 entreprises) et Eurospace, des laboratoires de recherche et universités, les agences spatiales nationales, ainsi que 21 organisations.
(19) «Aujourd'hui, la politique spatiale en matière de sécurité n'est pas une politique unique, mais un mélange de politiques menées par les États membres, le Conseil Espace, la Commission et enfin l'ASE. Ce paysage composite nécessite une meilleure coordination afin de rationaliser la gouvernance et d'éviter les doubles emplois». Voir «The Cost of Non Europe in the field of satellite based systems» («Le coût de la non-Europe dans le domaine des systèmes satellitaires»), Rapport FRS-IAI, Fondation pour la recherche stratégique, Paris, et Istituto Affari Internazionali, Rome, 24 mai 2007.
(20) À l'instar de l'accord MUSIS, signé par six pays et prévoyant la création d'un système spatial d'imagerie destiné à des missions de surveillance, de reconnaissance et d'observation (Multinational Space-based Imaging system for Surveillance, reconnaissance and observation).
(21) Agence européenne de défense.