15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/231


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UΕ relative au mécanisme de protection civile de l’Union»

[COM(2017) 772 final — 2017/0309 (COD)]

(2019/C 62/37)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Saisine

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Articles 196 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision du Bureau

26.6.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

205/2/1

1.   Conclusions et recommandations

Conclusions

1.1.

Eu égard aux nouvelles conditions, en évolution permanente, qui sont créées par les phénomènes liés au changement climatique et exercent une incidence considérable sur l’activité et l’existence humaines, le Comité économique et social européen (CESE) appelle les organes européens à lancer des actions et politiques communes neuves.

1.2.

Pour affronter ces phénomènes, il s’impose de faire preuve d’une vigilance accrue et de développer solidairement non seulement des plans mais également des solutions concrètes. C’est dans cette direction que s’inscrit la proposition de révision du mécanisme de protection civile de l’Union européenne rescEU, qui, pour la première fois, comprendra des moyens aériens d’extinction des incendies de forêts, ainsi que des capacités de recherche et de sauvetage en milieu urbain, des hôpitaux de campagne et des équipes médicales d’urgence.

1.3.

Le CESE juge important que la proposition prévoie qu’outre les quatre capacités décrites, la Commission pourra, par délégation, définir des capacités supplémentaires dont rescEU devra être doté, et qu’elle aura ainsi la garantie de disposer de la souplesse nécessaire.

1.4.

Le CESE estime que par sa proposition, la Commission fait droit à la notion de solidarité européenne mais que les États membres ne s’en trouvent en aucune manière exonérés de leurs responsabilités et du rôle qu’il leur revient de jouer.

1.5.

Avec le nouveau mécanisme de protection civile, l’Union européenne dans son ensemble et chaque État membre en particulier bénéficieront collectivement des capacités d’une structure qui disposera de ses propres moyens, mais aussi d’autres moyens auxquels les pays de l’Union apporteront leur contribution.

1.6.

Le CESE considère qu’en avançant la proposition à l’examen, la Commission a non seulement compris qu’il était nécessaire de diffuser l’information de manière ordonnée mais aussi que les connaissances doivent être communiquées sous une forme structurée aux acteurs intéressés, si l’on veut qu’il en soit tiré parti.

1.7.

Éduquer la population et la préparer en conséquence à faire face aux catastrophes doit absolument constituer la clé de voûte d’une protection civile commune, menée en coopération tant avec les États membres qu’avec les pays tiers participants aux actions communes, en collaboration active avec les collectivités régionales et locales.

1.8.

Si la protection civile est l’affaire de tous comme de chacun en particulier, la responsabilité individuelle ne constitue toutefois pas le seul facteur capable d’améliorer la réponse aux défis: l’effort collectif et la prise de conscience commune jouent un plus grand rôle à cet égard. Dans un tel contexte, il est indispensable que la société civile, les organisations non gouvernementales, les volontaires et les intervenants indépendants se mobilisent et participent tant à l’élaboration qu’à l’exécution de plans d’interventions d’urgence en cas de catastrophes naturelles.

1.9.

Par des actions collectives, le secteur de l’entreprise et les personnes qui y travaillent peuvent aider la société à s’adapter aux effets dommageables du changement climatique, voire à les contrer, ainsi qu’à réduire, autant que faire se peut, les conséquences des catastrophes naturelles ou les cause de celles qui, en parallèle, sont provoquées par l’homme, par exemple en ce qui concerne la question des émissions de gaz et de particules.

1.10.

Les technologies novatrices d’aujourd’hui et les outils numériques (internet des objets) doivent être mis au service des forces qui gèrent le cycle d’action en matière de protection civile, à chacun de ses échelons. Qu’ils soient développés au stade de la prévention ou pour contrôler, diriger ou informer les capacités présentes sur le terrain, ces outils sont susceptibles, pour autant qu’ils soient bien utilisés, de parer aux dangers.

1.11.

Le CESE estime que le mécanisme rescEU qui est proposé par la Commission est à même:

a)

d’envoyer aux citoyens européens un puissant message de solidarité européenne, en ce moment où l’Union européenne en a particulièrement besoin;

b)

de faire progresser la coopération en ce qui concerne les pays en voie d’adhésion à l’Union européenne mais aussi l’émergence de la mentalité correspondante de solidarité qui doit régner entre ses États membres;

c)

de faire que les pays qui coopèrent ainsi au sein des institutions européennes investiront des domaines sensibles et importants, en leur donnant conscience de la portée concrète qu’une union d’États comme l’Union européenne revêt en dehors des thématiques qui sont habituellement discutées;

d)

de favoriser la coopération régionale, par des accords bilatéraux, et de contribuer à réduire les tensions dans des zones sensibles sur le plan politique, comme l’ont prouvé maints exemples du passé, où la lutte contre de grandes catastrophes naturelles a été menée en commun.

1.12.

Le CESE fait observer qu’en plus des éléments présentés par la Commission concernant l’ampleur que les phénomènes et catastrophes naturels ont prise jusqu’en 2017, l’été de l’année en cours démontre qu’il est nécessaire de revoir et compléter le cadre qui régit actuellement le mécanisme de protection civile de l’Union européenne. Les incendies, vagues de chaleur ou inondations, qui ont connu une intensité inédite sur tout le territoire de l’Union européenne, même dans des régions passant jusque là pour être exemptes de ce genre de calamités, et qui sont liés au changement climatique, mais aussi les séismes de forte intensité et à haut degré de récurrence qui, de manière imprévisible, provoquent des destructions et des pertes massives, démontrent qu’il est nécessaire de prendre des initiatives du type de celles que la Commission propose avec rescEU.

1.13.

Le CESE a la conviction que dans les années à venir, les questions de protection civile devront être abordées sous un angle de plus en plus global et recouvrir des politiques d’intervention à tous les échelons de l’activité humaine. Il relève qu’en matière de protection civile, il est nécessaire d’adopter sur-le-champ, au sein de l’Union européenne, un cadre politique et réglementaire plus étendu.

Recommandations

1.14.

Tout en concevant les problèmes et les obligations qui, pour la Commission, découlent de la législation européenne en vigueur, ressortissant principalement au droit primaire, le Comité considère qu’il faut déployer tous les efforts possibles pour que les États membres adhèrent à l’idée d’une approche commune concernant les questions de protection civile, en particulier dans le domaine de la prévention, de la réaction et du redressement.

1.15.

S’effectuant certes sur une base volontaire mais donnant lieu à un financement, l’élaboration d’études d’évaluation nationale des risques et de plans d’action de prévention et de réaction au niveau local, régional et national devrait constituer un élément incitant les États membres de l’Union à maximiser les avantages apportés par rescEU.

1.16.

En coopération avec les États membres, la Commission devrait élaborer des principes généraux et lignes directrices pour une modification des législations nationales qui les doterait d’un cadre législatif européen commun, moderne et caractérisé par la compatibilité, pour des questions comme l’alerte précoce, le volontariat et sa participation institutionnalisée à tous les niveaux du cycle d’action en matière de protection civile, ou encore l’obligation qu’ils consacrent un certain pourcentage de leurs budgets à des actions de prévention, pour ne prendre que ces exemples.

1.17.

Le CESE considère que créer des procédures administratives communes dans les États membres ferait émerger en la matière une «langue commune» qui maximiserait les avantages procurés par le mécanisme rescEU et ménagerait la souplesse et l’efficacité voulues pour en tirer tout le parti possible, en particulier pour les opérations d’urgence.

1.18.

Le CESE juge qu’il conviendra de mettre à profit des ressources telles que les groupements européens de coopération territoriale (GECT), afin d’assurer à l’échelon transfrontalier une action commune des États membres en matière de protection civile.

1.19.

Le CESE a la conviction qu’il conviendra de déployer une initiative pour encourager les entreprises qui innovent et les jeunes pousses à perfectionner, développer ou créer de nouveaux instruments de haute technologie dans les domaines de la prévention et de la réaction, tels que, entre autres exemples, des dispositifs de prévision, d’alerte ou d’intervention.

1.20.

Les incendies de forêt sont une illustration, parmi d’autres, de la nécessité d’élaborer pareils systèmes, en exploitant simultanément les atouts de l’industrie européenne dans les domaines de l’aéronautique, de l’informatique, de l’automobile, des dispositifs de lutte contre le feu, etc.

1.21.

Le CESE a la conviction que la Commission devra associer activement à sa démarche la communauté des scientifiques et des chercheurs pour dialoguer sur les actions qu’il est indiqué d’entreprendre aux différents stades du cycle de la protection civile.

1.22.

Pour permettre un échange de bonnes pratiques, d’informations sur les nouvelles possibilités offertes par la technologie ou sur d’autres points encore, il serait opportun de prendre l’initiative de créer un forum européen annuel qui pourrait être placé sous l’égide du CESE et auquel prendraient part des membres de la communauté scientifique et des dirigeants responsables des questions de protection civile.

1.23.

Il est indispensable que la Commission recommande aux États membres une série de bonnes pratiques, en particulier en matière de prévention et de redressement, en y introduisant des modèles qui assureront viabilité et durabilité.

1.24.

Le CESE voit dans le mouvement du volontariat et, partant, dans la société civile l’un des principaux leviers qui actionnent les mécanismes de protection civile. Aussi estime-t-il indispensable de prévoir, tout à la fois, de les soutenir par des ressources et équipements à l’échelon européen et de les inscrire institutionnellement dans le nouveau mécanisme rescUE.

1.25.

Une question dont il conviendra sans doute de débattre dans les organes de l’Union européenne, aux fins de créer un cadre uniforme pour sa gestion, sera celle d’assurer l’intégration des travailleurs qui le désirent dans les rangs des équipes de volontaires, en prenant les dispositions appropriées pour garantir leurs droits fondamentaux, comme une assurance et le droit à un congé non refusable pour s’absenter de leur travail, en tout cas lorsqu’ils participent à des opérations de protection civile sur le terrain.

1.26.

Pour les équipes volontaires de protection civile et les moyens mis en œuvre, il serait utile de créer un système européen commun de certifications qui serait complété par des formations ad hoc au niveau local, régional, national ou européen.

1.27.

Le CESE rappelle à la Commission qu’il faudrait conférer directement aux Fonds structurels et d’investissement européens la flexibilité voulue pour financer les travaux de redressement et de rétablissement quand une catastrophe s’est produite, en soulignant que cet effort doit s’accompagner d’études pour qu’il favorise le développement durable mais aussi qu’il conforte dans leur vie quotidienne les populations des régions sinistrées, les campagnes en particulier, afin d’éviter qu’elles ne soient désertées.

1.28.

Il serait utile que les «capacités» qui pourraient être achetées ou louées, comme cela est prévu dans le cadre du nouveau mécanisme rescEU, cumulent, le cas échéant, plusieurs possibilités d’utilisation, de manière à rentabiliser au mieux l’investissement. Les moyens aériens, par exemple, pourraient être employés tout à la fois pour éteindre les feux de forêt, effectuer des opérations de recherche et de sauvetage, surveiller les frontières en cas de catastrophes transfrontières et, bien évidemment, mener des actions de prévention.

1.29.

Prévoir des possibilités d’utilisation mixte des capacités, couvrant tout à la fois le domaine de la sécurité (safety) et de la protection (security), constitue peut-être une voie pour non seulement économiser des ressources mais favoriser également le déploiement d’activités d’intervention intégrées menées par l’Union européenne et contribuer à l’objectif de complémentarité des actions.

1.30.

La répartition dispersée des capacités qu’il est prévu d’instaurer dans le cadre de rescEU doit faire l’objet d’une étude distincte, qui tiendra compte non seulement des facteurs géographiques, géologiques et financiers, mais s’effectuera aussi et surtout en prenant en considération, en fonction des risques encourus, les possibilités directes de réaction et de couverture des régions de l’Union européenne face à chaque type de danger.

1.31.

Le CESE propose que d’une manière générale et, à tout le moins, lorsque le mécanisme européen est enclenché et intervient, que l’État membre ou la région qui sont compétents établissent un dossier de catastrophe, dont le modèle pourrait être conçu par la Commission, afin de «bâtir» un savoir-faire et d’améliorer les pratiques d’intervention ultérieures, de manière à constituer ainsi une base de données couvrant tout l’Europe. De même, il est suggéré d’établir des indicateurs pour mesurer les délais d’intervention de rescEU et son impact concret.

1.32.

Le CESE voit d’un œil favorable l’hypothèse que la mise en œuvre des dispositions de planification concernant les évaluations des risques et leur gestion constituent une condition ex ante au titre de la politique de cohésion et du Fonds européen agricole pour le développement rural. Il fait toutefois observer qu’il faudrait faire précéder pareille action d’une vaste campagne d’information, afin de ne pas perturber le processus productif.

1.33.

Le CESE juge nécessaire que la participation des États membres à la réserve européenne de protection civile soit augmentée. Il conviendrait néanmoins que les mesures préparatoires qu’ils arrêteront pour y participer comprennent aussi des investissements de leur part dans du matériel supplémentaire, de manière à éviter que leurs moyens ne se trouvent affaiblis, d’une part, et à parvenir, d’autre part, à renforcer la capacité opérationnelle de l’Union tout entière.

1.34.

Le CESE estime qu’il convient de rappeler qu’au stade du rétablissement après tout type de catastrophe, le secteur de la petite et moyenne entreprise doit bénéficier d’une sollicitude toute particulière, car il constitue le principal moteur de la vie économique et sociale au quotidien.

2.   Observations générales (historique)

2.1.

Le mécanisme de protection civile de l’Union fournit un cadre pour coopérer et dispenser une aide dans des situations de besoins importants et exceptionnels, qu’elles surviennent à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne. Le cadre législatif afférent a été tracé par la décision 2001/792/CE, Euratom du Conseil instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

2.2.

Dans les années qui ont suivi, la décision initiale a été modifiée, tour à tour, par la décision 2007/779/CE, Euratom du Conseil instituant un mécanisme communautaire de protection civile et par la décision no 1313/2013/UE du Parlement européen et du Conseil relative au mécanisme de protection civile de l’Union.

2.3.

Le mécanisme rassemble actuellement les 28 États membres de l’Union européenne, les pays de l’Espace économique européen (EEE), en l’occurrence l’Islande et la Norvège, ainsi que le Monténégro, la Serbie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la Turquie. Le CESE est d’avis qu’il serait particulièrement utile que d’autres pays y participent également, afin d’augmenter sa souplesse et la rapidité de ses interventions mais aussi la bonne utilisation de ses ressources.

2.4.

Le 23 novembre 2017, la Commission a adopté une proposition accompagnée d’une communication, visant à modifier le cadre législatif du mécanisme de protection civile de l’Union. Reposant sur le savoir tiré de l’expérience accumulée, le texte proposé poursuit les objectifs suivants:

a)

mettre en place une réserve spéciale de capacités (moyens) de l’Union européenne en matière de protection civile;

b)

assurer un déploiement plus rapide de l’aide et réduire les formalités administratives;

c)

prendre des mesures supplémentaires en matière de prévention et de préparation.

2.5.

Le principal moyen de financement avait été constitué jusqu’à présent par le Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE), institué en 2002 par le règlement (CE) no 2012/2002.

2.6.

Antérieurement, le CESE a déjà exprimé ses positions sur des questions concernant la protection civile, les catastrophes naturelles et le Fonds de solidarité, par ses avis NAT/314/2006 (1), ΝΑΤ/375/2008 (2), ΝΑΤ/438/2009 (3), ECO/355/2013 (4) et ECO/426/2017 (5).

2.7.

Dans son fonctionnement actuel, les principaux éléments sur lesquels s’appuie le mécanisme de protection civile de l’Union sont le centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC, Emergency Response Coordination Centre), à Bruxelles, le système commun de communication et d’information d’urgence (CECIS, Common Emergency Communication and Information System), les équipes d’intervention, les modules de protection civile et les équipes d’assistance technique, avec les moyens à leur disposition, ainsi que le programme de formation et celui d’échange d’experts.

3.   La configuration actuelle du mécanisme

3.1.

Le traité de Lisbonne a défini de nouveaux domaines de compétences ouverts à l’intervention de l’Union européenne. En matière de protection civile, les attributions qui lui ont été nouvellement attribuées revêtent principalement un caractère de soutien.

3.2.

Le traité de Lisbonne entend notamment améliorer la capacité de l’Union européenne à faire face aux catastrophes, qu’elles soient naturelles ou dues à l’homme. Ainsi, son article 196 lui octroie la possibilité de prendre des mesures portant sur la prévention des risques, la préparation des acteurs de la protection civile, l’intervention en cas de catastrophes naturelles ou d’origine humaine, la coopération opérationnelle entre les services nationaux de protection civile et la cohérence des actions entreprises au niveau international.

3.3.

En outre, ces dispositions relatives à la protection civile se combinent avec l’impératif de la solidarité mentionné à l’article 222 du traité, lequel habilite l’Union européenne à porter assistance à un État membre qui a subi une attaque terroriste ou a été victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine.

3.4.

Il est devenu patent aujourd’hui que les phénomènes météorologiques extrêmes qui découlent du changement climatique atteignent également l’Europe. Le CESE rejoint la Commission et le Parlement européen pour estimer que du point de vue des catastrophes naturelles, 2017 et 2018 ont été des années éprouvantes sur le continent européen, prélevant un lourd tribut en vies humaines et destructions de vastes étendues de forêts, de biens et d’infrastructures. Les activités agricoles, sylvicoles, commerciales et industrielles ont été lourdement touchées, tandis que des phénomènes comme les feux de forêt ont pris une ampleur inquiétante dans des contrées du Nord de l’Union européenne qui, jusqu’à présent, passaient pour être à l’abri vis-à-vis de ce phénomène en tout cas.

3.5.

Le CESE considère que dans le nouvel environnement qui se crée, le mécanisme européen de protection civile, tel qu’il existe aujourd’hui, a fait son temps, étant donné qu’il s’avère mal assuré, lent et inefficace, en particulier lorsque des catastrophes naturelles surviennent à un même moment donné dans des régions différentes. Un autre grand handicap réside dans les ressources particulièrement réduites dont il dispose, ne couvrant que les frais de transport, à l’exclusion de toutes les dépenses opérationnelles ou autres, lesquelles sont souvent beaucoup plus élevées.

3.6.

Dans le même temps, il apparaît aujourd’hui que les États membres ne sont pas en mesure, dès lors qu’ils ne peuvent compter que sur leurs seuls moyens, de faire face à l’occurrence de catastrophes majeures, étant donné que le coût qu’ils devront supporter s’ils doivent chacun acheter ou louer la totalité du matériel d’intervention sera prohibitif et que, par conséquent, il s’impose qu’ils puissent compter sur des interventions se situant au niveau européen.

3.7.

À titre d’exemple emblématique, on relèvera que le prix d’achat d’un bombardier d’eau moderne et efficace, du type Canadair, tel que largement utilisé dans les États membres, est estimé à quelque trente millions d’euros, alors même que la production de ces appareils est interrompue et que même si elle reçoit de nouvelles commandes, la société qui les fabrique ne peut en livrer qu’un ou deux exemplaires neufs par an.

3.8.

Par ailleurs, et même s’il est prévu actuellement de pouvoir activer le mécanisme de dégagement de ressources lorsqu’un État est menacé par une catastrophe majeure, le cas qui se produit le plus fréquemment est que les autres pays de l’Union européenne soient dans l’incapacité de fournir une quelconque aide, soit qu’ils manquent manifestement de moyens, soit parce que même dans les quelques-uns qui en disposent, l’évolution des conditions leur interdit d’entreprendre quelque activité opérationnelle que ce soit dans un autre État membre.

3.9.

Vu les moyens sur lesquels peut compter actuellement le mécanisme de protection civile, la disposition susmentionnée de l’article 222 du traité de Lisbonne devient souvent inopérante, étant donné que les ressources sont limitées, que les lourdeurs bureaucratiques sont un frein pour toute réaction immédiate et intervention rapide et que les interconnexions au niveau des connaissances et de l’échange de bonnes pratiques restent cantonnées au plan théorique.

4.   Observations générales sur la proposition de la Commission

4.1.

Le CESE réitère qu’il est nécessaire d’améliorer, de modifier et de faire évoluer le mécanisme de protection civile de l’Union européenne pour le transformer en un dispositif européen intégré, axé sur la gestion des catastrophes, en ayant pour objectif qu’il couvre la totalité du cycle de l’action en matière de protection civile, qui commence par la prévention pour s’achever avec le redressement de la situation.

4.2.

En proposant de renforcer sa capacité de gestion face auxdites catastrophes, par le mécanisme rescEU, l’Union européenne et ses États membres peuvent non seulement prouver qu’ils présentent un visage humain, au plan des principes comme sur le terrain, mais font également, en ces temps où il est nécessaire d’en revenir aux racines de l’Europe, une démonstration de cette unité et de cette solidarité qui sont des principes essentiels tant de ses traités fondateurs que des accords qui en découlent.

4.3.

Il conviendra de souligner qu’en pratique, il n’existe pas, jusqu’à présent, de dispositions européennes sérieuses qui inciteraient à élaborer des propositions énergiques et à conclure des alliances solides pour faire face à ces événements catastrophiques, et que les efforts spontanés en ce sens s’avèrent régulièrement inutiles et inefficaces. Le besoin se fait sentir de manière plus pressante d’augmenter la fréquence des exercices entre pays exposés à des dangers communs et partageant les mêmes frontières, en y faisant participer des volontaires et en les formant, ainsi que de prendre, en parallèle, des mesures d’incitation en faveur des collectivités pour que les effectifs de volontaires y soient plus nombreux, en les déchargeant de tâches telles que la réserve ou en en allégeant le poids.

4.4.

Le CESE marque son accord avec le renforcement des mécanismes de prévention et de préparation, en combinaison avec l’augmentation de la capacité de résistance des infrastructures et des écosystèmes. Indépendamment de la baisse des pertes en vies humaines, de la protection dont bénéficiera la société et du gain financier direct qui découlera de la réduction des besoins de réaction, cette démarche assurera une meilleure protection des activités de production agricole, étant donné qu’elle réduira les risques de catastrophes dues à des incendies ou des inondations, qui portent des coups violents au secteur primaire.

4.5.

Quand elle reconnaît que quelle que soit leur origine, naturelle, comme les inondations, incendies ou séismes, par exemple, ou anthropique, dans le cas des accidents technologiques, des attaques terroristes, etc., les dangers revêtent à présent des formes changeantes et émergentes, la Commission pose un constat qui concorde totalement avec la forme que prennent ces périls à l’époque actuelle et avec l’action démultiplicatrice que l’on s’accorde à reconnaître au changement climatique. La notion de «résilience» qui a été introduite dans le domaine de la gestion des risques de catastrophes reflète la manière dont il convient d’exercer toute activité économique en général, mais aussi, tout particulièrement, dans le domaine des infrastructures. Pour évaluer et renforcer leur résilience, il y a lieu de recourir aux outils numériques les plus modernes et d’utiliser les technologies qui sont à la pointe de l’innovation.

4.6.

Pour la première fois, la conception qui a été développée afin de renforcer la capacité de prévention, de préparation et de réaction concernant les catastrophes, mais aussi de rétablissement une fois qu’elles se sont produites, met l’accent sur les piliers fondamentaux qui sous-tendent le soutien au principe du développement durable. Le CESE adhère pleinement à l’explicitation complète qui est faite de la notion de protection civile sur l’ensemble de son cycle, car c’est la nécessité d’une vigilance en matière sociale, économique et environnementale qui se trouve ainsi mise en évidence. Cette approche globale donne la garantie que tout l’éventail des acteurs responsables participe à la totalité du cycle, ainsi qu’à la diffusion et à la communication des savoir-faire et des pratiques. Pour que cette démarche soit couronnée de succès, il conviendra de recourir à des programmes et exercices ou formations menés en commun par des groupes de pays qui présentent des caractéristiques communes quant à leur exposition aux risques.

4.7.

Le mécanisme s’inscrit dans le contexte du programme 20/20 des Nations unies et dans celui de la stratégie mondiale pour la gestion des risques de catastrophes, telle que définie dans le cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR), et, plus précisément de sa première priorité, consistant à «comprendre les risques de catastrophe».

4.8.

Le CESE marque également son accord avec le principe général d’instituer un réseau de connaissances et de formation, suivant la description qu’en fait la Commission. Il fait toutefois observer qu’il y a lieu que la communauté scientifique et universitaire y soit associée de manière institutionnelle et qu’il convient de la charger de mener des activités de recherche, sous la forme de travaux et d’études, pour décrire et évaluer les risques potentiels, la vulnérabilité qui en découle et l’exposition des communautés aux dangers. Il apparaît nécessaire de s’assurer du concours de l’initiative privée et des entreprises, ainsi que de la société civile, eu égard à la somme d’expérience et de savoir qu’elles ont accumulée mais aussi dans le souci que les structures de la collectivité puissent être mobilisées plus aisément et directement au niveau local lorsque des catastrophes surviennent. Par ailleurs, informer et former les citoyens concernant les différents dangers auxquels ils doivent faire face apparaît être une question d’importance hautement prioritaire.

4.9.

Le CESE approuve les capacités spécifiques que la Commission propose de développer dans le cadre de rescEU, s’agissant de constituer une réserve de moyens en bombardiers d’eau, pompes à haut débit, dispositifs de recherche et de sauvetage en milieu urbain, ainsi que de capacités opérationnelles à développer dans le secteur de la santé publique, par l’acquisition d’unités d’hôpitaux de campagne et d’équipes médicales d’urgence, comme décrit au paragraphe 2 du chapitre 3.1 de sa communication. Le CESE estime qu’il est nécessaire de garantir que ces moyens soient interopérables et se prêtent à être utilisés de manière souple, afin qu’il soit possible de dégager des économies d’échelle, dans une perspective de développement durable. Il serait par exemple possible d’envisager l’achat de moyens aériens qui serviraient tout à la fois: a) à lutter contre les incendies depuis les airs; b) à réaliser une surveillance et des patrouilles aériennes pour donner rapidement l’alerte; c) à effectuer des opérations de recherche et de sauvetage; d) à transférer des malades de zones d’accès difficile ou d’îles éloignées. Il serait ainsi possible d’employer utilement ces capacités aériennes tout au long de l’année, de sorte qu’elles seraient amorties plus rapidement et dans des conditions financièrement avantageuses.

4.10.

Le CESE propose de créer des structures régionales, dans les régions qui risquent davantage d’avoir besoin d’une intervention immédiate. En outre, il convient de renforcer les communautés locales en les dotant des moyens nécessaires pour une première réaction, ainsi que de constituer à cet échelon des équipes bien formées, disposant de systèmes d’alerte précoce. Par ailleurs, il apparaît absolument indispensable d’élaborer et de diffuser des manuels communs certifiés, fournissant des lignes directrices.

4.11.

Le CESE se félicite que les domaines de financement des actions de protection civile en faveur des États membres aient été élargis, par exemple avec l’adaptation, le rétablissement, mais aussi le relèvement du pourcentage de cofinancement dans le domaine du transport. Par exemple, lorsqu’un séisme provoque des ravages de grande ampleur, le cofinancement entre l’Union européenne et l’État membre concerné se justifie absolument pour transporter et déployer de petites unités de logement et pour aménager un site approprié, par la réalisation des travaux nécessaires afin de le doter d’infrastructures et d’équipements d’utilité collective, à savoir électricité, adduction d’eau, communications, égouts; de manière que l’activité socio-économique puisse reprendre au plus vite et que la cohésion sociale soit assurée.

4.12.

Le CESE n’est pas opposé à ce que les frais de fonctionnement soient pris en compte pour ce qui touche au cofinancement, tout en faisant observer qu’il y a lieu de prévoir un mécanisme objectif d’estimation et, surtout, d’évaluation de leur coût, afin que les ressources soient utilisées de manière appropriée. Il estime par ailleurs indispensable d’exploiter toutes les sources substitutives de financement, comme les Fonds structurels ou le cofinancement par la Banque européenne d’investissement.

4.13.

Dans toute une série d’avis, le CESE a toujours pris position en faveur de la nécessité d’alléger les procédures bureaucratiques et d’assurer l’indispensable souplesse dans l’utilisation des fonds européens, sans qu’il soit porté atteinte à la transparence du processus et au contrôle indépendant exercé sur lui, qui constituent des conditions sine qua non pour garantir que les contributions des citoyens européens empruntent des circuits légaux et efficaces.

4.14.

Le CESE approuve que la Commission fasse référence au combat à mener contre les effets du terrorisme, et il estime nécessaire de disposer d’un cadre bien déterminé pour des actions de prévention, de réaction (au niveau des conséquences) et de redressement. Dans un avenir immédiat, elle pourrait élaborer à cet égard un plan pour développer également une panoplie de moyens de réserve destinés à faire face aux catastrophes naturelles qui sont dues à des accidents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN), sans que les entreprises actives dans ces secteurs ne s’en trouvent exonérées ni de leurs responsabilités, ni de leurs obligations. Le Comité fait observer que l’absence de réaction en temps utile à de tels accidents peut notamment porter un coup fatal à la production du secteur primaire et induire ainsi, sur le long terme, des conséquences énormes pour l’approvisionnement et la santé de toute la population.

4.15.

Le CESE estime que dans le cadre de rescEU, il est indispensable de mobiliser la société civile grâce à une reconnaissance institutionnelle, en la faisant participer à l’élaboration des politiques et à la prévention mais aussi à la réaction face aux catastrophes, chaque fois qu’envisageable. De même, il convient que le corps européen de solidarité soit associé à la démarche.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE tient également pour nécessaire de renforcer le rôle des collectivités régionales et locales dans le domaine de la protection civile et dans le nouveau mécanisme de l’Union, en entreprenant:

a)

de les associer au stade de la prévention, de la conception et de la mise en œuvre de mesures de gestion des risques et de leur prise en charge, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique;

b)

de soutenir leurs capacités spécifiques et de les intégrer dans le dispositif prévu, étant donné qu’elles sont appelées à intervenir en première ligne en cas de catastrophe;

c)

de tirer parti des compétences dont elles disposent pour les activités de tout type qui, dans le but d’assurer une coordination et un développement opérationnel, sont lancées pour éliminer au maximum les doubles emplois et favoriser l’interopérabilité;

d)

de renforcer leur rôle dans les contextes de coopération transfrontalière, par la mise en œuvre de plans, programmes et formations conjoints.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 139 du 11.5.2001, p. 27.

(2)  Avis du CESE sur l’«Amélioration du mécanisme communautaire de protection civile — Une réponse aux catastrophes naturelles» (JO C 204 du 9.8.2008, p. 66).

(3)  Avis du CESE sur «Une approche communautaire de la prévention des catastrophes naturelles ou d’origine humaine» (JO C 318 du 23.12.2009, p. 97).

(4)  Avis du CESE sur le «Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2012/2002 du Conseil instituant le Fonds de solidarité de l’Union européenne» (JO C 170 du 5.6.2014, p. 45).

(5)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1303/2013 en ce qui concerne des mesures spécifiques destinées à fournir une assistance supplémentaire aux États membres victimes de catastrophes naturelles» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 38).


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