22.3.2019 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 110/118 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil et modifiant les règlements (CE) no 768/2005, (CE) no 1967/2006, (CE) no 1005/2008 du Conseil et le règlement (UE) no 2016/1139 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le contrôle des pêches»
[COM(2018) 368 final — 2018/0193 (COD)]
(2019/C 110/22)
Rapporteur: |
M. Emilio FATOVIC |
Consultation |
Parlement, 10.9.2018 Conseil, 5.7.2018 |
Base juridique |
Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Décision de l’assemblée plénière |
19.6.2018 et 18.9.2018 |
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Compétence |
Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section spécialisée |
27.11.2018 |
Adoption en session plénière |
12.12.2018 |
Session plénière no |
539 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
219/1/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit, d’une manière générale, à la proposition législative de la Commission relative aux contrôles dans le secteur de la pêche. Toutefois, certains problèmes déjà signalés par les parties prenantes du secteur n’ont pas été pris en compte de manière appropriée ou n’ont pas donné lieu à des solutions claires. |
1.2. |
Le CESE réaffirme le principe selon lequel le concept de durabilité doit se décliner dans une perspective à la fois économique, sociale et environnementale. À cet égard, il convient de noter que la proposition de la Commission n’est pas fondée sur une évaluation précise de l’incidence des effets de type économique et social, qui serait pourtant indiquée compte tenu de la profonde crise du secteur dans différents pays européens, et de ses graves répercussions sur l’emploi et sur l’économie des communautés côtières. |
1.3. |
La proposition de la Commission ne tient pas compte de deux phénomènes graves et importants, que sont le Brexit et le changement climatique. Tous deux sont appelés à modifier, sous différentes formes, les modalités et les lieux de pêche et nécessitent dès lors une analyse et des interventions adéquates pour ne pas engendrer des déséquilibres dans le secteur de la pêche. |
1.4. |
Le système de contrôles et de sanctions, qui est fondé sur le «système de licence à points», devrait être mis en œuvre de manière uniforme et homogène dans toute l’Union, de manière à garantir une concurrence loyale entre les opérateurs ainsi que la qualité et la traçabilité des produits de la pêche, dans l’intérêt de tous les citoyens européens et de la protection de leur santé. Dans le même temps, les sanctions doivent être fondées sur des critères de gestion du risque et être réellement proportionnées et dissuasives. |
1.5. |
Le CESE considère que le passage au numérique est à l’évidence un instrument important pour garantir l’efficacité et l’efficience des contrôles. En revanche, le Comité observe que les obligations incombant aux pêcheurs ne sont pas réduites de manière significative par rapport au règlement précédent (en particulier pour la petite pêche), et qu’elles n’ont pas non plus été suffisamment simplifiées comme l’avait annoncé la Commission. Le CESE recommande de procéder à un supplément d’enquête sur la réelle applicabilité de certaines règles, en accordant une attention particulière aux navires de moins de 10 mètres. |
1.6. |
Le CESE s’oppose à l’obligation horizontale d’installer des caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) sur les navires, au motif qu’elle est contraire aux règles fondamentales du droit du travail, à la protection de la vie privée et au droit au secret des affaires. Par conséquent, le CESE propose que les États membres procèdent à des évaluations des risques présentés par certains segments de la flotte qui se caractérisent par un niveau élevé et généralisé d’infractions graves, et qu’en fonction de leurs antécédents en matière de manquements, les autorités de contrôle exigent que les navires en question installent des CCTV. Pour vérifier le respect de l’obligation de débarquement, le CESE propose de renforcer l’utilisation des observateurs à bord et préconise la mise en place d’un mécanisme volontaire d’introduction des CCTV, en prévoyant des incitations pour les propriétaires de navires qui décident de l’adopter. Dans le même temps, le Comité préconise d’imposer une obligation temporaire de télésurveillance en circuit fermé à bord des navires ayant commis des infractions graves à de multiples reprises. |
1.7. |
Le nouveau FEAMP pour la période 2021-2027 aura un rôle important à jouer pour permettre d’adapter les navires européens aux nouvelles dispositions réglementaires. Il est essentiel que les financements soient aisément accessibles au niveau national à tous ceux qui en font la demande. En particulier, le Comité s’oppose à l’introduction de règles à effet rétroactif qui obligeraient l’armateur ayant commis une seule infraction grave à rembourser les fonds qu’il a reçus antérieurement et dûment justifiés. |
1.8. |
Le CESE rappelle que c’est dans les pays tiers que les cas de fraude et de non-respect des normes fondamentales dans les domaines du travail et de l’environnement sont le plus fréquemment constatés. Pourtant, le poisson pêché au moyen de ces pratiques illégales arrive encore assez facilement sur les tables des citoyens européens. Il est important que les nouveaux systèmes de traçabilité règlent ce problème, en surveillant l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Le CESE souligne en outre que l’on enregistre encore actuellement des cas d’exploitation par le travail sur des navires européens. Il recommande, dès lors, que les autorités de contrôle consacrent une attention particulière à ce phénomène et définissent des sanctions sévères pour y mettre définitivement fin. |
1.9. |
Le CESE note que les modèles qui ont été couronnés de succès dans le cas des plans pluriannuels pour les pêcheries monospécifiques sont difficilement adaptables aux pêcheries multispécifiques et qu’ils sont susceptibles d’avoir de lourdes conséquences pour l’environnement et pour l’économie. C’est pourquoi il préconise un système plus approfondi de collecte de données sur les stocks, afin d’élaborer des stratégies ad hoc à même de mieux protéger la biodiversité sans porter un préjudice excessif au secteur de la pêche. |
1.10. |
Le CESE considère que le système prévu pour inciter les pêcheurs à ramener leurs chaluts à terre devrait être étendu à tous les types de déchets recueillis en mer durant les activités de pêche. Cette initiative serait fondamentale pour la propreté des mers, sachant qu’à l’heure actuelle ce sont les pêcheurs qui doivent payer pour nettoyer la mer d’une pollution qu’ils n’ont pas générée. Le CESE estime que les pêcheurs pourraient apporter une importante valeur ajoutée moyennant une formation adéquate, en contribuant d’une part au nettoyage des mers et d’autre part à la constitution d’un cercle vertueux d’intégration économique dans le cadre de leur activité. |
2. Introduction
2.1. |
Le succès de la politique commune de la pêche (PCP) dépend principalement de la mise en œuvre d’un système efficace de contrôle et d’exécution. De telles mesures sont prévues dans quatre actes juridiques distincts: 1) le règlement relatif au contrôle des pêches; 2) le règlement instituant une Agence européenne de contrôle des pêches (AECP); 3) le règlement établissant un système de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (règlement INN); et 4) le règlement relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes (SMEF). |
2.2. |
À l’exception du règlement SMEF, qui a été récemment révisé, le régime actuel de contrôle des pêches a été conçu avant la réforme de la PCP et, en tant que tel, il n’est pas totalement cohérent par rapport à celle-ci. En outre, ces mesures datent de plus de dix ans, elles ne prennent pas en compte les besoins actuels et futurs du point de vue des données concernant la pêche et du contrôle des flottes et elles ne sont pas adaptées aux nouvelles pratiques et techniques de pêche, ni aux nouvelles technologies de contrôle et aux systèmes d’échange de données. Enfin, elles ne tiennent pas compte de certaines initiatives importantes adoptées par l’Union, comme les stratégies sur les matières plastiques, sur le marché unique numérique et sur la gouvernance des océans. |
2.3. |
Bien que le régime de contrôle actuel de la pêche ait amélioré la situation, certaines de ses lacunes ont été corroborées par l’évaluation REFIT de la Commission, par un rapport spécial de la Cour des comptes européenne et par une résolution du Parlement européen. Les parties prenantes ont confirmé les limites du système actuel. Ce constat a mis en évidence la nécessité de revoir l’intégralité du dispositif réglementaire en vigueur. |
3. Contenu essentiel de la proposition de la Commission
3.1. |
La proposition de la Commission consiste à modifier cinq règlements et poursuit les objectifs suivants: 1) combler les écarts par rapport à la PCP et à d’autres politiques de l’Union européenne; 2) simplifier le cadre législatif et réduire la charge administrative inutile; 3) améliorer la disponibilité, la fiabilité et l’exhaustivité des données et informations sur la pêche, en particulier des données sur les captures, et permettre l’échange et le partage d’informations; et 4) éliminer les obstacles qui entravent le développement d’une culture du respect des règles et le traitement équitable des opérateurs au sein des États membres et entre ceux-ci. |
3.2. Modifications du règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil (1) instituant un régime de contrôle de l’Union visant à assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche
3.2.1. |
Inspection et surveillance. La procédure d’inspection et les obligations des inspecteurs, des capitaines et des opérateurs sont clarifiées. Les rapports d’inspection seront établis au format électronique pour faciliter l’utilisation et l’échange de données entre les autorités compétentes et les États membres. |
3.2.2. |
Sanctions. Une liste de critères communs est établie pour définir ce qui relève de la catégorie des infractions graves. Des sanctions administratives obligatoires et des amendes minimales sont établies pour les infractions graves, afin de rendre le système de sanctions plus dissuasif et plus efficace dans tous les États membres et d’assurer des conditions de concurrence égales. En outre, le «système de points» pour les navires titulaires de licence est renforcé et clarifié. |
3.2.3. |
Données. La proposition introduit des systèmes numérisés obligatoires de suivi et de déclaration des captures applicables à tous les navires de pêche de l’Union, y compris ceux d’une longueur hors-tout inférieure à 12 mètres. Un système simplifié utilisant la téléphonie mobile est prévu pour la petite pêche. La pêche récréative sera elle aussi soumise à un contrôle plus rigoureux. Le recours aux instruments numériques vise à garantir la traçabilité complète de la chaîne d’approvisionnement (y compris pour les produits importés de pays tiers) et à contrôler de manière systématique les activités menées à bord des navires, notamment grâce à l’utilisation de caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) afin de contrôler l’obligation de débarquement. |
3.2.4. |
Alignement sur les autres politiques de l’Union européenne. La déclaration des engins de pêche perdus est facilitée grâce à une compilation plus précise des journaux de bord (électroniques). L’obligation d’embarquer l’équipement nécessaire à la récupération des engins perdus est étendue également aux navires de moins de 12 mètres. Des dispositions sont mises en place concernant le marquage et le contrôle des engins de pêche pour la pêche récréative. |
3.3. Modifications du règlement (CE) no 768/2005 du Conseil (2) instituant une agence européenne de contrôle des pêches
3.3.1. |
La proposition élargit la portée géographique des pouvoirs d’inspection de l’Agence européenne de contrôle des pêches, qui n’est plus limitée aux eaux internationales. Des modifications simplifient la gestion et l’échange des données et des règles sont également définies pour simplifier les canaux de financement de l’Agence. |
3.3.2. |
En juillet 2018, la Commission européenne a intégré ces mesures dans la proposition COM(2018) 499 visant à codifier le règlement (CE) no 768/2005 relatif à l’AECP pour remplacer et intégrer les divers règlements en les incorporant dans le nouveau texte. Le CESE a déjà salué cette proposition dans un avis qu’il lui a spécifiquement consacré (3). |
3.4. Modification du règlement (CE) no 1005/2008 du Conseil (4) établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée
3.4.1. |
Les modifications apportées au système de certification des captures de l’Union prévoient l’établissement d’une base de données pour la gestion des certificats de capture (CATCH), permettant des contrôles fondés sur les risques, réduisant les possibilités d’importations frauduleuses et allégeant la charge administrative des États membres. Les fonctions opérationnelles du système CATCH seront mises en place en différentes phases. Des compétences d’exécution et des compétences déléguées sont conférées à la Commission en ce qui concerne le fonctionnement et le développement ultérieur de ce système. Les inspections et les sanctions sont adaptées au nouveau cadre réglementaire. |
4. Observations générales
4.1. |
Le Comité souscrit globalement à l’initiative législative de la Commission, qui est conforme aux positions exprimées par les États membres, les collectivités locales et régionales ainsi que les parties prenantes. Elle aura en effet pour fonction de clarifier le cadre réglementaire des contrôles et de le simplifier, de le moderniser et de l’adapter à l’évolution des politiques et de la réglementation, d’en garantir la sécurité juridique et de rendre effective son application uniforme dans toute l’Union européenne. |
4.2. |
Il ressort toutefois d’une analyse minutieuse de la proposition que, malgré le vaste processus de consultation annoncé par la Commission, certains problèmes mis en évidence par les parties prenantes du secteur de la pêche (concernant par exemple l’obligation de débarquement, la bureaucratie excessive ou la proportionnalité du système de sanctions) n’ont pas fait l’objet de réponses appropriées et/ou de solutions claires dans le nouveau règlement proposé (5). |
4.3. |
Le CESE réaffirme le principe selon lequel le concept de durabilité doit se décliner dans une perspective à la fois économique, sociale et environnementale. À cet égard, si la pêche durable reste l’ambition première, le secteur de la pêche doit toutefois être mis en situation d’atteindre cet objectif. C’est pourquoi les mesures environnementales ne peuvent être dissociées de la nécessité d’améliorer d’autres aspects essentiels tels que les conditions de travail et la sécurité au travail, le renouvellement des générations, la rentabilité des entreprises, la formation des professionnels et le dynamisme des territoires côtiers. |
4.4. |
Il est à noter que les propositions de règlement ne prennent pas en considération deux phénomènes graves et importants, que sont le Brexit et le changement climatique. Le premier, en effet, devrait entraîner une révision globale du mécanisme de stabilité relative ainsi qu’une diminution des possibilités de pêche dans des eaux qui, actuellement, sont européennes. D’un autre côté, le changement climatique entraîne des modifications sensibles dans les comportements et les habitats des poissons, dont des migrations de plus en plus fréquentes sont observées. |
4.5. |
Le CESE observe que la proposition de la Commission ne repose pas sur une évaluation claire des incidences économiques et sociales. Ce constat s’aggrave du fait que le secteur de la pêche est en crise dans plusieurs régions de l’Union européenne depuis plus de vingt ans et que les mesures que la Commission a prises jusqu’à présent en faveur de la durabilité et de l’aquaculture n’ont pas permis d’inverser la tendance (6). C’est la raison pour laquelle le Comité invite la DG Emploi à intervenir rapidement pour engager un vaste débat dans le cadre du dialogue social sectoriel (7), afin d’inventorier les mesures les plus appropriées pour évaluer et, le cas échéant, compenser, les incidences économiques et sociales de la proposition (8). |
4.6. |
Les critiques récemment adressées par la Cour des comptes européenne montrent que la priorité doit être la mise en œuvre du système de contrôles et de sanctions, qui est fondé sur le «système de licence à points», de manière uniforme et homogène dans toute l’Union, pour garantir une concurrence loyale entre les opérateurs aussi bien que la qualité et la traçabilité des produits de la pêche, dans l’intérêt de tous les citoyens européens et afin de préserver leur santé. |
4.7. |
Le CESE considère que le passage au numérique est à l’évidence un instrument important pour garantir l’efficacité et l’efficience des contrôles. Il est par ailleurs positif que des dispositifs numériques simplifiés soient prévus pour contrôler les navires d’une longueur hors-tout inférieure à 12 mètres (par exemple, des applications sur téléphone mobile pour la géolocalisation, bien qu’en haute mer, de nombreuses zones sans couverture rendent impossible le contrôle des navires). En revanche, le Comité observe que les obligations incombant aux pêcheurs ne sont pas réduites de manière significative par rapport au règlement précédent (en particulier pour la petite pêche), et qu’elles n’ont pas non plus été suffisamment simplifiées comme l’avait annoncé la Commission. |
4.8. |
Sil les dispositifs de contrôle numériques devraient permettre de réaliser de réelles économies de temps et d’argent, L’extension de l’ensemble des obligations à la petite pêche serait possible, dès lors que les États membres disposent d’une période transitoire de deux ans qui devrait permettre de prendre en compte les spécificités locales, bien que la charge puisse s’avérer lourde pour les embarcations dont la longueur est inférieure à dix mètres hors-tout, souvent sans cabine de commandement et dont l’équipage est souvent composé d’une seule personne. Dans ce cas précis, le Comité recommande d’approfondir l’analyse afin d’évaluer leur faisabilité réelle, en recherchant le juste équilibre entre la nécessité d’effectuer des contrôles et la capacité effective des pêcheurs à se plier à toutes ces pratiques. |
4.9. |
À cet égard, le CESE observe que si les mesures mises en place pour clarifier le système de sanctions pourraient certainement bénéficier au secteur, il est cependant essentiel qu’elles soient appliquées de manière homogène dans les différents États membres et qu’elles soient effectivement proportionnées, dissuasives et basées sur des critères de gestion du risque. L’analyse de la proposition révèle en particulier certaines contradictions, comme le fait de lier le montant des amendes à la valeur sur le marché des poissons pêchés (de deux à cinq fois la valeur des produits), laquelle est susceptible de varier grandement en fonction de la zone géographique, de la période de l’année et de l’abondance ou la rareté des espèces concernées, et pourrait également constituer une incitation à enfreindre la loi. |
4.10. |
Le FEAMP est un instrument essentiel et indispensable pour réaliser la transition vers le nouveau système de contrôles prévu par la Commission. Le Comité est hostile au principe, déjà contenu dans le système de contrôles et le FEAMP actuels, selon lequel une infraction grave entraîne la restitution immédiate des éventuels financements européens perçus au cours des cinq années précédentes. Cette mesure rétroactive rigide est l’une des principales causes du retard pris par le FEAMP dans la réalisation de ses objectifs, dans la mesure où elle a poussé de nombreux pêcheurs à ne pas solliciter de financements européens de peur d’être tenus de les restituer en cas d’infractions jugées graves, pour lesquelles l’amende infligée est parfois très réduite par ailleurs. Par conséquent, il convient de veiller à une plus grande proportionnalité des sanctions, de sorte que leur caractère dissuasif ne prenne pas un tour rédhibitoire. |
4.11. |
Le CESE se déclare tout à fait hostile à l’obligation d’installer des systèmes de télévision en circuit fermé (CCTV) à bord des navires de pêche pour vérifier le respect de l’obligation de débarquement. Il considère que des mesures de ce type sont contraires aux normes fondamentales du droit du travail, à la protection de la vie privée et au droit au secret des affaires, à plus forte raison car elles sont établies de manière horizontale et qu’elles ne sont pas justifiées par de possibles risques caractérisés par des violations répétées de la réglementation par le passé. Par conséquent, le CESE propose que les États membres procèdent à des évaluations des risques présentés par certains segments de la flotte qui se caractérisent par un niveau élevé et généralisé d’infractions graves et qu’en fonction de leurs antécédents en matière de manquements, les autorités de contrôle exigent à de tels navires l’installation de CCTV. Le Comité est convaincu que ce n’est pas par une surveillance et un contrôle des activités de pêches de type «Big Brother» que l’on pourra atteindre les objectifs de durabilité environnementale et de relance du secteur, mais grâce à des règles et des sanctions claires, sûres et transparentes, appliquées de manière efficace et uniforme dans toute l’Union. |
4.12. |
Le CESE propose en particulier de valoriser et de renforcer le recours aux observateurs embarqués. Il recommande également de créer un mécanisme volontaire d’incitation à la mise en place de la surveillance par télévision en circuit fermé, en prévoyant par exemple la possibilité d’augmenter le quota de captures pour les espèces qui sont au niveau du rendement maximal durable (RMD) en utilisant la réserve de quotas de l’État membre, lorsqu’elle existe, ou au moyen de mécanismes simplifiés de contrôle et de débarquement. Dans le même temps, le Comité préconise une obligation temporaire de télésurveillance en circuit fermé à bord des navires ayant commis des infractions graves à de multiples reprises. |
4.13. |
Le CESE considère que le nouveau FEAMP pour la période 2021-2027 aura un rôle important à jouer pour permettre d’adapter les navires européens aux nouvelles dispositions réglementaires. Il est essentiel notamment que les financements soient aisément accessibles au niveau national à tous ceux qui en font la demande. |
4.14. |
Comme il l’a déjà fait valoir dans d’autres avis (9), le CESE juge important de définir la capacité de pêche au moyen de critères plus appropriés que le tonnage et la puissance du moteur, étant donné que ces caractéristiques revêtent par ailleurs une importance fondamentale pour assurer la sécurité de l’équipage à bord du navire et pour atteindre des niveaux d’émissions de CO2 plus soutenables. |
5. Observations particulières
5.1. |
La surpêche est certes l’une des causes principales de la diminution de la quantité de poissons en mer. Cependant, le Comité estime que ce facteur devrait être considéré conjointement avec d’autres qui sont en tout état de cause dommageables pour les espèces marines, tels que la pollution, le changement climatique, les transports maritimes, les forages sous-marins (pollution sonore). Une approche plus ouverte est indispensable pour élaborer des stratégies efficaces pour la protection des habitats marins. |
5.2. |
Pour être effectivement dissuasif, un régime de sanctions efficace doit être clairement et aisément applicable. Le Comité relève que le système de licence à points est de nature dans certains cas à porter préjudice à l’équipage, alors que ce sont les choix et le comportement du capitaine du navire de pêche qui sont sanctionnés dans la pratique, y compris par des mesures fortes telles que la suspension de la licence de pêche. Dans le cadre de la suspension de la licence de pêche (10), il y a lieu de mettre en place des mécanismes protégeant les travailleurs des navires qui, ayant conclu des contrats prévoyant une «rémunération à la part de pêche», risquent d’être privés de revenus s’ils ne trouvent pas un nouveau navire à bord duquel travailler ou s’ils ne changent pas directement d’emploi. Dans un secteur en difficulté, cette érosion constante des ressources humaines, des compétences et des connaissances risque de compromettre encore plus sérieusement les perspectives de reprise. |
5.3. |
Le CESE souscrit à la proposition d’étendre également le système de contrôles à la pêche récréative, pour laquelle de nombreux cas de contournement des règles en vigueur pour la pêche «classique» ont récemment été constatés. Il recommande de prêter une attention particulière à la pêche récréative constituant une source de revenus, en la distinguant de celle destinée à une utilisation ou une consommation personnelles. Cette mesure est fondamentale pour protéger les pêcheurs qui exercent leur activité dans le respect de la loi et pour lutter contre des pratiques de concurrence déloyale mais aussi, dans les cas les plus graves, de pêche illégale. |
5.4. |
Si le Comité convient qu’il est essentiel de garantir la traçabilité des produits de la pêche, il estime toutefois que la suppression de l’exemption de déclaration dans les journaux de bord des captures inférieures à 50 kg pourrait entraîner d’importantes difficultés pour les petits pêcheurs. De fait, pour s’acquitter de toutes les formalités administratives, potentiellement chronophages dans des mers multispécifiques comme la Méditerranée, ces derniers risquent de perdre trop de temps avant le débarquement et de ne pas pouvoir vendre leur poisson au meilleur prix. C’est pourquoi nous recommandons le maintien du seuil existant, en suivant de près la situation pour s’assurer que cela ne donne lieu à aucun effet indésirable. |
5.5. |
Le nouveau mécanisme de traçabilité proposé par la Commission apparaît satisfaisant, en particulier pour ce qui concerne les produits importés. De fait, c’est dans les pays tiers que les cas de fraude et de non-respect des normes fondamentales dans les domaines du travail (conventions de l’OIT) et de l’environnement sont les plus fréquemment constatés; pourtant, le poisson pêché grâce à ces pratiques illégales arrive encore avec une relative facilité sur les tables des citoyens européens. Toutefois, il est important de noter que l’on enregistre encore actuellement des cas d’exploitation par le travail sur des navires européens (11) et qu’ils exigent une vigilance particulière de la part des agents chargés des contrôles, ainsi que des sanctions sévères en vue d’éradiquer définitivement ce phénomène. |
5.6. |
En outre, le Comité fait observer que le vaste dispositif de contrôles de la traçabilité mis en place ne peut être interrompu dès la «première vente», dans la mesure où c’est toute la chaîne d’approvisionnement qui doit être contrôlée «de la mer jusqu’à la table». Dans ce cas également, la participation active de tous les acteurs concernés est recommandée depuis les grossistes et la transformation jusqu’à la vente au détail. |
5.7. |
La déclaration de Malte en date de 2017 et intitulée «MedFish4Ever» est une pierre angulaire de l’action menée par l’Union européenne. Le CESE considère cependant que des mesures spécifiques sur le plan technique et aux fins de la conservation des stocks de poissons devraient être adaptées aux différentes techniques de pêche et aux caractéristiques biologiques de la mer considérée. Le CESE note que les modèles qui ont été couronnés de succès dans le cas des plans pluriannuels pour les pêcheries monospécifiques sont difficilement adaptables aux pêcheries multispécifiques et qu’ils sont susceptibles d’avoir de lourdes conséquences pour l’environnement et pour l’économie (12). C’est pourquoi il préconise un système plus approfondi de collecte de données sur les stocks, afin d’élaborer des stratégies ad hoc à même de mieux protéger la biodiversité sans porter un préjudice excessif au secteur de la pêche (13). |
5.8. |
Comme il l’a déjà souligné dans de précédents avis (14), le CESE estime que l’un des grands problèmes pour le secteur est la combinaison d’un système strict de quotas et de la nouvelle obligation de débarquement. Les coûts élevés induits par la transition vers une pêche plus durable (par exemple à l’aide de chaluts sélectifs) doivent être entièrement pris en charge par le financement du FEAMP. Le CESE souhaite qu’un système de contrôle simplifié, pragmatique et basé sur l’analyse de risque soit mis en place, et qu’une vaste action soit envisagée au niveau national, avec le soutien des parties prenantes, afin de faciliter la transition pour un grand nombre de navires. |
5.9. |
La Commission propose que tous les produits de la pêche soient pesés par des opérateurs enregistrés au moment du débarquement avant que le produit ne soit stocké, transporté ou vendu. Le CESE estime qu’il importe de maintenir la possibilité actuelle de procéder à des contrôles par sondage. En outre, dans les cas où les produits de la pêche sont transportés avant leur mise sur le marché ou lorsque la première vente s’effectue dans un pays tiers, il est recommandé de maintenir l’actuel délai de transmission des documents requis aux autorités compétentes à 48 heures maximum après le débarquement afin d’éviter des retards et des pertes de qualité. |
5.10. |
Le CESE a réservé un accueil favorable à la proposition de la Commission sur les plastiques à usage unique (15), en particulier aux mesures d’incitation prévues pour le dépôt à terre des engins de pêche brisés ou endommagés afin d’en faciliter le recyclage (16). Cette mesure, combinée à la nouvelle disposition relative aux ports (17), ouvre des possibilités et des perspectives nouvelles pour la pêche durable et l’économie circulaire. Le CESE considère que le système prévu pour inciter les pêcheurs à ramener leurs chaluts à terre devrait être étendu à tous les types de déchets recueillis en mer durant les activités de pêche. Il est également important de vérifier que la mise en place du mécanisme de responsabilité accrue du fabricant n’entraîne pas un surcoût pour les entreprises du secteur de la pêche à l’achat des chaluts. Le FEAMP pourrait constituer l’instrument financier le plus indiqué pour soutenir une telle démarche. |
5.11. |
Cette initiative serait fondamentale pour la propreté des mers, sachant qu’à l’heure actuelle ce sont les pêcheurs qui doivent payer pour décharger à terre les déchets recueillis durant la pêche. Ces derniers représentent 90 % des déchets récupérés dans les filets, et les pêcheurs sont par ailleurs tenus de les trier et, s’il n’est pas possible de les identifier, de les considérer comme des «déchets spéciaux», impliquant des formes spécifiques de traitement. Dans la pratique, les règles en vigueur imposent aux pêcheurs de nettoyer les mers d’une pollution qu’ils n’ont pas causée. Le CESE estime que les pêcheurs pourraient apporter une importante valeur ajoutée moyennant une formation adéquate, en contribuant d’une part au nettoyage des mers et d’autre part à la mise en place d’un cercle vertueux d’intégration économique dans le cadre de leur activité (18). |
Bruxelles, le 12 décembre 2018.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO L 343 du 22.12.2009, p. 1.
(2) JO L 128 du 21.5.2005, p. 1.
(3) Avis CESE (NAT/756) sur l’Agence européenne de contrôle des pêches (texte codifié) (JO C 62 du 15.2.2019, p. 310).
(4) JO L 286 du 29.10.2008, p. 1
(5) Aussi bien le Conseil consultatif pour la mer Méditerranée (MEDAC), le Conseil consultatif de la pêche lointaine (LDAC), que l’association Europêche ont formulé à plusieurs occasions des demandes et des propositions spécifiques pour surmonter les problèmes actuels du secteur, sans que ces démarches aient trouvé d’écho dans le train de mesures soumis par la Commission.
(6) En Italie, sur 8 000 kilomètres de côtes, le nombre de navires de pêche a chuté d’environ 33 % au cours des trente dernières années. Les navires ont en moyenne 34 ans et doivent de toute urgence être modernisés ou remplacés par de nouveaux. Au cours des 30 dernières années, 18 000 postes de travail ont été perdus (le secteur italien de la pêche emploie 27 000 personnes). Données du ministère italien des politiques agricoles, alimentaires et forestières, 2016.
(7) Comité de dialogue social sectoriel (CDSS) de l’Union européenne — Pêche en mer.
(8) Avis CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir page 104 du présent Journal officiel).
(9) Avis CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir note de bas de page 8).
(10) Le critère de récidive de l’infraction peut entraîner une suspension de la licence de pêche d’une durée pouvant être comprise entre quatre mois et un an, voire son retrait définitif.
(11) Voir l’article du Guardian«“We thought slavery had gone away”: African men exploited on Irish boats» («“Nous pensions que l’esclavage avait disparu”: des Africains exploités sur des bateaux irlandais»).
(12) Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM): «The State of Mediterranean and Black Sea Fisheries» (L’état de la pêche en mer Méditerranée et en mer Noire), 2016, p. 26. Comme le souligne la CGPM de la FAO, il est plus facile de pratiquer une pêche ciblée dans les mers monospécifiques du fait qu’un nombre limité d’espèces halieutiques y coexistent et qu’il est donc plus simple d’y fixer des limites de capture. À l’inverse, dans les mers multispécifiques, une même zone abrite de nombreuses espèces de poissons.
(13) Avis du CESE sur le Plan de gestion pluriannuel des pêches de petits pélagiques dans la mer Adriatique (JO C 288 du 31.8.2017, p. 68). Avis du CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir note de bas page 8 du Journal officiel).
(14) Avis du CESE sur l’Obligation de débarquement (JO C 311 du 12.9.2014, p. 68). Paragraphe 1.2: «Toutefois, le CESE considère que la proposition de la Commission est trop complexe et que l’obligation de débarquement imposera aux pêcheurs un travail supplémentaire excessif et disproportionné. Il estime, dès lors, qu’il conviendrait d’opter pour une réglementation plus pragmatique, claire, simple et flexible, qui prévoie une période transitoire pendant laquelle les pêcheurs auraient réellement le temps de s’adapter sans être durement sanctionnés.»
(15) Avis du CESE (NAT/742) sur les Plastiques à usage unique (JO C 62 du 15.2.2019, p. 207).
(16) COM(2018) 340 final.
(17) COM(2018) 33 final.
(18) Avis du CESE sur la Stratégie sur les matières plastiques dans une économie circulaire (y compris les actions contre les déchets marins) ( JO C 283 du 10.8.2018, p. 61).
Avis du CESE (NAT/742) sur les Plastiques à usage unique (voir note de bas de page 15).
Avis du CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir note de bas de page 8).