Affaire C-160/08

Commission européenne

contre

République fédérale d’Allemagne

«Manquement d’État — Marchés publics de services — Articles 43 CE et 49 CE — Directives 92/50/CEE et 2004/18/CE — Services publics de secours — Transport médical d’urgence et transport sanitaire qualifié — Obligation de transparence — Article 45 CE — Activités participant à l’exercice de l’autorité publique — Article 86, paragraphe 2, CE — Services d’intérêt économique général»

Conclusions de l’avocat général Mme V. Trstenjak, présentées le 11 février 2010   I ‐ 3717

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 29 avril 2010   I ‐ 3759

Sommaire de l’arrêt

  1. Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Dérogations – Portée

    (Art. 45 CE et 55 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2004/18; directive du Conseil 92/50)

  2. Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Dérogations – Activités participant à l’exercice de l’autorité publique

    (Art. 45 CE et 55 CE)

  3. Rapprochement des législations – Procédures de passation des marchés publics de services – Directives 92/50 et 2004/18 – Marchés mixtes de services de transports et de services sanitaires

    (Art. 86, § 2, CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2004/18, art. 22 et 35, § 4, et annexes II A et II B; directive du Conseil 92/50, art. 10 et 16, et annexes I A et I B)

  1.  Aux termes de l’article 45, premier alinéa, CE, lu en combinaison avec l’article 55 CE, les dispositions relatives à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services ne s’étendent pas aux activités participant dans un État membre, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique.

    De telles activités échappent également au champ d’application des directives qui, telles les directives 92/50 et 2004/18, visent à mettre en œuvre les dispositions du traité sur la liberté d’établissement et la libre prestation de services.

    (cf. points 73, 74)

  2.  La dérogation prévue aux articles 45 CE et 55 CE doit être restreinte aux activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique. Tel n’est pas le cas des activités de transport médical d’urgence et de transport sanitaire qualifié.

    En effet, la contribution à la protection de la santé publique, à laquelle tout individu peut être appelé, notamment en prêtant son assistance à une personne courant un danger vital ou sanitaire, ne suffit pas pour constituer une participation à l’exercice de l’autorité publique. Ne sauraient pas davantage être considérés comme traduisant un exercice suffisamment qualifié de prérogatives de puissance publique ou de pouvoirs exorbitants du droit commun le droit, pour les prestataires de services de transport sanitaire, de recourir à des instruments tels que le gyrophare ou la sirène ainsi que le droit de passage prioritaire qui leur est reconnu par le code de la route, ni des éléments ayant trait à des compétences organisationnelles particulières dans le domaine des services rendus, au pouvoir de solliciter des informations auprès de tiers ou l’intervention d’autres services spécialisés, ou encore à la participation à la désignation de fonctionnaires administratifs en relation avec les services en cause et à la collaboration avec les autorités publiques ainsi qu’avec des membres de corps professionnels investis de prérogatives de puissance publique.

    (cf. points 78, 80-84)

  3.  Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, lu en combinaison avec l’article 16 de cette directive, ou, depuis le 1er février 2006, en vertu de l’article 22 de la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, lu en combinaison avec l’article 35, paragraphe 4, de cette directive, un État membre qui, dans le cadre de la passation de marchés de services publics de transport médical d’urgence et de transport sanitaire qualifié selon un modèle dit «de soumission», en vertu duquel la rémunération de ces services se fait directement par les pouvoirs adjudicateurs, ne publie pas d’avis concernant les résultats de la procédure de passation des marchés.

    En effet, les services de transport médical d’urgence ou de transport sanitaire qualifié relèvent à la fois de la catégorie 2 ou 3 de l’annexe I A de la directive 92/50 ou de l’annexe II A de la directive 2004/18, et de la catégorie 25 de l’annexe I B de la directive 92/50 ou de l’annexe II B de la directive 2004/18, de sorte que les marchés ayant pour objet de tels services tombent sous l’application de l’article 10 de la directive 92/50 ou de l’article 22 de la directive 2004/18. Il résulte de ces dispositions que, dans les hypothèses de passation de marchés de services publics de transport sanitaire caractérisés par une prédominance de la valeur des services de transport par rapport à celle des services sanitaires, il incombe, notamment, au pouvoir adjudicateur de procéder à la publication d’un avis de marché au niveau de l’Union aux fins de la passation du marché en cause et d’assurer la publicité des résultats de l’attribution de ce marché. En revanche, dans les hypothèses de passation de marchés de services publics de transport sanitaire caractérisés par une prédominance de la valeur des services sanitaires par rapport à celle des services de transport, le pouvoir adjudicateur est tenu d’assurer la publicité des résultats de l’attribution du marché.

    Dans un contexte où il ne saurait être exclu qu’aucun des marchés ne soit caractérisé par une prédominance de la valeur des services de transport sur celle des services sanitaires, il y a lieu de limiter le constat de manquement aux directives 92/50 et 2004/18 à une violation de l’article 10 de la directive 92/50, lu en combinaison avec l’article 16 de cette directive, ou, depuis le 1er février 2006, de l’article 22 de la directive 2004/18, lu en combinaison avec l’article 35, paragraphe 4, de cette directive, lesdits articles étant, en tout état de cause, applicables aux marchés qui portent à la fois sur des services de transport et sur des services sanitaires, indépendamment du rapport entre la valeur respective de ces services dans le cadre du marché en cause.

    L’omission de publier les résultats de l’attribution du marché ne peut pas être justifiée par le fait que les services de transport d’urgence sont des «services d’intérêt économique général», au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE. En effet, des considérations, telles la nécessité d’assurer, en matière de services de transport sanitaire, un subventionnement croisé entre les zones géographiques rentables et moins rentables en fonction de la densité de la population ou l’importance d’un service de proximité, n’expliquent pas en quoi l’obligation d’assurer la publicité des résultats de l’attribution du marché concerné serait de nature à faire échec à l’accomplissement de cette mission d’intérêt économique général.

    (cf. points 92, 113, 114, 122, 125, 127-129, 131 et disp.)

  翻译: