ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 avril 2011 (*)

«Manquement d’État – Ressources propres de l’Union – Procédures visant à la perception des droits à l’importation ou à l’exportation – Retard dans la constatation des ressources propres afférentes à ces droits»

Dans l’affaire C‑405/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 20 octobre 2009,

Commission européenne, représentée par MM. A. Caeiros et M. Huttunen, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Finlande, représentée par Mmes A. Guimaraes-Purokoski et M. Pere, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par:

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. B. Klein, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J.-J. Kasel, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur) et M. Ilešič, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en appliquant une procédure administrative selon laquelle les ressources propres de l’Union européenne ne sont constatées qu’après que le débiteur s’est vu accorder un délai de quatorze jours au moins pour présenter ses observations et en ne respectant pas, en cas de recouvrement a posteriori, les délais prescrits pour l’inscription de ces ressources propres, ce qui a pour conséquence de retarder leur paiement, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6 et 9 à 11 des règlements (CEE, Euratom) no 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 155, p. 1), tel que modifié par le règlement (Euratom, CE) n° 1355/96 du Conseil, du 8 juillet 1996 (JO L 175, p. 3, ci-après le «règlement n° 1552/89»), et (CE, Euratom) n° 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 130, p. 1), ainsi qu’en vertu de l’article 220 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes»).

 Le cadre juridique

 Le régime des ressources propres de l’Union

 Les décisions 94/728/CE, Euratom, 2000/597/CE, Euratom et 2007/436/CE, Euratom

2        S’agissant de la période concernée par les faits du présent litige, trois décisions relatives au système des ressources propres de l’Union se sont appliquées successivement, à savoir la décision 94/728/CE, Euratom du Conseil, du 31 octobre 1994 (JO L 293, p. 9), puis, à compter du 1er janvier 2002, la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000 (JO L 253, p. 42), et, depuis le 1er janvier 2007, la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007 (JO L 163, p. 17).

3        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), des décisions 94/728 et 2000/597, dont le contenu a été repris, en substance, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget de l’Union les recettes provenant, notamment, des «droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions des Communautés sur les échanges avec les pays non membres».

4        L’article 8, paragraphe 1, desdites décisions prévoit notamment, d’une part, que les ressources propres de l’Union visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de ces mêmes décisions sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation de l’Union, et, d’autre part, que les États membres mettent lesdites ressources à la disposition de la Commission.

 Les règlements nos 1552/89 et 1150/2000

5        Le deuxième considérant du règlement n° 1150/2000, lequel est rédigé en des termes analogues à ceux du deuxième considérant du règlement n° 1552/89, énonce:

«La Communauté doit disposer des ressources propres visées à l’article 2 de la décision 94/728 […] dans les meilleures conditions possibles. […]»

6        Aux termes de l’article 2 du règlement n° 1150/2000, qui a repris en substance le libellé de l’article 2 du règlement n° 1552/89:

«1.   Aux fins de l’application du présent règlement, un droit des Communautés sur les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, points a) et b), de la décision 94/728/CE, Euratom est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

2.     La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la prise en compte prévue par la réglementation douanière.

[…]

3.     Dans les cas de contentieux, les autorités administratives compétentes sont réputées pouvoir calculer, aux fins de la constatation visée au paragraphe 1, le montant du droit dû au plus tard à l’occasion de la première décision administrative qui communique la dette au redevable, ou à l’occasion de la saisine de l’autorité judiciaire, si cette saisine intervient en premier lieu.

La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la décision ou celle du calcul à effectuer consécutivement à la saisine mentionnée au premier alinéa.

4.     Le paragraphe 1 est applicable lorsque la communication doit être rectifiée.»

7        L’article 6, paragraphes 1 et 3, sous a) et b), du règlement n° 1150/2000, dont le libellé est identique à celui de l’article 6, paragraphes 1 et 2, sous a) et b), du règlement n° 1552/89, dispose:

«1.   Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du [T]résor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[…]

3.     a)     Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité [couramment désignée comme la ‘comptabilité A’] au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b)      Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée [couramment désignée comme la ‘comptabilité B’]. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.»

8        L’article 8 du règlement n° 1150/2000, dont le contenu est en substance identique à celui de l’article 8 du règlement n° 1552/89, énonce:

«Les rectifications effectuées conformément à l’article 2, paragraphe 4, sont portées en augmentation ou en diminution du montant total des droits constatés. Elles sont reprises dans les comptabilités prévues à l’article 6, paragraphe 3, points a) et b), ainsi que dans les relevés, prévus à l’article 6, paragraphe 4, correspondant à la date de ces rectifications.

Ces rectifications font l’objet d’une mention particulière lorsqu’elles portent sur des cas de fraudes et irrégularités déjà communiqués à la Commission.»

9        Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, des règlements nos 1552/89 et 1150/2000:

«Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné.»

10      L’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1150/2000, dont le contenu est en substance identique à celui de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1552/89, était libellé comme suit:

«Après déduction de 10 % au titre des frais de perception en application de l’article 2, paragraphe 1, de la décision [94/728], l’inscription des ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de cette décision intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 du présent règlement.

Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6, paragraphe 3, point b), l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits.»

11      L’article 11 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 disposait:

«Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est égal au taux d’intérêt appliqué au jour de l’échéance sur le marché monétaire de l’État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période du retard.»

12      À la suite de l’entrée en vigueur, le 28 novembre 2004, du règlement (CE, Euratom) n° 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004, modifiant le règlement n° 1150/2000 (JO L 352, p. 1), l’article 11 du règlement n° 1150/2000 prévoit désormais:

«1.   Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard.

2.     Pour les États membres faisant partie de l’Union économique et monétaire, le taux d’intérêt est égal au taux du premier jour du mois de l’échéance, appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations de refinancement, tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, majoré de deux points.

Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard et est applicable à toute la période du retard.

[…]»

 Le code des douanes

13      Aux termes de l’article 217, paragraphe 1, premier alinéa, du code des douanes:

«Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte).»

14      L’article 220, paragraphe 1, dudit code énonce:

«Lorsque le montant des droits résultant d’une dette douanière n’a pas été pris en compte conformément aux articles 218 et 219 ou a été pris en compte à un niveau inférieur au montant légalement dû, la prise en compte du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit avoir lieu dans un délai de deux jours à compter de la date à laquelle les autorités douanières se sont aperçues de cette situation et sont en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer le débiteur (prise en compte a posteriori). Ce délai peut être augmenté conformément à l’article 219.»

15      Aux termes de l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes:

«Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.»

16      L’article 222, paragraphe 1, du code des douanes est libellé comme suit:

«Tout montant de droits qui a fait l’objet de la communication visée à l’article 221 doit être acquitté par le débiteur dans les délais suivants:

a)     Si cette personne ne bénéficie d’aucune des facilités de paiement prévues aux articles 224 à 229, le paiement doit être effectué dans le délai qui lui est imparti.

Sans préjudice de l’article 244 deuxième alinéa, ce délai ne peut excéder dix jours à compter de la communication au débiteur du montant des droits dus et, en cas de globalisation des prises en compte dans les conditions prévues à l’article 218 paragraphe 1 deuxième alinéa, il doit être fixé de façon à ne pas permettre au débiteur d’obtenir un délai de paiement plus long que s’il avait bénéficié d’un report de paiement.

Une prolongation de délai est accordée d’office lorsqu’il est établi que l’intéressé a reçu la communication trop tard pour pouvoir respecter le délai imparti pour effectuer le paiement.

En outre, une prolongation de délai peut, sur demande du débiteur, être accordée par les autorités douanières, lorsque le montant des droits à acquitter résulte d’une action en recouvrement a posteriori. Sans préjudice de l’article 229 point a) la prolongation de délai ainsi accordée ne peut excéder le temps nécessaire pour permettre au débiteur de prendre les mesures nécessaires pour s’acquitter de son obligation;

b)     si cette personne bénéficie de l’une ou l’autre des facilités de paiement prévues aux articles 224 à 229, le paiement doit avoir lieu au plus tard à l’échéance du ou des délais fixés dans le cadre de ces facilités.»

 La procédure précontentieuse

17      Dans le cadre d’un contrôle des ressources propres traditionnelles effectué en Finlande au mois de juin de l’année 1998, la Commission a estimé que, dans certains cas de recouvrement a posteriori, les autorités finlandaises avaient constaté de manière tardive les ressources propres de l’Union, ce qui, selon elle, a pu conduire à des retards dans la mise à disposition de celles-ci.

18      De tels retards résulteraient d’une pratique fondée sur l’article 34 de la loi finlandaise 434/2003 relative aux procédures administratives (hallintolaki), en vertu duquel les parties à une procédure administrative ont le droit d’être entendues avant qu’une décision administrative ne soit prise à leur égard. Selon la Commission, lorsqu’elles s’aperçoivent que les droits résultant d’une dette douanière n’ont pas été pris en compte ou l’ont été à un niveau inférieur au montant légalement dû, les autorités finlandaises envoient au débiteur une proposition dans laquelle celui-ci est identifié et sont indiqués le montant de la dette douanière ainsi que les motifs du recouvrement a posteriori. Le débiteur disposerait alors d’un délai de quatorze jours pour présenter ses observations éventuelles et ce n’est qu’à l’issue de ce délai que lesdites autorités prendraient une décision définitive sur la dette douanière et procéderaient à la prise en compte et à la constatation des ressources propres qui en résultent.

19      Une abondante correspondance a été échangée entre la République de Finlande et la Commission et, le 5 juillet 2005, cette dernière a mis ledit État membre en demeure de modifier sa pratique et de lui communiquer toutes les données comptables pertinentes concernant les cas de recouvrement a posteriori postérieurs au 1er janvier 1997 dans lesquels l’application de la réglementation nationale avait retardé la mise à disposition des ressources propres de l’Union, de façon à pouvoir calculer le montant des intérêts de retard éventuellement dus en application de l’article 11 du règlement n° 1150/2000.

20      À l’issue d’un nouvel échange de correspondance dans lequel la République de Finlande faisait valoir que les arguments de la Commission étaient dénués de fondement, cette dernière a, le 12 octobre 2006, adressé à cet État membre un avis motivé fondé sur les articles 2, 6 et 9 à 11 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 ainsi que sur l’article 220 du code des douanes, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

21      La Finlande a répondu audit avis motivé par lettre du 13 décembre 2006, dans laquelle elle réitérait les termes de sa réponse à la lettre de mise en demeure en soutenant, d’une part, qu’elle n’avait pas enfreint la réglementation relative aux ressources propres de l’Union ni le code des douanes et, d’autre part, que la consultation du débiteur est nécessaire pour la détermination des droits dus par ce dernier.

22      Du 19 au 23 mai 2008, des agents de la Commission ont effectué un contrôle des ressources propres en Finlande. Après avoir analysé un échantillon de 20 cas représentatifs pour les districts douaniers de Helsinki et de Turku, ils ont considéré que, dans 16 cas sur 20, les ressources propres avaient été mises à la disposition de la Commission avec retard par rapport aux délais prévus par la réglementation applicable de l’Union.

23      Compte tenu de la réponse de la République de Finlande à l’avis motivé et des faits mis en évidence par ledit contrôle, la Commission a, le 16 octobre 2008, émis un avis motivé complémentaire.

24      La République de Finlande a répondu audit avis motivé par lettre du 12 décembre 2008.

25      N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a introduit le présent recours.

26      Par ordonnance du président de la Cour du 9 mars 2010, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la République de Finlande.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

27      La Commission fait valoir que la République de Finlande méconnaît les articles 2, 6 et 9 à 11 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 ainsi que l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes dans la mesure où les autorités finlandaises procèdent avec retard à la prise en compte a posteriori du montant des droits résultant d’une dette douanière et, en conséquence, à la constatation ainsi qu’à la mise à disposition de la Commission des ressources propres correspondantes.

28      Elle soutient, en effet, que les autorités finlandaises sont en mesure de calculer le montant des droits résultant de la dette douanière et de déterminer le débiteur lorsqu’elles adressent à celui-ci une proposition de mise en recouvrement. Celles-ci seraient dès lors tenues, d’une part, de prendre en compte le montant de ces droits dans le délai prescrit à l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes et, d’autre part, de constater et de mettre à la disposition de la Commission ce montant conformément aux articles 2, 6 et 9 à 11 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000.

29      La République de Finlande, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que les conditions de la prise en compte au sens de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes ne sont remplies que si le débiteur a eu l’occasion de présenter des observations à l’égard de la proposition de mise en recouvrement.

30      Selon ces États membres, les autorités nationales ont l’obligation, conformément au principe du respect des droits de la défense, d’entendre le débiteur à l’occasion d’une procédure de recouvrement a posteriori de droits résultant d’une dette douanière.

31      La République de Finlande, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait également valoir que l’audition du débiteur fait partie intégrante de la procédure conduisant à la détermination du montant légalement dû et à recouvrer au sens de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes. À cet égard, la proposition de mise en recouvrement constituerait non pas un acte définitif, mais une mesure préparatoire à la décision de mise en recouvrement a posteriori, notamment en raison du fait que cette proposition n’a d’effet contraignant ni pour le débiteur ni pour l’administration.

32      Selon la République de Finlande, il ressort en outre de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1150/2000 que le paragraphe 1 du même article doit être interprété en ce sens que c’est à la date de l’adoption de la première décision administrative, qui correspond en Finlande à la décision de mise en recouvrement a posteriori, que le droit de l’Union sur les ressources propres peut être constaté et non pas antérieurement à cette date.

33      La République fédérale d’Allemagne fait valoir, à titre subsidiaire, que, même si la Cour devait considérer que les conditions d’une prise en compte a posteriori de la dette douanière, au titre de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes, sont déjà réunies à la date à laquelle les autorités douanières finlandaises transmettent une proposition de mise en recouvrement au débiteur, l’obligation pour l’État membre de verser les ressources propres à l’Union n’existerait pas encore pour autant. Selon cet État membre, un droit de l’Union sur les ressources propres doit être constaté, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1150/2000, lorsque sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne non seulement la prise en compte du montant du droit, mais également la communication de celui-ci au débiteur. Or, l’envoi de la proposition de mise en recouvrement ne constituerait pas une «communication» de la dette douanière au sens de l’article 221 dudit code.

34      À titre encore plus subsidiaire, la République fédérale d’Allemagne soutient que, si la Cour devait considérer que la prise en compte et la communication du montant du droit au débiteur et, partant, la constatation des ressources propres en application de l’article 2 du règlement n° 1150/2000 interviennent à la date à laquelle les autorités douanières notifient à ce débiteur une proposition de mise en recouvrement, les ressources propres concernées devraient être reprises dans la comptabilité séparée, conformément à l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1150/2000.

 Appréciation de la Cour

35      Il convient de rappeler d’emblée que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, des règlements nos 1552/89 et 1150/2000, les États membres sont tenus de constater un droit sur les ressources propres «dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable».

36      En outre, il découle de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes que les conditions de la prise en compte a posteriori du montant des droits de douane à recouvrer ou restant à recouvrer sont remplies lorsque les autorités douanières se sont aperçues de cette situation et qu’elles sont en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer le débiteur (arrêts du 23 février 2006, Commission/Espagne, C‑546/03, point 27, et du 17 juin 2010, Commission/Italie, C‑423/08, non encore publié au Recueil, point 38).

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler également que, selon une jurisprudence constante, les États membres ont l’obligation de constater les ressources propres de l’Union. En effet, l’article 2, paragraphe 1, des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 doit être interprété en ce sens que les États membres ne peuvent pas se dispenser de constater les créances, même s’ils les contestent, sous peine d’admettre que l’équilibre financier de l’Union soit bouleversé, ne fût-ce qu’à titre temporaire, par le comportement d’un État membre (arrêts précités Commission/Espagne, point 28, et Commission/Italie, point 39).

38      Il s’ensuit que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que les autorités douanières disposent des éléments nécessaires et, partant, sont en mesure de calculer le montant des droits qui résulte d’une dette douanière et de déterminer le débiteur (arrêts précités Commission/Espagne, point 29, et Commission/Italie, point 40).

39      Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que, lorsque les autorités douanières communiquent au débiteur un acte administratif, quelle que soit sa dénomination, constatant l’existence d’un défaut total ou partiel de paiement des dettes douanières et indiquant le montant des droits de douane qu’elles estiment légalement dû, elles sont, à cette occasion, en mesure de calculer le montant des droits qui résulte d’une dette douanière et de déterminer le débiteur (arrêt Commission/Italie, précité, point 41).

40      S’agissant de l’argument de la République de Finlande selon lequel il découle de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1150/2000 que le droit de l’Union sur les ressources propres ne peut être constaté avant l’adoption de la décision administrative qui communique le montant de la dette au débiteur, laquelle correspond en l’occurrence à la décision de mise en recouvrement a posteriori, il suffit de relever qu’il résulte du libellé de cette disposition, et en particulier de l’expression «au plus tard», que la date à laquelle ledit droit doit être constaté dans les cas de contentieux peut être antérieure à celle de l’adoption de cette décision administrative.

41      En conséquence, la prise en compte a posteriori du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit intervenir, en principe, en application de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes, dans un délai de deux jours à compter de la date de la communication au débiteur d’une proposition de mise en recouvrement qui remplit les conditions mentionnées au point 38 du présent arrêt (arrêts précités Commission/Espagne, point 32, et Commission/Italie, point 42).

42      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation selon laquelle la pratique des autorités finlandaises ne saurait être constitutive d’un manquement aux obligations des États membres résultant des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 et du code des douanes au motif qu’elle permet au débiteur de faire valoir ses observations avant qu’une décision ne soit prise à son encontre et, partant, participe à la protection des droits de la défense.

43      En effet, si le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui s’applique dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief, il ne saurait en revanche, en ce qui concerne les rapports entre les États membres et l’Union, avoir pour conséquence de permettre à un État membre de méconnaître son obligation de constater, dans les délais prévus par la réglementation de l’Union, le droit de cette dernière sur ses ressources propres (voir arrêts précités Commission/Espagne, point 33, ainsi que Commission/Italie, points 44 et 45).

44      Par ailleurs, il convient de rappeler que la prise en compte et la communication des droits de douane dus ainsi que l’inscription des ressources propres n’empêche pas le débiteur de contester, en application des articles 243 et suivants du code des douanes, l’obligation qui lui est imputée en faisant valoir tous les arguments susceptibles d’être utilement invoqués (arrêt Commission/Italie, précité, point 46).

45      À cet égard, la République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’une correction fréquente des dettes douanières pourrait avoir pour conséquence des dépenses importantes pour les États membres. Il convient cependant de rappeler que la réglementation de l’Union en matière de recouvrement de la dette douanière doit être interprétée à la lumière de l’objectif d’une mise à disposition rapide et efficace des ressources propres de l’Union (arrêt du 5 octobre 2006, Commission/Belgique, C‑378/03, Rec. p. I‑9805, point 48 et jurisprudence citée), de sorte que des considérations d’ordre économique, à supposer qu’elles soient établies, ne sauraient permettre à un État membre de se soustraire à son obligation de prendre en compte le montant des droits de douane à recouvrer dans les délais prévus par ladite réglementation.

46      En outre, dans l’hypothèse où les autorités nationales ont déjà inscrit les droits constatés dans la comptabilité des ressources propres, avant que ceux-ci ne soient contestés, les articles 2 et 8 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 autorisent ces dernières à rectifier les communications et à porter ces rectifications en diminution du montant total des droits constatés dans les cas où, par la suite, les contestations se sont avérées fondées (arrêt Commission/Italie, précité, point 48).

47      Concernant la comptabilisation des ressources propres, il y a lieu de rappeler que, en application des articles 6, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1552/89 et 6, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1150/2000, les États membres sont en principe tenus de reprendre dans la comptabilité A les droits constatés conformément à l’article 2 de ces règlements au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

48      Toutefois, conformément aux articles 6, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1552/89 et 6, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1150/2000, les États membres ont la faculté d’inscrire dans la comptabilité B, dans le même délai, les droits constatés qui n’ont «pas encore été recouvrés» et pour lesquels «aucune caution n’a été fournie», ainsi que les droits constatés et «couverts par des garanties[, qui] font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus». Par conséquent, seuls les droits constatés pour lesquels des variations sont possibles en raison du fait que l’existence ou le montant des créances sont contestés par le destinataire de la proposition de mise en recouvrement peuvent faire l’objet d’une inscription dans la comptabilité B (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne, C‑105/02, Rec. p. I‑9659, point 76, et Commission/Belgique, C‑377/03, Rec. p. I‑9733, point 82).

49      En outre, il convient de rappeler que, en application de l’article 11 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000, tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, de ces règlements donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt applicable à toute la période du retard.

50      À cet égard, selon une jurisprudence constante, il existe un lien indissociable entre l’obligation de constater les ressources propres de l’Union, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et, enfin, celle de verser des intérêts de retard, ces derniers étant exigibles quelle que soit la raison du retard avec lequel ces ressources ont été portées au compte de la Commission (voir, notamment, arrêts précités Commission/Espagne, point 35, et Commission/Italie, point 49).

51      Par conséquent, il y a lieu de constater que, en appliquant une procédure administrative selon laquelle les ressources propres de l’Union ne sont constatées qu’après que le débiteur s’est vu accorder un délai de quatorze jours au moins pour présenter ses observations et en ne respectant pas, en cas de recouvrement a posteriori, les délais prescrits pour l’inscription desdites ressources, ce qui a pour conséquence de retarder leur paiement, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6 et 9 à 11 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000, ainsi qu’en vertu de l’article 220 du code des douanes.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Finlande et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      En appliquant une procédure administrative selon laquelle les ressources propres de l’Union européenne ne sont constatées qu’après que le débiteur s’est vu accorder un délai de quatorze jours au moins pour présenter ses observations et en ne respectant pas, en cas de recouvrement a posteriori, les délais prescrits pour l’inscription desdites ressources, ce qui a pour conséquence de retarder leur paiement, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6 et 9 à 11 des règlements (CEE, Euratom) no 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés, tel que modifié par le règlement (Euratom, CE) n° 1355/96 du Conseil, du 8 juillet 1996, et (CE, Euratom) n° 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés, ainsi qu’en vertu de l’article 220 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire.

2)     La République de Finlande est condamnée aux dépens.

3)     La République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le finnois.

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