ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

3 décembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 56 TFUE – Applicabilité – Situation purement interne – Directive 2000/31/CE – Article 2, sous a) – Notion de “services de la société de l’information” – Article 3, paragraphes 2 et 4 – Article 4 – Applicabilité – Directive 2006/123/CE – Services – Chapitres III (Liberté d’établissement des prestataires) et IV (Libre circulation des services) – Applicabilité – Articles 9 et 10 – Directive (UE) 2015/1535 – Article 1er, paragraphe 1, sous e) et sous f) – Notion de “règle relatives aux services” – Notion de “règle technique” – Article 5, paragraphe 1 – Défaut de communication préalable – Opposabilité – Activité de mise en relation, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de personnes souhaitant effectuer un déplacement urbain et de chauffeurs de taxi autorisés – Qualification – Réglementation nationale soumettant cette activité à un régime d’autorisation préalable »

Dans l’affaire C‑62/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), par décision du 14 décembre 2018, parvenue à la Cour le 29 janvier 2019, dans la procédure

Star Taxi App SRL

contre

Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul Bucureşti prin Primar General,

Consiliul General al Municipiului Bucureşti,

en présence de :

IB,

Camera Naţională a Taximetriştilor din România,

D’Artex Star SRL,

Auto Cobălcescu SRL,

Cristaxi Service SRL,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. N. Piçarra, D. Šváby (rapporteur), S. Rodin et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Star Taxi App SRL, initialement par Me C. Băcanu, puis par G. C. A. Ioniţă, avocați ,

pour Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul Bucureşti prin Primar General, par M. M. Teodorescu, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. Bulterman et M. J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. S. L. Kalėda et L. Malferrari ainsi que par Mmes L. Nicolae et Y. G. Marinova, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 56 TFUE, de l’article 1er, point 2, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217, p. 18) (ci-après la « directive 98/34 »), de l’article 2, sous a), de l’article 3, paragraphes 2 et 4, et de l’article 4 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1), des articles 9, 10 et 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), et, enfin, de l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 2015, L 241, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Star Taxi App SRL à l’Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul București prin Primar General (unité administrative territoriale de la municipalité de Bucarest, Roumanie, ci-après la « municipalité de Bucarest ») et au Consiliul General al Municipiului București (conseil général de la municipalité de Bucarest) au sujet d’une réglementation subordonnant l’exercice d’une activité de mise en relation, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de personnes souhaitant effectuer un déplacement urbain et de chauffeurs de taxi autorisés, à l’obtention d’une autorisation préalable.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 98/34

3

La directive 2015/1535 a abrogé et remplacé, à compter du 7 octobre 2015, la directive 98/34 et les références faites à cette dernière s’entendent désormais comme faites à la directive 2015/1535, en vertu de l’article 10, second alinéa, de celle-ci.

4

En particulier, l’article 1er, premier alinéa, point 2, de la directive 98/34 a été remplacé, dans des termes identiques, par l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

La directive 2000/31

5

L’article 2, sous a), de la directive 2000/31 définit les « services de la société de l’information » comme étant « les services au sens de l’article 1er, [paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535] ».

6

L’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31 se lit comme suit :

« 2.   Les État membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre.

[...]

4.   Les États membres peuvent prendre, à l’égard d’un service donné de la société de l’information, des mesures qui dérogent au paragraphe 2 si les conditions suivantes sont remplies :

a)

les mesures doivent être :

i)

nécessaires pour une des raisons suivantes :

l’ordre public, en particulier la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre l’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité et contre les atteintes à la dignité de la personne humaine,

la protection de la santé publique,

la sécurité publique, y compris la protection de la sécurité et de la défense nationales,

la protection des consommateurs, y compris des investisseurs ;

ii)

prises à l’encontre d’un service de la société de l’information qui porte atteinte aux objectifs visés au point i) ou qui constitue un risque sérieux et grave d’atteinte à ces objectifs ;

iii)

proportionnelles à ces objectifs ;

b)

l’État membre a préalablement et sans préjudice de la procédure judiciaire, y compris la procédure préliminaire et les actes accomplis dans le cadre d’une enquête pénale :

demandé à l’État membre visé au paragraphe 1 de prendre des mesures et ce dernier n’en a pas pris ou elles n’ont pas été suffisantes,

notifié à la Commission et à l’État membre visé au paragraphe 1 son intention de prendre de telles mesures. »

7

Aux termes de l’article 4 de cette directive :

« 1.   Les États membres veillent à ce que l’accès à l’activité d’un prestataire de services de la société de l’information et l’exercice de celle-ci ne puissent pas être soumis à un régime d’autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent.

2.   Le paragraphe 1 est sans préjudice des régimes d’autorisation qui ne visent pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l’information ou qui sont couverts par la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services des télécommunications [JO 1997, L 117, p. 15]. »

La directive 2006/123

8

Le considérant 21 de la directive 2006/123 énonce :

« Les services de transport, y compris les transports urbains, les taxis et les ambulances, ainsi que les services portuaires, devraient être exclus du champ d’application de la présente directive. »

9

L’article 2, paragraphe 2, sous d), de cette directive prévoit que celle-ci ne s’applique pas aux services dans le domaine des transports, y compris les services portuaires, qui entrent dans le champ d’application du titre V de la troisième partie du traité CE, qui est devenu le titre VI de la troisième partie du traité FUE.

10

L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Si les dispositions de la présente directive sont en conflit avec une disposition d’un autre acte communautaire régissant des aspects spécifiques de l’accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques, la disposition de l’autre acte communautaire prévaut et s’applique à ces secteurs ou professions spécifiques. Ces actes incluent :

a)

la directive 96/71/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1)] ;

b)

le règlement (CEE) no 1408/71 [du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1)] ;

c)

la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle [JO 1989, L 298, p. 23] ;

d)

la directive 2005/36/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22)]. »

11

L’article 4, point 1, de la directive 2006/123 définit le « service » comme toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 57 TFUE.

12

Le chapitre III de cette directive, intitulé « Liberté d’établissement des prestataires », comporte les articles 9 à 15 de celle-ci. L’article 9 de ladite directive énonce :

« 1.   Les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation que si les conditions suivantes sont réunies :

a)

le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ;

b)

la nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

2.   Dans le rapport prévu à l’article 39, paragraphe 1, les États membres indiquent leurs régimes d’autorisation et en motivent la compatibilité avec le paragraphe 1 du présent article.

3.   La présente section ne s’applique pas aux aspects des régimes d’autorisation qui sont régis directement ou indirectement par d’autres instruments communautaires. »

13

Aux termes de l’article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123 :

« 1.   Les régimes d’autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire.

2.   Les critères visés au paragraphe 1 sont :

a)

non discriminatoires ;

b)

justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

proportionnels à cet objectif d’intérêt général ;

d)

clairs et non ambigus ;

e)

objectifs ;

f)

rendus publics à l’avance ;

g)

transparents et accessibles. »

14

Sous le chapitre IV de cette directive, relatif à la libre circulation des services, figure l’article 16 de celle-ci, qui dispose :

« 1.   Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants :

a)

la non-discrimination : l’exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l’État membre dans lequel elles sont établies ;

b)

la nécessité : l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement ;

c)

la proportionnalité : l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

2.   Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l’une des exigences suivantes :

a)

l’obligation pour le prestataire d’avoir un établissement sur leur territoire ;

b)

l’obligation pour le prestataire d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris une inscription dans un registre ou auprès d’un ordre ou d’une association professionnels existant sur leur territoire, sauf dans les cas visés par la présente directive ou par d’autres instruments de la législation communautaire ;

c)

l’interdiction pour le prestataire de se doter sur leur territoire d’une certaine forme ou d’un certain type d’infrastructure, y compris d’un bureau ou d’un cabinet d’avocats, dont le prestataire a besoin pour fournir les services en question ;

d)

l’application d’un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui empêche ou limite la prestation de service à titre indépendant ;

e)

l’obligation, pour le prestataire, de posséder un document d’identité spécifique à l’exercice d’une activité de service délivré par leurs autorités compétentes ;

f)

les exigences affectant l’utilisation d’équipements et de matériel qui font partie intégrante de la prestation du service, à l’exception de celles nécessaires à la santé et la sécurité au travail ;

g)

les restrictions à la libre prestation des services visées à l’article 19. »

La directive 2015/1535

15

L’article 1er, paragraphe 1, sous b), e) et f), de la directive 2015/1535 énonce :

« 1.   Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

b)

“service”, tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

Aux fins de la présente définition, on entend par :

i)

“à distance”, un service fourni sans que les parties soient simultanément présentes ;

ii)

“par voie électronique”, un service envoyé à l’origine et reçu à destination au moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ;

iii)

“à la demande individuelle d’un destinataire de services”, un service fourni par transmission de données sur demande individuelle.

[...]

e)

“règle relative aux services”, une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services au sens du point b) et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis audit point.

Aux fins de la présente définition :

i)

une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services ;

ii)

une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente ;

f)

“règle technique”, une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...] »

16

L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive prévoit :

« Sous réserve de l’article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. »

17

Aux termes de l’article 10, second alinéa, de ladite directive :

« Les références faites à la directive [98/34] abrogée s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe IV. »

Le droit roumain

La loi no 38/2003

18

L’article 1er bis de la Legea nr. 38/2003 privind transportul în regim de taxi și în regim de închiriere (loi no 38/2003, relative au transport par taxi et véhicule de location), du 20 janvier 2003 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 45 du 28 janvier 2003), dans la version applicable aux faits du litige au principal, dispose :

« [...]

j)

dispatching de taxis, ci-après “dispatching” : activité connexe au transport par taxi, consistant à recevoir par téléphone ou par d’autres moyens les commandes des clients et à les transmettre au chauffeur de taxi au moyen d’un émetteur-récepteur radio ».

19

L’article 15 de cette loi prévoit :

« 1.   L’activité de dispatching de taxis peut être exercée uniquement dans les limites de la localité visée par l’autorisation par toute personne morale, ci-après dénommée “centrale de réservation”, disposant d’une autorisation délivrée par l’autorité compétente, conformément à la présente loi.

2.   L’autorisation de dispatching de taxis peut être obtenue en déposant les pièces suivantes :

a)

une copie du certificat d’immatriculation délivré par le registre du commerce ;

b)

une déclaration sur l’honneur du gestionnaire de transport par taxi ou véhicule de location, selon laquelle la centrale de réservation dispose des moyens techniques nécessaires, d’un émetteur-récepteur radio, d’une fréquence radio sécurisée, de personnel autorisé et des espaces nécessaires ;

c)

une copie du certificat d’opérateur de radiotéléphonie des employés de la centrale de réservation de taxis délivré par l’autorité compétente en matière de communications ;

d)

une copie de la licence d’utilisation des fréquences radioélectriques délivrée par l’autorité compétente.

[...]

5.   Les transporteurs autorisés qui fournissent des services de taxi font appel à une centrale de réservation conformément à la présente loi, sur la base d’un contrat de dispatching conclu avec celle-ci dans des conditions non discriminatoires.

6.   Les services de dispatching sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés, qui exercent leur activité dans une localité, à l’exception des localités où moins de cent licences de taxi ont été délivrées, où ce service est facultatif.

[...]

8.   Les contrats de dispatching de taxis conclus avec des transporteurs autorisés doivent contenir des clauses relatives aux obligations des parties de respecter la réglementation en matière de qualité et de légalité du service fourni ainsi que les tarifs de distance convenus.

9.   Les taxis desservis par une centrale de réservation peuvent fournir le service de transport en appliquant un tarif unique ou des tarifs différenciés en fonction de la catégorie de véhicules, conformément au contrat de dispatching.

10.   La centrale de réservation met à la disposition des transporteurs autorisés qu’elle dessert les émetteurs-récepteurs radio pour en équiper les taxis, sur la base d’un contrat de location conclu dans des conditions non discriminatoires. »

La décision no 178/2008

20

Sur le territoire de la municipalité de Bucarest, les services de taxi sont réglementés par les dispositions de la Hotărârea Consiliului General al Municipiului București nr. 178/2008 privind aprobarea Regulamentului cadru, a Caietului de sarcini și a contractului de atribuire în gestiune delegată pentru organizarea și executarea serviciului public de transport local în regim de taxi (décision no 178/2008 du conseil général de la municipalité de Bucarest portant approbation du règlement-cadre, du cahier des charges et du contrat d’attribution en gestion déléguée de l’organisation et de la fourniture du service public de taxi local), du 21 avril 2008, telle que modifiée par la décision du conseil général de la municipalité de Bucarest no 626/2017, du 19 décembre 2017 (ci-après la « décision no 178/2008 »).

21

L’article 3 de l’annexe 1 de la décision no 178/2008 énonce :

« Les termes et notions employés et définis dans la loi no 38/2003 ont ici le même sens et, aux fins du présent règlement-cadre, on entend par :

[...]

i bis)

dispatching par tout autre moyen : activité exercée par une centrale de réservation autorisée par l’autorité compétente à recevoir les commandes des clients au moyen d’une application informatique ou de commandes effectuées sur le site internet d’une centrale de réservation autorisée et à les transmettre aux chauffeurs de taxi au moyen d’un émetteur-récepteur radio.

i ter)

application informatique : logiciel, installé et fonctionnant sur un appareil mobile ou fixe, appartenant exclusivement à la centrale de réservation autorisée, dont elle porte le nom.

[...] »

22

L’article 21 de cette annexe 1 est libellé en ces termes :

« 1.   Sur le territoire de la municipalité de Bucarest, les services de dispatching sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés et peuvent être fournis uniquement par les centrales de réservation autorisées par l’autorité compétente en matière d’autorisation de la municipalité de Bucarest, dans des conditions assurant au client la possibilité de faire appel à ces services par téléphone ou par d’autres moyens, y compris au moyen d’applications connectées à l’internet portant obligatoirement le nom de la centrale de réservation qui figure dans l’autorisation de dispatching délivrée par l’autorité compétente en matière d’autorisation de la municipalité de Bucarest.

[...]

3   bis. Les services de dispatching sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés qui exercent l’activité de taxi sur le territoire de la municipalité de Bucarest et peuvent être fournis uniquement par les centrales de réservation autorisées par l’autorité compétente en matière d’autorisation de la municipalité de Bucarest, dans des conditions assurant au client la possibilité de faire appel à ces services par téléphone ou par d’autres moyens (applications informatiques, commandes effectuées sur le site internet d’une centrale de réservation) et de les transmettre aux chauffeurs de taxi au moyen d’un émetteur-récepteur radio. »

23

L’article 41, paragraphe 2 bis, de ladite annexe prévoit :

« Dans l’exercice de l’activité de taxi, les chauffeurs de taxi ont notamment l’obligation de ne pas utiliser de téléphones ou d’autres appareils mobiles durant la fourniture du service de transport. »

24

L’article 59, point 6 bis, de la même annexe énonce :

« Le non-respect des obligations établies à l’article 21, paragraphe 3 bis, qui sont applicables à toutes les activités assimilées indépendamment du mode et de l’environnement par lequel elles sont réalisées et ont pour résultat de mettre en relation un chauffeur non autorisé ou un transporteur par taxi autorisé pour le transport d’une personne ou d’un groupe de personnes sur le territoire de la municipalité de Bucarest, est passible d’une amende comprise entre 4500 et 5000 [lei roumains (RON) (environ 925 et 1025 euros)]. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25

Star Taxi App est une société de droit roumain établie à Bucarest qui exploite une application pour téléphone intelligent éponyme mettant en relation directe les utilisateurs de services de taxi avec les chauffeurs de taxi.

26

La juridiction de renvoi décrit le fonctionnement de cette application, téléchargeable gratuitement, comme suit.

27

Lorsqu’une personne désire effectuer un déplacement urbain, elle procède à une recherche au moyen de ladite application qui propose alors une liste de chauffeurs de taxi disponibles, indiquant cinq ou six types de voitures proposant différents tarifs. Le client peut choisir l’un des chauffeurs de la liste sur la base des commentaires et des notes attribués antérieurement par d’autres clients, tout en ayant la possibilité de refuser la commande. Star Taxi App ne transmet toutefois pas les commandes aux chauffeurs de taxi et ne fixe pas le prix de la course, laquelle est payée directement au chauffeur à la fin de celle-ci.

28

Star Taxi App fournit ce service en concluant directement des contrats de fourniture de services avec les chauffeurs de taxi professionnellement habilités à effectuer des transports par taxi, sans qu’elle ne les sélectionne. L’objet de ces contrats consiste à mettre à la disposition de ces chauffeurs une application informatique, dénommée « STAR TAXI – chauffeur », un téléphone intelligent sur lequel cette application est installée et une carte SIM incluant un volume de données limité, en contrepartie du paiement d’un abonnement mensuel. En outre, Star Taxi App n’exerce de contrôle ni sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ni sur le comportement de ces derniers.

29

Le 19 décembre 2017, le conseil général de la municipalité de Bucarest a adopté, sur le fondement de la loi no 38/2003, la décision no 626/2017.

30

À cet égard, la juridiction de renvoi indique que cette dernière décision a, en introduisant les points i bis) et i ter) à l’article 3 de l’annexe 1 de la décision no 178/2008, étendu la définition de l’activité de « dispatching » soumise à l’autorisation préalable prévue par la loi no 38/2003 à l’activité de même nature effectuée au moyen d’une application informatique. En modifiant l’article 21 de cette annexe, ladite décision a également rendu obligatoires les services de dispatching pour tous les taxis des transporteurs autorisés. Ainsi, ces services ne peuvent être fournis que par les centrales de réservation de taxis autorisées par l’autorité compétente, dans des conditions assurant au client la possibilité de faire appel à ces services par téléphone ou par d’autres moyens, y compris au moyen d’applications connectées à l’internet portant obligatoirement le nom de la centrale de réservation qui figure dans l’autorisation de dispatching délivrée par l’autorité compétente. Enfin, la même décision a ajouté, au point 6 bis de l’article 59 de la décision no 178/2008, que le non-respect de ces règles est désormais passible d’une amende comprise entre 4500 et 5000 RON (environ 925 et 1025 euros).

31

Pour avoir contrevenu à cette réglementation, Star Taxi App s’est vu infliger une amende de 4500 RON (environ 925 euros).

32

Estimant toutefois que son activité constitue un service de la société de l’information, lequel ne peut être soumis à un régime d’autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent en vertu de l’article 4 de la directive 2000/31, Star Taxi App a introduit une réclamation administrative préalable par laquelle elle a demandé la révocation de la décision no 626/2017. Cette réclamation a été rejetée au motif que l’adoption de la réglementation contestée avait été rendue nécessaire par le nombre considérable de commandes passées auprès d’entités juridiques non autorisées et que cette réglementation n’enfreignait pas la liberté de prestation de services par voie électronique dès lors qu’elle encadre un service d’intermédiation en rapport avec l’activité de transport de personnes par taxi.

33

Star Taxi App a alors saisi le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie) d’un recours en annulation de la décision no 626/2017.

34

La juridiction de renvoi constate que le service en cause devant elle se distingue de celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C‑434/15, EU:C:2017:981), dans lequel elle relève que la Cour a considéré qu’un service d’intermédiation, qui avait pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain, devait être qualifié de « service dans le domaine des transports », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123, exclu du champ d’application de la libre prestation des services en général et, plus particulièrement, de la directive 2006/123 et de la directive 2000/31. À la différence du prestataire de service en cause dans ladite affaire, Star Taxi App ne sélectionne pas de chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule, mais conclut des contrats de fourniture de services avec des chauffeurs professionnellement habilités à effectuer des transports par taxi, ne fixe pas le prix de la course ni ne le perçoit auprès du client, qui paie celui-ci directement au chauffeur de taxi, pas plus qu’elle n’exerce un contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ainsi que sur le comportement de ces derniers.

35

Pour autant, cette juridiction éprouve des doutes sur le point de savoir si le service fourni par Star Taxi App doit être qualifié de « service de la société de l’information » et, dans l’affirmative, si une réglementation subordonnant la fourniture d’un tel service à un régime d’autorisation préalable est conforme à la directive 2000/31 et doit être communiquée à la Commission avant son adoption, conformément à l’article 5 de la directive 2015/1535.

36

C’est dans ces conditions que le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

[L’article 1er, premier alinéa, point 2, de la directive 98/34 et l’article 2, sous a), de la directive 2000/31], aux termes desquels un service de la société de l’information est un “service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services”, doivent-[ils] être interprét[és] en ce sens qu’une activité telle que celle exercée par Star Taxi App (c’est-à-dire un service consistant à mettre en relation directe, au moyen d’une application électronique, des clients et des chauffeurs de taxi) doit être considérée comme un service propre à la société de l’information et à l’économie collaborative [étant donné que Star Taxi App ne satisfait pas aux critères visés par la Cour au point 39 de l’arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C‑434/15, EU:C:2017:981), relatif à Uber, pour être un transporteur] ?

2)

Dans l’hypothèse où [le service fourni par] Star Taxi App serait considéré comme un service de la société de l’information, l’activité de cette société bénéficie-t-elle du principe de libre prestation des services en vertu de l’article 4 de la directive 2000/31, des articles 9, 10 et 16 de la directive 2006/123 ainsi que de l’article 56 TFUE et, dans l’affirmative, ces dispositions s’opposent-elles à une réglementation telle que [celle figurant à l’article 3, à l’article 21, paragraphes 1 et 3 bis, à l’article 41, paragraphe 2 bis, et à l’article 59, point 6 bis, de l’annexe 1 de la décision no 178/2008] ?

3)

Dans l’hypothèse où la directive 2000/31 serait applicable au service fourni par Star Taxi App, les restrictions auxquelles un État membre soumet la libre prestation d’un service électronique en exigeant l’obtention d’une autorisation ou d’une licence constituent-elles des mesures [pouvant déroger, en vertu du paragraphe 4 de l’article 3 de cette directive, au paragraphe 2 de cet article] ?

4)

L’article 5 de la directive 2015/1535 s’oppose-t-il à l’adoption sans notification préalable à la Commission d’une réglementation telle que [celle figurant à l’article 3, à l’article 21, paragraphes 1 et 3 bis, à l’article 41, paragraphe 2 bis, et à l’article 59, point 6 bis, de l’annexe 1 de la décision no 178/2008] ? »

La procédure devant la Cour

37

Ayant décidé de statuer sans tenir d’audience, en raison des risques sanitaires liés à la pandémie de coronavirus, la Cour a adressé aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne plusieurs questions pour réponse écrite auxquels ont répondu Star Taxi App et la Commission.

Sur les questions

Sur la première question

38

Il convient, à titre liminaire, de relever, d’une part, que la juridiction de renvoi se réfère, dans la première question, à l’article 1er, premier alinéa, point 2, de la directive 98/34. Cependant, cette directive a été abrogée et remplacée, avant l’adoption de la décision no 626/2017, par la directive 2015/1535, dont l’article 10, second alinéa, prévoit que les références faites à la directive 98/34 s’entendent comme faites à la directive 2015/1535. Dès lors, il convient de se référer, dans le cadre de la présente question, à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de cette dernière directive.

39

D’autre part, la juridiction de renvoi se limite dans sa question à indiquer que l’activité en cause au principal revêt la forme d’un service consistant à mettre en relation directe, au moyen d’une application électronique, des clients et des chauffeurs de taxi, qui ne satisfait toutefois pas aux critères visés par la Cour au point 39 de l’arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C‑434/15, EU:C:2017:981).

40

Pour autant, ainsi que cela est indiqué aux points 26 à 28 et 34 du présent arrêt, elle fournit dans sa décision de renvoi de plus amples précisions quant aux modalités d’organisation de l’activité concernée. Est, en effet, en cause au principal un service d’intermédiation mettant en relation, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, des personnes voulant se déplacer en taxi et des chauffeurs de taxi autorisés. Il est encore précisé que ces derniers doivent payer un abonnement mensuel pour l’utilisation de cette application, mais que le prestataire de services ne leur transmet pas directement les commandes ni ne fixe le prix de la course, dont le paiement n’est pas effectué par son intermédiaire. Il convient donc d’en tenir pleinement compte aux fins de la réponse à apporter à la première question.

41

Aussi, il y a lieu de comprendre que la première question porte, en substance, sur le point de savoir si l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, doit être interprété en ce sens que constitue un « service de la société de l’information », au sens de ces dispositions, un service d’intermédiation consistant, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, à mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, pour lequel le prestataire dudit service a conclu à cette fin des contrats de fourniture de services avec ces chauffeurs en contrepartie du paiement d’un abonnement mensuel, mais ne leur transmet pas les commandes, ne fixe pas le prix de la course ni n’en assure la perception auprès de ces personnes, qui paient celui-ci directement au chauffeur de taxi, et n’exerce pas davantage de contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ainsi que sur le comportement de ces derniers.

42

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, un « service de la société de l’information » s’entend comme étant « tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services ».

43

Or, il convient, d’une part, de relever, ce qui n’est contesté par aucune des parties ou des autres intéressés ayant pris part à la présente procédure, que l’activité d’intermédiation en cause au principal relève de la notion de « service », au sens des articles 56 et 57 TFUE.

44

D’autre part, il est avéré, tout d’abord, qu’un tel service d’intermédiation remplit la première condition posée à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, à savoir qu’il est fourni contre rémunération (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C‑390/18, EU:C:2019:1112, point 46).

45

À cet égard, il est indifférent qu’un tel service soit fourni à titre gratuit à la personne qui souhaite effectuer ou effectue un déplacement urbain, dès lors qu’il donne lieu à la conclusion entre le prestataire de celui-ci et chaque chauffeur de taxi autorisé d’un contrat de fourniture de services assorti du paiement par ce dernier d’un abonnement mensuel. En effet, il est de jurisprudence constante que la rémunération d’un service fourni par un prestataire dans le cadre d’une activité économique n’est pas nécessairement versée par toutes les personnes qui en bénéficient (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Mc Fadden, C‑484/14, EU:C:2016:689, point 41, et du 4 mai 2017, Vanderborght, C‑339/15, EU:C:2017:335, point 36).

46

Ensuite, dans la mesure où la mise en relation entre une personne qui souhaite effectuer un déplacement urbain et un chauffeur de taxi autorisé est effectuée par l’entremise d’une plateforme électronique sans présence simultanée, d’une part, du prestataire du service d’intermédiation et, d’autre part, de cette personne ou de ce chauffeur, ledit service doit être regardé comme étant fourni à distance et par voie électronique (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C‑390/18, EU:C:2019:1112, point 47), au sens des deuxième et troisième conditions posées à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

47

Enfin, un service tel que celui en cause au principal est fourni à la demande individuelle des destinataires de celui-ci, au sens de la quatrième condition prévue à cette disposition, dès lors qu’il implique, simultanément, une demande, faite au moyen de l’application informatique Star Taxi, de la part de la personne qui souhaite effectuer un déplacement urbain et une connexion à cette application de la part du chauffeur de taxi autorisé faisant état de sa disponibilité.

48

Dès lors, un tel service satisfait aux quatre conditions cumulatives visées à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535 et, partant, constitue en principe un « service de la société de l’information », au sens de la directive 2000/31.

49

Toutefois, ainsi que cela ressort de la jurisprudence de la Cour, si un service d’intermédiation satisfaisant à l’ensemble de ces conditions constitue, en principe, un service distinct du service subséquent auquel il se rapporte, en l’occurrence un service de transport, et, partant, doit être qualifié de « service de la société de l’information », il doit en aller autrement s’il apparaît que ce service d’intermédiation fait partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service relevant d’une autre qualification juridique (arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C‑390/18, EU:C:2019:1112, point 50 et jurisprudence citée).

50

À cet égard, la Cour a considéré que, lorsqu’un fournisseur de service d’intermédiation crée une offre de services de transport urbain, qu’il rend accessible notamment par des outils informatiques et dont il organise le fonctionnement général en faveur des personnes désireuses de recourir à cette offre, le service d’intermédiation fourni doit être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transport et, partant, comme répondant à la qualification non pas de « service de la société de l’information », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2000/31 qui renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, mais de « service dans le domaine des transports », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123, auquel ni la directive 2000/31, ni la directive 2006/123, ni l’article 56 TFUE ne sont applicables (arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, points 38 à 44).

51

Or, compte tenu de ses caractéristiques, un service d’intermédiation tel que celui en cause au principal ne saurait être qualifié de « service dans le domaine des transports », contrairement à ce que soutient la municipalité de Bucarest.

52

Premièrement, il ressort de la décision de renvoi que, à l’inverse du service d’intermédiation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C‑434/15, EU:C:2017:981), qui a créé et rendu accessible la prestation de services de déplacement urbain opérés par des chauffeurs non professionnels auparavant absents du marché, le service en cause au principal se borne à permettre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, la mise en relation de personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain uniquement avec des chauffeurs de taxis autorisés dont l’activité préexiste et pour lesquels ledit service d’intermédiation ne constitue qu’une modalité parmi d’autres de captation de la clientèle, à laquelle, de surcroît, ils ne sont nullement contraints de recourir.

53

Deuxièmement, un tel service d’intermédiation ne peut être considéré comme organisant le fonctionnement général du service subséquent de déplacement urbain, dès lors que le prestataire ne sélectionne pas les chauffeurs de taxis, ni ne fixe ou perçoit le prix de la course, ni encore n’exerce de contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ainsi que sur le comportement de ces derniers.

54

Il s’ensuit qu’un service d’intermédiation tel que celui fourni par Star Taxi App ne saurait être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal serait une prestation de transport et relève, en conséquence, de la qualification de « service de la société de l’information », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2000/31.

55

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, doit être interprété en ce sens que constitue un « service de la société de l’information », au sens de ces dispositions, un service d’intermédiation consistant, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, à mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, pour lequel le prestataire dudit service a conclu à cette fin des contrats de fourniture de services avec ces chauffeurs en contrepartie du paiement d’un abonnement mensuel, mais ne leur transmet pas les commandes, ne fixe pas le prix de la course ni n’en assure la perception auprès de ces personnes, qui paient celui-ci directement au chauffeur de taxi, et n’exerce pas davantage de contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ainsi que sur le comportement de ces derniers.

Sur la quatrième question

56

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 s’oppose à l’adoption sans notification préalable à la Commission d’une réglementation telle que celle en cause au principal, en l’occurrence celle figurant à l’article 3, à l’article 21, paragraphes 1 et 3 bis, à l’article 41, paragraphe 2 bis, et à l’article 59, point 6 bis, de l’annexe 1 de la décision no 178/2008.

57

Il convient de relever que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 prévoit que, en principe, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de « règle technique » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive et que, selon une jurisprudence constante, le non-respect par un État membre de son obligation de communication préalable d’un tel projet emporte l’inopposabilité de la « règle technique » concernée aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International, C‑194/94, EU:C:1996:172, points 49 et 50), que ce soit lors d’une procédure pénale (voir, notamment, arrêt du 4 février 2016, Ince, C‑336/14, EU:C:2016:72, point 84), ou d’un litige entre des particuliers (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction, C‑613/14, EU:C:2016:821, point 64 et jurisprudence citée).

58

Ainsi, cette obligation de communication préalable ne s’applique que lorsque le projet considéré a pour objet une règle technique au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de ladite directive.

59

Dès lors, il convient de considérer que, par la quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens que constitue une « règle technique », au sens de cette dernière disposition, une réglementation d’une autorité locale, qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, et relevant de la qualification de « service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, à l’obtention d’une autorisation préalable à laquelle sont déjà soumis les autres prestataires de services de réservation de taxis et, dans l’affirmative, si l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens que le défaut de communication préalable du projet de cette réglementation à la Commission emporte l’inopposabilité de la réglementation qui a été adoptée.

60

S’agissant de la qualification d’une telle réglementation, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), premier alinéa, de la directive 2015/1535 qu’une « règle technique » est « une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services ».

61

Il en découle que, pour qu’une réglementation nationale affectant un service de la société de l’information puisse être qualifiée de « règle technique », elle doit non seulement relever de la qualification de « règle relative aux services », telle que définie à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535, mais également être obligatoire de jure ou de facto, notamment, pour la prestation du service concerné ou son utilisation dans un État membre ou une partie importante de celui-ci.

62

Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), premier alinéa, de cette directive, une « règle relative aux services » se définit comme « une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de [services de la société de l’information] et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les [services de la société de l’information] ».

63

Le second alinéa de cette disposition précise que, aux fins de cette définition, « une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services ». Il ajoute également qu’« une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente ».

64

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la réglementation roumaine en cause au principal, qu’il s’agisse de la loi no 38/2003 ou de la décision no 178/2008, ne fait nullement mention des services de la société de l’information. De plus, l’article 3, l’article 21, paragraphes 1 et 3 bis, ainsi que l’article 41, paragraphe 2 bis, de l’annexe 1 de la décision no 178/2008 visent de manière indifférenciée tous les types de service de dispatching, qu’ils soient fournis par téléphone ou par tout autre moyen, tel qu’une application informatique.

65

De plus, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 108 de ses conclusions, la loi no 38/2003 impose aux prestataires de service de dispatching qui exercent leur activité au moyen d’une application pour téléphone intelligent, au même titre qu’à tous autres opérateurs fournissant un service de dispatching, la possession d’équipements – en l’occurrence des émetteurs-récepteurs radio – dépourvus de toute utilité en raison des modalités techniques de prestation de ce service.

66

Ainsi, à défaut de viser spécifiquement les services de la société de l’information, une réglementation telle que celle en cause au principal ne concerne ces services que de manière implicite ou incidente. Une telle règle ne saurait donc être qualifiée de « règle relative aux services », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535 et, en conséquence, de « règle technique » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive.

67

Il en découle que l’obligation de communication préalable à la Commission des projets des « règles techniques », prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535, ne s’applique pas à une telle réglementation et que, partant, le défaut de communication d’un projet de cette nature ne saurait, au titre de cette disposition, emporter de conséquence quant à l’opposabilité de la réglementation projetée dans un litige tel que celui en cause au principal.

68

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une « règle technique », au sens de cette disposition, une réglementation d’une autorité locale, qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, et relevant de la qualification de« service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, à l’obtention d’une autorisation préalable à laquelle sont déjà soumis les autres prestataires de services de réservation de taxis.

Sur les deuxième et troisième questions

69

Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphes 2 et 4, et l’article 4 de la directive 2000/31, les articles 9, 10 et 16 de la directive 2006/123 ainsi que l’article 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, et relevant de la qualification de « service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, auquel renvoie l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, à l’obtention d’une autorisation préalable à laquelle sont déjà soumis les autres prestataires de services de réservation de taxis et qui est conditionnée, notamment, à la transmission des courses aux chauffeurs au moyen d’un émetteur-récepteur radio.

70

À titre liminaire, il convient de relever que le litige en cause au principal oppose Star Taxi App, société de droit roumain établie sur le territoire de la Roumanie, à deux autorités publiques roumaines, à savoir la municipalité de Bucarest et le conseil général de la municipalité de Bucarest, et, que, partant, ce litige est caractérisé par des éléments qui se cantonnent tous à l’intérieur de l’État roumain.

71

Or, il est de jurisprudence constante que les dispositions du traité FUE en matière de libre prestation des services ne trouvent pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 47 et jurisprudence citée).

72

Il ressort également du libellé de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2000/31 que cette disposition s’applique uniquement aux services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre, le paragraphe 4 de cet article prévoyant, sous certaines conditions qu’il énonce, la possibilité pour les États membres de prendre des mesures dérogeant à cette disposition.

73

Il en va de même de l’article 16 de la directive 2006/123, figurant au chapitre IV de cette directive relatif à la libre circulation des services, dont les dispositions ne s’appliquent qu’aux services fournis dans un État membre autre que celui dans lequel leur prestataire est établi, contrairement aux dispositions du chapitre III de ladite directive, relatif à la liberté d’établissement des prestataires, à savoir les articles 9 à 15 de celle-ci, qui s’appliquent pour leur part également à une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments, C‑724/18 et C‑727/18, EU:C:2020:743, point 56 ainsi que jurisprudence citée).

74

En conséquence, l’article 56 TFUE, l’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31 ainsi que l’article 16 de la directive 2006/123 ne sont pas applicables à un litige tel que celui en cause au principal.

75

S’agissant des autres dispositions visées par la juridiction de renvoi, à savoir l’article 4 de la directive 2000/31, dont il ne ressort ni du libellé ni du contexte qu’il s’appliquerait aux seuls prestataires de services de la société de l’information établis dans un autre État membre (voir, par analogie, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, points 99 et 100), ainsi que les articles 9 et 10 de la directive 2006/123, dont il a été rappelé au point 73 du présent arrêt qu’ils s’appliquent également aux situations purement internes, il doit être relevé qu’ils posent, selon des modalités distinctes, un principe d’interdiction des régimes d’autorisation. Il convient dans ces conditions de déterminer laquelle de ces dispositions est susceptible d’être applicable à une réglementation telle que celle en cause au principal.

76

Ainsi que cela ressort des points 43 et 48 du présent arrêt, le service d’intermédiation en cause au principal relève non seulement de la qualification de « service », au sens de l’article 57 TFUE, et, partant, de l’article 4, point 1, de la directive 2006/123, mais également de celle de « service de la société de l’information », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

77

Une réglementation d’un État membre encadrant un tel service est en conséquence susceptible d’entrer dans le champ d’application de la directive 2000/31 tout comme dans celui de la directive 2006/123, dès lors qu’il découle des points 49 à 54 du présent arrêt que ce service ne relève pas de la qualification de « service dans le domaine des transports », expressément exclue du champ d’application de cette directive en vertu de son article 2, paragraphe 2, sous d), lu à la lumière du considérant 21 de celle-ci.

78

Toutefois, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2006/123, cette directive n’est pas applicable si ses dispositions sont en conflit avec une disposition d’un autre acte de l’Union régissant des aspects spécifiques de l’accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques (arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C‑390/18, EU:C:2019:1112, point 41).

79

Il importe donc de vérifier si une réglementation qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, et relevant de la qualification de « service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, auquel renvoie l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, à l’obtention d’une autorisation préalable à laquelle sont déjà soumis les autres prestataires de services de réservation de taxis et qui est conditionnée, notamment, à la transmission des courses aux chauffeurs au moyen d’un émetteur-récepteur radio, entre dans le champ d’application de l’article 4 de la directive 2000/31 et, dans l’affirmative, si cette dernière disposition est en conflit avec les articles 9 et 10 de la directive 2006/123.

80

Concernant l’applicabilité de l’article 4 de la directive 2000/31, il résulte d’une lecture combinée des paragraphes 1 et 2 de cet article que, si les États membres ne peuvent soumettre l’accès à l’activité d’un prestataire de services de la société de l’information et l’exercice de celle-ci à un régime d’autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent, l’interdiction prévue à cette disposition ne concerne toutefois que les réglementations des États membres qui visent spécifiquement et exclusivement les « services de la société de l’information ».

81

Or, il ressort de la décision de renvoi que, si, certes, la décision no 626/2017 vise principalement si ce n’est exclusivement les services d’intermédiation ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, elle se limite, en élargissant à ce type de service le champ d’application de la notion de « dispatching » telle que définie à l’article 3 de l’annexe 1 de la décision no 178/2008, à étendre à ce service de la société de l’information une obligation préexistante d’autorisation préalable applicable aux activités des centrales de réservation de taxis, lesquelles activités ne relèvent pas de la qualification de « service de la société de l’information ».

82

De ce fait, comme l’a indiqué M. l’avocat général au point 69 de ses conclusions, une telle réglementation, dont la juridiction de renvoi constate qu’elle a pour effet de contraindre Star Taxi App à obtenir une autorisation préalable à l’exercice de son activité auprès de l’autorité compétente, n’équivaut pas à la création d’un nouveau régime d’autorisation préalable qui viserait spécifiquement et exclusivement un service de la société de l’information.

83

Il en découle que l’interdiction de tout régime d’autorisation préalable ou toute autre exigence ayant un effet équivalent, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31 ne s’applique pas à une réglementation telle que celle en cause au principal.

84

Partant, il ne peut y avoir de conflit entre cette disposition et les articles 9 et 10 de la directive 2006/123 qui, de ce fait, ont vocation à s’appliquer à une telle réglementation.

85

Il convient donc de déterminer si ces articles doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une telle réglementation.

86

À cet égard, il ressort de la section 1 du chapitre III de la directive 2006/123 que la conformité d’un régime d’autorisation aux exigences prévues par celle-ci suppose, notamment, qu’un tel régime, par nature restrictif de la libre prestation du service concerné, satisfasse aux conditions énoncées à l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, à savoir être non discriminatoire, justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionné, mais également que les critères d’octroi des autorisations prévues par ce régime soient conformes à l’article 10, paragraphe 2, de ladite directive, à savoir qu’ils soient non discriminatoires, justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général, proportionnels à cet objectif d’intérêt général, clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance ainsi que transparents et accessibles (arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments, C‑724/18 et C‑727/18, EU:C:2020:743, point 57).

87

Il en découle que l’appréciation de la conformité d’une réglementation d’un État membre établissant un tel régime d’autorisation aux deux articles visés au point précédent, lesquels énoncent des obligations claires, précises et inconditionnelles qui leur confèrent un effet direct, suppose d’apprécier séparément et successivement, d’abord, le caractère justifié du principe même de l’établissement de ce régime, puis les critères d’octroi des autorisations prévues par celui-ci (arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments, C‑724/18 et C‑727/18, EU:C:2020:743, point 58).

88

À cet égard, il convient de relever que la décision de renvoi ne fournit à la Cour que peu d’éléments à même de lui permettre d’apporter à la juridiction de renvoi une réponse utile.

89

Il reviendra donc à cette dernière d’apprécier, au regard de l’ensemble des éléments pertinents, si le régime d’autorisation préalable établi par la réglementation en cause au principal satisfait effectivement aux deux séries d’exigences rappelées aux points 86 et 87 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments, C‑724/18 et C‑727/18, EU:C:2020:743, point 78).

90

S’agissant, toutefois, de l’appréciation du caractère justifié des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes, il importe de relever, à l’instar de M. l’avocat général aux points 99 et 100 de ses conclusions, que le fait de subordonner la délivrance d’une autorisation de fournir un service à la satisfaction d’exigences techniques inadaptées au service concerné et, partant, génératrices de charges et de coûts injustifiés pour ses prestataires ne saurait être conforme à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123.

91

Tel peut notamment être le cas, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, d’une obligation faite aux prestataires d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, de transmettre les courses à ces chauffeurs au moyen d’un émetteur-récepteur radio.

92

En effet, une telle obligation qui met à la charge tant du prestataire du service d’intermédiation que des chauffeurs de taxis l’obligation de disposer d’un tel dispositif de transmission et qui impose également au prestataire du service d’intermédiation de disposer de personnel spécifique en charge de la transmission des courses aux chauffeurs est non seulement inutile, mais également sans aucun rapport avec les caractéristiques d’un service qui est entièrement lié aux capacités techniques des téléphones intelligents qui permettent, sans intermédiation humaine directe, de localiser tant les chauffeurs de taxis que leurs clients potentiels et de les mettre automatiquement en relation.

93

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions de la manière suivante :

L’article 56 TFUE, l’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31 ainsi que l’article 16 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à un litige dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre.

L’article 4 de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une réglementation d’un État membre qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, et relevant de la qualification de « service de la société de l’information », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2000/31 qui renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, à l’obtention d’une autorisation préalable à laquelle sont déjà soumis les autres prestataires de services de réservation de taxis.

Les articles 9 et 10 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, à l’obtention d’une autorisation préalable à l’exercice de leur activité, lorsque les conditions d’obtention de cette autorisation ne répondent pas aux exigences prévues à ces articles, en ce qu’elles imposent notamment des exigences techniques inadaptées au service concerné, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

94

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 2, sous a), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), qui renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, doit être interprété en ce sens que constitue un « service de la société de l’information », au sens de ces dispositions, un service d’intermédiation consistant, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, à mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, pour lequel le prestataire dudit service a conclu à cette fin des contrats de fourniture de services avec ces chauffeurs en contrepartie du paiement d’un abonnement mensuel, mais ne leur transmet pas les commandes, ne fixe pas le prix de la course ni n’en assure la perception auprès de ces personnes, qui paient celui-ci directement au chauffeur de taxi, et n’exerce pas davantage de contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ainsi que sur le comportement de ces derniers.

 

2)

L’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une « règle technique », au sens de cette disposition, une réglementation d’une autorité locale, qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, et relevant de la qualification de « service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, à l’obtention d’une autorisation préalable à laquelle sont déjà soumis les autres prestataires de services de réservation de taxis.

 

3)

L’article 56 TFUE, l’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31 ainsi que l’article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à un litige dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre.

L’article 4 de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une réglementation d’un État membre qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, et relevant de la qualification de « service de la société de l’information », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, à l’obtention d’une autorisation préalable à laquelle sont déjà soumis les autres prestataires de services de réservation de taxis.

Les articles 9 et 10 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne la fourniture d’un service d’intermédiation, ayant pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain et des chauffeurs de taxi autorisés, à l’obtention d’une autorisation préalable à l’exercice de leur activité, lorsque les conditions d’obtention de cette autorisation ne répondent pas aux exigences prévues à ces articles, en ce qu’elles imposent notamment des exigences techniques inadaptées au service concerné, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le roumain.

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