Un grand bravo à Yohann Garcia pour la brillante soutenance de sa thèse en sciences de l'information et de la communication portant sur la construction du problème public des perturbateurs endocriniens, soutenue hier à l'Université Paris-Est Créteil (UPEC), devant un jury composé de Claire Oger et Benjamin Ferron (UPEC-Céditec) pour la co-direction de thèse, d'Emmanuel Henry (Université Paris-Dauphine-Irisso) et Hélène ROMEYER (Université de Franche-Comté-Ciméos) dans le rôle de rapporteurs, ainsi que Norah MacKendrick, Ph.D. (Rutgers University, Department of Sociology), Simona De Iulio (Université de Lille, Gériico) et Caroline Ollivier-Yaniv (UPEC-Céditec) comme examinatrices. Cette soutenance clôt un travail commencé en 2019.
Intitulé : Une question de bon sens ? Perturbateurs endocriniens et prévention individuelle : analyse critique d’un instrument d’action symbolique.
Résumé : la thèse interroge les mesures de prévention des perturbateurs endocriniens qui incitent à réduire leur exposition par des pratiques individuelles. Elle cherche à comprendre dans quelle mesure ce type d’instrument gagne une légitimité, alors même que d’une part, ces substances sont omniprésentes dans l’environnement et donc difficilement évitables ; et que, d’autre part, d’autres instruments ont été envisagés par le passé. En mobilisant les disciplines des sciences de l’information et de la communication, de la sociologie et de la science politique et en s’appuyant sur une enquête qualitative (entretiens et observations ethnographiques, analyses d’archives publiques et de documents internes), la thèse propose une analyse en deux temps.
D’abord, elle retrace les différentes étapes de la carrière du problème dans plusieurs espaces (transnationaux, supranationaux et nationaux) depuis le milieu des années 1990. Elle montre ainsi le poids des dispositifs de gestion des substances chimiques et la manière dont ils contraignent la définition des instruments d’action publique français. Les instruments fondés sur la prévention individuelle et les dispositifs d’information et de communication s’imposent progressivement comme les mesures les plus consensuelles et les plus praticables pour les services de l’État, dans un contexte où d’autres mécanismes (interdiction en amont, contrôle sur le marché) sont plus incertains.
Dans un second temps, la thèse se concentre sur la mise en oeuvre de ces programmes de prévention. En dépit des intentions qu’ils affichent, l’enquête ethnographique fait ressortir les tensions de ces dispositifs qui se focalisent presque exclusivement sur le gouvernement des corps et des conduites des femmes. [...] La thèse montre combien le caractère symbolique de ces derniers n’est pas sans effet, à commencer par la reproduction des inégalités de genre et de classe. Cette analyse critique remet en question les assertions du discours préventif : se prémunir des perturbateurs endocriniens n’est pas (qu’)une question de « bon sens ».