Le Monde rapporte une interview (que je n'ai pas lue) de Michel Barnier au JDD, dans laquelle ce dernier souhaiterait un report de l'application de la directive CSRD en France, pour simplifier la vie administrative des entreprises : https://t.ly/KmPwN
Bonne idée ? La CSRD - Corporate Sustaibility Reporting Directive - est un texte européen qui demande aux entreprises, d'abord les grandes ou cotées, puis progressivement de plus petites, de publier une grande quantité d'indicateurs nouveaux, en particulier sur l'environnement : https://t.ly/ZCEys
Pour les entreprises assujetties, il faudra notamment "dire quelque chose" sur le climat, la pollution, les ressources aquatiques et marines, la biodiversité, et l'utilisation des ressources.
Pour cela, la première étape - obligatoire pour tous les assujettis - consistera à "cartographier la chaine de valeur", c'est à dire inventorier les activités dont on dépend à l'amont (fournisseurs, fournisseurs des fournisseurs, etc) et à l'aval.
En quoi cela va-t-il nuire aux entreprises de comprendre de quelles autres activités elles dépendent pour exister ? Pour une entreprise cotée - avec des effectifs dépassant en général le millier d'individus - cette tâche demandera quelques mois d'un salarié, avec éventuellement un budget externe de quelques dizaines de keuros (qui sera rapidement remboursé par une optimisation ici ou là avec les informations obtenues !).
La deuxième étape est ensuite de faire une "analyse de matérialité". Cela signifie se demander si on a de l'impact sur le sujet concerné (par exemple mon activité a-t-elle de l'impact sur la biodiversité ou sur le climat ?) et aussi si le sujet a de l'impact sur l'activité (par exemple si une rivière est polluée est-ce que cela gêne mon activité ?).
A nouveau, le cout de cette investigation est marginal par rapport au CA de l'entreprise. Ce qui n'est pas marginal, c'est le désagrément éventuel d'apprendre que l'on a un problème de plus sur les bras, ce que personne n'aime... mais ce n'est pas une affaire de "complexité administrative" !
Enfin si le problème est bien matériel (et pour le climat, sauf à apporter la preuve qu'il ne l'est pas, il est "matériel par défaut" pour tout le monde), il faut publier des indicateurs ou analyses, pour donner des valeurs, ou expliquer ce que l'on est ou fait.
Certaines données à publier en pareil cas sont déjà courantes (par exemple l'empreinte carbone), d'autres plus nouvelles (par exemple des analyses par scénarios pour expliquer où l'on va dans monde qui se décarbone).
Peut-on être sérieux sur le climat - ce que revendique le gouvernement - et ne pas inciter les entreprises à "mieux se situer par rapport à l'enjeu" ? Peut-on vouloir soigner la fièvre et refuser le thermomètre ?
Si Matignon veut quelques suggestions de simplifications administratives qui portent sur des enjeux moins existentiels que la préservation de la planète qui permet à l'économie d'exister, je peux sûrement trouver quelques idées :)