Post de Charles Pujos

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Membre du Haut Conseil du Ministère de l'Agriculture (Conseil général de l'Agriculture)

Défendre l’élevage français (4) S’il est une « mère des batailles », c’est bien la controverse qui oppose le gentil élevage extensif à son méchant contraire, intensif ou industriel, adjectifs tenus en général pour péjoratifs. Cela en dit long au passage sur notre vision négative à l’égard de l’industrie (et explique son déclin continu chez nous, comme dans nul autre pays de l’UE ?), alors même que les phénomènes de spécialisation et de concentration, qui ont accompagné historiquement le passage de l’artisanat à l’industrie, restent plébiscités par le consommateur, bénéficiaire ainsi de prix maîtrisés. Bien sûr, dans le domaine agricole, l’agrandissement continu des exploitations génère des problèmes en soi (sanitaires, territoriaux…), qui n’en font pas un horizon désirable et qui justifient des interventions correctives, contrariant les inconvénients d’un marché non régulé où ne subsisterait qu’un petit nombre de riches gagnants, dans des campagnes désertifiées… On note d’ailleurs que les opposants à l’élevage intensif ne se limitent pas à une poignée de militants anticapitalistes ou écologistes. Les sondages montrent au contraire que ce type d’élevage n’est pas du tout populaire, au-delà même de tout clivage politique (gauche ou droite) et sociologique (urbain ou rural) : en février 2023, à l’occasion du Salon international de l’agriculture, une enquête de l’IFOP faisait même ressortir que 83 % des Français étaient partisans de son interdiction pure et simple ! Pour autant, ces déclarations sont sans effet notable sur la consommation de viande, celle-ci privilégiant toujours plus les volailles, et le porc dans une moindre mesure, alors que leurs modes de production sont en général bien plus intensifs que ceux des ruminants… Pourquoi donc cet écart ? Illustre-t-il notre hypocrisie ? Ou alors la méconnaissance des pratiques, l’acheteur ne connaissant pas la taille des cheptels lui fournissant son approvisionnement ? Ou enfin le caractère fourre-tout de la notion d’intensivité ? Pour Greenpeace, est industriel tout élevage (ou « ferme-usine »!) relevant de la réglementation des installations classées (3000 en France). L’association accepte l'élevage à l’herbe, utilisant les surfaces les moins propices aux cultures (en montagne, sur des parcelles peu productives...) en plus des prairies temporaires s’intégrant dans des rotations. Quant à l’élevage granivore (cochons et volailles), elle propose de le redimensionner à partir d’une alimentation des animaux réduite aux résidus agricoles et aux déchets organiques disponibles. Un premier risque inhérent à ce modèle porte néanmoins sur la disponibilité de ces coproduits qui ont déjà d’autres débouchés (méthanisation par exemple), avant que ne surviennent les concurrences futures d’autres secteurs, leur avenir devant se fonder sur l’utilisation croissante de ressources renouvelables, nécessaires aux besoins de leurs transitions respectives. À suivre prochainement sur cette première controverse…

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