BILLET D’HUMEUR
NOIR ET GRIS
Il suffit de comparer deux clichés de la place de l’Étoile, l’un pris en 1971, l’autre en 2024. La différence est flagrante au niveau des véhicules. Sur le premier, on constate l’abondance de couleurs : rouge, jaune, orange... Toutes les nuances de l’arc-en-ciel sur les carrosseries. Sur le cliché de 2024, les couleurs ont presque disparu. Il ne reste plus en majorité que le blanc, le gris et le noir. Cette tendance se retrouve dans le matériel informatique. Les ordinateurs blancs des années 80 ont été remplacés par des cadres noirs ou gris. Même phénomène pour les récepteurs de télévision. Quant aux appareils ménagers, ils subissent la même transformation : la teinte noire submerge les cafetières, les fours, les cuisinières et les réfrigérateurs. Les fabricants de cuisines intégrées ont suivi la mode. Ils proposent des meubles en placage noir dont l’assemblage laisse présumer que l’on vient d’entrer dans un dépôt mortuaire. Cette tendance serait-elle mortifère ? Notre société, qui n’a jamais consommé autant d’antidépresseurs, tomberait-elle dans la déprime ? À voir l’habillement de nos concitoyens, on pourrait le penser. Les tenues bariolées tendent à s’effacer (sauf peut-être l’été) au profit de vêtements sombres. Les filles arborent souvent des ensembles noirs ou gris. Les garçons s’habillent en noir de pied en cap : chaussures, pantalon, maillot. Ajoutons-y le comble de l’horreur : la casquette à demi-lune arrière, cette sorte d’incongruité vestimentaire que les hommes arborent en toutes circonstances et dont on se demande s’ils l’ôtent lorsqu’ils sortent des toilettes pour aller prendre leur petit-déjeuner. Et bien entendu, la silhouette se termine par une barbe noire, cette barbe que l’on aperçoit dans nos rues, surmontées de cette gapette ignoble donnant à nos jeunes, et à nos moins jeunes, une dégaine de terroriste. Quant aux cravates multicolores, elles ont depuis longtemps regagné le tiroir de la commode : le col masculin est noué d’une cravate noire, noire, voire noire. Cette noirceur sociétale se résume-t-elle à nos objets quotidiens ? Nullement. On la retrouve sous une forme différente dans les livres, le cinéma et les feuilletons télévisés. Le thriller gore, saignant, a envahi nos rayons de libraires, il représente environ 20% des ventes. Quant aux feuilletons, ils débutent souvent par une scène d’autopsie dans laquelle on aperçoit un cadavre recousu allongé sur une table métallique, image tout à fait appropriée lorsque la famille se retrouve au salon pour « déguster » une pizza-ciment. Où sont les films comiques et les séries hilarantes ? Notre civilisation européenne détesterait-elle la couleur et le rire ? Allons-nous les bannir de notre culture ? « La couleur, peut-être plus encore que le dessin, est une libération » écrivait Henri Matisse. Depuis quelques décennies, nous sommes hélas plus proches des toiles de Soulages que de celles de Monet !
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3 sem.Bleu-violet 👍🏻