Laissant loin derrière eux les contes d’un arsenal russe épuisé ou du pillage des tire-lait et des radars d’autoroute, les médias du grand collecteur se sont résolus, suçant la roue de la pravda de Kiev, à rapporter l’emploi de missiles toujours plus puissants dans la campagne d’interdiction aérienne russe sur l’Ukraine, ciblant tantôt les infrastructures de production d’énergie ou les sites de stockage et de maintenance d’un armement désormais majoritairement occidental.
Annoncé à l’automne dernier, le missile air-surface multi-sonique russe Kh 32 a donc fait son entrée tonitruante sur le théâtre. Cette version très modernisée du missile lourd soviétique Kh 22 (AS-4 « Kitchen » pour l’OTAN), opérationnelle depuis 2020, a gardé les mêmes proportions et sa masse de près de 6t, pour recevoir un nouveau moteur-fusée à propergol liquide utilisant davantage de carburant contre une ogive réduite de moitié. Grâce à la microminiaturisation et au logiciel embarqué, un nouvel autodirecteur radar à évasion de fréquence et un guidage amélioré combinant gyrolaser à la constellation GLONASS lui permettrait de toucher une cible navale ou terrestre à plus de 1000km, en l’acquérant à près de 300km, plongeant sur elle à Mach 5 après un vol à haute altitude (30 à 40km) qui le place au-delà de la plupart des défenses aériennes (ça n’a pas empêché certaines sources ukrainiennes, malgré l’aveu d’impuissance de la défense aérienne à intercepter le Kh 22, de claironner qu’elle ne faisait qu’une bouchée du Kh 32).
Certaines sources ouvertes font même état du renforcement de la structure du missile (le terme « blindage » est inapproprié) pour lui permettre d’encaisser l’explosion de l’ogive d’un missile sol-air à proximité.
Ces modifications ont nécessité l’adaptation de l’avion lanceur, le bombardier moyen Tu 22, en Tu 22M3M « Backfire C » (photo), laissant penser que l’appareil peut dialoguer en vol avec le missile pour lui imposer une trajectoire optimisée face aux défenses aériennes, voire lui programmer une nouvelle cible. Ce goulot d’étranglement est sans conteste le maillon faible pour le système d’armes Kh 32, étant donné la vulnérabilité des bases et des bombardiers aux attaques aériennes à longue portée au moyen de drones bricolés; ils est donc probable que l’aviation russe cherche à se doter de nouveaux porteurs, d’autant que ceux-ci n’auraient qu’à placer le vecteur sur un cap sans se soucier, à cette portée, des défenses aériennes.
Cette nouvelle addition à l’arsenal russe, déjà amplement pourvu par le même bureau d’études Raduga qui rivalise d’ingéniosité pour équiper les forces de vecteurs manœuvrants et à longue portée, rend inopérantes tant les analyses éculées d’épuisement des ressources russes dans ce qui ressemble bien à une véritable économie de guerre (évaluée à 7% du PIB pour les armées) que le tonneau des Danaïdes, percé mais pas perdu pour tout le monde, où l’on benne successivement les coûteux SAM occidentaux sans se préoccuper de leur succès.