Aujourd'hui se termine le cours "Agir Pour la Planète", destiné à tous les nouveaux étudiants du parcours Grande Ecole à l'emlyon business school, soit environ 1300 étudiants /an. Comme souvent, je propose aux étudiants un sondage pour recueillir leurs impressions. La plupart des commentaires sont positifs et encourageants, certains auraient même voulu plus d'heures et plus de présentiel, pour permettre davantage de discussions et débats. Mais au milieu de tout ça, je trouve également le commentaire suivant : "This course isn’t relevant to a management degree. If I wanted to study the climate change I wouldn’t have come to EMLyon." Et mon petit doigt me dit qu'il n'est pas le seul, cet étudiant, à se dire que le changement climatique et les limites planétaires n'ont rien à faire dans une école de commerce. Que ça suffit maintenant le lobby écolo, si on pouvait revenir à des vraies compétences comme la finance, la compta ou le marketing... Vous aussi, collègues enseignants, recruteurs, camarades de promo, vous l'avez rencontré, cet étudiant réfractaire. Pour lui répondre, rien de mieux que de "parler sa langue". Pourquoi est-il essentiel qu'une business school propose des enseignements ambitieux sur le changement climatique et les défis de l'Anthropocène ? Liste non-exhaustive : 1. La transition écologique est identifiée par les salariés comme la première mutation affectant l'entreprise de demain. Une enquête menée auprès de 1014 alumni d'emlyon en 2022 la place ainsi devant la mutation numérique. 2. Le monde du travail dans un monde en surchauffe sera profondément modifié par les impacts des dérèglements climatiques. Une étude récente menée sur une longue période (2001-2020) et à l’échelle mondiale estime que l’exposition à la chaleur serait associée à plus de 650 milliards d’heures de travail perdues par an, soit l’équivalent de 148 millions d’emplois à temps plein. 3. Le monde de demain sera caractérisé par des pénuries globales affectant toutes les chaînes de valeur. L'eau, les sols agricoles, les métaux... toutes les ressources qui fondent notre économie font déjà l'objet d'une compétition accrue entre acteurs, qui ne va que s'intensifier. 4. Le coût de l'inaction climatique est estimé comme bien supérieur sur le moyen terme au coût des mesures de mitigation et adaptation à adopter. En France, dans un scénario à +2°, c'est entre 1 et 10% du PIB englouti chaque année. Le moment idéal de rappeler que d'après le dernier rapport du PNUE, la trajectoire actuelle nous emmène entre +2,6°C et +3,1°C. 5. Dans ce contexte, la décélération de l'activité productive est inéluctable. Mais celle-ci peut être choisie et planifiée de façon à répondre aux besoins essentiels et protéger les populations et territoires les plus vulnérables, ou subie de plein fouet avec un accroissement des inégalités, et un effondrement de la biodiversité dont nous dépendons. Alors, "Ralentir ou périr", ça vaut bien 2 ou 3 cours en école de commerce, non ?
Il faut le féliciter pour son courage de s’être exprimé. Et en ça, il est exceptionnel car beaucoup d’autres n’ont pas osé le faire estimant que c’était du bruit pour rien. Néanmoins, il faut lui expliquer qu’il n’a rien compris au business car si il évite le risque du changement climatique. Il occulte en fait le plus gros risque qui va lui arriver. et pas à 20 ou 30 ans,?mais à six mois voire un an selon le business dans lequel il va. Il faut lui expliquer pourquoi les crédos auxquels il croit ont été créés sur 400 ans avant de s’inculquer dans la société, mais qu’aujourd’hui il est face à un nouveau crédo qui ne va pas prendre 400 pour se matérialiser. il se matérialise déjà aujourd’hui devant son nez. Il n’est donc pas avant-gardiste en disant que ça n’a rien à faire dans l’EMLyon. Il est au contraire passéiste n’ayant pas encore compris que c’est sans doute un sujet cœur de sa formation.
Il serait temps que les économistes (ou étudiants en économie) comprennent que économie et écologie sont intimement liés. Il suffit de faire de l'étymologie et de remonter aux origines de ces deux concepts.
J'ai enseigné 10 mois dans une école de commerce il y a 4-5 ans et j'ai pu constaté que nombre d'étudiants n'étaient pas conscients de ce qui se passait au niveau climat/biodiversité et des liens de causalité impliqués : seule une minorité était alors "consciente" : ce qui met du coup en valeur le rôle de l'enseignant
bravo Fanny ! Xavier Blot et Hans-Jörg Schlierer avaient créé un dispositif précurseur et tu as déjà commencé à lui faire franchir une nouvelle étape ; hâte de co-construire avec Christine Di Domenico et toi de nouvelles synergies entre Agir pour la Planète, Engagement responsable et Futurs Durables !
Merci Fanny Verrax pour ce rappel malheureusement nécessaire, surtout dans un contexte où ces enjeux restent parfois sous-estimés. C’est essentiel de sensibiliser les futurs managers aux défis de l’Anthropocène et à leur impact sur le monde professionnel. À fortiori, peu importe notre position : ce cours ( que j’ai beaucoup apprécié par ailleurs ) contribue à une prise de conscience indispensable.
Intéressant Je suis impressionné par la démarche de l'Ecole dans ce domaine crucial.
Il est vrai que si les écoles de commerces ne prennent pas le virage des limites planétaires rapidement on peut se demander si elles ont encore un avenir et même une utilité (l'argent ne se mange pas).
Merci Fanny! Non seulement toutes les business schools doivent proposer des enseignements ambitieux sur les limites planétaires et les défis de l'Anthropocène mais elles doivent aussi être audacieuses dans le développement des compétences nécessaires pour relever les défis actuels des entreprises : les nouveaux modèles économiques, la finance ou le marketing durable !
Professeur chez Grenoble IAE, né en 317 ppm
2 moisLa réponse qui m'aurait brûlé les lèvres aurait été : "si vous pensez cela c'est que nous avons fait une erreur de recrutement". Mais je ne l'aurais pas dit, parce que cette opinion a le droit d'être exprimée et que c'est notre rôle, comme vous le faites, de leur démontrer par A + B que sauver le climat (et la biodiversité) c'est sauver les entreprises et, plus généralement, l'économie et le mode de vie occidental. J'en ai un l'an dernier dont l'horizon indépassable était "make money". Surprise, il était aussi climato-négationiste et machiste au dernier degré. Aussi irritant ce genre de profil puisse-t-il être, il ne fait que refléter l'état du monde et comprendre que la montée des conservatismes radicaux est là pour durer, hélas.