Post de Gabriel Lomellini, Ph.D

Dans son film, Histoire(s) du cinéma, Godard dit : « L’image viendra au temps de la Résurrection. »  Soit une thèse classique des gnoses chrétienne, juive ou manichéenne, qui toutes conçoivent l’image comme l’élément même de la Résurrection.  Ce qui resurgit c’est éidos, c’est l’image. C’est par l’image qu’on sera sauvé et voir son image signifie être sauvé.  Histoire(s) du cinéma est une apocalypse du cinéma, aux différentes acceptions du terme.  Le premier sens du mot est celui de catastrophe. Dans la tradition juive, le jour de l’arrivée du Messie est en même temps ce qu’on désire le plus et ce qu’on craint le plus.  Mais c’est une apocalypse du cinéma aussi dans l’autre sens du mot, le sens plus littéral : une révélation. Le travail de Godard fonctionne comme un dévoilement du cinéma par le cinéma. Par quel moyen l’image acquiert-elle cette force messianique ? Serge Daney répondait : par le montage.  Selon lui, la thèse de Godard dans Histoire(s) du cinéma est que le cinéma n’a cherché qu’une chose, le montage, et que de cette chose, l’homme du XXe siècle avait terriblement besoin.  Mais qu’est-ce que le montage, dans cette perspective ? Ou, plutôt, quelles sont les conditions de possibilité du montage ? Voilà ce que Godard met en évidence. Ces conditions sont au moins au nombre de deux, la répétition et l’arrêt.Répétition et arrêt font système dans le cinéma, ils sont inséparables. Ensemble, ils réalisent la tâche messianique du cinéma. Cette tâche, telle qu’elle ressort d’Histoire(s) du cinéma, n’est pas une nouvelle création, mais un acte de « décréation ». Voilà la force de la répétition et de l’arrêt.  Deleuze dit que tout acte de création est acte de résistance, mais un acte ne peut résister que s’il possède la force de « décréer  » les faits. Sinon, aucune résistance n’est possible, les faits sont toujours plus forts. Que devient une image ainsi travaillée par la répétition et l’arrêt ? Elle devient, pour ainsi dire, «  image de rien ». Apparemment, les images que Godard nous montre sont des images d’images, extraites d’autres films.  Mais elles acquièrent la capacité de se montrer elles-mêmes en tant qu’images. Elles ne sont plus images de quelque chose dont on doit immédiatement retracer une signification, narrative ou autre. Elles s’exhibent en tant que telles. La véritable force messianique est cette force de rendre l’image à ce « sans image » qui, comme le disait Benjamin, est le refuge de toute image.  Giorgio Agamben. Histoire et cinéma :  à propos de Jean-Luc Godard. Article du Monde. 6 octobre 1995.    Robert Delaunay. Rythme, joie de vivre. 1930.

En marge des César, s’est tenue la Cérémonie des Marius. Un événement cinématographique incontournable, qui met en avant le métier méconnu des transcripteurs.  Véritables femmes et hommes de l’ombre du 7ème art, ils décrivent à travers leurs voix et choix de mots, l’atmosphère d’une pièce, l’ambiance d’une scène ou encore l’allure des personnages ! La transmission orale permet d’aider le public des personnes en situation de handicap visuel à plonger dans un film comme s’ils vivaient les scènes.   L’accès à l’image est encore méconnu en France, même si nos téléviseurs sont équipés de cette option. La rédaction de KissCity Paris a ainsi rencontré l’équipe du film qui a remporté le Marius pour « Le Règne Animal »   Quel est le défi majeur du métier de l’audiodescription face à l’automatisation des IA ? Pourquoi la démocratisation de l’accès à l’image est encore taboue en France ?  Découvrez cette « partition sonore » où les audiodescritpteurs « travaillent à l’oreille » et sont « les yeux des personnes aveugles ». #lesmarius #cinema #audiodescrition

C'est le film que les cinéphiles du monde entier ont hâte de découvrir, depuis son sacre à Venise. Je vous donne toutes les clés pour comprendre pourquoi The Brutalist pourrait être le meilleur film de l'année, voire plus ! À lire sur Le Point

Le cinéma nous rend-il meilleurs ? Cette question apparemment anodine est plus sérieuse qu'il n'y parait. La force des images vient de ce qu'elles nous touchent directement à un niveau infra-rationnel, rencontrant en nous ce que Ralph Waldo Emerson a appelé les « maîtres de nos vies », ces idées aussi fortes que résistantes qui sont à l'origine de décisions que nous prenons dans notre vie, qu'il s'agisse de notre vie quotidienne ou notre vie professionnelle. Ainsi par exemple l’idée de la continuité des processus aléatoires de la dynamique des prix, fondement des formules de Black, Scholes et Merton ou de Harrison Kreps et Pliska, était devenue une idée résistante, profondément ancrée à un niveau infra-rationnel en chacun des professionnels financiers, infra-rationnel car aucun test statistique ne validait les hypothèses de Black, Scholes, Merton, Harrison, Kreps et Pliska. Cette idée résistante avait pris le contrôle des décisions des professionnels en agissant comme un virus dans leurs pensées. C’est la raison pour laquelle j’avais appelé cette idée résistante le « virus brownien ». Le virus brownien était devenu un « maître de la vie » des financiers, conduisant à la catastrophe de 2008. Le livre d’Hugo Clémot au titre étrange de Cinéthique, que je commente dans un article publié dans la nouvelle revue en ligne Littér'art créée par Erwan Mas précise ces perspectives en montrant comment le cinéma permet de toucher directement ces virus de la pensée qui nous contaminent sans que nous en ayons conscience. En ce sens, le cinéma produit une vraie éthique d'où la "cinéthique". L'article est en ligne ici : https://lnkd.in/eSqpaAfX Le cycle de projection “L’image de l’argent au cinéma” (Ciné-Money) organisé avec Bouchaud Elisabeth au Théâtre La Reine Blanche s’inscrit dans cette perspective. Que nous apprend le cinéma sur l’argent, pas tant sur l’argent « en soi », ce qui serait une sorte de cours d’économie ennuyeux, mais sur l’argent « pour nous » en tant que nous réagissons aux images sur l’argent et la finance que les metteurs en scène nous proposent, chacun dans son style propre. La prochaine séance du cycle de projections “L’image de l’argent au cinéma” au Théâtre La Reine Blanche, 2 bis Passage Ruelle, 75018 Paris (métro ligne 2 station La Chapelle) aura lieu le dimanche 17 mars à 18h00 avec la projection du film La banquière (1980) de Francis Girod. La projection sera suivie d’un dîner-débat au cours duquel Raphaëlle Moine, professeure en études cinématographiques, Université Sorbonne Nouvelle, nous présentera un exposé sur : « Les scandales financiers au prisme des biopics français » Seront abordés l’affaire Stavisky (Stavisky, d’Alain Resnais, 1974) et l’affaire Kerviel (L’Outsider, de Christophe Barratier, 2016). Billetterie ici : https://lnkd.in/e5xUBu8K

C'est le 3ème volet de notre série mêlant cinéma et démocratie. Et quoi de plus actuel qu'une analyse des dictatures et de l'autoritarisme en ces temps troublés.

MAD MAX FURIOSA est un film absolument phénomènal, l'oeuvre d'un cinéaste que je définirais ainsi : acharné et méthodique. Il y a deux sortes de blockbusters. Ceux où l'action et les vfx sont confiées à des équipes séparées, qui ne se parlent pas forcèment, et travaillent à la chaîne, souvent dans un processus mécanique et sans âme : ça donne 99% de ce qu'on voit en ce moment, un art du "vide très cher", qui ne joue que sur des automatismes. Et il y a Georges Miller. Miller a fait des études de médecine, pour devenir, je crois, chirurgien. Cela nécessite concentration, sang froid, acharnement et méthode. On retrouve toutes ces qualités dans son style de mise en scène, déterminé et précis. Comme si chaque action avait une logique imparable. Visuellement, je me suis dit en regardant FURIOSA qu'il nous donnait une bonne indication de ce à quoi aurait ressemblé le DUNE de Jodorowsky, surtout dans le foisonnement de costumes récupérés, d'accessoires dérisoires, de maquillages voyants. Le dialogue est d'une poèsie folle, plein de litotes et d'euphémismes littèraires. Le film n'a pas marché, en tous cas pas comme l'espèrait ceux qui y ont cru. En tant que cinéaste, l'échec de FURIOSA n'est pas une bonne nouvelle. Mais il indique, 10 ans après le triomphe de FURY ROAD, une dégradation spectaculaire de l'accueil réservé par le public à ce type d'approche presque artistique et littèraire d'un matériau qui brasse mythes, religion et politique. On me rétorquera que DUNE est un contre exemple et c'est probable. Mais même si j'ai une immense admiration pour le film de Villeneuve, je le crois en réalité légèrement moins "risqué" que FURIOSA. Point de vue personnel. En tous cas, à l'heure du "contenu" tout puissant, ces deux films prouvent qu'un réalisateur à qui on donne les moyens n'est ni un technicien ni un "service provider" (comme on a tendance à le croire aujourd'hui) mais un artiste total. Il n'y a qu'un Georges Miller, et on ne reverra jamais quelque chose d'aussi fou, cruel et provocateur, tout en tôle froissée et mélancolie, qui nous laisse entendre que nos vies sont des songes sur le point de devenir des cauchemars.

𝗖𝗲𝘁𝘁𝗲 𝗳𝗲𝗺𝗺𝗲 𝗮 𝗿é𝘃𝗼𝗹𝘂𝘁𝗶𝗼𝗻𝗻é 𝗹𝗲 𝗰𝗶𝗻é𝗺𝗮 𝗱𝗼𝗰𝘂𝗺𝗲𝗻𝘁𝗮𝗶𝗿𝗲, 𝗽𝗼𝘂𝗿𝘁𝗮𝗻𝘁, 𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗲𝘀𝘁 𝘁𝗼𝘁𝗮𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗶𝗻𝗰𝗼𝗻𝗻𝘂𝗲 𝗱𝘂 𝗴𝗿𝗮𝗻𝗱 𝗽𝘂𝗯𝗹𝗶𝗰. L’héritage d’Esfir Shub est aussi monumental qu’oublié. 🎬 Avec "𝙻𝚊 𝙲𝚑𝚞𝚝𝚎 𝚍𝚎 𝚕𝚊 𝚍𝚢𝚗𝚊𝚜𝚝𝚒𝚎 𝚁𝚘𝚖𝚊𝚗𝚘𝚟" en 1927 elle crée le premier film de compilation de l’histoire.  🤓 C'est à dire qu’elle réalise un documentaire en assemblant et en éditant ensemble des séquences d'archives et des extraits de films existants… … au lieu de filmer de nouvelles images.  Ca paraît presque facile comme ça, mais en réalité il s’agit d’un travail titanesque:   😳 Fouiller pendant des mois dans 60 000 mètres de pellicule pour recréer la première chronique visuelle de la Révolution russe. Un exploit quasi inégalé qui repose sur sa grande maîtrise du montage acquise  💪 auprès d’un grand maître du sujet Sergei Eisenstein (Le Cuirassé Potemkine) 💪 mais aussi par son travail de remontage de films hollywoodiens pour le public soviétique.  Une pratique courante à l’époque, le gouvernement souhaitant s'assurer que le contenu des films était en accord avec les valeurs et les principes du communisme et ne contenait pas d'éléments considérés comme contraire à la morale ou politiquement inacceptables. 😳😳 Liberticide mais formateur. Ce faisant, Esfir Shub a brisé toutes les conventions de l’époque et façonné l'avenir du cinéma documentaire. Mais son influence s’étend évidemment au-delà des frontières de l’industrie cinématographique. Car sa démarche repose sur une quête d’authenticité historique, qui va au-delà de la poésie des images.  Pour cette raison, son travail demeure aujourd’hui encore un puissant témoignage de la force du cinéma comme vecteur de vérité et d'histoire. Esfir Shub nous rappelle que les perspectives innovantes peuvent façonner de manière indélébile notre vision du monde. Et ça, ça m’inspire. ************************************* Si vous me découvrez ici, je suis Cᴀʀᴏʟɪɴᴇ Sᴀꜰɪʀ,  😎 Chaque semaine je décrypte l'actu cinéma et mets en avant des personnalités qui changent le monde par l'image. ✊ Pour pulvériser le plafond de verre de nos métiers mais aussi pour une plus juste représentation de tous devant et derrière la caméra. Pour ne rien manquer, activez la 🔔

🎬 Retour sur un trésor cinématographique : “Abyss” de James Cameron Saviez-vous que “Abyss” (1989), un film visionnaire de James Cameron, a d'abord échoué à trouver son public malgré un budget de 47 millions de dollars et des effets spéciaux révolutionnaires ? 🌊 Ce huit clos audacieux plonge non seulement dans les profondeurs marines, mais aussi dans celles de l’âme humaine, explorant des thèmes comme la communication entre espèces, la peur de l'inconnu et l'empathie. À sa sortie, cette œuvre a déconcerté de nombreux spectateurs. Les critiques ont souvent souligné son rythme lent et ses passages contemplatifs, et le grand public, n’a pas su apprécier la profondeur de son propos. Pourtant, comme d'autres chefs-d'œuvre incompris, tels que “Blade Runner” ou encore “Cloud Atlas” et “Strange Days” comme évoqué dans mes précédents posts. “Abyss” a eu besoin de temps pour être pleinement apprécié. Avec les années, il est devenu évident qu'il ne se contente pas d'être un simple film de science-fiction. La confrontation avec l'inconnu, qu'il soit sous-marin ou émotionnel, pousse les personnages à se redéfinir et à trouver une connexion authentique. ➡️ Alors, selon vous, quels autres films méritent une seconde chance pour leur richesse thématique et leur audace technique ? 

Franc-maçonnerie, francs-maçons et cinéma (Par Pierre Courrege) ÉCRIRE, RÉALISER, PRODUIRE DE L’ÉCRIT À L’ÉCRAN La franc-maçonnerie, avec son histoire plus ou moins accessible à tous, avec ses rituels secrets plus ou moins divulgués et ses influences plus ou moins attribuées, alimente l’imaginaire collectif. Quant aux francs-maçons, ils sont souvent perçus comme membres d’une société secrète empreinte de mystères, d’intrigues, et détenteurs de savoirs ancestraux qui leur confèrent pouvoir et puissance. https://lnkd.in/e-ZtEv-Q

Si vous aimez… 1. Les films de motards façon années 60 2. Les sommets du néoréalisme tournés dans l’Italie en ruine de l’immédiat après-guerre 3. Les histoires de flics sud-coréens face à un crime abominable 4. Les films de danse qui tournent au cauchemar 5. Les histoires vraies qui condamnent l’homophobie 6. Les films pompés sans vergogne par Quentin Tarantino 7. Les films qui précipitent Donald Trump dans une colère noire 8. Les très rares adaptations de romans d’Agatha Christie que l’écrivaine a appréciées (… mais aussi les combats de femmes dans les systèmes les plus patriarcaux, les séjours dans la jungle brésilienne menacée de disparition, les retrouvailles entre anciennes et anciens lycéennes et lycéens, les films de vengeance postapocalyptique ou encore les documentaires brûlants sur le Proche-Orient…) … alors vous allez forcément trouver votre bonheur dans ma petite sélection de films qui sortent en salles ou sont diffusés à la télévision ces prochains jours. Comme chaque semaine, tout est sur Cinémamour, façonné par la passion, forcément partial et, je l’espère, très utile pour aller à l’essentiel. Très belle semaine à toutes et tous. https://wix.to/An2mTqo #nouveaupostdeblog