💥 L'État de droit, "ni intangible ni sacré"? Il y a quelques semaines Bruno Retailleau a fait scandale en l'affirmant. Je suis pour ma part convaincue que c'est un bien précieux qu'il est essentiel de protéger; et que les atteintes que certains tentent de lui porter sont à prendre très au sérieux. Dans la période de fragilité démocratique que nous traversons, il me semble fondamental de comprendre ce que l'État de droit nous apporte, pour avoir à coeur de le protéger. 👉 Je vous recommande chaudement l'émission 𝘓’𝘌́𝘵𝘢𝘵 𝘥𝘦 𝘥𝘳𝘰𝘪𝘵 𝘢-𝘵-𝘪𝘭 𝘵𝘰𝘶𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘥𝘳𝘰𝘪𝘵𝘴? du 14 octobre dernier sur France Culture qui donne un excellent aperçu du sujet. Merci en particulier à Jean-Philippe Derosier et Magali Lafourcade pour leurs propos très éclairants. ⚖️ On peut dire que l'État de droit c'est la subordination de l'action de l'État à la règle juridique, par la garantie des droits fondamentaux - notamment grâce à la hiérarchie des normes - et par la séparation des pouvoirs. C'est ce cadre qui garantit que l'État ne puisse pas utiliser sa puissance de manière arbitraire (par exemple nous mettre en prison parce que notre tête ne lui revient pas) mais doive inscrire son action dans la règle juridique. ⚖️ C'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789) qui a commencé à construire l'État de droit, pour limiter le pouvoir absolu du roi en inscrivant ce pouvoir dans les limites d'une Constitution. Aujourd'hui ce n'est plus le pouvoir absolu d'un roi mais celui de l'État qui est ainsi limité. On l'a ensuite conforté notamment avec l'adoption de la Constitution de 1946. Il s'agit d'un socle de valeurs essentielles, civilisationnelles, que nous avons construit au fil de notre histoire démocratique. ⚖️ Affirmer qu'il faudrait lâcher du lest sur l'État de droit, c'est remettre en cause les piliers de notre démocratie, de notre histoire constitutionnelle, de notre culture française de l'État. C'est très préoccupant lorsque cela vient du ministre de l'Intérieur. ⚖️ L'État de droit n'est techniquement pas absolument intangible, mais ces valeurs essentielles ont été estimées tellement importantes qu'elles ont été protégées par un maillage dense de textes juridiques difficiles à modifier - la Constitution, diverses conventions internationales... ⚖️ Opposer l'État de droit au peuple souverain n'a pas de sens: c'est le peuple souverain qui a choisi de se lier les mains en inscrivant certains droits fondamentaux dans ces textes de valeur juridique supérieure. ⚖️ Présenter l'État de droit comme un obstacle pour l'action face à des urgences en matière de sécurité est fallacieux. Ainsi le cas dramatique de Philippine a été instrumentalisé par le ministre de l'Intérieur. Pour éviter ce drame, il aurait fallu appliquer les lois actuelles (ce que les services préfectoraux du Ministre n'ont pas fait) et non pas faire évoluer l'État de droit. 📻 Lien vers l'émission en commentaire 📻 #démocratie #étatdedroit
Merci
Responsable de la transition écologique
2 sem.👉 Un autre point intéressant: Bruno Retailleau a évoqué le droit à la sûreté et à la sécurité comme le premier des droits, qui justifierait de changer l'Etat de droit s'il ne parvient pas à garantir ce droit supérieur. Or c'est tout à fait fallacieux: comme le dit Magali Lafourcade c'est une incompréhension totale, car le droit à la sûreté dans la Déclaration des droits de l'homme désigne le droit à la sûreté contre l'arbitraire de l'Etat, c'est-à-dire le fait de ne pas risquer d'être incarcéré sans motif. Cela n'a rien à voir avec un droit à la sécurité.