Début juin 2024, la Commission européenne a décidé de ne pas renouveler l’autorisation d’emploi de 8 arômes de fumée habituellement utilisés pour renforcer la saveur d’aliments divers, tels que chips, lardons, viandes, poissons ou encore sauces.
Cette décision faisait suite à un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) alertant sur le caractère génotoxique de ces arômes (6 cas confirmés et 2 non exclu).
Comme la génotoxicité peut être à l’origine d’affections graves telles que cancers ou maladies héréditaires, une telle mesure doit être unanimement saluée. Mais les délais laissés aux industriels pour se mettre en conformité avec cette décision interrogent.
L'Union européenne accorde en effet aux fabricants un délai de 2 ans pour adapter les produits ultra-transformés à cette nouvelle législation et de 5 ans pour les viandes, poissons et fromages fumés artificiellement et non par fumaison traditionnelle au bois. Cela signifie que des produits avec des arômes dangereux vont continuer à être commercialisés en toute connaissance de cause. Comment alors ne pas s’étonner d’une telle tolérance ?
Le choix de ces arômes est exclusivement motivé par la facilité et rapidité de leur mise en œuvre ainsi que leur caractère peu onéreux, le fumage traditionnel étant nécessairement plus technique, plus long et donc plus cher. Cela permet ainsi de les utiliser sur des produits de premiers prix.
Pourtant, la technique employée par liquéfaction de fumée de bois qui est ensuite vaporisée sur les aliments, est loin d’être exempte de critiques. Celles-ci formulées de façon récurrente depuis plus de 15 ans sont à l'origine de forts soupçons de transmission de toxicité aux aliments. Mais comme l’EFSA, dont le niveau d’exigence sur les données scientifiques est très élevé, n’avait pas de "certitude" sur les effets néfastes de ces arômes, aucune mesure d’interdiction n’avait été proposée. Renonciation d'autant plus curieuse que le principe de précaution qui s’impose tant à la France qu’à l’Europe stipule que "l’absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement ou à la santé".
D'autre part, le rôle de ces arômes n'étant que secondaire puisqu’ils n’apportent aucune plus-value à la qualité nutritionnelle des aliments, leur suppression immédiate n'est pas de nature à créer des problèmes d’approvisionnement, rien n'empêchant au demeurant le commerce de produits non fumés ou de remplacer le fumage artificiel par la fumaison traditionnelle.
Dès lors, comment justifier que la santé, en particulier d'enfants, de femmes enceintes ou de personnes fragiles puisse continuer à être menacée en laissant en circulation même temporairement des substances reconnues dangereuses ?
N’est-ce pas là une mesure inique faisant passer une fois de plus la santé publique après l’économie ?
