À la queue leu leu

À la queue leu leu

Il est 19h30 aux urgences, l’activité est soutenue, les entrées se succèdent. La routine quoi !

La maison médicale de garde (MMG) va ouvrir. Le principe est simple et novateur mais pas nouveau : des médecins généralistes y reçoivent les patients, enfants et adultes, qui relèvent de leurs compétences en premier recours, de 19h30h à 22h en semaine, de 12h à 22h les samedis, dimanches et jours fériés. Son positionnement à l’intérieur même de la salle d’attente des urgences (service dont la vocation première est la prise en charge des cas nécessitant l'accès à un plateau technique spécialisé) en fait une structure complémentaire et réduit ainsi le temps d'attente des patients. Ces derniers se présentent à la secrétaire du médecin spontanément, sans rendez-vous, ou sont envoyés par le 15. Pratique également pour ceux qui ne trouvent aucun médecin traitant par les temps qui courent.

Les malades sont déjà nombreux à attendre. La queue de forme devant le bureau de la secrétaire qui vient d’ouvrir sa porte.

Tout à coup, j’entends des cris et j’observe la scène derrière ma vitre à l’accueil des urgences. Deux hommes se vocifèrent dessus. L’un serait passé devant l’autre. La situation se tend. Celui qui se serait vu doublé est accompagné de son épouse et de ses trois enfants dont deux en bas âge. Le ton monte d’un cran. Sa femme décide de prendre part à la discussion, devenue foncièrement houleuse. Elle aussi se met à vociférer, plus fort que son mari. Elle semble prête à en venir aux mains. L’affrontement physique la démange.

Et les enfants sont là, tout près. Ils assistent à toute la scène.

Quant à moi, je suis flanqué sur ma chaise, sidéré par ce que je vois et ce que j’entends. Les autres patients assis dans la grande salle d’attente le sont tout autant que moi. Ils sont pétrifiés de peur.

L’infirmière d’accueil décide de jouer le rôle de médiatrice. En vain.

Les enfants sont toujours là, témoins malgré eux.

Je prends l’initiative de m’adresser aux parents devenus hors de contrôle, faisant preuve d’une agressivité inouïe. Je leur crie qu’ils exposent leurs propres enfants à la violence. La leur. Ils les rendent témoins de leur propre violence. Ces gamins subissent donc frontalement de la violence émotionnelle. Ces géniteurs n’en sont probablement pas à leur premier différend public : il me paraît évident que ces enfants ont par le passé assisté à d’autres scènes du même acabit.

Je décide finalement d’appeler les grands gaillards de la sécurité qui, 5 minutes plus tard, interviennent en décidant d'éconduire le couple surexcité suivi par les 3 enfants.

N’oublions pas que l’enfant, exposé contre son gré à un climat de violence dite ordinaire, acquiert un certain mode de résolution du conflit par la loi du plus fort. Et c’est justement cette stratégie qui risque de le mettre à mal dans ses futures relations sociales, scolaires et professionnelles.

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