À LA RECHERCHE DE COLONIES D’ABEILLES À MIEL SAUVAGES
Depuis 2020, le biologiste Fabrice Requier étudie les colonies sauvages d’abeilles à miel du Parc national de forêts, dans la région Grand Est. Co-financés par POLLINIS, ces travaux cherchent à combler le manque de données sur les abeilles mellifères sauvages en France et en Europe, et à savoir si elles peuvent survivre sans aucune intervention humaine.
C’est entre la Haute-Marne et la Côte d’Or que s’étendent les 56 000 hectares du Parc national de forêts, créé en 2019. Fabrice Requier, chercheur au laboratoire EGCE et spécialiste de l’écologie des pollinisateurs, y étudie depuis 2020 les colonies d’abeilles à miel (Apis mellifera) sauvages, bien moins étudiées par les scientifiques que leurs congénères domestiques.
Premier enjeu de ces travaux co-financés par POLLINIS, repérer les colonies. Une tâche loin d’être aisée : nichant dans des troncs d’arbre, des anfractuosités ou des interstices à plusieurs mètres du sol, les essaims d’abeilles à miel sauvages évoluent à l’abri des regards, loin de toute intervention humaine.
Il s’agit notamment, avec cette étude, de combler le manque de données disponibles sur les abeilles à miel sauvages, mais également de savoir si elles peuvent survivre sans intervention humaine alors qu’elles subissent les mêmes pressions (pesticides, Varroa destructor, changement climatique…) que les abeilles domestiques.
Pour suivre leur trace, Fabrice Requier et les biologistes Jeff Pettis et Tom Seeley ont donc remis au goût du jour une méthode de triangulation ancestrale, le beelining.
Première étape de cette méthode de triangulation : l’inventaire, consistant en l’inspection, pendant une dizaine de minutes, d’une zone riche en ressources florales à la recherche d’Apis mellifera. « Avant de regarder, j’écoute », commente le chercheur habitué à suivre le bruyant battement d’ailes des butineuses.
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Deuxième étape du beelining, la capture. Si plusieurs abeilles à miel sont identifiées lors d’un inventaire, les chercheurs en capturent entre cinq et quinze spécimens à l’aide d’un filet à papillon.
S’ensuit alors le conditionnement. Les abeilles à miel capturées sont déplacées dans une bee box [boîte à abeilles]. La vitre laissant entrer la lumière naturelle, les butineuses se dirigent naturellement vers l’extrémité lumineuse de la boîte, qui sera ensuite séparée en deux parties à l’aide d’une cloison en bois.
Dans le premier segment de la boîte, les chercheurs déposent des rayons en cire d’abeille remplis d’un liquide sucré aromatisé à l’anis. « L’odeur de l’anis est forte et facilement identifiable par les abeilles : cela permet de différencier le liquide des autres ressources florales et favorise le retour des abeilles sur place », explique le chercheur.
La cloison est ensuite enlevée, laissant les abeilles se nourrir de la solution sucrée. Quelques minutes plus tard, les chercheurs ouvrent la boîte préalablement déposée sur un piquet. Ils observent ensuite le comportement des abeilles mellifères – dont le retour sur place est plus probable si, par exemple, elles dessinent des spirales dans le ciel – ainsi que la direction dans laquelle elles s’envolent, une indication utile pour estimer la présence de colonies.
Vient alors l’étape du marquage. Si un spécimen d’Apis mellifera revient sur place, les chercheurs marquent son abdomen ou son thorax à l’aide d’un feutre à l’eau. Étant probable que ce spécimen prévienne ou ait prévenu, par une danse, d’autres ouvrières de l’essaim de la localisation du piquet, les chercheurs marquent plusieurs abeilles et observent leurs allers-retours : en notant leurs heures précises d’arrivée et de départ ainsi que la direction dans laquelle elles s’envolent, ils parviennent à estimer la localisation d’une colonie.