À Toulouse-Francazal on croit au transport du futur Transports

Y croire ou pas. Alors que le projet de train ultrarapide à sustentation magnétique Hyperloop sortira de terre à Toulouse en fin d'année, des voix mettent en garde contre une technologie non aboutie voire chimérique. Des chimères qui pèsent pourtant 520 tonnes qui, elles, sont déjà bien réelles. Il s'agit des fameux tubes d'acier dans lesquels circulera le train. Ils ont commencé à arriver depuis avril dernier sur l'ancienne base aérienne de Toulouse-Francazal. Ils ont été fabriqués par un sous-traitant d'Airbus en Espagne.

Piste d'essai de 300 mètres

Dans un premier temps, le but est de créer au sol une piste d'essai de 300 mètres de long pour valider les concepts techniques de ce mode de transport terrestre intelligent. Dans un deuxième temps, une piste longue, elle, d'un kilomètre et perchée sur des pylônes d'acier sortira de terre. L'ancien mess des officiers est en cours de rénovation afin d'accueillir les ingénieurs et techniciens du projet. Aujourd'hui un mini-centre de R & D logé dans la tour de contrôle emploie dix personnes.

À terme, ils doivent être une cinquantaine. Une phase très concrète du projet qui ne convainc pourtant pas Yves Crozet, chercheur au Laboratoire aménagement économie transport (LAET) à Sciences Po Lyon qui vient de qualifier cette aventure de «chimère» voire d'«escroquerie» en raison notamment de la faible capacité d'emport des capsules : 15 000 voyageurs par heure pour les TGV nouvelle génération contre seulement 4 800 pour Hyperloop.

Ce n'est pourtant pas le sentiment de l'État ou de Toulouse Métropole qui ont tous deux contracté avec Hyperloop TT autour d'un bail à construire afin de permettre à la start-up d'investir sur l'ancienne base militaire, toujours propriété de l'État. Et la société a les moyens de ses ambitions puisqu'elle a déjà levé 35 millions d'euros.

Côté innovation, elle a déposé 42 brevets et a signé des contrats de partenariat avec plusieurs villes et organisations dans le monde. Outre Toulouse, la dernière coopération en date remonte au 19 juillet dernier avec le groupe Tongren Transportation & Tourism Investment pour construire une ligne commerciale de dix kilomètres à Tongren dans le sud-ouest de la Chine. Une porte ouverte en Asie qui intervient à peine un mois après un accord signé avec le ministère des infrastructures ukrainien. On compte aussi l'Indonésie, le Brésil, la Corée du Sud, les États-Unis et les Émirats Arabes Unis comme pays partenaires du projet. Hyperloop TT ambitionne d'ailleurs d'ouvrir sa première ligne entre Abu Dhabi et Dubaï où se déroulera l'exposition universelle en 2020. Les capsules qui seront mises en service dans cet émirat auront préalablement été testées à Toulouse.

La diversification tant attendue de Toulouse

Et la Ville rose supporte le projet car il pourrait bien incarner la fameuse diversification économique tant recherchée. À côté du géant aéronautique Airbus et de son écosystème, le cap vers l'économie de la santé est plus long que prévu à négocier.

Ajouter une industrie de rupture dans les transports permettrait à Toulouse de tenir un relais de croissance pour les décennies à venir. Les élus qui ont la responsabilité du territoire n'ont pas voulu écarter le projet Hyperloop TT. Bibop Gresta le cofondateur de la société a d'ailleurs ouvert le Sommet des start-up organisé au conseil régional d'Occitanie le 18 juin à Toulouse par le magazine Challenges en partenariat avec La Dépêche du Midi. «Cette ville et cette région (Toulouse et l'Occitanie, NDLR) sont un concentré unique de ce dont nous avons besoin pour Hyperloop : un leader comme Airbus qui évolue dans un écosystème de laboratoires de recherches et d'entreprises innovantes» a expliqué Bibop Gresta.

D'ailleurs 33 entreprises toulousaines ont été sélectionnées par Hyperloop en novembre 2017 pour travailler dans l'équipe. Et c'est à Toulouse qu'Hyperloop TT veut installer son centre de recherche européen, tout à côté d'Airbus. L'avionneur toulousain se lance d'ailleurs lui aussi dans des technologies de rupture avec deux projets : Vahana, un aéronef électrique monoplace et autonome à décollage et atterrissage verticaux ainsi que CityAirbus, un taxi volant électrique de quatre places. Même si personne ne peut garantir les promesses d'Hyperloop, ils sont nombreux ceux qui ne veulent pas laisser passer le train. C'est clairement ce qu'a expliqué le mathématicien Cédric Villani, également député LREM : «La France, pays pionnier en aviation et en LGV, doit veiller à développer ses capacités de R & D et d'innovation, publique comme privée. L'hypothèse d'une réussite de cette technologie ne peut pas être exclue».

Même si certains doutent du modèle économique, Bebop Gresta assure qu'il faut voir Hyperloop TT comme un cinquième mode de transport à côté de l'avion, du train, de la voiture, des navires. Même la SNCF croit dans cette technologie puisqu'elle a investi dès 2016 dans le projet d'Hyperloop One, un projet concurrent des équipes toulousaines qui conduit ses tests au États-Unis.

Toulouse n'entend pas laisser passer sa chance. Lors de la présentation du bilan de l'agence d'attractivité économique, Dominique Faure, la vice-présidente de Toulouse Métropole assurait : «Il revient à la collectivité de faciliter l'implantation de tels projets à Francazal mais c'est à Hyperloop de se tourner vers le privé pour assurer son financement». Non officiels, les volumes d'investissement à Toulouse pourraient atteindre jusqu'à 40 M€. L'obstacle majeur risque de ne pas être technologique mais réglementaire. Hyperloop devra certifier son train pour transporter du public : un processus qui peut prendre des années ! Les premières liaisons pourraient donc être des lignes de fret express pour les marchandises aux États-Unis.

Gil Bousquet

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