« Ça ne tiendra pas un an, ça ! »

Il y a onze mois une femme a dit, devant notre vitrine, pensant que nous ne l’entendions pas (ou ne s’en souciant absolument pas) : « Ça ne tiendra pas un an, ça ! ».

Cette sentence me revient à l’esprit, aujourd’hui, alors que je me retrouve à me poser la question la moins évidente de ma vie : dois-je mettre un terme à l’aventure Foglietto ?

La personne qui a prononcé cette phrase n’avait aucune conscience de ce que signifie « entreprendre ». Elle ne pouvait pas deviner que pour nous, entrepreneur·ses, le temps ne s’écoule pas de la même façon, que le compteur de nos succès est loin de n’afficher que des chiffres, et que ce ne sont pas derrière nos fins que se cachent nos échecs, et vice versa. 

Je ne referai pas ici la liste de mes erreurs et de mes malheurs. Les premières sont humaines, inévitables, formatrices et ne me procurent pas la moindre once de regret. Les seconds, qui sont les inquiétants symptômes d’un monde malade sur lequel nous avons, à notre niveau, une trop faible emprise, ont au moins eu le mérite de renforcer en moi un sain et réconfortant sentiment de solidarité avec d’autres être humains.

Il y a quatre ans j’occupais un coin de bureau au sein du collectif Sans Shérif et, de retour chez moi le soir, je préparais les premiers colis de Foglietto dans ma chambre d’amis. Je me souviens avoir alors répondu à mon colocataire Thierry, qui me demandait où je me voyais dans cinq ans, que je serais heureuse d’avoir autour de moi une petite équipe de 4 personnes, nos propres locaux et tout un tas de projets excitants sur lesquels travailler. Mon optimisme (ou mon ambition), avait fait se lever les sourcils de mon ami.

Pourtant, cette vision est maintenant mon quotidien depuis près d’un an. 

Si je me retourne en arrière, aujourd’hui, je vois une entreprise née d’une idée un peu chelou, un joyeux gloubiboulga de toutes mes passions d’alors, qui aura réussi à toucher des milliers d’être humains partout sur la planète. Je vois plus d’une centaine de revendeurs fidèles partout dans le monde. Je vois une petite entreprise française qui s’exporte avec un succès toujours croissant aux États-Unis. Je vois des projets qui ont émergés et des vies qui ont bifurqué en partie grâce à notre marque. Je vois une équipe encore plus __________ (insérez ici un mot élogieux - personnellement, je n’arrive pas à choisir) que tout ce dont j’avais pu rêver il y a quatre ans. Et je vois la façon dont Foglietto m’a transformée. 

En quelque sorte, Foglietto a été mon adolescence. 

Alors oui, peut-être Foglietto va-t-il bientôt disparaître. Peut-être que cette personne aura eu raison, après tout. Mais le paradoxe total de l’entreprenariat me procure un sentiment de fierté encore plus fort, au souvenir de son jugement. Car celui-ci reste hâtif et non construit. Elle ne connaîtra jamais tout ce que j’ai connu au cours de ces quatre dernières années. Certes, des expériences parfois difficiles, mais si indissociables d’où j’en suis aujourd’hui : un endroit profondément inconfortable, mais qui, d’une façon ou d’une autre, me fera entrer dans une nouvelle phase de ma vie.

J’avais débuté ce post avec une autre forme d’inconfort en-tête, celle de vous demander une chose qui m’a toujours mise mal à l’aise : nous soutenir en cette période incertaine en offrant Foglietto à Noël.

Nous ne sommes pas une ONG, nous n’allons pas non plus nous attaquer directement aux vrais problèmes, et je suis justement si bien placée pour savoir que le pouvoir d’achat aujourd’hui permet peu d’écarts et restreint les actes de solidarité économiques, mais nous faisons et avons toujours fait les choses bien. Foglietto constituera un cadeau de Noël éthique et assurément original à glisser sous le sapin, un encouragement à adresser à un·e ami·e, à un·e proche ou à un secret santa qui rêve lui aussi d’inventer ses propres règles, dans un monde où la créativité et la différence seraient enfin célébrées comme des richesses.

Je me suis préparée à l’idée d’une possible disparition complète et absolue de Foglietto dans les semaines ou mois à venir. Cependant, malgré les difficultés économiques que nous rencontrons, Foglietto reste une entreprise très dynamique avec une forte croissance et des client·es fidèles. Ce qui lui fait défaut aujourd’hui et que je ne suis pas en mesure de lui donner (davantage de fonds propres pour continuer à faire évoluer la marque et le catalogue produits, une force commerciale dédiée au B2B et une nouvelle énergie pour aller plus en profondeur sur les marchés déjà ouverts) d’autres le pourront peut-être. C’est pourquoi, parmi toutes les options que je considère actuellement, confier Foglietto à de nouvelles mains, lui donner un nouveau souffle à travers une cession, est l’une des routes que je suis la plus désireuse d’explorer.

Parlez-en autour de vous, ou songez-y. Si cela vous intéresse, je partagerai dans un prochain article plus de chiffres et de faits. Et n’hésitez pas à me poser vos questions en commentaires, j’y répondrai.

Crédit photo : CLUB NEON et Magneto Club, avec la généreuse participation d'e Anne-Sophie Loret et Charlotte Baulat - River Home.