Êtes-vous fait pour être numéro un?
Êtes-vous le Poulidor de votre entreprise ?
Il y a peu de temps on m’a demandé si je voulais devenir numéro un c’est-à-dire directeur général ou quelque chose dans ce genre. Cela revient d’une certaine manière à dire comme certaines personnes en fin de soirée, si j’étais le président je ferais différemment. Mais qu’est-ce qu’un numéro un ? Tout le monde peut-il le devenir ? Est-ce que tout le monde le souhaite ?
Il y a le numéro un et le numéro deux, le second. Le vizir qui veut devenir calife à la place du calife dans l’imaginaire presque enfantin du management en entreprise. Mais on oublie que le Vizir ne peut pas devenir calife puisque le califat était héréditaire à Damas comme à Bagdad… Plus près de nous on a bien vu le maire du palais devenir roi des Francs en déposant le dernier mérovingien. Pépin déposa Childéric III et les Pippinides devinrent les Carolingiens… Alors pourquoi tant d’intrigue pour devenir enfin numéro un ?
Mieux vaut être premier en province, que second à Rome aurait dit César. Est-ce aussi vrai dans le monde de l’open space ?
Un numéro un : à quoi ça sert ?
Un porte porte-voix. Le rôle du numéro un est avant tout de dire où va l’organisation, il a un rôle de boussole, de porte-parole. Il porte la vision car toute entreprise ou organisation doit avoir une vision claire et nette. Quand on ne connait pas la destination on ne risque pas à avoir des collaborateurs enthousiastes pour y aller. Sans vision, on tâtonne, on gère le quotidien, mais on ne va nulle part. Le numéro un est là pour dire la suite et embarquer le plus de personnes possibles. Et si un collaborateur ne partage pas la vision, il doit s’en aller.
Son rôle au quotidien est de parler, parler et encore parler souvent pour dire exactement la même chose. Steve Jobs n’avait pas besoin d’être un technicien, un ingénieur, Wozniak a tout fait, on le sait, mais il a réussi à bâtir le succès qu’on connait grâce à son art du pitch, de la vision partagée. Quand il reprend les rênes d’Apple en 1997, il bâtit le retour du succès sur deux choses : une rationalisation de gamme produits mais surtout sur une vision dont la campagne Think Different fut le plus bel exemple. Que reste-il de tout cela un quart de siècle plus tard ? La vision de ce que doit être l’informatique pour le public, une certaine idée de la création. Les iMac et autres sont relégués au musée mais la vision est restée. A chaque lancement de nouveau produits par Apple tout le monde se demande « mais où est passé la vision de Steve Jobs ? Qu’aurait-il pensé du dernier iPhone dont la seule innovation est d’être d’une couleur différente ? »
Un autre exemple me vient à l’esprit pour parler de l’importance de la vision portée par un numéro un, celui de Kennedy. Kennedy est le président qui a dit que l’Amérique irait sur la Lune avant la fin de la décennie. Il le dit et le martèle en 1961 et cela a eu lieu en 69. A six mois près la NASA n’était plus dans les délais… A-t-il vu cela ? Non. A-t-il construit lui-même une fusée ? Non. Savait-il ce que cela représentait comme défi d’ingénieur ? Peut être mais l’essentiel n’est pas là. Il a porté une vision, celle d’une Amérique triomphante au moment où elle se posait des questions et se sentait même dépassée et menacée par les succès soviétiques. Le reste est secondaire. Quand on pose la question du comment et du détail à un numéro un on pose la mauvaise question.
Kennedy n’a pas envoyé Niel Amstrong sur la Lune, mais il a répété aux Américains que cela était possible, au moment où leur programme spatial ne dépassait pas les cumulus qui couvraient un cap ne s’appelant pas encore Cap Kennedy. Kennedy n’a pas signé les droits civiques, le Civil Rights Act a été signé en 1964 et le Voting Rights Act en 1965 et il fallut attendre 1968 pour voir la fin de la ségrégation partout dans les Etats fédérés. Mais il a posé les fondements de ces lois, non en les rédigeant mais en montrant le chemin pour y parvenir et en dessinant les contours d’une Amérique nouvelle.
Si vous voulez connaitre les détails, la feuille de route pour atteindre ce point que le numéro un montre à longueur de journée, il faut poser la question au numéro deux.
Le numéro deux : un rôle ingrat ?
Le numéro deux est vu comme un second, un bras droit. Est-ce le cas ? Non le numéro deux n’est pas assistant, il n’est pas là pour apporter le café et il n’est pas là pour attendre que la première place se libère. Cela en ferait un comploteur. Non un numéro deux est bien plus que cela.
Le numéro deux entend ce que le numéro un dit, propose, construit comme vision, il permet à la vision du numéro un de devenir une réalité.
Une qualité : le numéro deux, un fin connaisseur de tout
Ce qui marque quand on regarde de près la qualité des numéros deux est celle d’être capable de connaître absolument tout de ce qui se cache dans les couloirs, de connaitre le fonctionnement de l’organisation plutôt que celle de l’organigramme et de pouvoir rentrer (et en ressortir) dans les moindres recoins d’un dossier, d’un projet.
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Reprenons notre exemple de Kennedy. Si finalement l’Homme posa un pied sur la Lune c’est grâce au travail d’un numéro deux, en l’occurrence Johnson le vice-président. Johnson connaissait tout le monde à Washington, les vices et les vertus de chaque représentant ou sénateur. Cela est utile pour créer la NASA et la doter d’un budget conséquent et faire taire les volonté des organismes concurrents comme la Navy et l’US Air Force. Il fallait connaître les rouages du système pour faire adopter les droits civiques, qui plus est en plus d’être originaire d’un Etat du sud. Kennedy et Johnson ne s’appréciaient guère, mais chacun avait compris l’intérêt de laisser l’autre dans son rôle, à l’un la vision et à l’autre l’opérationnel.
Dans le retour en grâce d’Apple, Jobs a eu un rôle indéniable, mais cela serait oublie le travail et le rôle d’un Tim Cook qui était alors le directeur des opérations. Cook remis de l’ordre dans l’appareil de production d’Apple. Son rôle n’était pas simplement de compter les boulons, mais de trouver des solutions pour fabriquer ce que Jobs avec Ive avaient en tête. Sans Cook, Jobs aurait continué à sauter sur sa chaise en criant l’Ipod, l’Ipod mais sans rien voir venir.
La force du numéro deux est de connaitre l’art de la broderie organisationnelle et de permettre aux paroles et à la vision du numéro un d’être encrées dans la réalité.
Des rivaux ou un tendem ?
Si le numéro deux connait tous les détails qui permettent au numéro un de voir sa vision devenir concrète, il s’en faudrait de peu de penser qu’il lui suffirait d’avoir une vision pour ravir la première place à l’autre.
Les numéros deux promis à la première place deviennent avec le temps turbulents et dangereux. Songez au Dauphin Louis, futur Louis XI qui intriguait contre son père Charles VII, songez à Artois qui dans le dos de son frère Louis XVIII animait un cabinet fantôme dans le pavillon de Marsan ; l’ambiance devait tellement être pesante que le vieux roi aurait dit avant de mourir, « hâtons-nous, Charles attend ».
On remarquera que les Charles attendent souvent longtemps…
Si le numéro deux est vu comme un dauphin, tôt ou tard nous assisterons à une querelle pour ne pas dire autre chose. Le numéro deux ne doit pas être un numéro un en puissance, il ne le faut pas.
Pour que les choses se passent bien, il convient de bien attribuer les rôles, les tâches. A l’un le droit de parler, de porter la bonne parole, de donner un cap, à l’autre de permettre que cela soit possible.
Qui veut prendre sa place ?
On comprendra que la question « voulez-vous devenir numéro un ? » n’a de sens que si elle est adressée à une personne dont le tempérament d’y prête. Ce n’est pas par manque d’ambition ou de volonté de travailler qu’on peut y répondre par non. Le rôle de numéro un correspond à une personnalité, une manière de faire. Il en va de même pour le rôle de numéro deux.
Pour rendre les choses plus claires et éviter les déconvenues, il conviendrait de supprimer de notre vocabulaire tout ce qui a trait à une hiérarchie, à commencer par le un et le deux, mais aussi les « adjoint », les « deputy ». Mais les organisations étant presque bâties sur le modèle de la pyramide voire du régiment, elles ont toutes les peines du monde à s’extraire de ce paradigme qui conduit dans bien des cas à une ambiance de guerre de tranchées et de facto ne sert en rien leurs intérêts.
There can be only one?
Don’t loose your head !
Responsable RSE & Développement Commercial Immobilier Durable
1 ansÊtre cohérent quelque soit notre mission, donner le meilleur de soi avec le meilleur de chacun!
Author 🔥 Creative and strategist advisor
1 ansPetit scarabé a bien grandi :)
Directeur Adjoint de la Banque Privée chez Caisse d'Epargne Ile-de-France
1 ansTrès bel essai !! Je partage assez ton point de vue, la réponse à cette question n’est pas simple… 😊😊