Être journaliste voyage en 2024
Une matinée de boulot à Palomino, en Colombie

Être journaliste voyage en 2024

Je suis journaliste voyage depuis plus de 15 ans. Avant, j’avais déjà une autre quinzaine d’années de journalisme derrière la cravate. J’exerce un métier qui faisait rêver il n’y a pas si longtemps et qui est aujourd’hui critiqué de toute part. D’un côté, on me reproche de prendre trop souvent l’avion. De l’autre, de trop parler d’environnement. 🤷🏻


Je suis passée à deux doigts de revenir à un mode de vie plus sédentaire après la pandémie. Même avant, je me questionnais beaucoup sur mon impact, tant environnemental que sur les communautés d’accueil. J’ai poursuivi ma réflexion après avoir publié «Que reste-t-il de nos voyages?» en 2019, dans lequel je fais état des bienfaits du voyage, chiffres et entrevues d’experts à l’appui. 


Puis, j’ai voulu aller encore plus loin. J’ai interviewé plusieurs spécialistes pour m’aider à voir les différentes facettes des questions qui me taraudaient. C’est comme ça qu’est né «Voyager mieux, est-ce vraiment possible?», publié l’année dernière chez Québec Amérique.


Je n’ai toujours pas de réponse définitive à cette question et je crois que ma réflexion ne cessera jamais d’évoluer. 


Il y a une chose que je sais, par contre : le tourisme peut être très néfaste à plusieurs égards. Dans quelques années, quand la technologie le permettra, la question du transport en avion sera sans doute moins problématique, mais nous n’en sommes pas encore là. J’en suis consciente. Les compagnies aériennes aussi. 


Je tente de regrouper les destinations quand c’est possible ou de prolonger mes séjours sans trop m’éparpiller. Ce n’est pas simple pour différentes raisons. Un jour, je vous parlerai peut-être des réalités des tournées de presse - que j’accepte de plus en plus rarement - et des salaires qu’on offre aux pigistes, rendant difficiles les prolongations de séjours sans revenir avec des dettes. En gros, retenez qu’il faut être fichtrement passionné (et sans doute dyscalculique) pour continuer à pratiquer ce métier et que non, je n’ai pas les moyens de compenser tous mes vols en achetant des crédits de carbone chaque fois que je me déplace (je ne pense pas que tous les programmes sont égaux, mais ça aussi, c’est un autre sujet). De toute façon, je tente de moins prendre l’avion, réduire à la source étant le plus important. Mais je reste une journaliste VOYAGE. Ça implique de se déplacer pour gagner sa vie… 


En contrepartie, je suis toujours persuadée que le voyage peut aussi avoir un impact positif s’il est pratiqué avec humanité, humilité et conscience. Au cours des deux semaines que je viens de passer en Colombie, j’ai rencontré des entrepreneurs qui s’affairent à créer des expériences aussi positives pour les communautés que pour ceux qui leur rendent visite. Des femmes, surtout. Je suis revenue avec un million d’idées. À suivre… 


Tout ça pour dire que j’ai décidé de ne pas quitter le métier. Pas pour le moment en tout cas. D’abord, parce que j’aime encore follement « apprendre » le monde  et rencontrer des humains qui tentent de le rendre meilleur, même si je suis beaucoup plus sélective et critique aujourd’hui. Aussi parce que si tous ceux qui osent remettre en question les modèles établis s’en vont, comment pourrons-nous accéder à l’information ? Non, écrire sur le voyage ne se limite pas à poser dans des lieux de rêve avec son ordi, même si je résiste difficilement à la tentation de le faire. (Et oui, j’ADORE la chaleur, mais ça aussi, c’est un autre sujet.)


Malgré tous les inconvénients de ce métier, je suis consciente de mes privilèges : c’est fabuleux d’avoir accès à autant d’expériences. Ce serait hypocrite de faire semblent d’être au-dessus de tout ça. Bien que j'apprécie le luxe, je continue de fréquenter les auberges de jeunesse pour rester au fait des tendances, tous marchés confondus. Et de poser des questions…


Comptez sur moi pour continuer à chercher des manières de faire mieux, toujours. Mon but n’est jamais de faire la morale ou d’offenser qui que ce soit. Mais ce n’est pas parce que ça ne vous tente pas d’entendre parler de quelque chose que ça n’existe pas. Et ce n’est pas parce que je semble voyager beaucoup que je n’ai pas déjà réduit beaucoup, beaucoup…


J’ai besoin du terrain pour intégrer la théorie et de la théorie pour comprendre le terrain. Je suis en perpétuel apprentissage. Avec tout ce que cela comporte d’essais et d’erreurs, mais avec le plus de sincérité possible. 


P.S.: Avis aux Européens qui seraient tentés de poser un jugement : vous déplacer d’un pays à l’autre en train est facile pour vous. Pensez-y la prochaine fois que vous aurez envie de râler contre la SNCF ou de critiquer les voyageurs canadiens. ;-)

P.P.S.: D’un point de vue plus perso, je n’ai jamais possédé de voiture et n’ai pas l’intention de m’en procurer une. J’adore marcher et prendre les transports collectifs, surtout pour d’interminables trajets.

Lyne Boisvert

Spécialiste des communications écrites │ Traduction, révision, rédaction, BonGo Créations │ Bonifie les contenus des PME

10 mois

Étant une passionnée des voyages, tout comme toi, je trouve très pertinent ta réflexion sur l'environnement et sur le fait de prendre l'avion et de se remettre continuellement en question. J'habite en ville, et donc mes déplacements se font le plus souvent à pied, mais je ne cesse de me triturer la cervelle avec l'impact environnemental des voyages. Bien sûr, j'ai diminué en fréquence, mais il reste que voyager me permet de me "déconnecter" du paysage québécois le temps des vacances et que c'est nécessaire pour mon état mental. Je fais économiser des $$ en soins de santé au système public. J'apprends "live" sur les autres cultures, et rien ne peut accoter ça. C'est une expérience humaine déstabilisante et formidable à la fois. Ne cesse jamais d'écrire sur les voyages, tes textes sont toujours intéressants. Bonne continuité!

France Savard

Relationniste et artisane de coups de cœurs

10 mois

J’aime ta réflexion, très éclairant.

Mathieu Bédard

Cofounder and CEO @ Camden, global creative agency 🇨🇦🇫🇷🇭🇰

10 mois

L'importance, c'est la cohérence. Je sens beaucoup d'humilité dans ce que tu écris, dans le fait de ne pas avoir toutes les réponses, dans la conscience de ce qui apparaît parfois comme tensions entre les rêves, les désirs, les idéaux et les responsabilités. Peu importe ce que l'on dit aujourd'hui, on se fait rabrouer par les deux extrêmes. Or, la sagesse se situe entre les deux, mais elle est souvent la plus attaquée et la plus vulnérable. Merci de continuer à nous faire découvrir le monde, ses cultures et à nous faire rêver!

guy déom

Ventes et Développement des affaires - Centrexpo Cogeco

10 mois

Vous avez bonne mine ! Je crois que je vais partir en télétravail :)

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