Être volontaire
Après 5 ans en tant que salariée dans une entreprise privée, je suis devenue volontaire pour une ONG. Pour certains c'est une "pause" entre les études et le premier emploi, d'autres comme moi, ont quitté leur travail pour vivre cette expérience hors du commun. Quel que soit le moment de vie durant lequel se manifeste cette décision, j'ai souvent l'impression que le volontariat est vu comme une rupture avec le monde professionnel, une parenthèse.
Dans cet article, j'aimerais vous partager ma vision du volontariat et prouver, si besoin était, que cette expérience est un formidable atout du point de vue professionnel.
Se remettre dans une posture d'apprentissage
Tout changement s'accompagne d'une période d'adaptation donc, d'apprentissage. Pour ma part, tout a changé: le type d'"entreprise", le type de mission, le pays, les interlocuteurs etc... Le volontariat c'est apprendre en permanence, développer son adaptabilité, gérer des imprévus dans une langue inconnue, réapprendre à faire confiance à ses interlocuteurs, développer de nouvelles méthodes de travail... En résumé, c'est une source d'enseigmements permanente.
Certaines choses se révèlent extrêmement difficiles du point de vue culturel : l'incapacité à anticiper, ne pas parler la langue, composer avec des interlocuteurs tous très différents (d'autres volontaires, des étudiants cambodgiens, des responsables d'entreprises, des staffs khmers qui vont du Directeur Pédagogique à la femme de ménage...). Il m'a fallu passer par beaucoup d'étapes pour comprendre comment me comporter avec toutes ces personnes et il me reste encore énormément à apprendre (à commencer pas le khmer).
La signification du volontariat à mes yeux
Le volontariat est une expérience à part. Dans mon cas, je dois jongler entre un travail de bureau (9h - 19h environ) du vendredi au mercredi et la responsabilité d'un foyer qui me demande d'être souvent chez moi (environ 3 soirs par semaine, dimanche soirs non négociables). Je n'accepterais ce ryhtme de la part d'aucune entreprise et c'est bien normal ! Mais ici il s'agit d'un engagement que j'ai pris le jour où j'ai accepté de partir avec Enfants du Mékong.
Le volontariat, c'est accepter pendant un an (ou deux) de renoncer à une certaine forme de confort qu'il soit matériel (les chambres sont spartiates, je n'ai pas de cuisine chez moi, pas de chasse d'eau ni d'eau chaude... et encore certains volontaires ont des conditions bien plus difficiles) ou plus personnel (pas de sorties jusqu'à tard le soir, peu de weekends disponibles, une vie en communauté H24 etc...). C'est se mettre dans un état d'esprit non plus de productivité mais de don (de sa personne, de son temps...) sans KPIs, notion de rentabilité ni de bilans chiffrés mais avec pour seul indicateur l'épanouissement des bénéficiaires. Autant vous dire que cela n'a plus grand chose à voir avec ce que je connaissais auparavant.
Le volontariat est-il incompatible avec le travail salarié ?
Cela m'amène à mon dernier point: comment trouver une passerelle entre les deux ? Les volontaires sont-ils nécessairement des utopistes déconnectés de toute considération de rentabilité et inaptes à la vie d'entreprise ? Sont-ils forcément destinés à travailler dans le social, l'humanitaire ou la RSE ?
Si vous me connaissez, vous savez probablement quel est mon point de vue. Après plusieurs années en entreprise privée, je suis persuadée qu'elle se nourrit de la diversité des profils et des expériences. Un volontaire aura développé des compétences qu'un autre collaborateur n'aura pas nécessairement : adaptabilité, empathie, aisance dans un contexte international... même s'il les mettra probablement en pratique avec moins d'intensité que lors de son volontariat.
Par ailleurs, le volontaire aura eu le temps de se poser des questions (sans nécessairement trouver de réponse mais ça c'est un autre sujet). Je pense qu'un volontaire qui revient se connait mieux qu'en partant, sait davantage ce qui lui tient à coeur, quelles sont ses valeurs et ses priorités. C'est aussi un atout pour un futur employeur d'embaucher quelqu'un qui a une petite idée du sens qu'il veut donner à sa vie.
En somme, je pense que le volontariat est complémentaire à la vie en entreprise. A mes yeux, tout le monde devrait un jour faire cette expérience que ce soit de temps à autre dans une association locale, quelques mois à l'étranger ou plus longtemps encore. Je pense aussi que les entreprises devraient encourager ces projets soit via des mécénats de compétences soit en facilitant l'octroi des congés sabbatiques pour les collaborateurs qui le demandent. Certaines rechignent encore à le faire et c'est bien dommage ! Bref, valoriser le volontariat en tant qu'expérience humaine c'est une chose et c'est tout à fait logique mais le valoriser en tant qu'expérience professionnelle est aussi terriblement important. A bon entendeur...
Chargée de Recrutement et du suivi des Volontaires chez Enfants du Mekong
4 ansMerci Agathe pour cette mission! Belle réflexion....qui pourra me servir 😉
Chanteuse & musicienne chez June Souls | Auteur-compositrice-interprète
4 ansMerci pour ce partage d'expérience ! En effet une telle expérience à l'étranger permet d'acquérir des savoir-être précieux :)
Responsable des relations externes
4 ansBravo Agathe et merci de nous faire partager ton expérience à travers tes articles ! Je suis certaine que tu sauras valoriser toutes les qualités développées durant ton volontariat
graphiste
4 ansMerci pour l’expérience que tu nous partage, elle est très enrichissante. La remise en question passe forcement par s'affranchir de notre fameuse "zone de confort"... Mais avant tout, une sacrée dose de courage ! Encore bravo Agathe !
Country Manager chez SolarEdge Technologies (France)
4 ansTrès intéressante et pertinente ton analyse, Agathe ! Si la philosophie volontariat vs salariat ont bien évidemment des objectifs différents, je suis convaincu que l’un enrichit l’autre (et vis versa). En d’autres termes, pratiquer un temps du volontariat ne signifie pas - au contraire - qu’on est inapte au salariat. Par contre, cela veut dire qu’on acquiert une ouverture d’esprit qui est de l’or en barre pour une entreprise ! Que vaut il mieux pour une entreprise : avoir des salariés qui rentrent dans une case, avec un cahier de charges du job 100% bordé / formaté ou des salariés qui savent insuffler autre chose : un angle different, des idées nouvelles, ... ? Il est evident pour moi que ce qui fait avancer l’Entreprise c’est le sang neuf avec tout ce que cela comporte ; sinon, c’est la nécrose assurée. Combien de fois je l’ai vécu dans mes vies pro ! Donc, oui, une experience de volontariat peut interroger/voire déranger, quand on arrive dans le monde de l’Entreprise où l’esprit de don de soi sans arrière pensée doit rejoindre celui de la productivité (nous ne sommes pas dans une societe de bisounours ; ca se saurait 😊). Enlevons nous de la tête « l’image d’Epinal » : le volontaire est un illuminé , inapte au monde « réel » 😉