10 choses à faire (et ne pas faire) pour supporter le confinement

Pour franchir le cap critique du « quinzième jour » de confinement, les recommandations de Houari Maïdi°, psychanalyste, professeur de psychologie clinique à l'université de Franche-Comté.

« On retrouve dans le confinement les éléments du traumatisme : l'effraction brutale d'un événement auquel nous n'étions pas préparés ; une situation extraordinaire qui nous plonge par surprise dans une étrangeté inquiétante ; la déstabilisation de tous nos repères ; une métamorphose de la réalité », observe le psychanalyste Houari Maïdi. « Il peut s'ensuivre une sorte de sidération. Ce qui nous était familier (la foule, le contact, le dehors…) devient subitement étrange, ce qui nous était étranger (l'enfermement, la séparation, la privation) s'impose à nous. Ce changement soudain, ce renversement violent sont générateurs d'angoisses et peuvent conduire, dans la durée, à un affaiblissement psychique dont il ne faut pas sous-estimer l'impact », prévient encore ce professeur de psychologie clinique (université de Bourgogne-Franche-Comté).

« Un confinement brutal tel que celui que nous vivons peut réveiller, chez certaines personnes, des angoisses archaïques : sentiment d'anéantissement, de détresse et d'abandon, isolement et désolation. L'impression de perdre pied, d'être lâché, « désaidé », selon la formule du psychanalyste Jean Laplanche », souligne Houari Maïdi. Qui attire notre attention sur « les paradoxes », les « injonctions contradictoires » auxquelles nous devons faire face : « La situation nous pousse à certains comportements qui, d'ordinaire, relèveraient du trouble obsessionnel : se laver les mains dix fois par jour, éviter les contacts, s'adonner à des rituels de vérification. Les tensions massives que nous subissons, au lieu de pouvoir être libérées, sont confinées en même temps que nous. La nécessité de créer du lien se heurte aux limitations drastiques qui nous sont imposées, y compris vis-à-vis de notre propre famille. »

Loin des conseils passe-partout qui fleurissent dans certaines gazettes, cet enseignant-chercheur nous livre quelques clés pour passer avec le moins de dommages possible « l'épisode déroutant et potentiellement traumatogène » du confinement, au moment où nous entrons dans la période critique du « quinzième jour ».

Agissez contre la perte de repères

L'enfermement, la répétitivité peuvent vite, si l'on n'y prête pas attention, nous faire perdre la notion du temps. D'où la nécessité de trouver et de fixer d'autres points de repère en instaurant, par exemple, une série de petits rituels qui viendront ponctuer nos journées, conseille Houari Maïdi. « En même temps, il conviendra de rompre avec cette routine en instillant, de temps à autre, une petite dose d'imprévu, notamment les week-ends. » Cela peut sembler évident, mais s'assurer de la date et de l'heure est une nécessité. « Le rétrécissement de notre espace peut être compensé par la maîtrise de la temporalité. Ce temps qui semble ne plus avoir de limites, il faut s'efforcer de le dompter, de le compartimenter avec des rendez-vous à heure fixe : le lever et le coucher, le déjeuner et le dîner, les moments de travail, de loisirs et de repos. Cela peut sembler tout bête, mais le simple fait de s'habiller est primordial », insiste ce psychologue.

Cultivez du lien social

Même si elle est virtuelle, il est essentiel de cultiver une certaine solidarité, de la proximité avec nos proches et les amis dont nous sommes physiquement privés. « Face au sentiment d'absence de l'objet secourable, nous devons recréer de l'étayage, du soutien mutuel. Envoyez des messages, des textes et des images à ceux qui vous sont chers ; partagez avec eux vos lectures, vos réflexions et vos découvertes ; téléphonez-leur. L'humour, aussi, est important. Prenez soin des autres, apprenez à mieux les connaître, maintenez avec eux la conversation », recommande Houari Maïdi. « Attention, il s'agit d'une communication individuelle, interpersonnelle. De ce point de vue, les messages impersonnels que l'on poste sur les réseaux sociaux ne vous seront d'aucun secours. "

Pratiquez un confinement actif…

« Il faut éviter à tout prix de sombrer dans la passivité, prévient ce psychanalyste. Soyez actif dans vos occupations, comme dans vos interactions. Restez éveillé, y compris sur le plan physique, en vous adonnant à l'heure d'exercice autorisée (dans un rayon d'un kilomètre autour du domicile, NDLR) dans le cadre des dérogations au confinement. »

… sans être hyperactif

« Attention, toutefois, à ne pas confondre activité et hyperactivité. Même dans ce cadre contraint, aménagez-vous des temps d'ennui, soyez en capacité de ne rien faire, recherchez les moments de rêverie. »

Soyez philosophe

« Ce que vous perdez en liberté de mouvement, vous pouvez le gagner en liberté psychique. Prenez la peine de vous confronter à vous-même. Questionnez vos valeurs, efforcez-vous de donner du sens à l'épisode tragique que nous traversons, interrogez le sens de la vie, les priorités de votre existence. »

Soyez créatif et inventif

Pouchkine a écrit ses plus beaux textes durant les trois mois de son confinement alors que sévissait le choléra. De nombreux créateurs (Matisse, Frida Kahlo) ont produit des chefs-d'œuvre en étant cloués au lit. « Quel que soit l'objet de votre attention (l'écriture, la cuisine, le jardin, la peinture…), soyez créatif et produisez chaque jour quelque chose », encourage Houari Maïdi.

Préservez de l'intimité

« Les ados ont besoin de s'isoler et, pour eux, ce confinement est une véritable épreuve », constate l'enseignant-chercheur, qui a consacré plusieurs livres à ce moment très particulier de l'existence. « Une trop grande proximité avec les parents fait horreur aux adolescents. Il faut les laisser composer avec l'ennui, cette morosité qui, en temps ordinaire déjà, est constitutive du travail de l'adolescence. Cela vaut aussi pour les adultes. Prenez soin de vous isoler si vous en ressentez le besoin. Aménagez, pour vous aussi, des moments et des espaces d'intimité. »

Évitez l'automédication

« Face à l'angoisse, il peut être tentant de recourir à certains expédients tels que l'alcool ou des médicaments prescrits antérieurement. Évitez toutes ces formes d'automédication, qui ne feront qu'augmenter la passivité et donc l'angoisse. »

Ne vous repliez pas

« Le confinement est un impératif, le repli sur soi un danger. Un bon remède à la mélancolie peut consister à donner du sens à cette assignation à résidence, comme si nous l'avions décidé pour nous préserver du virus et protéger nos proches. Comme un sacrifice individuel que l'on ferait en faveur du bien commun. Réjouissez-vous de cette première bonne nouvelle que nous apporte l'épidémie : la planète reprend son souffle, elle éveille les consciences. »

Tournez-vous (dès à présent) vers l'avenir

« La durée du confinement est la grande inconnue du moment. Pour autant, il n'est jamais trop tôt pour penser à demain. Lancez des projets, fixez-vous des objectifs, même modestes ; engagez une dynamique tournée vers le futur pour ne pas vous abandonner au sentiment funeste d'un avenir obstrué, conseille Houari Maïdi. La routine qui, immanquablement, va s'installer peut être mortifère et induire des sentiments contrariés : perte de contrôle, vulnérabilité, impatience et impuissance… Dans le creux de la vague, il est impératif de se projeter vers l'avant, d'ouvrir des perspectives. »

° Derniers livres parus : Adolescents et vieux, deux âges de la liberté ? (éd. In Press) ; Le Féminin et ses images (éd. Armand Colin)

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