14. la "crise" des CTS illustre la fragilité du nouveau monde

A l’image de Notre-Dame de Paris, ce n’est pas d’une « reconstruction » que le sport français a besoin, mais d’une « restauration ».

L’agence nationale du sport est un pari osé dont la « crise » des CTS illustre déjà la fragilité…

Le dispositif des CTS est un dispositif de « gestion collégiale » entre l’Etat et le mouvement sportif. Or, il est remis en cause tant par l’Etat que par le mouvement sportif. L’Etat, ne sachant pas le piloter correctement veut s’en débarrasser (et faire des économies d’ETP), le mouvement sportif, lui, demande d’être la seule autorité de ces personnels… détruisant ainsi son efficience… car ce dispositif est, avec la délégation reconnue par l’Etat aux fédérations gérant de façon monopolistique leurs disciplines sportives, dans l’essence même du système français d’organisation du sport.

Pourquoi le dispositif des CTS, s’il est bien managé, est-il pertinent ? Parce qu’il confie, dans la durée, le volet technique et pédagogique des disciplines sportives à des professionnels permanents spécifiquement formés et « placés auprès des fédérations sportives » dans des conditions de « gestion collégiale » : L’Etat, assure la gestion de la carrière administrative des CTS, agents de l’Etat ; les fédérations sportives, décisionnaires des politiques sportives menées par les CTS, assure la gestion financière des activités des CTS ; le directeur technique national (le DTN est aussi un CTS) assume l’autorité technique de tous les CTS placés auprès de sa fédération d’affectation…

Certes les CTS proposent aux élus fédéraux leurs programmes d’actions (le DTN aux élus nationaux, le CTR aux élus régionaux) mais ce sont bien les élus fédéraux qui décident des politiques sportives et mobilisent les moyens nécessaires à leur réalisation. Le DTN, parce qu’il détient l’autorité technique sur l’ensemble des CTS de sa fédération, garantit que la politique nationale est appliquée de façon cohérente sur tous les territoires (les « directives techniques du DTN » s’imposent à tous les CTS).

Cette « complexité » de la triple autorité (par exemple pour les CTR : autorité hiérarchique du directeur régional chargé de JS ; autorité fonctionnelle du Pt du comité régional ; autorité technique du DTN), non seulement n’a pas été assez expliquée… mais surtout n’a pas été assez argumentée pour illustrer sa pertinence. Or là est l’enjeu. Agent de l’Etat, le CTS bénéficie d’une « position » qui lui permet d’inscrire ses missions dans le temps long… ce qui est nécessaire pour obtenir des résultats (tant dans la haute performance que dans le développement ou la formation).

Nombreux sont ceux qui pensent qu’il suffit qu’il y ait un seul « chef » pour que ça marche mieux. Sur le volet technique et pédagogique du sport, ils ont tort…

Pour autant le CTS n’est pas inamovible… Il faut ici distinguer son statut de ses missions. Son statut lui garantit un emploi dans la durée, mais ses missions (DTN, EN, CTN, CTR) sont soumises à évaluation… Le « placé auprès de… » est toujours limité dans le temps…

La « gestion collégiale » des CTS se concrétise dans une « convention » ou un « contrat d’objectifs » qui limite dans le temps les missions (normalement à l’olympiade) et qui est signée par les trois autorités (les modalités de rupture intermédiaire et de renouvellement y sont décrites).

Or beaucoup d’acteurs du sport se plaignent de ce dispositif… Pourquoi ? Surement parce qu’il demande beaucoup d’énergie et de professionnalisme pour le faire fonctionner… Il est donc paradoxal que ce soit ceux qui sont en charge de le faire fonctionner qui sont à l’origine de sa possible disparition… Si chacun assumait ses responsabilités, cela n’arriverait pas…

On n’améliore pas le rendement d’un moteur à grand coup de marteau…

Oui, la « crise » des CTS illustre ce qui attend l’agence nationale du sport : la difficulté de la collégialité. A la fois chacun la demande, mais chacun veut imposer son point de vue… Il faudra donc, pour faire fonctionner ce nouveau système, beaucoup plus de détermination, beaucoup plus de compétences, beaucoup plus d’humilité…

Avant, le système français correspondait à une « coopération organique » (Pierre MAZEAUD) entre deux acteurs, l’Etat et le mouvement sportif, le nouveau modèle annonce un partenariat collégial à quatre catégories d’acteurs, l’Etat, le mouvement sportif, les collectivités territoriales, le monde économique, et ceci tant au niveau national qu’au niveau régional et départemental… Il est urgent d’en définir la méthode et d’entrer dans le concret. Oui, il faut plus de concertation et plus de coordination entre tous les acteurs du sport (qui seront toujours de plus en plus nombreux). Il est urgent de se mobiliser sur ces objectifs… mais pas de détruire le dispositif des CTS.

La modernisation du système français d’organisation du sport impose de « restaurer » la gestion des CTS mais pas de la faire disparaître (un agent de l’Etat détaché dans une fédération sportive perd sa qualité de CTS et devient de fait un cadre fédéral). Rendons leur dignité aux CTS.

JPB le 5 mai 2019

Alan Audebert

Responsable des Piscines

5 ans

Belle synthèse. L'humilité semble être la valeur à partager au sein de la collégialité recherchée. Qui ne sera pas. Si l'on continue, des disciplines vont "disparaître"... bien ou mal ? Il faudra cependant l'accepter. Préservons notre patrimoine (l'expertise)... un incendie est vite arrivé.

magali baton

Secrétaire Générale chez France Judo & Coach associée chez SEIKA Coaching

5 ans

Merci pour cet article très clair effectivement. Je n'ai pas la prétention de connaitre parfaitement le système, encore moins les tenants et les aboutissants des récentes évolutions et propositions. Pour autant, je reste sceptique devant le désir d'immobilisme des acteurs concernés. Notre modèle sportif est le pire système, à l'exception de tous les autres, pour paraphraser Churchill. Il n'est pas optimisé, il est au mieux un compromis a minima. Tous ses acteurs sont d'accord pour le dire… jusqu'à ce qu'on le remette en question. Et là, soudain, tout le monde s'arc-boute et prend sa défense. Quand comprendrons-nous que le changement peut être une opportunité de sortir de notre zone de confort et de devenir meilleur? Bon, après, il y a changement et changement… Commençons par nous poser la question de ce qui est nécessaire pour le sport français, avant de penser aux répercussions individuelles que cela pourrait entraîner.

Laurent SCHMITT

Chef du département Performance-Expertise-Recherche au Centre National de Ski Nordique

5 ans

Merci Jean Pierre pour cet éclairage. C'est très pénible et inquiétant de voir ce corps remis en question (malgré des soi-disant garanties..) et d'assister à la disparition du concours du professorat de sport pour lequel nous avons beaucoup oeuvré. c'était passionnant et il me semble perfromant.

Yves Masson

Chargé de mission chez Compagnie Nationale du Rhône

5 ans

Rappel clair et nécessaire 

Merci Jean Pierre de rappeler ici les fondements de notre fonctionnement. Comment souvent nous avons des textes qu'il suffit d'appliquer et de mettre les personnes concernées autour de la table pour régler les problèmes. Or nous marchons la tête à l'envers quand j'entends la Ministre donner aux fédérations " la possibilité de reprendre en main ses ressources humaines". Qui y a t'il derrière ces propos? Quelques présidents de fédération qui plaident depuis plusieurs années pour gérer eux même les CTS et de fait se débarrasser des indésirables " qui ne seraient pas dans la ligne fédérale... voire qui ne s'impliqueraient plus pour différentes raisons". Nous savons tous, et l'administration le sait aussi, qu'il ne s'agit que d'une minorité de CTS. Or sur ces cas, somme toute à la marge, l'administration a une forte responsabilité en n'ayant jamais su ou voulu régler ces situations très ciblées. Une fois encore, nous faisons d'une situation qui ne concerne que quelques cas une généralité pour aller jusqu'à une changement radical de politique. Il en est de même pour ces quelques présidents, les "qui payent commandent !", dont la Ministre voudrait nous faire croire qu'il s'agit d'une demande majoritaire des fédérations. Personne n'est aujourd'hui dupe et comprend que le réel objectif reste de supprimer des fonctionnaires dans l'optique gouvernementale de réduction du déficit public. Rien à voir donc avec les beaux discours de notre Ministre qui, nous l'avons tous entendu, n'assène que des intentions sans donner de précisions sur les objectifs et les moyens.  Or la confiance ne peut s'établir que par des actes concrets. Je reste sidéré par tant de fausses déclarations et un tel manque de respect vis à vis de la grande majorité des CTS. Des CTS qui s'engagent au quotidien sans compter leur temps, avec passion, en sacrifiant souvent leur vie familiale.

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