1561 jours – Général Ancelin : 16 avril 1917
Assaut vers le Chemin des Dames

1561 jours – Général Ancelin : 16 avril 1917

Le jour où… Offensive française le long de l’Aisne.

Photo de Une : assaut vers le Chemin des Dames

La veille… l’ordre du jour de Nivelle avant l’offensive.

Compte tenu des conditions climatiques, l’attaque n’a pas cessé d’être reportée, affaiblissant les effets de la préparation d’artillerie, tout en jouant sur le moral de la troupe. Non contents d’être avertis du fait de ces atermoiements, les Allemands se sont saisis lors d’un coup de main des plans de l’offensive : il n’y aura donc aucune surprise, les Français sont attendus !

Il n’empêche, en cette veille d’un jour qui sera fatidique pour beaucoup d’hommes, le généralissime lance son ordre du jour : L’heure est venue. Courage et Confiance. Vive la France ! 

On peut se demander si Nivelle a lu le rapport de l’attaque lancée le 13 avril dans la région de Saint-Quentin, décrivant l’efficacité des défenses allemandes rencontrées. Mais rien n’y fait… Mangin, fidèle parmi les fidèles depuis la reprise du fort de Douaumont, se fait fort de remplir la mission qui lui est confiée : demain, les fantassins et les marsouins vont se lancer à l’assaut, en direction du Chemin des Dames !

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Carte : zone prévue pour l’attaque

L’assaut vers le Chemin des Dames…

L’effort de l’assaut est porté vers ce que l’on nomme le Chemin des Dames.

C’est une zone relativement calme depuis le début de l’hiver 1914, mais qui a connu précédemment des combats assez violents, marquant la détermination des Allemands à s’accrocher sur ces positions favorables. C’est aussi une terre rude, qui a déjà vu couler le sang du soldat français à la fin des campagnes napoléoniennes en 1814 et 1815.

Le nom Chemin des Dames viendrait du fait qu’il aurait été créé afin de permettre aux filles de Louis XV d’aller rendre visite à leur ancienne gouvernante. On y trouve aussi le plateau de Californie, appellation plus surprenante liée à l’existence soit d’une guinguette portant le nom La Californie, soit d’un jardin botanique d’un riche propriétaire où l’on trouvait des plantes exotiques en provenance des États-Unis.

Chemin des Dames… un nom élégant et léger, mais un nom malvenu : il va devenir le cimetière de dizaines de milliers d’hommes !

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Carte des opérations de l’offensive Nivelle

L’offensive Nivelle ne se limite pas à une affaire de fantassins dans ce quadrilatère géographique au nord de l’Aisne. Ce 16 avril est aussi une date marquante des armées françaises : elle correspond au premier engagement des chars français, regroupés sous l’appellation d’artillerie spéciale, raison pour laquelle on parle de « batterie » pour les unités de blindés, ce qui correspond à leur arme d’origine.

J. Pellé nous fait dans son ouvrage Attaque et combats des chars français, une description pittoresque des hommes qui arment ces engins : Les officiers viennent de toutes les armes : fantassins inaptes à l’infanterie, en raison de leurs blessures ou poussés par un désir d’aventures, cavaliers enragés de l’inaction de leur arme, « tringlots » du service automobile jaloux de la gloire des combattants, artilleurs et sapeurs curieux d’une expérience inédite. Au milieu de ce mélange d’uniformes apparaissent même la veste sombre et la casquette plate des marins, qui ne sauraient passer inaperçues sous la carrure athlétique de Claude Farrère. La troupe est constituée, en majeure partie, de cavaliers venus d’escadrons de réserve dissous, paysans disciplinés et braves ; à cette pâte excellente, mais un peu lourde, quelques « mécanos » issus des dépôts d’artillerie apportent un levain nécessaire.

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Photo : équipages de chars

Les tanks français portent sur leurs côtés des noms plutôt industriels : Saint-Chamond, Schneider

L’engagement est massif, plus de 120 chars en comparaison de la douzaine de la dernière attaque britannique (voir 11 avril ). La suite est connue : les pannes mécaniques directes ou liées aux effets des éclats du champ de bataille, la nature du terrain et les défenses allemandes vont se conjuguer pour faire échouer l’attaque.

Au soir, les pertes sont de 180 hommes pour 720 engagés ; parmi les morts, l’un des pionniers de cette arme, le commandant Bossut (voir biographie), à la tête du premier Groupement d’Artillerie d’Assaut (les AS). Côté matériel, 81 chars sur les 121 se sont retrouvés immobilisés ou détruits sur le terrain ; au final, une fois certains engins réparés, 57% seront définitivement inutilisables. Ce ne sera pas rapporté ainsi par la presse (voir Le Miroir)

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Photo : le commandant Bossut devant son char (avec la canne), avant l’attaque.

À la fin de la journée, l’ambiance est sinistre sur la base de départ : Maintenant la nuit est venue, une nuit sombre et froide traversée de bourrasques pluvieuses. Le grondement de la bataille s’éteint graduellement et parfois se réveille en brusques soubresauts. Les derniers chars éclaboussés de boue cahotent lourdement comme des monstres fourbus sur la route défoncée ; dans l’un de ces grands cercueils d’acier, veillé par son frère, le commandant Bossut, roulé dans une couverture brune, est étendu, droit, mince impérieux encore. Seuls, sur le terrain du combat, quelques groupes de dépanneurs rôdent maintenant dans l’ombre en quête des chars meurtris. Aux positions d’attente, sous des abris de fortune, les équipages exténués dorment d’un lourd sommeil coupé de cauchemars où jaillit parfois la brusque flamme bleue des chars incendiés. Une atmosphère désolée pèse sur tous ces hommes ; la grande offensive a échoué ; le bel espoir dans « l’engin nouveau » prometteur de victoire paraît mort à jamais ; un dégoût, une amertume immense ont submergé tous ces cœurs généreux. L’action est passée, laissons-les dormir.  

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Photo : char détruit à Berry-au-bac.

Pour le fantassin de l’arme blindée que je suis, ce texte est très fort car le lieutenant-colonel Pellé décrit parfaitement le ressenti de quelqu’un ayant combattu dans l’intérieur d’un char.

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Photo (1930) : Claude Farrère en académicien.

Pour conclure, revenons sur ce fameux marin, Claude Farrère, que l’officier nous décrit. Il s’agit en fait du capitaine Frédéric Charles Bargone (voir biographie), servant dans la marine depuis 1894. On peut le considérer comme un miraculé : appartenant à l’équipage du Bouvet, il avait été débarqué quelques jours avant son naufrage dans les Dardanelles. Parallèlement à sa carrière d’officier de marine, il avait développé une carrière d’écrivain (d’où un nom de plume, Claude Farrère) et obtenu le prix Goncourt en 1905 avec son roman Les civilisés.

Survivant à la guerre, dont plusieurs assauts de l’artillerie spéciale, il sera élu à l’Académie française en 1935 contre Paul Claudel, au fauteuil de Louis Barthou.

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