18 mois de recul en tant qu'investisseur dans la start up nation : Interview
1/ Que pensez-vous de l’investissement responsable ? Est-ce forcément philanthrope ? Cela relève-t-il d’une démarche citoyenne ?
En préambule, je crois important de prendre du recul et de séparer l’effet de mode actuel de la réalité de la motivation. Les mots « Durable », «Responsable », comme les mots « Intelligence Artificielle » ou encore « start up » sont dévalorisés par un usage trop facile pour coller à l’humeur du moment, pour être « dans le mood ».
Pour autant, l’investissement Responsable n’est pas essentiellement philanthrope mais citoyen à une échelle mondiale, on le fait pour soi et pour les autres et sans espérer voir un résultat probant immédiat, voire de son vivant…
Dans l’absolu, cette dimension devrait même être systématique et incontournable du fait du travail du Législateur en France mais aussi quant à la normalisation européenne voire mondiale… il suffit d’observer le résultat mitigé de la loi « ALIMENTATION » pour prendre la mesure du chemin qui nous reste à faire : il y a encore souvent une opposition entre Responsabilité et Investissement (surtout les investissements passés !).
Ne perdons pas de vue, que sans viser des rentabilités faramineuses, l’investissement (en temps, en industrie, en compétences, en argent…) a aussi vocation à permettre d’en vivre et/ou d’en tirer profit.
2/ Que pensez-vous de l’investissement participatif ?
C’est une démarche qui a beaucoup d’avantages et qui n’est pas aujourd’hui exploitée au mieux de ses possibilités :
- Elle permet à tout le monde de s’impliquer en ayant une meilleure connaissance de la dimension économique des projets … dans un pays ou culturellement l’épargne de focalise sur les dettes de l’état, nous partons de loin par rapport au Japon ou au US…
- Elle permet à des entreprises de communiquer et d’impliquer des intervenants de tous horizons à sa réussite.
- Elle permet de travailler vers des populations ciblées, ayant une proximité ou une appétence particulière pour certaines entreprises.
- Elle implique pour les pilotes de ces dossiers une grande culture économique et financière et permet le financement d’entreprises qui ne trouvent pas toujours auprès des banques la connaissance et la culture nécessaires pour scorer de façon pertinente , et donc accorder les prêts nécessaires.
En bref, c’est un « circuit court » entre les humains et l’économie et une source de financement additionnelle aussi bien que de substitution aux circuits conventionnels.
La première itération du financement participatif est à son terme …et je crois beaucoup à un Investissement participatif 2.0,
- A court terme : au vu des excédents de capitaux actuels et à la disparition des réductions ISF
- A long terme avec une épargne massive en France de 3800 Milliards ( dont 1300 en assurance-vie) , 2,5 fois supérieure à la dette de l’état qui donne des rendements médiocre sauf à travailler sur des supports actions. Hors, ces supports actions sont rarement orientés smallcap, PME et que dire de toute les entreprises qui ne sont pas cotées ! : il y a là un potentiel phénoménal pour peu qu’évolue la culture des épargnants mais aussi des Dirigeants en recherche de financement.
- Enfin, il existe de nombreux modes de financements sous-exploités et combinables : Prise de participation, obligations, prêts .etc.…intégrés au financement participatif
3/ Aujourd’hui, pourquoi investir dans une entreprise ? Est-ce avantageux ?
Oui ..et non. Deux critères sont à prendre en compte :
- Le rapport au risque et la rentabilité espérée… il convient non pas d’admettre mais d’accepter réellement que rentabilité = risque, quitte à se donner les moyens de le mesurer ( !)
- La volonté de s’impliquer versus la passivité absolue : de l’implication en comité stratégique ou même la prise en charge de missions opérationnelles versus l’annonce du taux du livret A ou des fonds Euros
C’est essentiellement une question de tempérament mais aussi de culture… nonobstant, reste un point important : l’accès à l’information pour tout un chacun ! il reste énormément de progrès à faire pour savoir quelles entreprises sont en recherches de fonds et tous les appareils dédiés, privés ou publics, ont encore une vraie marge de progrès !
4/ Quels sont les critères à recenser pour faire un bon investissement ?
C’est bien là la question la plus difficile, beaucoup d’experts en font leur métier qui connaissent des succès partagés « lissés » par les effets de masse et leur permettent des résultats de médiocres à excellents, qu’ils soient Capital Venture ou Capital Development.
Ils sont « focusés » sur l’analyse financière, les données macro-économiques, le réseau du créateur et les études de marchés dites « secondaires (données de seconde main). A contrario, la dimension managériale et d’accompagnement opérationnel est moindrement considérée ; il s’agit d’un choix revendiqué et non d’une limite, investir dans une entreprise, c’est d’abord croire en son dirigeant et son équipe et les laisser piloter.
En substance, j’ajouterai que je souscris à cette méthode et que je l’amende en outre de trois « compétences » qui impliquent un savoir faire réel :
- Une bonne compréhension et l’adhésion à des données de marché (même en devenir), une stratégie marketing et générale que le Dirigeant sait défendre
- Une connaissance du Commerce et de la Communication
- La capacité à prendre la mesure de l’équipe et du potentiel du dirigeant quant aux aspects managériaux.
Evidemment, reste à prendre avant tout la mesure des ses limites propres en tant q’investisseur, que ce soit en termes de motivation, de compétence …ou d’acceptation du risque !
5/ Lorsque une entreprise lève des fonds , quels sont les arguments qui convainquent ? Auriez-vous des tips à partager ?
Commençons par le plus facile : le fameux « pitch » ! des start ups , il est souvent sexy…
- Un problème à résoudre, un besoin à pourvoir, (qualitatif) ; le fameux « pain point » des Américains de Cen Tech
- Une Opportunité de Marché / déclinable(quantitatif) et la concurrence
- Une réponse qui revêt une forme définie (service/ produit /offre)
- Une Time Line ou vous déclinez les moyens, les jalons, les levées de fonds, les cibles etc..
Et c’est ici qu’il convient d’être vigilant : comment le porteur de projet étaye-t’il chaque point ? nous rejoignons alors les mêmes préoccupations que lorsqu’il s’agit d’une entreprise « établie », nous revenons aux éléments de réponses de la question précédente.
A titre personnel, qu’il s’agisse d’une start-up ou d’une entreprise qui cherche à adresser un marché nouveau, je m’intéresse à quelques autres points :
- La compétence de la Direction en gestion (ou de son entourage) et le fait de savoir ce qu’est une entreprise, à cet égard, une première expérience est significative, en tant que dirigeant, chef de projet… n’importe quel poste ou on a pu gérer un P&L.
- La culture du Commerce : l’argent le moins cher étant celui du client ,
o Quels moyens commerciaux (et quelle organisation ?). le plus, le plus tôt : le mieux : Markenting, commerce et communication doivent peser entre 20 et 30 % du budget.
o La rapidité dans la time-lime ou l’on va chercher des clients, ; pilotes , alpha testeurs etc…, ne serait-ce que pour tester le MVP, le plus vite : le mieux. Evidemment, c’est beaucoup plus ardu que de faire un salon ou de monter un dossier.
- Une organisation claire et lisible des équipes et des compétences critiques, des rôles bien répartis et l’évolution probable, la croissance aidant.
- Un solide bon sens ! :
o Surtout concernant la valorisation de sa société, selon le stade d’avancement, on peut voir des choses … édifiantes !!
o Un prévisionnel professionnel qui envisage trois hypothèses : haute, médianne et… « dégradée » et le plan d’action en face de cette dernière option , et incidemment la capacité de gestion de crise
En un mot comme en cent, rien de plus que ce que vous dira n’importe quel Dirigeant de PME… de là à dire qu’un investisseur à une âme d’entrepreneur, il n’y a qu’un pas.