#1Jour1Texte - Du rire aux (L)armes
Mon truc, c'est l'humour.
C'est une arme autant qu'un mécanisme de défense.
Littéralement, je m’en sers pour attaquer lorsque je me retrouve en situation de faiblesse. Je l’utilise pour dédramatiser les tracas quotidiens qui parsèment ma vie et celles de mes proches. Pour faire face aux tragédies plus douloureuses aussi, ce qui m’a valu d’éclater de rire au milieu d’une église, lors d’une cérémonie funèbre. Je vous déconseille d’ailleurs l’expérience, c’est plutôt embarrassant. Je me sers aussi de l’humour pour tenir à distance toutes ces émotions que je ne sais pas gérer correctement.
La colère, par exemple.
Je me met rarement en colère.
Oh, ne vous méprenez pas. Je m’énerve. Bien sûr que je m’énerve. Je m’insurge, je deviens vite agacée, je perds patience et deviens un peu sèche, un peu brusque mais je ne cède que très rarement à la colère.
C’est une émotion bien trop dangereuse, la colère.
Elle laisse dans la bouche un goût très amer, surtout lorsqu’elle retombe et nous laisse face aux dégâts souvent irréparables qu’elle a semé sur son passage. Elle fait se déverser des mots plein de mordants qui tapent précisément là où ça fait mal, qui creusent au plus profond des âmes et s’enfoncent comme des lames dans du beurre, qui tournent et tournent dans les plaies arrosées de larmes salées. Elle déchire, elle brise, elle fait s’écrouler jusqu’aux fondations des plus solides des relations. Elle enflamme ou elle fige dans la glace. Elle ne fait pas de prisonnier.
C’est une émotion que je combat avec le rire, avec l’humour, à la manière d’un duelliste brandissant son fleuret. Je préfère les blagues nulles, les calembours et les bons mots, les quid pro quo savoureux et les subtilités intellectuelles de Raymond Devos. Comme lui, j’aime que les gens autour de moi sachent quand je n’ai rien à dire. J’aime la voix grinçante de Florence Foresti, ses dé-dramatisations tragi-comiques, ses anecdotes pleines de vécu et la manière dont elle tourne tout en autodérision.
L'autodérision offre la possibilité d’une guérison.
La colère, c’est une éternelle blessure à coeur ouvert. Elle n’amène que des regrets, des remords, des “et si”, des larmes.
Je ne maîtrise pas cette émotion.
Je ne sais pas pourquoi. Peut-être qu’à la distribution, je devais faire rire le mec en charge de répartir les émotions à gérer et il a oublié de me filer la colère. Il a dû se dire qu’avec un humour pareil, je n’en aurais surement jamais besoin. Pareil pour la haine, j’ai raté le coche et je n’ai jamais su quoi faire de cette émotion. Alors j’ai choisi d’en rire, parce que sinon c’est quoi l’alternative ?
D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais haï personne. Certains, dans ma vie, ne sont pas passés loin, vraiment. Ce n’est pas pour rien qu’on dit que la frontière entre l’amour et la haine est très ténue, voire inexistante. Si on ne tend pas l’oreille trop fort, ce qui est toujours mon cas, haine rime avec aime et les deux font souffrir à en perdre la raison.
Alors moi, je rigole et j’entraîne les autres avec moi. Pour moi, dans la vie, on peut rire de tout. Alors pas avec n’importe qui, probablement pas à n’importe quel moment mais je pars du principe que la vie est une vaste blague. Notre ami Bernard Fontenelle disait “Ne prenez pas la vie trop au sérieux, de toute façon vous n’en sortirez pas vivant”.
Alors pourquoi perdre notre temps avec la haine et la colère ?
Parce que comme pour l’amour, le coeur a ses raisons que la raison ignore. Les gens, cette vaste entité informe et un peu mystérieuse, ont le chic pour toujours taper où ça fait mal. Cupidon est aveugle mais alors celui qui tire les flèches empoisonnées de colère et de haine, c’est un sniper. Il ne rate jamais sa cible.
Parce que du rire aux larmes, il n’y a qu’un pas.
Moi, je préfère faire du rire : une arme.
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Cheers!