La santé à vendre...?
Les bénéfices santé comme pilier de la communication demeure une stratégie encore et toujours prisée par bien des transformateurs. Mais les consommateurs sont-ils aussi bien servis qu’on le pense?
« Trop c'est trop! », m'a exprimé Helen Bishop MacDonald en regardant vers le ciel, « comme industrie, nous avons réussi à perdre le consommateur ».
C'était en 1994 et je discutais avec mon adorable collègue, qui était alors Directrice des services de nutrition aux Producteurs laitiers du Canada. Comme elle le faisait souvent, elle me divertissait lors de notre heure de lunch avec l’une de ses savoureuses anecdotes, qu'elle livrait avec la même d'énergie qu’elle le faisait en situation de conférence. Une des pionnières de la communication en nutrition au Canada, Helen était non seulement une grande raconteuse d'histoires, son enthousiasme envers le sujet de la santé était contagieux. Et elle était vraiment à son meilleur lorsqu’elle commentait des cas qu'elle trouvait ironiques ou illogiques.
Ceci était un de ces moments.
Cette fois-là, elle en avait contre les sancis de l'industrie alimentaire. Dans le jargon de mon amie Helen, un sanci était une marque qui avait comme premier atout le manqued'ingrédients donnés : sans caféine, sans gras, ou sans sucre. Sans-ci et sans-ça... les sancis. Je vous ai dis qu'elle était adorable ?
À la source de son irritation, une femme dans l'auditoire lors de sa présentation dans une récente conférence, qui l'avait abordé avec l'intention de corriger certains de ses propos contre la malbouffe. Helen m'a expliqué que la dame avait suivi la mode anti gras de l'époque, notamment en remplaçant le lait dans ses lunches par des boissons gazeuses diète – un choix qu'elle défendait passionnément. « Quand je lui ai expliqué qu'elle se privait ainsi des bonnes vitamines et de protéines", ironisait Helen, « elle a pointé vers sa cannette en me déclarant, avec beaucoup de conviction : « Regardez ce tableau nutritif super santé – ça doit être bon pour moi car il n'y a RIEN la dedans ! ». Le punch de son histoire ainsi livré, Helen baissait les bras et soupirait dramatiquement pour souligner l'ironie dans le logique de la madame. Son langage corporel voulait tout dire, "Qu'est-ce que tu veux que je fasse contre une telle logique...?"
En 2014, comme en 1994, l'industrie alimentaire est encore beaucoup critiquée pour l’influence qu’elle exerce sur le plan de la santé des populations. Bref, est-ce que nous, les annonceurs de cette l'industrie alimentaire, contribuons à semer la confusion en matière de nutrition et de saine alimentation ?
Il est vrai que nous ne sommes pas les seuls à traiter de cette question sur la place publique. Au-delà des transformateurs, il y a les intervenants en santé publique, nutritionnistes, les chefs médiatisés, les créateurs de régimes alimentaires tendances (Atkins, Montignac etc.), les professionnels de la santé, les divers groupes d'intérêts publiques et, évidemment, les médias. Les sources d'informations et de désinformations sont donc multiples, contradictoires et tout a fait... ingérables !
Il est donc vrai que le consommateur aura toujours sa part de responsabilité à assurer sa propre éducation en matière de santé et de nutrition. Et lorsqu’il fait face à une communication provenant d’un transformateur, il aura souvent tendance à prendre celle-ci avec un grain de sel. Il doit lui-même évaluer, avec discernement, les propositions d'un annonceur, car une marque se présentera toujours sous son meilleur jour en mettant l’accent sur ses points de différenciation face à ses concurrents. Si mon produit contient moins de sel que celui de mon concurrent, et que je juge cela comme un avantage, je vais vouloir l'indiquer en le mettant bien en évidence sur mon emballage. En procédant ainsi, est-ce que je crée une forme de désinformation? Pas exactement. Est-ce que le consommateur a tout en main pour prendre une décision éclairée, qui tient vraiment compte de l'ensemble de ses besoins en nutrition? Probablement pas non plus.
Par mon expérience, je prends pour acquis que tous les joueurs de l'industrie sont de bonne foi. Il n'y a personne qui lance un produit avec l'intention d’induire le consommateur en erreur. Les théories de complot impliquant la toute puissante industrie contre le petit consommateur ne sont pas tellement plausibles à mes yeux. Mais la confusion parmi les consommateurs est bien présente et persiste aujourd'hui, comme il y a 20 ans. Afin de comprendre pourquoi, il faut examiner l'industrie dans son ensemble au lieu de tirer des conclusions à partir de quelques cas précis.
Si je fais la promotion de mon produit aujourd'hui en faisant ressortir, par exemple, que j'ai moins de sel que mon compétiteur, c'est parce que je présume que celui-ci est en situation de comparaison directe avec mes concurrents. Par extension, je prends pour acquis que le consommateur a déjà bien saisi l'ensemble de mes caractéristiques, bénéfices et contraintes, ainsi que ceux de mon concurrent. Je ne me sens pas le besoin, alors, de détailler l'ensemble de mon offre --nutritive ou autre -- car j'imagine déjà mon consommateur occupé à comparer deux produits de manière isolée. Ce que je n'ai pas le luxe d'exprimer, et que la plupart des annonceurs dans l'industrie alimentaire ne peuvent pas exprimer non plus, c'est où mon offre se situe par rapport à l’ensemble des besoins nutritionnels des consommateurs. Autrement dit, le consommateur fait face quotidiennement à une multitude de microdécisions prises en isolation sans un contexte holistique de ses besoins en santé.
De leur côté, les gestionnaires de marques doivent prendre, eux aussi, une myriade de décisions en isolation. Par exemple. Les études, on le sait, démontrent que les oméga 3 peuvent avoir une incidence positive sur la santé cardiaque. Gestionnaire de marque: "Est ce que je devrait ajouter des oméga 3 dans ma margarine afin d'attirer des consommateurs préoccupés par leur santé cardiaque ?". Consommateur: "Est ce que je devrais commencer à consommer de la margarine maintenant qu'il contient maintenant des oméga 3 et, le cas échéant, qu'est ce que je perd en comparaison avec mon régime actuel ?". Ou encore: "Maintenant qu'il y a des oméga 3 dans ma margarine, mes oeufs, mon jus et mon pain, est-ce que j'en consomme trop ?"
Bref, la réalité est qu’il n’y a pas de grande main invisible, une sorte de « Big Brother » qui nous guide dans l'ensemble de nos décisions. Le marché est libre, avec ses essaies, ses erreurs, la concurrence et la liberté de la choix. Avec cette liberté vient parfois aussi la confusion. Les gouvernements jouent leurs rôles, bien sûr, afin d'assurer l'uniformité de la présentation des informations et d'assurer les règles du jeu soient respectées. Il en revient ensuite à tout un chacun de s'informer et d'utiliser son gros bon sens, et d'exercer son droit à faire ses propres choix.
Ma collègue Helen avait donc raison d’affirmer qu’on a contribué à la confusion de sa “madame sanci”, et c’est un peu compréhensible. Il est tout à fait légitime pour les transformateurs d’avoir, à ce jour, priorisé leur propre rayonnement, en se différenciant les uns des autres et en réagissant aux forces de l’offre et la demande. Mais, ça change. S’il y a les organisations représentatives de produits génériques (par exemple, des fédérations membres de l’UPA) qui multiplient les gestes concrets, et ce, depuis longtemps, il y a maintenant les nouvelles initiatives que sont Melior et Dux qui s’activent à mobiliser l’industrie dans la bonne direction. On se doit de les encourager !
Dan Nielsen est Président chez Attitude Marketing
www.attitudemarketing.ca
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President @ Attitude Marketing | Senior Strategic Marketing Consulting
10 ansEffectivement Mélanie.
Directrice communications et marketing
10 ansMalheureusement lorsque tout les efforts marketing de l'industrie se dirigent dans la même direction, le consommateur y voit comme une "mode" et une attrape. Il y a quelques années, il y a eu le gras trans par exemple que l'on pouvait voir sur toutes les étiquettes. De nos jours, c'est le gluten. En tant qu'intolérante au gluten (oui oui, une vraie de vraie!), ils ont transformé ce problème en mascarade dans nos épiceries et le facteur santé n'a plus aucune crédibilité.