2025 : l'éloge du compromis face à l'épreuve des populismes

2025 : l'éloge du compromis face à l'épreuve des populismes

Etats-Unis, Argentine, Italie, Hongrie, Turquie et même en France et en Allemagne... la montée inexorable des populismes n'est pas un phénomène inhérent à une catégorie de pays dits "développés". Elle remet en cause, par essence, le modèle démocratique qui a accompagné la révolution industrielle, l'après-Guerre, les trente glorieuses et la première décade des années 2000.

Depuis la fin des années 2000, on assiste à une accélération de nos quotidiens, rendue possible avec l'avènement de l'Internet haut-débit (à partir de la généralisation des réseaux DSL, satellite & câble), amplifié par la fibre optique et les réseaux mobiles 4G et 5G.

Conséquence de cette accélération, cette révolution a placé le numérique au coeur de toutes les strates des entreprises, administrations, services publiques, gouvernements, jusqu'à "augmenter" le quotidien du XXIe siècle. Et comme toute révolution, elle a généré un clivage sociétal entre les "in" et les "out" ; ou ceux qui ont su s'adapter et embrasser les opportunités qu'offre la puissance du digital avec - en miroir - ceux qui se sont retrouvés marginalisés dans un référentiel "analogique".

Deux populations ont se sont ainsi distinguées, dans une forme d'opposition sociale et culturelle, propulsant au firmament les "in" et marginalisant les "out", s'éloignant de plus en plus du progrès des des nombreuses facilités pratiques induites par la numérisation du quotidien : enseignement, transports, accès à l'information (ou exposition aux fake news), compréhension des nouveaux enjeux.... les "out" se retrouvent à évoluer dans un monde legacy en 3 dimensions alors que les "in" ont rajouté une 4e dimension qui les propulse sur une autre échelle de considérations, dans un entrisme amalgamé à un sectarisme élitiste, favorisant le terreau du populisme.

Et pour corser la situation, à partir de 2015 et la COP21 de Paris, le Monde se fixe un nouvel objectif existentiel : la préservation de l'environnement pour assurer un futur soutenable à l'Humanité (cf. accords de Paris). De quoi faire monter d'un cran l'anxiété sous-jacente d'une frange de la population qui se retrouve déconnectée, désormais tiraillée entre fin du mois et fin du monde. Comment choisir ? Pourquoi choisir ?

Depuis, le décor est posé et le challenge est immense pour ramener la raison et le rationnel au centre des débats. Car au fond, cette dichotomie des sociétés modernes est une nouvelle forme d'opposition entre capital (incarné par les "in") et le travail (incarné par les "out"). Evidemment, il existe toujours une majorité silencieuse située entre ces deux blocs qui reste un garde-fou sous-jacent contre toute tentative de bascule vers les extrêmes. Cette majorité silencieuse est souvent qualifiée de "classe moyenne" ou "middle class" : ces besogneux qui mènent leur vie selon un schéma classique de métro-boulot-dodo, tentant d'élever leurs enfants en slalomant entres tracasseries du quotidien, petites réjouissances méritées, guidés par une quête du mieux. Mieux que leurs parents et mieux pour leurs enfants.

La dialectique entre les "in" et les "out", amortie par cette classe moyenne silencieuse, provoque des remous politiques de nature à questionner le fondement même du principe de démocratie, au prétexte que la structuration d'une Société qui ressemble de plus en plus à un agrégat de castes sans trop d'espoir d'ascension sociale, annihile la perspective d'une vie meilleure.

A cette situation, les réponses politiques ne sont pas à la hauteur car elles se réfèrent à un logiciel conçu dans la seconde moitié du XIXe siècle, vieux de 50 à 60 ans, à une époque où le momentum n'avait aucun point commun avec la situation de 2024-2025. Le retour de la conflictualité ambiante, géopolitique, idéologique voire religieuse, économique ne facilite pas la lisibilité d'un monde devenu complexe, incertain, volatil, ambigu, (cf : VUCA ) et augmente l'anxiété des foules. A l'époque de la Rome antique, les Romains avaient droit à du pain et des jeux. En ce début de troisième millénaire, le pain est couteux et rare - victime d'une inflation galopante - et les jeux semblent réservés à une élite préservée.

Dans ce contexte, les discours simplistes, souvent manipulateurs, deviennent audibles, crédibles, vecteur de vérité toute faite dont les auteurs/concepteurs ne maitrisent pas eux-mêmes les conséquences à moyen/long terme. Les objectifs politiques sont cantonnés aux prochaines élections, la disparition d'une vision, d'un projet, d'un sens commun viennent finir de flouter le panorama sociétal. L'exemple de la Chine doit interroger nos leaders - qu'ils soient dans les gouvernements nationaux ou à Bruxelles - car certes on ne peut pas qualifier la Chine de démocratie au sens occidental du terme mais il faut lui reconnaître sa capacité à définir un plan sur le long terme et le dérouler coûte que coûte. C'est une forme de projet collectif et civilisationnel que n'ont plus les grandes puissances occidentales, dépassées par les conséquences d'une mondialisation heureuse remplacée par le temps des passions tristes.

Car oui, les passions tristes prennent peu à peu le dessus sur la quête d'une utopie humaniste et progressiste, sous l'influence délétère des populismes contemporains alimenté par les peurs (déclassement, immigration, conflits...). En 2025, le monde va prendre conscience qu'il est hybride : il est à la fois le problème et la solution.

A la stupeur de cette découverte, la tentation de l'immobilisme se présentera : le piège est de se laisser tenter par cette promesse d'un retour au monde d'avant, celui de nos parents et de nos grands-parents, celui qui n'existe plus et dont il faut faire le deuil pour se projeter dans une nouvelle ère, dans une nouvelle dynamique, avec une nouvelle perspective. Ce nouveau chapitre reste à inventer et l'on assiste à des tentatives, ça et là, de rebattre les cartes en proposant des projets plus ou moins farfelus : Elon Musk qui rêve de coloniser Mars, la bascule vers le déplacement en tout électrique ou encore l'utopie d'un monde sans travail où l'intelligence artificielle générative se supplanterait à l'humain qui vivrait de rente et de loisirs.

Depuis 2020 et la pandémie de Covid19, nous avons bifurqué, le Monde a pris une nouvelle direction, sortant de la révolution industrielle et rentrant dans la grande guerre climatique. Depuis, le temps politique de transformation se fait attendre alors que l'urgence est bien réelle. Nous sommes quelque part en transit entre ces deux modèles où le populisme propose une voie tangente facile et sombre qui consiste à rassembler tous les braves gens, exclure tous ceux qui ne leur ressemblent pas et dénoncer les autres, en dressant des frontières et en prônant le repli sur soi ("entrisme").

A l'image des défis auxquels est confrontée la France post-dissolution 2024, en 2025 il faudra trouver le chemin des compromis politiques et idéologiques, sans perdre de temps, savoir faire preuve de courage avec parfois la notion du sacrifice politique pour construire un projet de développement économique et culturel d'un monde écologique et individuel.

C'est la construction d'un autre chemin qui fera reculer le populisme, comme la dernière fois, au début du XXᵉ siècle.

Il n'y a pas de fatalité. Soyons acteurs de ce changement, chacune et chacun à notre échelle, dans nos cercles d'influences (professionnel, amical, familial) pour (re)créer ce désir d'avenir en commun et sortie de ces passions tristes.

Belle et heureuse année 2025 !

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