3+1 règles essentielles pour optimiser la "valeur produit" dans l'univers du Luxe en Chine
L’été dernier, je me suis rendu en Chine avec un de mes clients, maison de Luxe, pour confronter un plan stratégique construit depuis la France à ce terrain qui nous semble à la fois si proche (par le nombre de clients « cible » potentiels qui viennent jusqu'à nous) et si éloigné (par la différence culturelle que nous percevons en Europe).
Si cette démarche "terrain" est souvent perçue comme souhaitable, elle est, avec la Chine, particulièrement incontournable.
Ce pays fantastique est, en même temps, complètement décalé par rapport à nos repères ! Sa culture et ses codes ne peuvent pas être interprétés de façon basique avec les nôtres.
A. Un décalage relatif
Contrairement à ma première intuition, la "segmentation consommateur" dans le marché chinois était proche de celle que nous avions travaillée en Europe. Les différents segments que nous avions identifiés existaient sous une forme plutôt similaire : ils avaient les mêmes drivers d'achat, les mêmes appétences, les mêmes besoins, des sources similaires d'information ou d'influence,...
De même, la structure de distribution n’était pas si éloignée : si les noms de ces réseaux ("special stores", ...) et leurs natures diffèrent un peu, ils sont en réalité équivalent à nos réseaux européens, au moins dans le secteur que j'ai étudié. Les choix de réseaux effectués par les consommateurs pour se procurer ces produits de luxe sont comparables.
Dans les deux cas, en revanche, la répartition des groupes et la structure de la "pyramide d’influence" (entre consommateurs prescripteurs et consommateurs suiveurs, ou entre réseaux de distribution prescripteurs et réseaux suiveurs) sont très différentes… En Chine, tout est exacerbé ! Et la maturité des consommateurs, et des réseaux de distribution du luxe (malgré l'accélération impressionnante de la digitalisation), est sans aucun doute moins forte... quoi de plus normal pour une économie de marché si récente !
B. Le point de divergence : l'approche de la valeur
Cependant, ce qui m’a vraiment questionné, c’était la "juste valeur produit" c'est-à-dire la cohérence entre la valeur créée par le positionnement produit/ le positionnement de marque et la valeur perçue par le consommateur.
Dit autrement, le point qui semblait davantage problématique était la fixation d'un prix "pertinent" permettant de maximiser la valeur captée par la marque, un prix en ligne avec le positionnement produit, et acceptable et accepté par le consommateur.
Je ne prétends pas avoir tout compris là-bas, mais je voulais partager trois règles essentielles à avoir en tête pour positionner correctement ses produits et renforcer leur valeur perçue.
C/ 3+1 Règles indissociables pour fixer une juste valeur
1/ PRAGMATISME
Cette règle du pragmatisme est essentielle car nous pouvons parfois l'oublier en Europe. Le consommateur chinois est finalement très simple à adresser... d'une certaine manière : une caractéristique produit additionnelle est légitime à se traduire en une valeur additionnelle.
Ça semble évident à dire mais c'est mieux en le disant ! Un type de matière plus haut de gamme, une technique spécifique, une « signature » ou bien une association avec une marque reconnue, un vieillissement particulier ou plus long, mais parfois simplement un code perçu comme supérieur (la couleur dorée par exemple)... chaque caractéristique justifie un supplément de prix pour le consommateur.
Inversement, sans caractéristique additionnelle, un prix supérieur ne peut pas être accepté. Et les faux pas sont vite possibles !
2/ CONFIANCE
Par essence, un consommateur chinois est méfiant. Ce n'est pas un reproche mais un constat. Cela s'explique sans doute par des raisons historiques. Mais, nous le savons, l'échange, et donc la valeur d'échange, reposent sur la confiance. Il est indispensable de rassurer le consommateur chinois. Un discours ambivalent est totalement destructeur : sans nécessairement faire écho à une transparence absolue, le consommateur chinois n'acceptera pas une promesse produit qui n'est pas simple et limpide.
Si une marque énonce une caractéristique, alors, elle doit être claire et vérifiable. Sans cette capacité à établir la confiance, un prix supplémentaire est injustifié.
La confiance peut par exemple provenir d'une caution morale, une star reconnue par exemple. Une personnalité peu connue par les consommateurs chinois n'apporte en revanche que peu de valeur. Par exemple, un grand chef connu en France mais inconnu en Chine n'apportera que peu de valeur. Il n'y a pas de confiance "a priori".
3/ ASPIRATION INDIVIDUELLE ET VALORISATION DE SOI
Un dernier élément constitutif de la valeur d'un produit est la capacité de ce produit à traduire une valorisation individuelle du consommateur. La question est de savoir dans quelle mesure le produit (de luxe) acheté permet à l'acheteur de se différencier et de se valoriser auprès des autres. Comme nous l’expliquait l’un de nos interlocuteurs, la génération actuelle cherche une valorisation individuelle, cherche à sortir du lot... contrairement à la génération précédente qui devait "rentrer dans un moule commun" et "ne pas dépasser"…
La valeur d'un produit rare, d'une édition limitée, voire d'une pièce unique, est exponentielle par rapport à chez nous. En effet, la différenciation par le produit et donc par la consommation est clé pour la différenciation de l'individu. Le prix associé peut alors nous sembler disproportionné... mais pas en Chine !
Ces trois règles, essentielles (même si elles ne sont probablement pas suffisantes), sont indissociables d'une quatrième règle non moins indispensable !
4/ LA CONDITION SUPPLÉMENTAIRE : L'EXPLICITE
Si, en Europe, nous pouvons accepter une forme de subtilité, évoquer un second degré, sous-entendre à l'aide de codes ou de non-dits, le consommateurs chinois attend des codes extrêmement explicites.
C’est, en effet, le garant des trois premières règles.
Pour répondre à l’attente de pragmatisme, il faut indiquer de façon visible les caractéristiques additionnelles. Pour donner confiance, il faut rendre explicite les éléments qui donnent confiance. Il faut aussi cette visibilité pour que ses pairs comprennent sa différenciation, sa valeur supérieure. Il faut rendre visibles, évidents, objectifs, "des signes extérieurs de valeur".
C’est la raison pour laquelle les marques de luxe, mondialement reconnues, ont un poids extrêmement fort dans la valeur ajoutée produit, voire exponentiel, permettant de justifier un prix très élevé : la "marque" est un signe "extérieur" et "visible" de valeur. Quand une marque puissante apparaît, elle répond aux trois règles : c'est pragmatique, ça donne confiance et ça valorise l'individu qui la porte.
C’est aussi la raison pour laquelle une marque plus discrète, de niche, peut encore avoir beaucoup de mal à s’imposer en Chine : elle n'ajoute pas réellement de valeur. Il existe donc une barrière à l’entrée très forte... pour le moment !
En effet, ce marché évolue très vite, et l’éducation du consommateur qui conditionne la perception et la compréhension de la valeur se développe à une vitesse bien plus élevée qu'en Europe ! Les voyages, l'envie de s'approprier les codes occidentaux et la capacité à apprendre rapidement ouvrent une voie très large pour la croissance des marques de luxe plus niche.