4 - Communiquer social et trumpétiser réseau

Nous voici arrivés à l’acte V. Nonobstant la tuerie qui s’est produite mardi 11 décembre avec l’attentat dans un marché de Noël à Strasbourg ayant fait quatre morts et des dizaines de blessés, on a essayé de nous faire croire que les 12 minutes d’allocution présidentielle de la veille allaient remplir l’espace médiatique de la semaine. Comme par magie, le verbe élyséen pourrait s’étendre/se répandre suscitant des commentaires pour/contre/sans avis sur les trois principales mesures annoncées. « Les 12 minutes les plus chères de la Vème République », nous dit-on. Non, les remords/regrets exprimés au sommet de l’Etats n’ont pas suffi pour que les gilets jaunes tombent la veste et rentrent tous chez eux ! La résistance opposée sur les plateaux de télévision et encore plus sur les ronds-points par la plupart de ces sans culotte du jour a arraché nombre de soupirs et de rictus aux défenseurs de la vertu républicaine sauce LRM qui ne peuvent admettre qu’ils ont failli. Face aux réactions : « mais que veulent-ils encore qui ne leur ait été concédé ? », je ne pouvais m’empêcher de penser à la célèbre chanson de Francis Cabrel dans laquelle il passe de l’autre côté du miroir et exprime le ressenti du taureau lors de la mise à mort avec cette phrase terrible : « ce monde est-il sérieux ?». Que l’on ne s’y trompe pas : la vérité, aujourd’hui, est devenue une affaire de point de vue. Le politologue Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS et enseignant à Sciences Po Bordeaux a raison d’écrire que « les autorités de l'Etat et les élus font face à une défiance d'une ampleur inédite, à laquelle il est bien difficile de trouver une réponse, tant les revendications sont à la fois hétérogènes et individualistes » ? Mais, contrairement à lui, je ne crois pas que ces revendications soient « irréalistes et contradictoires » ou « déconnectées d'enjeux aussi fondamentaux que le réchauffement climatique ou l'endettement du pays. » Au contraire, une idéologie libertaire émane clairement de la Charte officielle des gilets jaunes (« 25 propositions pour sortir de la crise »). Et si l’on prend la peine de la lire malgré le mystère qui persiste sur ses auteurs - jetant du coup le doute sur leurs véritables intentions-, on comprend mieux pourquoi, au final, tout le monde est déstabilisé par de telles revendications « hors normes ». Profondément anti establishment, cette Charte réclame des réformes politiques en profondeur, décline de nouvelles règles de travail et des nouvelles pratiques économique incluant un Frexit plus par déception que rejet, à mon sens, vis-à-vis d’une Europe sociale qui reste à créer. Elle met également en avant une autre façon de penser la santé et l’écologie. Enfin, elle prévoit un volet géopolitique abordant des questions aussi diverses que l’OTAN, la Françafrique, l’immigration et le respect des traités en matière de politique étrangère. « L’importance des réseaux sociaux dans cette mobilisation des mécontentements populaires a bousculé les logiques traditionnelles de la communication, de l'information et du fonctionnement de l'espace public. En l'espace d'un mois, les gilets jaunes, partis de mobilisations très limitées et dépourvus de toute ressource, ont pu acquérir une audience considérable, laissant penser qu’ils pourraient se substituer aux partis, aux syndicats, et même à la représentation nationale », poursuit Olivier Costa. C’est effrayant, bien sûr car dans ce règne de la surenchère, les tweets de Trump qui nous agacent tant préfigurent ce qui risque de nous arriver.

https://www.liberation.fr/checknews/2018/12/12/d-ou-vient-la-nouvelle-charte-des-gilets-jaunes-demandant-le-frexit_1697304

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