Ce n’est pas parce qu’ils sont connus et installés qu’il ne faut pas continuellement les repérer, les critiquer, les combattre et les remettre en évidence face à nombres de décideurs et d’équipes, que ce soit dans l’entreprise ou dans le champ des organisations publiques. C'est un enjeu d'hygiène managériale et de vitalité collective !
Sentiment d’étouffement, perte de motivation et d’engagement à titre personnel, à court de leviers pour stimuler les équipes en tant que manager, perte de « liberté d’esprit », disparition d’esprit critique, sentiment de fatalisme et de « à quoi bon », perte de soif de curiosité et d’inspiration sur comment font les autres, le « j’ai plus à perdre à proposer une idée », le « c’est inutile, ils ne feront rien de ma proposition », l’impression que c’est la stabilité et le status quo qui priment sur le changement et la mise en mouvement nécessaires au progrès, etc.
Ils sont le plus souvent liés entre eux, rarement isolés, inter-dépendants, se renforcent les uns les autres:
- Le consensus comme priorité : au lieu de stimuler et d’embrasser aussi les clivages, les controverses ainsi que les idées rares et les singularités (cf. l’arbre des connaissances pour les représenter)
- Le désir de posséder les solutions : la solution devrait être plus importante que celui ou celle qui l’a proposée, et le lâcher prise de l’ego associé à la paternité de la résolution d’un problème devrait s'effacer devant l'intérêt général. Et bien non, trop souvent, les processus sont ralentis par cette crainte apparente de certains décideurs de perte de contrôle du problème à gérer et des solutions qui pourraient le résoudre.
- L’auto-censure: après des périodes trop longues pendant lesquelles on a épuisé, déçu des collectifs par des sollicitions non suivies de décisions suffisamment partagées, et qu'on a ainsi démontré que les idées novatrices étaient mal perçues voire trop dérangeantes, chacun bascule dans une inéluctable auto-censure si destructrice de valeur économique et sociale, comme dans un sommeil collectif qui préfigure de tout sauf d'un avenir prometteur.
- Les sujets tabous : ce sont généralement les problèmes dont on a pas trouvé les solutions depuis trop longtemps et qu’il est important de ne surtout plus réveiller, ces défis vieillissants qu'il s'agit d'éviter d'aborder.
- L’exigence du « bon du premier coup » : sans s'autoriser le droit à l’erreur par le test et l’expérimentation, si nécessaires et malgré tout pas suffisants. L’attente, par souvent les plus bruyants, de la solution réponse à tout, et tout de suite par dessus le marché : "Oui, çà a l'air intéressant, mais comment on va faire pour ci et ça ? Et çà va prendre combien de temps tout çà, hein ?", en oubliant avec une mauvaise foi évidente la valeur du protypage et des itérations. Cela pose l'enjeu du manque trop fréquent de sécurité pour les contributeurs d'idées, du manque d'un espace, un lieu, un moment, une culture pour accueillir toutes ces « mauvaises idées » si indispensables pour faire émerger les quelques bonnes.
- Le « on a toujours fait comme ça » désormais souvent nourri et renforcé par le « c’était mieux avant ».
- La croyance que le « en même temps » innover et accélérer les transitions est au fond impossible, voire contradictoire. A ce titre, je vous recommande la lecture du livre "L'innovation, mais pour quoi faire ?" de
Franck AGGERI
pour trouver de l'inspiration dans les modèles d'économie circulaire.
Certains de ces points vous rappellent quelque chose, quelque part ? Les moyens existent pourtant pour combattre ces terribles freins à l'innovation et aux changements nécessaires aux transitions sociétales, environnementales et écologiques. Il faut certes beaucoup de courage et d'abnégation pour s'y attaquer. J'espère que grâce à cet article vous vous sentirez un peu moins seuls dans vos entreprises et organisations si ces symptômes vous affectent, en vous disant que çà existe encore beaucoup ailleurs.
Cette liste est bien sûr non exhaustive, cf. mon article de 2016 sur le processus d’appel offre, remarquable tueur d’innovation.
CEO MAKILAB INNOVATION Ex SVP RD&I Groupe Rocher
1 ansEt aussi l’innovation comme une comm ( mauvaise) ou une incantation : une sorte de innowashing de la part des dirigeants et l’innovation comme pouvoir ou diktat . L’innovation c’est un désir de faire évoluer sa proposition de valeur pour l’interne et pour ses partenaires et bien sûr ses clients ou consommateurs. Il faut une vraie volonté, de vraies compétences, un vrai projet stratégique et opérationnel en mettant l’usage et la valeur au centre. Merci encore Martin de vos posts