Abondance de choix : paralysie du consommateur ?

Abondance de choix : paralysie du consommateur ?

Il est un paradoxe persistant et surprenant, alors que le commerce en ligne s’est profondément ancré dans les pratiques d’achats des consommateurs depuis une vingtaine d’années. Et c’est ce que les études confirment à chaque fois sur la même période : trop de choix tue le choix. Ou autrement dit : un consommateur exposé à une offre trop vaste hésitera, voire reportera sa décision d’achat. Alors même que les champions d’Internet comme Amazon vantent la disponibilité d’articles quasiment à l’infini, voilà une voie de passage que les autres commerçants devraient regarder de près : une gamme contenue et bien pensée facilite la décision que doit opérer le consommateur pour devenir un client. Voyons comment.

Au-delà de la longue traîne : quand moins veut dire plus   

Mais revenons tout d’abord sur la révolution opérée par le commerce en ligne au tournant du millénaire. Fondamentalement, celle-ci a invité les entreprises à revoir leur façon de faire du commerce. Plutôt que de se concentrer sur la vente de quelques produits phares, il est apparu plus intéressant de vendre en faible quantité beaucoup plus de références. C’est ce qu’a théorisé le journaliste américain Chris Anderson dans son ouvrage The Long Tail.   

En effet, le commerce en ligne – version évoluée du commerce par correspondance – repose sur une gestion fine de l’entreposage et de la logistique. Affranchi des difficultés propres au commerce physique, où les enjeux de place (locaux, chalandise, etc.) sont essentiels, le commerce en ligne “hors sol” peut troquer les mètres carrés onéreux des centres-villes ou des centres commerciaux pour des entrepôts anonymes au milieu de nulle part, tant qu’une route ou une voie ferrée passe juste à côté.  

Et donc clairement, les commerces physiques ne peuvent faire face à l’offre surabondante des boutiques en ligne. Certaines enseignes ont bien tenté de résister en jouant sur la surface, dans le livre notamment (qui se souvient du Forum du Livre à Nantes ?), avant de se trouver balayées par Amazon en particulier.   

Mais si vingt ans après il existe toujours des boutiques physiques, c’est bien parce que le commerce en ligne génère une difficulté pour les consommateurs qui lui est propre : c’est cette fameuse abondance de choix.   

Choix multiples, décisions difficiles : le poids de la liberté   

Eh oui : choisir, c’est agir. Et agir, c’est fatigant, même pour consommer. C’est en tout cas ce qu’expliquent Sheena S. Iyengar et de Mark R. Lepper dans les trois expériences menées et relatées dans le document que je vous citais mercredi.   

Dans la première étude, réalisée dans un supermarché, ils observent que les consommateurs étaient plus susceptibles d'acheter de la confiture lorsqu'ils étaient confrontés à un étalage de six références plutôt qu'à un rayon de 24 choix.   

La deuxième étude a démontré, quant à elle, que les étudiants étaient plus enclins à rédiger un devoir facultatif et produisaient des travaux de meilleure qualité lorsqu'ils avaient le choix entre six sujets plutôt que trente.   

La troisième étude enfin, centrée sur le choix de chocolats, souligne que même si les participants prenaient plus de plaisir à sélectionner parmi une large gamme de possibilités, ils se montraient pour finir moins satisfaits de leur décision et regrettaient davantage, comparativement à ceux qui avaient un nombre limité d'options.

Remarquez : je pourrais aussi vous parler de Netflix. Qui n’a pas déjà ruiné une soirée en errant dans sa playlist – interminable – ou sur l’écran d’accueil à faire défiler des dizaines, voire des centaines de vignettes sans parvenir à lancer quoique ce soit ? Et si vous êtes un couple ou une famille, c’est encore pire.   

C’est l'atout des chaines de télévision classiques, qui hésitent à rendre les armes sur le linéaire. Au fond, réunir tout un ménage devant une énième rediffusion d’un Gendarme ou d’un James Bond est en soi un véritable tour de force. Que ne lâchent pas non plus les annonceurs.   

Et donc, c’est aussi le créneau qu’occupent, parfois sans même s’en rendre compte, les boutiques physiques. Car en poussant la porte de votre enseigne favorite – ou simplement de celle qui est là, juste maintenant – vous savez déjà que vous trouverez ce que vous cherchez. Les articles sont disponibles, correctement rangés et exposés avec le bon éclairage. Ils sont en stock, et vous savez que ce qui est en rayon à peu de chance de représenter un risque (contrefaçon, mauvaise qualité, etc.). À la limite, le seul effort réside dans la cabine d’essayage et de sortir sa carte bleue.   

Mais il est possible de faire encore mieux.   

Réinventer sa gamme : l'art de simplifier pour séduire   

Comme un pianiste révisant ses gammes pour parfaire sa technique, les commerçants peuvent affiner leur habilité marchande en repensant leur offre de produits. Ce n'est pas seulement une question d'élaguer l'assortiment existant, mais de conceptualiser votre gamme afin qu'elle s'adresse avec précision aux attentes de votre clientèle. Je vous propose de procéder de la façon suivante :  

  • Analysez votre proposition actuelle : identifiez vos produits qui rencontrent le succès et ceux qui s'attardent sur les étagères. Ce simple exercice peut révéler des surprises, des tendances que vous n'avez pas encore perçues. Consultez aussi vos données de vente, mais n'hésitez pas à y ajouter un regard critique, en vous demandant si chaque produit mérite sa place.  
  • Écoutez vos clients : Ils sont votre meilleur indicateur. Recueillez leur avis directement en magasin ou via des enquêtes. Ce qu'ils recherchent, ce qu'ils évitent : leurs suggestions peuvent vous fournir des indications inestimables sur la direction à prendre.  
  • Inspectez le marché : Ne vous isolez pas dans votre coin. Observez ce qui se fait ailleurs, les tendances émergentes, ce que proposent vos concurrents. Il se peut qu'une niche vous ait échappé ou qu'une mode soit en train de naître.   
  • Rationalisez judicieusement : Ce n'est pas tant la quantité qui compte, mais l'adéquation avec les attentes de vos clients. Peut-être est-il temps de dire adieu à certains produits qui ne font plus sens aujourd'hui. Ce faisant, vous libérez de l'espace — physique et mental — pour ce qui compte vraiment.  
  • Innovez avec discernement : Si vous introduisez de nouveaux produits, assurez-vous qu'ils ont une raison d'être claire. Chaque nouvelle référence doit apporter quelque chose de plus à votre offre : répondre à un besoin spécifique ou surprendre agréablement vos clients.  
  • Communiquez : Vos efforts de révision de gamme doivent être accompagnés d’une communication adaptée. Informez vos clients des changements opérés, mettez en avant vos innovations et surtout, prouvez la valeur ajoutée de votre nouvelle offre.  

En effectuant cet exercice de base comme un pianiste perfectionne ses gammes, vous ne faites pas seulement de la place sur les étagères ; vous créez un espace dans l'esprit de vos acheteurs pour ce qui compte vraiment. Une gamme pensée, c'est une promesse présentée au client : celle de trouver chez vous ce qu'il cherche, avec la certitude de la qualité et de la pertinence. Et donc des ventes. 

Et vous, quelle est votre stratégie face à l'abondance de choix ? Avez-vous déjà expérimenté les avantages d'une offre simplifiée, que ce soit dans votre consommation personnelle ou dans la gestion de votre business ? Partagez vos expériences ou vos réflexions dans les commentaires !

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