Addictions...Changeons notre regard !
Depuis le mois de mars dernier, je publie régulièrement des post ou des articles dont le thème majeur est la prévention des addictions. Ce nouvel article est en substance une partie de la formation que je délivre aux entreprises en évitant les jugements de valeur ce qui ne signifie en rien que je sois favorable à une libéralisation du marché. Mon combat est autre, il est dans la prévention et très en amont afin que les consommateurs puissent comprendre les enjeux pour eux mais aussi pour leurs proches.
L’addiction se définit par la perte de la liberté de s’abstenir tout en connaissant les conséquences négatives pour soi ou pour les autres.
Nous considérons aujourd’hui qu’il existe des addictions comportementales et des addictions à des substances comme le sucre par exemple. Si l’addiction est une maladie contre laquelle il n’existe pas de vaccin, nous avons pris l’habitude de percevoir le monde des addicts comme étant celui des drogués installant ainsi un jugement moral sur l’origine de l’addiction.
1. Qu’est-ce qu’une drogue ?
o Hallucinatoire
o Dépresseur
o Excitant
Nos drogues endogènes
Si nous avons des ressentis comme le stress la peur le plaisir ou le fait « d’être bien », cela est du non pas à nos activité mais au fait que ces activités déclenchent en nous l’émissions de drogues endogènes qui vont sur des récepteurs neurologiques que nous appelons ocytocine, dopamine, cortisol, adrénaline, endorphines opioïdes, Gaba, acétylcholines ou de bien d’autres noms car il existe environ 60 messagers chimiques que notre corps produit naturellement
Les drogues exogènes
Ce sont les molécules qui viennent perturber notre système nerveux central soit en nous privant d’une drogue endogène soit en augmentant la dose de drogue endogène que nous recevons. Ces molécules sont présentes dans les substances addictives qu’elles soient légales ou non ; la légalité n’ayant rien à voir avec la dangerosité du produit mais plutôt avec le milieu culturel dans lequel nous évoluons. Pour mémoire, l’héroïne est à la base un médicament qui fut déclassé pour ses effets addictifs, l’alcool est un psychotrope interdit dans le monde musulman et autorisé ailleurs, le pavot (héroïne morphine) le coca (cocaïne) sont des plantes, tout comme le chanvre, le blé ou le café.
2. Mais comment les drogues agissent elle
Le trio déclencheur
Nous possédons un cerveau très riche et au cœur de la machine se cache notre moteur 100 milliards de connexions qui nous permettent de ressentir, de réfléchir et d’agir. Sans apport de drogue, notre cerveau est à l’équilibre ce qui rend nos actions théoriquement raisonnées et chargées émotionnellement.
La substance que nous appellerons drogue va agir sur l’un des trois piliers de notre fonctionnement nerveux modifiant ainsi soit la pensée soit l’émotion soit l’action… Bien entendu si l’un des trois est modifié l’équilibre est rompu et les trois sont modifiés.
Une personne qui souffre d’addiction comportementale souffre en fait d’un dérèglement de l’émission ou du traitement des drogues endogènes. Son système de pensées est altéré et elle va aller chercher la drogue naturelle du plaisir (la dopamine) pour contrebalancer une production de drogue naturelle du stress (le cortisol) excessive. Bien entendu il s’agit là d’une simplification et d’un exemple basé sur le cortisol, mais cela permet d’éclaircir le sujet. Comment sinon expliquer l’addiction comportementale, c’est-à-dire sans toxicomanie, (apport de substance toxique) ? Comment parler d’addiction au jeu de hasard et d’argent, d’addictions aux écrans aux jeux vidéo à Internet au travail sans avoir d’agents externes pour modifier nos comportements.
La loi de la hauteur
Plus la drogue exogène additionnelle a des effets intenses, plus la descente sera profonde. En d’autres termes si on prend l’héroïne par exemple qui est une drogue avec des effets dépresseurs. Sa prise va entrainer des effets tels le ralentissement du fonctionnement biologique, état de calme…La descente sera naturellement agitée pour rétablir l’équilibre interne. Prenez le crack, ses effets sont puissants et immédiats ! C’est un excitant donc la personne va s’agiter sous l’effet du crack. En phase de descente elle va s’allonger par terre et restera quasiment amorphe. L’agitation reprendra sous l’effet du manque rendant la personne agressive.
Le temps de récupération
Chaque drogue a des effets connus mais chaque être humain va avoir un comportement différent selon le contexte de la prise de drogue, la tolérance qu’il ou elle aura développé et son état psychologique lorsqu’elle a pris cette drogue.
En revanche plus la dose aura des effets, plus le temps de récupération sera long. Bien entendu la prise de drogues agonistes à la première ou antagonistes entraînera des conséquences sur le temps nécessaire pour retrouver l’équilibre. On peut considérer que certains alcooliques sont constamment sous l’emprise de la drogue. Il s’agit là d’addiction sévère doublée d’une dépendance physique.
3. Prévenir ou s’en sortir
J’aimerais vous relater l’expérience menée par un psychologue canadien nommé Grant Alexander en 1978 et qui faisait suite à la célèbre expérience des rats en cage qui choisissant de boire de l’eau à l’héroïne à la place de l’eau nature finissaient par mourir de surdose ou de privation de nourriture.
Rat Park
Considérant que le rat seul dans une cage n’est pas un environnement commun pour cette espèce qui comme les humains vit en colonie ou en famille,
Serions-nous comme ces rats dans les années 70 à qui on donnait le choix entre une eau naturelle et une eau agrémentée de substances psychotropes. ?
Je pose la question non pas pour nous comparer à ces pauvres animaux soumis à des expériences mais bien parce que d’une par nous partageons 95% de notre ADN avec ces rongeurs mais surtout parce que les dépendances de toutes sortes se multiplient et nous rendent absolument accro à ces sources de plaisirs.
Que se passait il dans les cages individuelles ou chaque animal vivait isolé ?
Dès qu’il goutait à l’eau dans laquelle on avait mis une dose d’héroïne, (Dépresseur qui va apaiser l’usager) le rat y revenait confirmant ainsi le potentiel addictif de la substance.
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Certains animaux ressentaient tellement les symptômes du manque qu’ils préféraient boire cette eau plutôt que de s’alimenter ou profiter d’une courte pause en dehors de leur cage pour vivre avec d’autres rats.
Certains rats en sont même arrivés au point d’oublier de manger ou de boire de l’eau. Ce qu’ils n’ont pas oublié, c’est l’auto-approvisionnement en héroïne. C’est pourquoi plusieurs sont morts pendant l’expérience. Les chercheurs ont conclu, par analogie, que si les gens avaient accès à ces drogues, ils subiraient le même sort que les rats
C’est alors que le professeur Bruce Alexander, de l’Université Simon Fraser au Canada, a remis en cause les conditions dans lesquelles les expériences étaient menées
Le professeur Bruce Alexander pensait que l’isolement des rats ne permettait pas de tirer des conclusions objectives. Tous les rats utilisés étaient albinos, descendants de rats norvégiens. C’est une espèce sociable, curieuse et intelligente. Être dans une cage n’était pas son mode de vie naturel. A partir de cette réflexion, l’idée de faire l’expérience du parc des rats est née.
Ce qu’Alexander se demandait, c’est si les rats libres allaient aussi agir de la même façon. Existait-il une tendance innée à l’addiction ? La seule issue de la consommation de drogues serait-elle la mort par surdose ?
Pour répondre à ces questions, Alexander a commencé l’expérience du parc des rats en 1977. Son équipe a d’abord sélectionné deux groupes d’animaux. Certains seraient dans les cages de laboratoire classiques, isolés les uns des autres. Pour l’autre groupe, en revanche, une très grande surface a été construite, 200 fois plus grande qu’une cage. Cet espace simulait un parc arboré et naturel dans lequel les rats avaient des jeux et pouvaient avoir des activités de groupes.
Les chercheurs ont donné aux rats la possibilité de boire deux liquides. L’un contenait de la morphine et l’autre non. Ils ont camouflé le goût amer de la morphine avec une solution sucrée. Après quelques jours, les rats en cage ont commencé à préférer le liquide contenant la morphine. Les rats du parc en ont aussi bu, mais quelques jours plus tard.
Les rats en cage consommaient 19 fois plus de morphine que les rats libres. Ces derniers semblaient se rendre compte des avantages de ne pas utiliser le médicament et hésitaient à le faire, même s’ils l’avaient déjà essayé. Alexander et son équipe ont introduit des variations, rendant dépendants plusieurs rats des deux groupes, mais le schéma est resté essentiellement le même.
L’expérience du parc des rats a montré que l’isolement social était un facteur déterminant pour la poursuite de la consommation de drogues. En retour, la camaraderie et la liberté du parc ont considérablement diminué le désir de se droguer. Et lorsque cela s’est produit, les spécimens affectés ont fait de leur mieux pour revenir à leur état normal, supportant même le syndrome d’abstinence.
Sommes-nous comme ces rats ?
Deux éléments de réflexion pour soutenir cette thèse.
o Les conflits armés de la seconde guerre mondiale et du Vietnam
Selon Lucazs Kamienski (Professeur associé à la faculté de sciences politiques de l'université de Cracovie, professeur invité à la London School of Economics et auteur de « Les drogues et la guerre ») Les nazis ont distribué de la drogue aux soldats allemands. Pendant l'invasion de la Pologne en 1939, le Pervitine, un genre de "Crystal Meth"(Méthamphétamines) visant à diminuer le stress et la fatigue, est devenu « la pilule d'assaut » des Allemands. Après la conquête de la Pologne, l'armée allemande a commandé 35 millions de comprimés de Pervitine, avant d'attaquer la France en 1940.
Pendant la guerre du Vietnam les soldats US avaient dans leur package des doses de morphine…
Cependant, la très grande majorité d’entre eux une fois le conflit terminé ne sont pas devenus des toxicomanes addicts aux drogues exogènes. Le fait de rentrer dans un univers familier auprès de leurs proches et de se réinsérer dans la vie civile a suffit pour qu’ils redeviennent des citoyens modèles.
o La Morphine l'anti douleur des hospitalisations
Il faut 20 jours pour devenir dépendant aux opiacés héroïne ou morphine. Cela signifie que si vous êtes hospitalisé à la suite d’un accident ou une opération particulièrement douloureuse et placé sous morphine pendant 21 jours, vous devriez devenir dépendant à cette substance.
Pourtant, il n’en est rien ! Les patients en retrouvant leur univers familier, leur famille et leurs amis arrêtent naturellement la morphine et abandonnent sans addiction la morphine.
Alors sur la base de l’expérience du Docteur Bruce Alexander, et des recherches menées, ne sommes-nous pas en droit de nous interroger sur la politique de prévention que nous devons mener afin de protéger les plus jeunes des risques d’addiction ?
Conclusion (pour aujourd’hui)
La drogue, la substance exogène prise dans le cadre d’une expérimentation puis régulièrement et excessivement n’est que le sommet visible de l’iceberg. L’addiction est une maladie de la désocialisation, de la perte de repères. Selon le Professeur Gabor Maté Addictologue et auteur canadien basé à Vancouver, 90% de la population souffre d'addiction... Dans notre société l'addiction telle que définie dans cet article est partout ! La différence entre une passion et une addiction est le coté plaisant de la passion alors que l'addiction devient assez rapidement un besoin.
Cette maladie progressive et mortelle peut en quelques années amener n’importe quel individu d’un statut social élevé au rang d’exclu de la société. Les exemples de « stars » qui n’ont pas supporté leur statut probablement car il n’était en rien le but de leur démarche sont courants. Ces inadaptés à notre société font parfois la une des tabloïds jusqu’à ce que de cure de désintoxication en rechutes brutales, la surdose les emporte.
Si je n’aime pas le terme de guérison car il signifie que je pourrais consommer à nouveau un jour, l’abstinence est le meilleur moyen de déconstruire la mémoire pathologique ces liaisons neuronales qui créent l’habitude.
Pour en arriver là je crois qu’il est essentiel de retrouver un sens à ses actions professionnelles tout comme personnelles. La philosophie, et en particulier les textes de Sénèque, Epictète ou Marc Aurèle ont l'avantage de placer l'humain et ses vertus au centre du développement de toute relation. Le retour du Stoïcisme dans la société est une piste que je ne cesse d'explorer, mais pour cela il va falloir trouver un autre but que d'accumuler les richesses extérieures, en avoir toujours plus... pour ETRE et être mieux avec soi et les autres. Il n’est jamais trop tard pour agir et inclure dans les projets d’entreprise ces sensibilités exacerbées qui vont chercher ailleurs ce que notre société ne leur offre plus.
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3 ansExcellent article Hervé , parfaitement documenté et argumente 👍 très pédagogique 😉👩🌾
Poète
3 ansJ'ai trouvé cet article très beau et portant un regard multidimensionnel et bien contemporain sur l'addiction. Le sujet me tient à cœur, mon mémoire de sociologie portait dessus. Je pense qu'il reste à explorer les mesures de prévention en question... quelle société pour le bonheur et l'épanouissement de tous ?
Inventeur du Justaumetre. Formateur et Conférencier. Passionné par les rapports humains, je cherche sans relâche à les rendre fluides. Promoteur de la QVF et de la QVCF.
3 ansSalut Hervé, J’ai une addiction amicale à mes amis. Alors, pendant les fêtes, je ne compte pas du tout me seuvrer. Pour ce qui est de mes autres travers, nous en parlerons en janvier….. Je suis néophyte, je perçois parfois l’addiction comme une sécurité, un système de secours provisoire qui devient permanent. Je prendrais volontiers une surdose d’éclairage de ta part, c’est bon pour la peau. A suivre. Emmanuel.
Délégué général
3 ansJ'aime bien le terme de guérison car cela induit une "maladie" et non un "vice", "manque de volonté", etc. ET on guérit de la maladie qui s'appelle l'addiction. En revanche, la voie la plus sûre pour consolider la guérison est certainement l'abstinence. Tout comme pour d'autres maladies on vous demande de vous abstenir de certains aliments ou de certaines pratiques.