Agissons. Appel pour un dispositif d'urgence énergétique pour l'industrie en France - Verbatim de l'intervention de Louis Gallois

Agissons. Appel pour un dispositif d'urgence énergétique pour l'industrie en France - Verbatim de l'intervention de Louis Gallois

Le 13 décembre, huit associations pro-industrie lançaient un Appel pour un dispositif d'urgence énergétique pour sauver l'industrie en France.

En janvier 2023, la moitié des entreprises industrielles verront leur contrat d'approvisionnement énergétique, gaz ou électricité, échoir. C'est davantage qu'anticipé. Le choc sera considérable, des prix multipliés par 4 voire par 6.

Un groupe manufacturier du CAC 40 dont la facture en énergie passera de 250 M€ à 1,3 Md€. Une PMI du nord de la France qui elle passera de 250 k€ à 1M€. Etc. Il semblerait que la hausse représente 60% à 80% des bénéfices des années antérieures !!

Au cours de l'événement du 13 décembre, Louis Gallois a proposé plusieurs pistes pour réagir face à ce choc, intervention qui a été très appréciée et pourrait servir de base pour la prochaine étape de cette mobilisation :

·        Remettre de l’argent de l’Etat afin de soutenir les entreprises. En effet, le plan français pour soutenir l’économie et les entreprises est aujourd’hui de 14 milliards d’euros [montant à confirmer, on évoque habituellement 10 milliards d'euros], ce qui semble insuffisant et pas assez ambitieux, notamment en comparaison à nos voisins européens (100 milliards en Allemagne). Louis Gallois évoquait de doubler la somme et donc de passer à 30 milliards d'euros environ

·        Changer le mode de fixation du prix de l’électricité et plafonner le prix du gaz. Celui-ci est aujourd’hui l’élément directeur du prix alors que le gaz ne pèse que 7 à 10% dans la production de l’électricité. Le Portugal et l’Espagne ont déjà passé cette étape en sortant du système de fixation des prix européens. De plus, ce plafond est nécessaire pour éviter d’acheter le gaz 3 à 4 fois plus cher que les industriels des pays fournisseurs, notamment la Norvège et les Etats-Unis

·        Clarifier certains sujets énergétiques avec l’Allemagne, faire une "mise au point". L’Allemagne bloque de nombreuses initiatives prises par la France et agit en cavalier seul sur d’autres (ex. achat groupé de gaz, …)

·        Instaurer un Inflation Reduction Act (IRA) comme aux Etats Unis, d’un montant de 300 mds€. Cela permettrait à l’Europe de rester dans la compétition avec la Chine et les Etats Unis qui sont actuellement en train de se recentrer, d’éviter les délocalisations et de soutenir les entreprises qui s’inscrivent dans une démarche de croissance verte.


A ces quatre propositions, l'Appel pour un dispositif d'urgence énergétique pour sauver l'industrie en France en a ajouté un cinquième

·        Mobiliser les achats en faveur du Made In France, qu'elle soit publique - Commande publiques - ; celle des grands groupes via les "achats responsables" en notamment ceux des entreprises dont l'Etat est au capital ; celle de chacun d'entre nous lorsque nous en avons le pouvoir d'achat.

Le temps de la réflexion est échu. Mobilisons nous !

Forces Françaises de l'Industrie Collectif Startups Industrielles France FIMIF - Fédération Indépendante du Made in France Collectif Reconstruire Relocalisations.fr Association du Manifeste pour l'Industrie (MAI) Retour de l'Industrie en France Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale




VERBATIM DE L'INTERVENTION DE LOUIS GALLOIS LE 13 DECEMBRE 2022

Je crois qu’il faut distinguer le très court terme qui pose des problèmes d’urgence et le moyen terme qui est au moins aussi inquiétant. Sur le court terme, je ne reprends pas ce qu’a dit Olivier, je partage totalement son avis et les chiffres qu’il a articulé parlent d’eux même. Je voudrais être précis sur des choses.

Premièrement, l’effort de l’Etat actuellement pour l’économie et pour les entreprises, c’est 14 milliards d’euros [montant à confirmer, il est souvent évoqué 10 milliards d'euros]. L’Allemagne va être autour de 100, donc on voit la différence. Je pense que le plan français n’est pas assez ambitieux, et qu’inévitablement, s’il ne veut pas avoir une avalanche de faillites, l’Etat va être obligé de remettre des billes, d’une manière ou d’une autre. […] Il faut certainement remettre de l’argent pour assurer un certain rééquilibrage.

Le deuxième point c’est qu’il faut arrêter avec le mode de fixation actuel du prix de l’électricité. On ne peut pas continuer à avoir un prix de l’électricité, qui, pour des techniciens du coût marginal qui ont travaillé sur le sujet est actuellement l’alpha et l’oméga. Il suffit d’écouter les régulateurs européens qui considèrent qu’on doit rester dans le système actuel. Ce système ne fonctionne pas, il peut être acceptable en situation de croisière, mais il devient inacceptable quand la variable d’ajustement et essentielle : le gaz, est devenu un produit totalement spéculatif. Il faut casser cela et faire ce qu’ont fait les Portugais et les Espagnols. Cela veut dire sortir du système de fixation des prix européen pour revenir à un système qui, pendant une phase, peut être limitée, mais de quelques années, redonne au gaz sa juste place dans le mix, dans la formation du prix de l’électricité et cette juste place c’est entre 7 et 10% du prix de l’électricité. Alors qu’actuellement c’est l’élément directeur du prix. Je crois que cela est extrêmement important. Deuxièmement, il faut plafonner le prix du gaz. Actuellement le plafond est situé à 3 fois le prix du marché, donc il est inopérant ce plafond. Et pourquoi le gaz est-il si cher en Europe ? C’est largement parce que l’Allemagne s’est retrouvée dépourvue de gaz du fait de la guerre en Ukraine et que son industrie chimique était entièrement liée au gaz Russe. Donc les Allemands se sont précipités sur toutes les disponibilités de gaz dans le monde et évidemment ont acheté à n’importe quel prix et ont donc fait monter le prix. Et nous subissons actuellement cet élément essentiel. Je pense qu’il faut plafonner le prix du gaz – Cf l’interview d’Habeck dans les Echos. Je pense qu’il faut mettre le plafond ne serait-ce qu’à ce que les Norvégiens l’appliquent à leur propre industrie. Actuellement, on nous fournit du gaz à 3 à 4 fois ce que les industriels des pays fournisseurs paient, c’est une situation qui ne peut pas perdurer ou alors ça veut dire que l’Europe n’a plus aucun moyen de négociation avec quiconque et qu’on peut lui faire payer n’importe quel prix.

Dans ces deux domaines, il y a un pays qui bloque, c’est l’Allemagne. L’Allemagne est à peu près opposée à tous ce que propose la France. Je viens de citer les deux éléments le prix du marché et le plafonnement du prix du gaz, ils sont contre. Je rappelle qu’ils sont contre aussi le fait qu’on considère l’hydrogène produit à partir de l’énergie nucléaire comme de l’hydrogène bleu, c’est à dire une hydrogène décarbonée, parce qu’il ne veulent pas que par le biais de l’hydrogène on redonne sa chance au nucléaire. J’ai constaté que Monsieur Scholz allait tout seul en Chine alors que Mr Macron lui avait proposé de l’accompagner. Dans le même interview, Monsieur Habeck parlait d’achat groupé de gaz. Alors je ne sais pas comment cela se fait, mais au Qatar, les Allemands y sont allés seuls et ont négociés seuls. Je pense qu’on ne peut pas éviter une clarification avec l’Allemagne sur ces sujets énergétique. L’Allemagne ne peut pas jouer complétement perso et moi je ne suis pas contre l’Allemagne, j’ai présidé une entreprise Franco-Allemande Airbus, j’allais toutes les semaines en Allemagne, j’ai beaucoup d’estime et de respect pour ce pays. Mais l’Allemagne fait partie de l’Europe. Ils ne peuvent pas bloquer toutes les initiatives qui sont prises pour essayer de passer cette crise avec une commission qui est tétanisée par l’Allemagne.

Je voudrais maintenant dire que, pour moi, Il y a un risque moyen terme qui est au moins aussi sérieux que le risque que nous connaissons à court terme. On voit bien que la Chine et les Etats Unis sont en train de se recentrer. La Chine ne veut pas dépendre des produits de haute technologie américains et donc fait un effort de recherche gigantesque et s’autonomise par rapport à la technologie américaine. Les Etats-Unis veulent s’autonomiser par rapport aux importations venant de Chine et les Etats Unis viennent de lancer l’Inflation Reduction Act (IRA) qui est une menace majeure. Pour une entreprise qui souhaite développer une nouvelle implantation : vous avez un pays, les Etats Unis, qui a l’énergie la moins chère du monde et qui balance 300 milliards de subvention pour soutenir son industrie en s’attachant bien à ce que seule son industrie en bénéficie. Il n’y a pas photo, les entreprises voudront aller aux Etats Unis. D’ailleurs on voit un certain nombre de délocalisation qui s’amorcent. Northvolt qui est une entreprise qui fabrique des batteries automobiles devait implanter une usine en Allemagne, a décidé de l’implanter aux Etats Unis pour une raison très simple, c’est une usine qui consomme beaucoup d’énergie et que d’autre part, les batteries européennes ne pourraient pas bénéficier évidemment des subventions que vont bénéficier les batteries fabriquées aux Etats Unis. Je crois qu’il n’y a qu’une seule alternative – je trouve louable d’aller aux Etats Unis dire à Monsieur Biden : « votre plan nous met dans la difficulté ». Je crois un peu connaître les Américains, je pense que Monsieur Biden va écouter ça avec beaucoup d’intérêts et ils vont prendre les 3 ou 4 petites mesures nécessaires. Et ils vont continuer, ils ont voté leur plan et d’ailleurs je serais à la place des Etats Unis, ils jouent leur carte. Un pays défend ses intérêts, les Etats Unis défendent les leurs.

Qu’est-ce que peut faire l’Europe ? Je pense que l’Europe doit faire un Inflation Reduction Act de 300 Milliards. Je dis un chiffre, je ne l’ai pas étudié dans le détail mais un chiffre qui est assez massif. Et comment on le finance ? On le finance comme on a financé le plan de relance à la suite du covid, il faut que l’Union Européenne s’endette pour financer ce plan. Là aussi, nous allons avoir un petit débat avec les Allemands. Je pense que le Buy European Act, c’est très bien, pourquoi pas. Cela serait beaucoup plus difficile de faire un Buy French Act, parce que c’est contraire aux règles de la concurrence européenne. Mais ce qui serait à la hauteur, c’est un Inflation Reduction Act d’une ampleur comparable à celui des Etats Unis parce que l’Europe c’est à peu près les Etats Unis et qui s’appliquerai, comme aux Etats Unis, aux industries qui s’inscrivent dans la croissance verte. Je pense qu’on ne pourra pas éviter un tel effort, sinon les délocalisations vont reprendre alors qu’elles s’étaient calmées. Et plus gravement, si nous ne faisons rien, dans l’affrontement entre la Chine et les Etats Unis, l’Europe sera le champ de clous de la compétition. C’est en Europe, sorte de ventre mou du commerce mondial que les Etats Unis et la Chine s’expliqueront et ça ne sera certainement pas à notre bénéfice. Merci.

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