Alzheimer - Nous pouvons l'avoir et continuer à être
Une maladie vécue comme une remise en question de l’identité
Pour une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, en début de pathologie, les troubles de la mémoire bouleversent profondément la perception qu’elle a d’elle-même. Elle peut se demander : « Qui suis-je, si mes souvenirs disparaissent ? » Cette douloureuse question, si nous nous y attardons, résonne en nous en profondeur. Les souvenirs, les habitudes, et même le langage semblent s'effacer progressivement dans l’esprit d’un parent, d’un conjoint pour laisser la place à une peur viscérale difficile à formuler : celle de la perte de soi, de l’autre et de la relation.
Pourtant, l’identité demeure et le lien peut perdurer. Derrière la détérioration de certaines fonctions cognitives et la perte de repères, il y a un ensemble de capacités méconnues et tout le potentiel adaptatif de notre cerveau. L’identité ne doit pas être confondue avec la production d’un discours sur les événements marquants de sa vie, elle ne doit non plus être confondue avec la capacité à récupérer, dans l’instant, une information stockée en mémoire. L’être humain est bien plus que cela.
Un problème majeur effacé de l’agenda politique
La maladie d’Alzheimer représente un enjeu social majeur. En France, environ 1,2 million de personnes sont atteintes de cette pathologie ou d’une maladie apparentée et les dépenses directes et indirectes liées à sa prise en charge sont estimées à plus de 10 milliards d’euros par an. Malgré l’ampleur du phénomène et de son coût, le Plan Maladies Neuro-évolutives n’a pas été renouvelé et la maladie s’efface de l’agenda politique. Désormais, le sort des personnes malades est englobé dans les problématiques plus vastes de la prévention et de l’aide aux aidants. L’espoir de trouver un traitement curatif parait perdu, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire, bien au contraire. L'effacement des personnes atteintes est à la fois le reflet d’un renoncement qui ne dit pas son nom et d’une méconnaissance de la maladie.
Redonner une place aux personnes atteintes dans l’espace public, et ce, dès le diagnostic posé ralentirait le déclin cognitif et avec lui l’entrée dans la dépendance si coûteuse pour la société. Collectivement, nous appelons tous de nos vœux un changement de regard sur le grand âge, une reconnaissance de la dignité humaine et l’ouverture de l’espace public à tous. Si cela n’arrive pas dans le cas de la maladie d’Alzheimer, ce n’est pas parce que c’est impossible.
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ARTZ – L’art comme vecteur d’expression et de reconnaissance de l’identité.
Imaginons que je suis atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis quelques années, je ne peux plus me rendre seule au musée. Mes initiatives se réduisent, mon organisation dans le temps se fragilise et je perds la capacité à trouver mon chemin dans de nouveaux lieux. Je ne suis pas capable d’exprimer clairement ces difficultés, mais elles se manifestent chez moi par une apathie ou plus trivialement par une envie de rien qui décourage mon conjoint et ma fille. Par peur de l’échec, je ne parle presque plus et je fais de moins en moins de chose.
L’association ARTZ qui croise ma route par hasard amène chez moi une bénévole pour m’accompagner au musée. Je ne comprends pas bien ce qu’ils me veulent et pourquoi ils tiennent à me sortir, mais cette jeune femme qui me sourit m’est agréable alors pourquoi pas ? Pourquoi pas aller au Musée d’Orsay avec elle de temps en temps ?
Sur le chemin je raconte ma vie sans me rendre compte qu’à chaque fois que l’on passe devant un endroit familier j’évoque la même anecdote. Ça la fatigue mais elle fait preuve d’une grande patience, elle sait que je ne m’en rends pas compte. Et puis nous arrivons, un groupe se forme et je m’installe en tête-à-tête avec le repas de paysan des frères Le Nain.
Je n’évoque jamais ma mère spontanément. Lorsqu’on me demande ce qu’évoque pour moi la posture du personnage au centre de la composition, c’est évident et familier pour moi. Ce mendiant déguenillé et le regard perdu, le dos voûté, les mains jointes est en pleine dépression. Je suis saisie par son émotion et je me tourne vers ma voisine pour m’assurer qu’elle la voit aussi et qu’elle s’en rend compte. Mes souvenirs réémergent à travers un lien d’association entre ce que je vois et toute la richesse de mon vécu. Dans le groupe, je suis encouragée, ce que je dis est pris en compte, je comprends ce qui se passe et plus je parle plus j’ai envie de parler. Quand je rentre on ne peut plus m’arrêter. Je suis à nouveau là.
Une méthode pour ouvrir l’espace public et repousser la dépendance
Comme le montre cet exemple, l'art et la culture peuvent être des vecteurs puissants d’expression de l'identité et d'intégration sociale à condition que soit mis en place un accompagnement pertinent et efficace. Cet accompagnement au sein d’ARTZ s’appuie sur une méthode rigoureuse et sur une évaluation continue de l’impact des activités sur les personnes atteintes. Il traduit, comme dans l’exemple, une compréhension fine des symptômes et du fonctionnement cognitif des personnes atteintes. Enfin, au-delà des bonnes intentions, il manifeste une compétence réelle.
Si les interventions d'ARTZ se généralisaient davantage et plus vite à l'échelle nationale, les bénéfices seraient considérables pour les personnes atteintes et leurs aidants, mais également pour la société. Cela entraînerait un changement de regard sur nos aînés et des réductions de coûts de prise en charge. En permettant aux personnes atteintes de conserver une plus grande autonomie plus longtemps, l’entrée en établissement serait retardée. Les activités, en apaisant les symptômes d'anxiété et de dépression souvent liés à la maladie, réduiraient les hospitalisations, une source de dépenses considérable pour le système de santé.
Pour toutes ces raisons nous vous invitions à soutenir ARTZ et à travers elle à redonner aux personnes atteintes leur place dans la société, prouvant ainsi qu'il est possible d’avoir la maladie d’Alzheimer et de continuer à être.
Fondatrice et Directrice chez Association ARTZ | Sociologue de la santé
4 moisMerci Regine pour ton temoignage precieux et ton soutien
Responsable de projet chez Merck
4 moisAvoir été bénévole et avoir accompagné de nombreuses personnes atteintes d'Alzheimer ne peuvent que me pousser à soutenir tes mots, tes actions et ta persévérance car les effets sont évidents. Chacun de nous peut être touché, soi même ou parmi ses proches, et ce n'est pas l'absence de traitement et de claire compréhension de la maladie qui doivent nous faire baisser les bras ! Se retrouver soi même et partager donnent tant de ressources à une personne Alzheimer, continuons à oeuvrer pour que les petites lumières de l'espoir ne s'éteignent pas ! Soutenir ARTZ et les activités de Cindy en font partie, j'en suis sûre.