Améliorer l'attribution des places de crèches : est-ce possible ?
Le 6 Novembre dernier, François Baroin et Elisabeth Laithier ont remis à Agnes Buzyn le «Vademecum de l’attribution des places de crèches » qui répertorie les bonnes pratiques et les recommandations à destination des collectivités locales pour « mieux » attribuer les places de crèches dans nos territoires.
Le document, qui repose sur un très gros travail d’auditions, commence par faire des suggestions de bon sens qui – si elles sont appliquées – constitueront un réel progrès pour les familles : organiser des réunions d’information présentant les différents modes de garde du territoire, aider les familles à calibrer leur besoin réel de temps de garde au lieu de demander un plein temps dans tous les cas, raccourcir le délai entre la demande de place de crèche et la réponse aux familles.
Il préconise également de conduire une évaluation des besoins de garde sur le territoire : nombre d’enfants en bas âge, situation professionnelle des parents, structures de garde existantes, puis de déterminer les critères d’attribution des places de crèches….et c’est là que les choses compliquées commencent.
En effet, en page 14, le Vademecum dit que « Les élus locaux sont ainsi attachés au caractère universel de la politique familiale, de même qu’à la mixité sociale de leurs établissements. Dans cette optique, les places en crèche doivent pouvoir bénéficier à des familles confrontées à des problématiques diverses. Indispensables pour les couples bi-actifs qui ne peuvent pas garder leur enfant la journée, elles le sont tout autant pour les familles en situation de pauvreté qui sont en recherche d’emploi ou dont les enfants connaissent des difficultés d’apprentissage. Elles sont, enfin, des opportunités de répit pour des parents pour qui la garde en propre de leur enfant semblait constituer l’unique solution envisageable. »
En langage clair : il est parfaitement légitime d’accueillir en crèche des riches et des pauvres (mixité sociale), des couples bi-actifs et des parents en recherche d’emploi, des couples et des familles monoparentales et même des parents au foyer qui pourrait avoir besoin d’un répit.
Le Vademecum dit aussi avec beaucoup de bon sens, qu’au-delà du bien de l’enfant et des familles, les élus locaux devront veiller à l’équilibre financier des structures d’accueil…autrement dit, y accueillir un nombre suffisant de familles solvables pour que l'établissement ne soit pas trop déficitaire.
Nous sommes donc dans la quadrature du cercle : comment les élus locaux feront-ils pour « trier » entre les différentes familles ? Comment tenir les objectifs de mieux accueillir les familles précaires tout en assurant l’équilibre financier des crèches ? Comment déterminer des « priorités » quand il y a autant de publics potentiellement prioritaires ?
Ce que le Vademecum ne dit qu’à demi-mots, c’est qu’il n’y a aujourd’hui en France que 18 places de crèches pour 100 enfants et qu’il est donc parfaitement impossible d’en attribuer une à chaque famille qui en fait la demande. Dans certains quartiers de Paris, c’est moins d’une demande sur onze qui est satisfaite. Et là encore, le Vademecum donne très peu d’indications aux collectivités locales. Il préconise de suggérer aux familles l’utilisation des assistantes maternelles avec peu de précisions.
Ce qui est extrêmement dommage, c’est que ce document qui résulte pourtant d’un excellent travail de fond passe à côté de plusieurs leviers essentiels pour améliorer la garde d’enfant dans nos territoires.
Tout d’abord, il ne faut jamais oublier que la réforme du congé parental partagé a brutalement désorganisé l’offre de garde en privant plus de 200.000 parents qui souhaitaient garder eux-mêmes leur enfant de la possibilité de le faire jusqu’à son entrée à l’école. Ces familles viennent très légitimement grossir la fille d’attente des crèches. Revenir avec bon sens sur cette réforme qui n’a pas fonctionné permettrait de diminuer d’un coup le nombre de familles souhaitant une place de crèche.
Ensuite, l’analyse détaillée des pratiques des différents départements français démontre que ceux qui ont misé sur le « tout crèche » offrent en réalité un nombre de solutions globales d’accueil aux familles très inférieur aux départements qui ont misé sur des offres de garde diversifiées. Des expériences ont été menées récemment par certaines collectivités locales pour mieux diversifier leurs modes de gade et les résultats sont spectaculaires : il est possible d’économiser de l’argent public tout en offrant plus de solutions aux familles.
Mais ceci suppose d’avoir le courage politique de dire que la crèche est comme une Rolls Royce qui coûte deux fois plus d’argent public que l’assistante maternelle et quatre fois plus que le congé parental. D’oser avouer que l’empilement de normes parfois kafkaïennes fait que nos structures d’accueil sont somptueuses mais tellement chères à créer et à faire fonctionner que les collectivités locales n'ont absolument pas les moyens d'en faire pour tout le monde. D’oser reconnaître que si les crèches ont des listes d’attente, elles ont en même temps des taux de remplissage souvent inférieurs à 70% et qu’une meilleure organisation permettrait d’offrir plus de places aux familles. Et d’oser dire enfin que la crèche n’est pas forcément le mode de garde idéal pour toutes les familles. Une crèche ne va pas chercher un aîné à l’école par exemple alors qu’une assistante maternelle peut le faire.
Il semble – à ce stade – que les politiques qui ont le courage de dire tout ceci en face à leurs électeurs sont encore peu nombreux. Espérons que la réflexion autour de ce Vademecum permettra d'avancer dans la bonne direction.
Ouvrir les consciences en accompagnant les humains (individus & équipes) : Coach, Spiritual Trainer, Superviseur
6 ansMerci Marie-Laure de ce partage très instructif !