Amazon nous oblige à être meilleurs

Amazon nous oblige à être meilleurs

Je lis en ce moment pas mal de billets, d'interviews et d'articles de CEOs ou de grands entrepreneurs (que je respecte) qui critiquent plus ou moins directement le prétendu tout pouvoir monopolistique d'Amazon dans la VPC.

Les autres distributeurs seraient voués à disparaître et les marques seraient en train de perdre le rapport de force.

Cela me rappelle avec délectation il y a une dizaine d'années les mêmes discussions dans l'industrie musicale contre Apple et iTunes, avant l'émergence des sites de streaming comme Spotify ou Deezer. A l'époque, pas mal de labels critiquaient en off-record l'énorme et 'dangereuse' part de marché d'iTunes et les distributeurs historiques de produits culturels n'étaient pas les derniers à crier au loup. Sauf que les labels étaient bien heureux de monétiser leurs catalogues sur l'énorme audience d'Apple et, rappelons pour ceux qui ne connaissent pas le business de la musique, que la firme à la pomme payait mieux (en valeur) et plus vite que tout le monde (même qu'Amazon). Bref, çà rallait chez les labels mais on encaissait des sommes rondelettes tous les mois. Quand Spotify a pointé son nez avec un panier moyen divisé par 10, voire 50, on a commencé à regretter le bon vieux temps du download monopolistique d'iTunes.

Quel rapport me direz-vous avec Amazon en 2016 ?

Amazon est dans une situation encore plus avantageuse en e-commerce qu'Apple dans la musique il y a 10 ans. Quand je conseille des PME/PMI ou des grandes marques qui font de la vente en ligne (mais qui n'en fait pas en 2016 ?), j'obtiens de leur part quasiment toujours les mêmes chiffres dont personne ne se vante : entre 40 est 70% de leur CA VPC réalisé via Amazon, entre 10 et 40% sur les autres marketplaces (eBay, CDiscount, PriceMinister, LaRedoute, etc.) et le reste en nom propre à coup de budgets insensés en publicité et marketing  pour attirer un peu d'audience (selon la notoriété de la marque).

Ne me faites pas dire que c'est une situation idéale. On a tous appris à l'école ou à nos dépens qu'il est très dangereux d'avoir plus de 20% de son CA sur un seul client.

Mais j'y vois plusieurs avantages, même si c'est une situation de quasi-confort potentiellement dangereuse pour certains.

Le principal avantage, c'est la culture d'excellence qu'Amazon s'impose à elle-même et impose à ses partenaires.

Amazon nous oblige à être meilleurs.

Pour les sociétés présentes sur la marketplace d'Amazon, c'est un peu comme être en Classes Prépas. Il faut bosser dur, prendre des coups (coûts), les clients sont ultra exigeants (ah les italiens et les espagnols...) et il faut s'accrocher. Aux premiers posts négatifs ou retards de livraison ou taux de retour trop importants, on risque de se faire virer. Mais on serre les fesses, si vous me permettez l'expression, parce que çà en vaut la peine (audience, trafic, CA).

Tout est fait par Amazon pour que l'expérience client soit la plus parfaite possible tant en CRM qu'en logistique. Quand on regarde le système de "notation" des marchands sur la marketplace Amazon, on comprend pourquoi la firme de Seattle est devenue leader dans l'esprit des clients.

Et je ne parle pas de l'achat d'une boîte de Lego ou d'un paire de jeans. Lors de mes interventions en écoles de commerce ou en entreprises, mes auditeurs sont toujours extrêmement surpris par les exemples de produits achetés via Amazon que je cite. Je dis bien "achetés" et non "vendus" - la différence sémantique a son importance.

Comment expliquer qu'un labo de recherche allemand achète un composant robotique pointu à un revendeur français via Amazon alors que ce même composant est distribué par un revendeur teuton local (adresse très facile à trouver sur le site Internet du fabricant), que ce revendeur fait de la VPC, est référencé correctement sur Google et en plus vend moins cher sur son site que le revendeur concurrent français sur Amazon ? Il convient de méditer sur cet exemple.

Amazon fait clairement son boulot en terme de référencement. Mais cela n'explique pas tout.

En réalité, Amazon est en train de devenir le Google du e-commerce.

On cherche à acheter un produit ? Il suffit de taper sa désignation ou son EAN ou son code fabricant sur le site Amazon et, hop, on le trouve, au meilleur prix en général et avec un service de grande qualité (Garantie A-Z, délais de livraison, etc), qu'il soit distribué directement par Amazon ou par un de ses marchands sur la marketplace.

Si les autres leaders locaux ou transnationaux veulent survivre et concurrencer Amazon, ils doivent devenir meilleurs - ou tout au moins aussi bons -, aussi réactifs, aussi professionnels. Regardez le succès de Vente-privee.

J'ai le triste exemple d'une de mes participations françaises qui fait du e-commerce depuis plusieurs années sur des produits technologiques. Ils en vendent des "palettes" sur Amazon et eBay avec un CA export représentant presque 70% de leur activité. Dans un souci de diversification et de réduction du risque, je leur ai pourtant conseillé de se rapprocher des marketplaces françaises correspondant à leur activité : PriceMinister, CDiscount, Fnac, Boulanger, Darty.

Le résultat est pathétique. Si les champions français du eCommerce ont été plutôt réactifs (bravo à eux), les enseignes 'historiques' n'ont pas été capables en 3 mois de répondre aux emails de demande d'ouverture de compte et/ou de mettre en place les contrats de marketplace pour mettre en vente les produits. Pas grave, Amazon vend à leur place. Ces enseignes pourront toujours continuer à tirer à boulets rouge sur Amazon, sur les conditions de travail, sur la concurrence déloyale du travail le dimanche, etc... Peut-être. Mais Amazon est en train d'ouvrir des milliers de points de vente physiques aux USA. Quand Amazon arrivera en Europe, certains, s'ils sont toujours vivants, vont souffrir s'ils ne changent pas. Il sera toujours temps de pleurer. RIP Chronopost dont les commerciaux critiquaient UPS et Fedex il y a 10 ans...

Soyons clair : je n'ai pas d'actions Amazon (une erreur de jeunesse probablement...) et je ne conseille par Amazon (que pourrais-je leur apprendre ?). Aujourd'hui, je ne vois plus de différences notables en 'expérience magasin physique' entre une Fnac, un Leclerc et un Darty. Comme la plupart de mes relations personnelles ou professionnelles, je n'achète plus rien sur les sites VPC des enseignes françaises 'historiques'. Mais il ne passe pas une semaine sans que je ne regrette le Virgin Megastores des Champs. 

Ce que je vais dire est un peu prétentieux mais dicté par plus de 20 ans de conseil en stratégie à des directions générales. Mesdames et Messieurs les CEO, prenez le temps d'aller sur le terrain concurrentiel : achetez des produits chez vos concurrents comme un simple client de base, faites de même sur vos propres sites, comparez, demandez à vos équipes de se renseigner sur les systèmes d'informations, les contrats, le CRM, l'expérience client de vos concurrents. Il ne suffit pas de monter des projets d'Open Innovation ou de Big Data à grand coût d'annonces et de budgets pour que çà marche. Seuls les meilleurs survivront (et les 'paranos' pour plagier un ancien boss d'Intel).

Pour reprendre ce que vient de dire fort intelligemment le grand patron de L'Oréal, il ne faut plus vendre des produits mais du et des services.

Le client BtoC ou BtoB est devenu extrêmement exigeant et c'est Amazon qui a fixé - très haut - ce niveau d'exigence.

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