Anatomie d'un saut
Aérodromo de Èvora

Anatomie d'un saut

  1. Saut 4750 mètres d'altitude - CHUTE LIBRE> 200 km / heure.

A l'intérieur de l'avionnette, d'autres parachutistes instructeurs et d'autres stagiaires pour lesquels il était non seulement le baptême de saut, mais aussi le baptême de vol.

L'atmosphère était déjà tendue dans cette premier étape de décollage et de prise d’altitude. Il est vrai que c’est très différent du décollage d’ un Boing 747 ou d’un Airbus A340 ....Dans une avionnette, tu sens chaque irrégularité de l’asphalte, chaque changement de direction du vent, chaque vibration des ailes et de l’appareil-même et ,croyez-moi, il y en a beaucoup ... Il n'y a pas de sièges confortables, ou des ceintures de sécurité, ou hôtesse de l’air au regard béat et tranquillisant pour vous dire que tout va bien.

C’est un peu stressant même pour ceux qui volent souvent .... J’imagine pour ceux qui font leur baptême de vol ....

Une fois l'avion dans l'air et stabilisé quand nous atteignons l'altitude appropriée, il est temps de commencer à sauter.

On ouvre alors la porte et quand vous regardez en bas, vous vous rendez compte que les voitures sur l'autoroute, sont de la taille des fourmis .... et vous devez sauter parce que vous avez payé et bien payé ... parce que vous avez un instructeur derrière vous qui vous donne des ordres militaristes et vous dit - GO! ... sans vous laisser le temps de réfléchir pour savoir si oui ou non vous voulez vraiment sauter. C’est ainsi ... c’est ce à quoi vous vous êtes engagé .... Vous avez payé le service, maintenant il vous suffit de laisser le professionnel exécuter sa tache ...

Ça ne sert à rien de vous cramponner à la porte. L’ordre a été donnée, il faut y obéir.

Une fois tous les parachutistes sortis, nous continuons en montant dans le ciel, encore et encore. Après une dernière vérification de ceintures et de harnais, je demande à mon instructeur ce que nous attendions pour sauter – Il attendait juste les ordres du pilote puisque étant la plus enthousiaste du groupe, ils voulaient « faire durer le plaisir »…

4750 mètres! .HERE WE GO!

J’avais alors réalisé pourquoi ils m’avaient fait entrer en premier dans l’ppareil. Ce ne fut pas une question de politesse ou de considération pour mon âge « un petit peu » plus avancé que tous les autres, la seule avec des enfants et des petits-enfants à regarder ... non .... c’était parce que dès le début, il a été déterminé que je serais la dernière à sauter pour sauter le plus haut ...

Pour eux, PILOTE, INSTRUCTEUR ET CAMERA-MAN, vont mes remerciements pour l'équipe fantastique, pour la folie de chacun - en particulier la caméraman qui a quitté l’appareil et est resté à l'extérieur, accroché à la porte, tout en continuant de filmer, puis, en chute libre à côté de nous, pour se transformer, quelques secondes après en une fusée, une roquette, en étirant et collant ses jambes, les bras raides unis au corps et en tournant la tête vers le bas, tel un missile pointé au sol.

La situation a commencé à devenir inquiétante quand j'ai entendu mon instructeur crier, ce qui ne servais pas à grand-chose, puisque même moi, j’avais du mal à l'entendre - « ouvre le parachute, imbécile…, IMBÉCILE…, OUVRE, OUVRE .... !! OUVRE !!! " ..... Et enfin il a ouvert ...

À eux, et à mes enfants, merci de m’avoir proportionné une expérience fantastique et inoubliable ....

L’HEURE DE LA VÉRITÉ

C’EST LE MOMENT DE SAUTER

C’est le moment où, à genoux et les bras croisés sur sa poitrine pour ne pas risquer de les briser avec la force du vent, je me trouve tout au bord de ce qui me sert encore de sol. Je regarde en bas et je me rends compte que même pas les voitures de la taille des fourmis, à cette altitude - 4750 mètres - sont encore visibles. Rien que le paysage comme une photo satellite, où rien est vraiment défini ,si ce n’st qu'une ligne ronde de l'horizon bleu céleste qui me permets d'avoir une idée de mon insignifiance ....

Je me rends compte que c’est à le dernier moment où j’ai encore le choix entre aller ou rester. C’est le moment d'incertitude, l'inconnu, le vide .... le moment en que, pendant une fraction de seconde je pense que j’ai déjà vécu, que j’ai déjà été heureuse et malheureuse, j’ai ri, j’ai pleuré, haï et aimé ; que jusque-là, ça en valait la peine. Et alors, je me suis senti reconnaissante pour tout ce que j’ai vécu.

Il est temps de prendre ma décision puis, j’ai entendu l'instructeur dire« c’est quand tu veux. » . Ça n’a pas été le « GO » que j'attendais et ma réponse a été – ON Y VA!

Sans sol, sans références, sans points d'appui, sans prévision de quand mes pieds toucheront le sol, je me suis senti comme dans le tambour d'une machine à laver, un trou dans la poitrine, un frisson dans le dos, sans commencement ni fin ... sans savoir ce qui va suivre .... sans même me rappeler que l'instructeur était accroché à moi à tout contrôler ... Juste ce sentiment de « il y en a rien » ....

Après peut-être une minute ou quelques secondes interminables, s’ouvre une sorte de parachute miniature qui vient stabiliser la chute libre .... mais je continue sans plancher, à une vitesse vertigineuse. Ma peau, mes muscles semblent vouloir rester derrière. J’ai du mal à respirer, mais je ne peux pas ouvrir la bouche, car je risque de ne pas pouvoir la fermer à nouveau et suffoquer ....

Je dois mettre toute ma force pour garder mes bras en position et ne pas les laisser ouvrir au risque de déplacer une clavicule.

Mais quand nous atteignons la vitesse limite, celle que, le poids total de la binomial par rapport à la résistance de l'air, te permet, c'est alors que tu commences à profiter du saut, de la chute ...

C'est quand tu commences à sentir la sensation de liberté, de vide, de silence en toi ...

À ce stade, qui a duré trois minutes, jamais le concept de la relativité du temps a fait autant de sens.

C’est alors que je me suis senti secouée, tirée vers l'arrière, arrachée de ma chute, en même temps que j’entends, loin, le son du déploiement des ailes d'un ange .... C’est le parachute principal s'ouvrant.

Je regardes vers le haut et je pense - Dieu merci! Jusqu'ici, tout va bien !....

Une fois surmontée cette secousse, est arrivé le moment où j’ai commencé à vraiment apprécier le vol et là .... il est très difficile de décrire le sentiment, mais je pense qu'il devrait être très semblable à celui décrit par les personnes qui ont eu une expérience « quasi mort », seulement il n’y a pas cette lumière blanche…

C'est un sentiment de bien-être, le bonheur, pas de limites, pas de demandes. Il n'y a pas hier ni de demain. Il n'y a pas avant ou après. Il n’y a que toi et l'espace, le ciel et la plénitude. Tu penses que tu vas ouvrir tes propres ailes et tu resteras là pour toujours ...

J'ai eu la chance d'avoir un instructeur qui a réalisé à quel point j’appréciais le voyage et m'a amené à faire quelques loopings – c’est là que tu comprends vraiment le sens de l'expression « voler avec les aigles ». Je ne veux pas aller vers le bas, je veux rester ici....

Mais tout a une fin, au moins pour l'instant ... et je dois descendre.

Il y avait longtemps que tout le monde avait déjà atterri.

Là, je dois commencer à penser, je dois descendre sur terre.

Je dois revoir mentalement tout le breefing précédent. Penser à la position des jambes, les soulever à 90º afin que l'instructeur atterrisse avec les siennes, la position des bras,…. Mais quelque chose a changé dans la position des sangles qui me tenaient les jambes et m’empêchaient maintenant, de les soulever.

Le sol se rapprochait à grande vitesse et mes jambes étaient toujours dans la verticale. Nous allions devoir atterrir sur mes pieds.

Talons étirées, pointes des pieds soulevées , je touche le sol et je m’en sers comme des freins, en me traînant pour quelques mètres, peut-être ... 20/30/50, je ne sais pas, mais je sais que je n’en finissait pas de m’arrêter . Sur le chemin, je ramassais des épis et des marguerites avec mes pieds, jusqu’au fin fond de mes bottes.

Enfin, immobilisés sur le sol, nous entendons les ailes de l’ange se poser en douceur, derrière nous. Mission accomplie !

j’étais alors arrivée au sol des mortels, mais toujours avec la tête dans les nuages.

Je me redresse, je commence à marcher mécaniquement, mais mes pieds ne semblent pas toucher le sol et je reste dans cet état de béatitude totale encore quelques minutes .... Alors je commence à écouter, bien au fond d’un puits, les gens autour de toi me demandant comment ça a été, si j’ ai aimé, si j’ai eu peur, ...

Et la seule réponse qui me viens à l’esprit est - « Huh ??? ... »

J'étais au paradis, j’ai quitté mon corps et je suis revenue.

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