Appel à décarboner l’aviation avec l’hydrogène, en Suisse aussi
Le directeur d' easyJet en Suisse Jean-Marc Thevenaz détaille sa vision de l’avenir du transport aérien dans une tribune publiée dans l' L'AGEFI (Suisse) cette semaine.
#decarbonation #hydrogene
La technologie hydrogène, notamment appliquée à l’aviation commerciale, fait parler d’elle en Europe et outre-Atlantique, aux Etats-Unis. En Suisse, le débat est encore relativement timide. Cette technologie, envisagée pour décarboner la production d’acier et utilisée par l’industrie aérospatiale pour faire décoller des fusées, est au cœur du programme Zero-e d’Airbus qui travaille actuellement sur des avions «zéro émission» pour 2035. En tant que compagnie aérienne majeure en Europe et la deuxième en Suisse, notre mission est d’encourager l’émergence et la viabilité commerciale des technologies d’avenir, en particulier quand leurs performances environnementales portent sur les opérations de vol, la partie la plus complexe à décarboner.
La décarbonation est l’un des plus grands défis que l’aviation n’ait jamais eu à relever, et si nous voulons réduire de manière significative les émissions de carbone, nous devons dépasser les technologies existantes. En septembre 2022, nous avons publié notre feuille de route de décarbonation qui vise l’objectif de zéro émission de carbone nette d’ici à 2050. La particularité de cette feuille de route est la place accordée aux technologies zéro carbone comme l’hydrogène.
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L’hydrogène dans l’aviation pourrait constituer une solution révolutionnaire pour les vols court-courriers, en complément du carburant d’aviation durable pour alimenter les avions long-courriers. Exclure l’hydrogène des options serait un déni de réalité: il existe des modèles opérationnels différents et envisager une seule solution technologique ne se justifie pas à ce stade. Pour des modèles comme le nôtre, l’hydrogène est une rupture technologique et une piste sérieuse pour ouvrir l’ère d’une nouvelle génération d’avions sans émission de CO2 durant la phase de vol. Rolls-Royce, avec qui nous collaborons sur ce sujet, a déjà prouvé la capacité de l’hydrogène à alimenter un moteur à réaction. Les essais en vol menés par ZeroAvia et Universal Hydrogen ont encore souligné le potentiel de l’hydrogène à transformer notre industrie.
La France ou encore le Royaume-Uni identifient et font progresser le potentiel de l’hydrogène dans l’aviation. Il est urgent pour la Suisse de s’inscrire dans cette logique pour s’emparer de la contribution positive de l’hydrogène pour la décarbonation des transports lourds en général et de l’aviation en particulier. Alors que la population suisse a accepté la loi sur le climat et l’innovation le 18 juin dernier et que la Suisse doit ainsi atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050, un débat autour des technologies décarbonées doit se faire afin que la stratégie nationale en matière d’hydrogène en cours de préparation par le gouvernement suisse prenne acte du potentiel important de l’hydrogène pour le secteur aérien.
Notre capacité à entrer dans cette nouvelle ère technologique ne peut se limiter à la conception et à la construction d’avions. Nous devons également veiller à la mise en place d’une infrastructure nationale appropriée pour faciliter l’approvisionnement et la distribution de l’hydrogène depuis les pays voisins vers la Suisse tout d’abord, puis vers les aéroports, et ce de manière efficace et sûre. L’adhésion au European Hydrogen Backbone est, par exemple, une option à étudier – le think tank Avenir Suisse souligne également ce point dans son dernier rapport sur l’approvisionnement énergétique du pays.
Pour que l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050 devienne une réalité, l’ensemble de l’écosystème de l’aviation, dont la communauté scientifique et les autorités politiques, doit être impliqué. En moyenne, il faut cinq à neuf ans pour certifier un avion avant à la mise en service. Avec l’objectif d’Airbus d’avoir un avion commercial à hydrogène dès 2035, la priorité est de s’assurer que les conditions d’exploitation seront réunies dans les temps pour accueillir cette innovation.