APPEL INTERNATIONAL AUX INTELLECTUELS DU MONDE ENTIER « Bamenda et Buéa : le Bal des maudits »
John Ngu Foncha se retourne dans sa tombe, écœuré par tant d’outrages. Comme le personnage de L’État honteux de Sony Labou Tansi, il crie sa colère : « Pour me dire merci, il tue mes miens » !
Que répondons-nous à ce légitime cri de douleur du Père fondateur ? Que nous sommes tous des ordures, des sots ! Or, un proverbe luba ne dit-il pas : « Mudimùke ùmvuila nkindi, cilubi bààmusapwila » (« Au sage on parle en proverbe, au sot on crache la vérité ») ?
Au début du massacre, je vous avais parlé comme à des sages : Je vous avais expliqué que les plus dangereux ne sont pas ceux qui brûlent les drapeaux, les édifices publics, etc., mais ceux qui arrachent de nos cœurs le sentiment d’unité nationale. En d’autres termes, ceux qui s’engraissent de nos misères et nous tuent en silence sachant que personne ne les voit. Ils se recrutent aussi bien parmi les fédéralistes, les sécessionnistes que dans les rangs du régime du Renouveau.
Malheureusement, porte-paroles, conseillers et spécialistes de la politique camerounaise vous ont convaincu que « force doit revenir à la loi ». De surcroît, ils ont travaillé à diluer le drame de nos frères du Sud-Ouest et du Nord-Ouest en généralisant leurs revendications aux bornes de leur suffisance académique. Ces nerveux ont surtout désignés des terroristes qui, d’après leurs sophismes, mériteraient la baïonnette et le fer. Et la parole s’est faite chair… Ne soyez donc pas surpris que bientôt, ils nous convainquent que chaque soldat mort devrait conduire à la neutralisation de 25 « Bamenda », selon la terminologie en vigueur.
Voulons-nous véritablement résoudre cette crise ? La République est-elle vraiment debout ? Et tous ces cadavres alors ?
Les délices de la guerre
Il y a deux façons de résoudre une crise : apporter des solutions durables aux problèmes qui la justifient ou envenimer la situation en entretenant les injustices et le mécontentement populaire. On avait le choix de résoudre cette crise dans l’immédiat. Si on nous avait écoutés, on aurait pu mobiliser 60 milliards en tout, suivant les priorités que nous avions fixées en décembre 2016 :
- Libération des détenus : 0 FCfa ;
- Amnistie des grévistes : 0 FCfa ;
- Sanctions ou mutations des Gouverneurs, Préfets, Sous-Préfets, Recteurs, Commissaires, Commandants et autres : 0 FCfa ;
- Décret du PRC portant Service militaire obligatoire pour jeunes de 18 ans à 20 ans : 0 FCfa ;
- Les réformes liées à la décentralisation :
. Promesse présidentielle de l’élection future des gouverneurs : 0 FCfa
. Ordonner le transfert des fonds dans les Collectivités territoriales décentralisées : 0 FCfa
. Ordonner la déclaration des biens : 0 FCfa
. Décider la réduction du gouvernement et la nomination des personnalités du Sud-Ouest et du Nord-Ouest à des postes stratégiques : 0 FCfa
- Indemnisation des victimes : 5 milliards de FCfa ;
- Programme gratuit de formation au français et à l’anglais de tous les cadres des administrations publiques : 40 milliards ;
- États généraux de la Justice : 3 milliards ;
- États généraux de l’éducation primaire et secondaire : 6 milliards
- Conférence pour une Deuxième Réforme universitaire au Cameroun : 4 milliards
- Visite du Président de la République au Sud-Ouest et au Nord-Ouest : 2 milliards
On se serait limité à 1 ou 2 morts. Des coûts raisonnables sont par ailleurs liés à la réalisation des différents chantiers retenus. Mais ils sont supportés par le budget de l’État.
Vous avez malheureusement choisi d’entretenir la crise, de provoquer la guerre civile. Pour ce faire, plusieurs stratégies ont été mobilisées : le pourrissement, un révisionnisme de circonstance, la manipulation des acteurs ou le fait accompli. Le but ultime était de pousser la contestation à son paroxysme pour diviser le peuple et justifier la répression et le crime aveugle. La conséquence directe de ces manœuvres est la radicalisation de la contestation et le terrorisme. Si nous n’y prenons garde, dans les tout prochains mois, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest seront le vivier du terrorisme qui va essaimer dans tout le territoire national.
LA GUERRE N’EST QU’À SES DÉBUTS. Puisque c’est seulement la torture et le bruit des détonations qui peuvent vous faire jouir de vos droits de privilégiés du Cameroun oriental, prenez au moins la précaution de ménager votre plaisir sacrilège afin qu’il dure longtemps. Pour ce faire, vous devez :
- acheter des containers de matraques à remettre aux policiers : 4 milliards de FCfa ;
- acheter plusieurs tonnes de gaz lacrymogène : 5 milliards FCfa ;
- acheter plusieurs tonnes de produits toxiques pour camions anti-émeutes : 6 milliards FCfa ;
- acheter des armes, munitions à blanc et balles réelles : 200 milliards FCfa ;
- acheter des gilets pare-balles : 20 milliards FCfa ;
- acheter des cercueils et accessoires pour soldats morts au front : 5 milliards ;
- acheter des appareils dernier cri pour la torture des terroristes : 52 milliards ;
- former des bourreaux : 1 milliard ;
- acheter des médailles et autres décorations (à attribuer à titre posthume) : 10 milliards FCfa ;
- prendre en charge des blessés (policiers, gendarmes et civils-informateurs) : 100 milliards FCfa ;
- prévoir la communication pour vendre la guerre aux plans national et international : 15 milliards FCfa ;
- mettre en place la logistique, la nutrition et les imprévus : 43 milliards ;
Voilà un budget RÉALISTE de 461 milliards pour tuer en paix à moyen terme. Et on va compter au bas mot 10 000 morts dans les mois à venir.
Le cadavre de la République
Ayant suivi des conseillers suspects et des spécialistes sans cœur, vous avez envoyé des escadrons de la morts tuer. Et les morts sont ressuscités et se sont transformés en égorgeurs sans scrupule. Nous voici donc avec des dépouilles entre les mains, avec des criminels à nos côtés et le sang humain sur les doigts. Plus que les compatriotes, c’est la République qui se cadavérise. Mais, malgré les évidences, l’on croit toujours que la République est debout ; on le martèle ; on le croit, on le souhaite, on chante notre déchéance : « le Cameroun va bien … »
Peu importe. Il y a belle lurette que notre République agonise. Le trépas d’une République peut prendre plusieurs formes : elle peut être conquise par une autre puissance, tomber en lambeaux à cause d’un cataclysme socio-politique interne ou ensorcelée et « mangée » de l’intérieur par une mafia qui en accapare les instruments du pouvoir. Mais une République trépassé n’est pas un cadavre comme les autres ; elle ne se laisse pas scruter comme les restes d’un évêque assassiné ou d’un terroriste qui s’éclate en mille morceaux pour la Gloire d’Allah.
Rien de tout cela. Dans la mesure où il n’y a point de sépulture où l’on puisse la conserver ad vitam aeternam, la République morte est un cadavre qui vit longtemps avant de sentir mauvais. Elle ne se décompose jamais totalement. Si la putréfaction ne vient pas à bout de tous les os, si elle épargne quelques citoyens qui persévèrent dans le patriotisme, alors elle se recompose et devient une démocratie authentique – dans ce cas elle renaît de ses cendres et renouvelle sa classe dirigeante, ses usages et ses politiques publiques. Si le sort est plus cruel, les restes se muent en une toute autre chose, une masse mortifère. Une autocratie irrédentiste ou une oligarchie mafieuse prend corps, et la ploutocratie héréditaire avec.
Par nos dénégations, nos approximations, nos engagements pusillanimes dans les réseaux sociaux, voire notre silence, chacun porte une responsabilité dans les crimes qui secouent le Sud-Ouest et le Nord-Ouest. Ces morts menacent d’engloutir notre « chère patrie ». Ils
Le « Bal des maudits »
Sommes-nous vraiment sots ? Il y a une illusion comique ; il n’y a pas d’illusion tragique. Depuis un an, nous avons inventé la comédie de la fatalité. Les personnages principaux cherchent à nous persuader, par de scènes répétées, faussement vraies, qu’un avenir imperturbable rayonne dans nos guenilles ; et nous croyons à cette mise en scène comme si elle était la vie réelle alors qu’elle est, en réalité, le spectacle attesté de notre épouvantable agonie.
Maintenant l’on se frotte les mains : on a eu nos ennemis ! Une réponse forte du Gouvernement est en préparation. On ne va point se laisser dicter un comportement par les terroristes, bla bla bla... Croyez-vous apercevoir le bout du tunnel ? Faites-vous du Cameroun un État imposteur qui se gausse de ses détracteurs et ennemis au lieu de les confondre par une gouvernance exemplaire ? Croyez-vous que la politique du fait accompli puisse prospérer impunément ?
Le mot de Corneille nous va à merveille :
« Quand le crime d’État se mêle au sacrifice
Le sang ni l’amitié n’ont plus de privilège ».
Tous ces cadavres, toutes ces beautés qui se perdent dans les garnisons, toutes ces intelligences embastillées, cet énorme trésor de guerre que l’on mobilise et dilapide, POURQUOI ?
L’office de l’intellectuel, en temps de crise, c’est de regarder l’affaire avec les yeux des plus déshérités. Vous comprendrez aisément le parti que nous devons épouser. Il est encore temps...
INTELLECTUELS DU MONDE ENTIER, SI VOUS ÊTES PRÉOCCUPÉS PAR CETTE CAUSE, ORGANISONS-NOUS ! FAISONS ENTENDRE NOTRE VOIX !!!
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Dr Fridolin NKE