Apprendre à jongler avec plusieurs référentiels

Apprendre à jongler avec plusieurs référentiels

Sur l’importance de se mettre à la place de l’autre dans la conception de programmes de développement – réflexion suite à mes récents déplacements au Burkina Faso, Sénégal et Burundi

 « La première règle avant d’agir consiste à se mettre à la place de l’autre. Nulle vraie recherche du bien commun ne sera possible hors de là » disait l’Abbé Pierre.

Dans le cadre du lancement de notre nouveau programme régional de lutte contre le changement climatique dans le Sahel, j’ai accompagné la Ministre Kitir au Burkina Faso et au Sénégal au mois d’octobre et me suis ensuite rendu à la COP26 à Glasgow. Ces visites et rencontres avec les partenaires sont essentielles pour mieux comprendre les enjeux locaux, mais surtout de pouvoir se mettre à la place de nos partenaires. Ce n’est qu’en appréhendant correctement ce qui est important pour eux qu’on peut être pertinent et avoir un réel impact.

Trop souvent et à cause de diverses pressions légitimes, les politiques de développement international sont décidées dans les pays donateurs en fonction du référentiel de ceux-ci, parfois sans prendre suffisamment en compte les contraintes et référentiels locaux.

Un exemple qui m’a toujours frappé est la notion même du changement climatique. S’il est désormais acquis pour les populations et politiques européennes que la lutte contre le changement climatique est une priorité, quand on pose la question à des paysans dans des régions reculées du Burkina Faso quel est l’impact du changement climatique sur leur vie quotidienne, ils ne peuvent pas répondre directement. Ils sont cependant totalement à l’aise de parler de déforestation, désertification, changements dans les régimes de précipitations, pollution des eaux… Ils sont totalement conscients de l’enjeu, mais le nomme différemment. Cela peut paraitre anecdotique, mais c’est en fait essentiel ! Avoir un langage commun – pas dans la dimension linguistique du terme - est la base pour une compréhension mutuelle des enjeux.

Même réflexion au niveau politique. Nous avons eu l’honneur de rencontrer le Président Macky Sall pendant notre visite au Sénégal. Écouter ses attentes par rapport à la COP26 et les questions climatiques en général était pour moi extrêmement intéressant. Un pays émergent comme le Sénégal, qui dispose de réserves de gaz naturel encore inexploitées, ne voit pas l’enjeu de la COP de la même manière qu’un pays comme la Belgique, qui est dans une autre phase de son développement. Comprendre la position de l’autre est essentiel pour négocier la meilleure solution commune.

En décembre, j’ai aussi eu la chance de me rendre au Burundi, un pays qui fait l’objet de sanctions internationales depuis un certain nombre d’années. J’ai été étonné des différences de perception, tant du côté burundais que du côté européen, par rapport à celles-ci. Être conscient des biais que représentent nos propres référentiels liés à notre éducation, notre culture et nos repères individuels et collectifs, et comprendre et analyser le référentiel de l’autre, est selon moi un des exercices les plus difficiles de notre métier. Cela demande du temps, une capacité d’empathie, et un niveau d'honnêteté intellectuelle difficilement atteignable.

Cela demande aussi du temps de dialogue authentique entre partenaires. Le COVID ne rend pas les choses faciles, au contraire, il rend ce dialogue plus difficile. Mais c’est peut-être là justement une raison de plus, un incitant, pour faire plus d’efforts d’essayer de comprendre le point de vue, le référentiel de l’autre.

 

Luc Langouche

Information, analysis, deliveries

3 ans

Tellement évident... A ce sujet, relire - entre autres- "l'école aux champs" de Hugues Dupriez (1999 Editions Terre et vie, Nivelles) et l'ouvrage de Deogratias Niyonkuru "pour la dignité paysanne" (2018 Editions GRIP)

Mathias Lardinois

Responsable de programme Global projects / Directeur pays f.f. Mauritanie

3 ans

Merci Jean pour rappeler cette base fondamentale de notre métier. Je suis très fier de faire partie d'Enabel, dont c'est justement dans l'ADN d'avoir la capacité et la volonté permanente d'engager un dialogue honnête, franc et transparent avec nos partenaires, de prendre en compte des contextes locaux dans l'adaptation de nos réponses co-créées, le tout rendu possible par notre expérience et notre présence stratégique et opérationnelle au plus proche des défis que nous voulons adresser pour construire un monde plus juste et durable. C'est essentiel d'être challenger régulièrement sur ces questions pour éviter de tomber dans le piège de la facilité. Notre travail n'en est que plus passionnant!

Jean Jonas Tossa

Head of Unit Public Information and Advocacy UNOCHA DR Congo

3 ans

Je suis admiratif de votre pragmatisme éclairé, teinté d'empathie et d'altruisme

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